mercredi 13 octobre 2021
Des maux en hein?
lundi 27 septembre 2021
Lettre à Madeleine
Chère Madeleine, chère Maison,
cela va bientôt faire un an que je t'ai quittée. Ma peine s'atténue... un peu. Quand je pense à toi, c'est sûr que c'est le jardin qui me revient en mémoire. Ce jardin où j'ai tant travaillé mais où j'ai aussi beaucoup appris. Oui j'ai appris l'humilité d'abord du néophyte qui veut créer un magnifique endroit mais qui ne s'y connait comme pas du tout. J'ai dû faire mes classes, accepter les échecs, vivre les pertes. Puis, tout doucement, "parce que la Nature est généreuse comme dit l'Homme", j'ai commencé à ressentir juste le plaisir de travailler la terre. J'ai accepté de me tromper et de recommencer le printemps suivant car ainsi va la sagesse du temps qui passe et des saisons qui reviennent. Pour avoir un autre bel été, il faut d'abord accepter de vivre le dépouillement de l'automne, puis la mort de l'hiver. Mais est-ce vraiment la mort? Le vrai jardinier sait fort bien que sous les amas de neige se cache la vie qui sera toute prête à pointer le bout de son nez quand le soleil reviendra.
Oui ma petite Maison, tu m'as donné un abri mais aussi un endroit de paradis où je pouvais régulièrement vivre l'émerveillement, la reconnaissance, le plaisir de me plonger dans la vérité vraie. Quand je prenais des cours de yoga et que la prof nous disait de nous transporter dans un endroit que nous aimions, immanquablement je me retrouvais au pied de mon Vénérable, plus grand que nature, avec ses racines qui plongeaient profondément dans le sol. Je me voyais étendue à son pied, nichée tout près de son tronc dont je pouvais presque sentir les aspérités. Et j'admirais. C'était beau partout où mon regard se posait. Les hostas et les sceaux de Salomon, les échinacées, les fougères, et tous ces trop nombreux pots que je ne finissais pas de remplir quand la belle saison arrivait. Que dire de mes jardinets, cadeaux que je réclamais à chaque fête des mères, et dans lesquels je cultivais tomates, poivrons et fines herbes!
J'ai souvent été témoin de drames dans mon jardin. Je pleurais mais je trouvais la force d'en sortir grandie même l'année où j'ai perdu tous mes espiègles dans l'étang. J'y vivais surtout des miracles cependant. Comme de recevoir de l'amie N. quatre nouveaux mousquetaires pour nager dans ma pièce d'eau. Je ne voulais plus voir de vie dans mon bassin mais, encore une fois, j'avais une leçon à apprendre : la vie est plus forte que tout.
Chère Maison, je ne te cache pas que j'ai trouvé l'été qui vient de passer vraiment très difficile. En plus de vivre un nouveau déménagement, j'ai dû accepter que je ne sortirais pas mon chariot de jardinage cette année pour m'élancer dans les plates-bandes et vivre des heures de pur bonheur. Ce chariot, c'est le plus beau et le plus extraordinaire cadeau que j'ai reçu dans ma vie. Quand l'Homme me l'a offert, j'ai littéralement capoté! Je pouvais y mettre tous mes outils de jardinage, en plus des plantes, et grâce à ses roues motrices (j'exagère un peu ici), je roulais vers la félicité dès que je sortais du garage. Je sais, je sais que les regrets ne servent à rien et que les larmes qui coulent de mes joues en ce moment ne ramèneront pas ces instants d'extase, d'où l'importance de savourer pleinement le moment. Et je l'ai fait, je peux te l'assurer.
Sache, petite Maison, que je dispose quand même maintenant d'une terrasse où je peux encore exercer mes talents de jardinière. L'Homme m'a d'ailleurs dit aujourd'hui que nous prouverons que "ça peut être beau même si c'est petit". Et je peux toujours m'échiner sur le terrain de la soeur Psy si le coeur m'en dit.
La Maison toute prête à accueillir le temps des fêtes
Mais tu n'as pas été qu'un extraordinaire jardin, chère Madeleine (c'est le nom de la mère de l'Homme et le nom que nous t'avions donné), tu as aussi abrité notre vie de famille avec beaucoup de chaleur et de bienveillance. En-dedans aussi j'avais réussi à créer une ambiance agréable d'où se dégageait une belle énergie. Souvent des gens nous disaient, "on est bien chez vous". C'est vrai qu'on était bien. Tu n'étais pas une maison moderne mais tu avais fait tes preuves au fil des années. Malgré tes petits bobos de maison vieillissante, tu nous protégeais, nous accueillais, nous et tous ceux et toutes celles qui sont venus passer de bons moments avec nous. Quand les enfants ont quitté le nid, l'Homme et moi t'avons soudainement trouvé bien grande même si tu ne l'étais pas tant que ça. Bien vide surtout. Tu sais, c'est un peu pour ça qu'on est parti. On était de moins en moins capable de vivre seuls, loin de nos familles. Ce fut une décision déchirante.
Tu sais, faire le ménage de 37 ans de vie, c'est tout un défi. Nous avons dû passer au travers tous les souvenirs, et jeter beaucoup de petits et grands objets que nous gardions par pure nostalgie. Ai-je besoin de t'avouer que la plupart de ces objets étaient reliés à des souvenirs avec le Fils et la Fille? Mais bon, un jour, faut accepter de donner le mini-bâton de hockey ou la pelle rouge en plastique, et jeter les affiches toujours accrochées au sous-sol de la silhouette de la Fille dessinée lors d'une activité au Musée ou de l'Expo-Sciences à laquelle participait le Fils. Ouais. Ça n'a pas été facile de faire nos bagages et de te quitter pour la dernière fois. Je n'oublierai jamais cette nuit où, couchée dans le lit du Fils (parce que nous avions donné le lit qui était dans notre chambre), entourée des trois minets qui sentaient bien que quelque chose se passait, je me suis sentie terrifiée devant l'inconnu.
Quelle leçon de détachement! Je n'en suis pas encore remise. Et je pense toujours à toi avec beaucoup d'amour. Chère Madeleine, chère Maison, je te dis un immense merci pour tout. Sois assurée que tu ne seras jamais oubliée.
Nicole xxxx
Dernière photo de famille prise dans la Maison, novembre 2020
mercredi 22 septembre 2021
Seule la présence existe
Dans sa chronique de lundi dernier, Nathalie Plaat du journal Le Devoir nous invitait à "parler de nos pertes, des absences qui se sont invitées dans nos vies depuis le début de cette pandémie". Je me risque ici à vous parler de ce qui m'a fait mal et de ce qui m'attriste encore.
Pour moi, la plus grande perte reste l'absence de contacts sociaux. Si la soeur Psy ne nous avait pas invités à venir vivre chez elle et, par le fait même, à quitter Gatineau pour Québec, je ne sais pas comment l'Homme et moi aurions vécu ce long confinement qui n'en finissait plus de finir. Je l'ai déjà dit, nos enfants sont loin et, malgré le fait que nous avions fait de l'Outaouais notre chez nous depuis 1977, nous étions seuls la plupart du temps surtout depuis la retraite. Avec les années, nous avions quand même réussi à bâtir des relations très significatives dans notre milieu, relations qui nous avaient permis entre autres de bénévoler dans plusieurs sphères d'activités. Quand le couperet des interdictions s'est abattu, les bénévoles ont écopé de façon drastique. Finies notamment les belles rencontres au CHSLD avec des gens dévoués et remplis d'amour et fini le plaisir de donner un sourire, de jouer au bingo et d'avoir du bon temps avec les résidents. Nous étions devenus persona non grata. J'imagine le drame horrible vécu par toutes les personnes âgées dans ces résidences. Non seulement elles ont été décimées par la maladie, mais elles se sont retrouvées complètement isolées.
Très vite, l'Homme et moi nous sommes rendus compte que l'isolement nous attendait aussi au détour. Impossible d'aller au resto avec les amis, encore moins de les recevoir à la maison autour d'un bon repas. Parce qu'ils habitaient dans une autre région, les enfants étaient touchés par les nouvelles consignes sanitaires et faisaient face à des embûches de plus en plus nombreuses pour venir nous voir. Et nous n'étions qu'en juillet. Nous pensions avec effroi à l'hiver qui arrivait et à la situation qui ne s'améliorait pas du tout. Fin novembre, nous avons dit adieu à notre maison adorée, à mon jardin chéri, et sommes partis avec armes, bagages et minets!
À Québec, nous étions au moins trois pour affronter l'épreuve. Cela ne nous empêchait pas de nous languir de nos familles et de nos relations. Après avoir espéré un petit, tout petit rassemblement à Noël, nous avons dû, comme bien d'autres, nous faire à l'idée que nous étions pour fêter en trio. Vous dire à quel point nous avions le moral bas est un terme bien faible pour décrire notre état d'esprit. Nous n'avions jamais vécu ce genre d'isolement auparavant puisque nous avions toujours eu la chance de célébrer le temps des fêtes avec la famille, les amis et tous ceux qui voulaient bien se joindre à notre table. Il nous en a fallu du courage pour nous rendre à la nouvelle année! Et, à travers ça, le maudit C qui s'est ajouté dans mon cas. Tout l'hiver, mes compagnons d'infortune et moi avons arpenté le quartier, même dans les durs froids de janvier. C'était tout ce qui nous restait pour changer d'air et ne pas totalement déprimer!
Pâques ne nous a pas épargnés davantage. Il a fallu attendre le printemps et les vaccins pour commencer à retrouver une vie à peu près normale. Normale? Vraiment? Je me rappelle les premières rencontres post-vaccin avec mon papa où nous osions à peine nous toucher. Pas question de se donner un bec ou de se faire une étreinte. Nous gardions nos masques par prudence. Nous évitions d'aller dans son condo. On se voyait dehors, dans le parc. Heureusement que le temps se réchauffait. Et que dire de la première visite de nos enfants vaccinés! On se regardait presque comme des chiens de faïence. Encore là, on ne voulait pas trop s'approcher. On ne savait pas, dans mon cas du moins, si on devait rire ou pleurer de se retrouver après tant de mois passés à zoomer une fois par semaine pour tenter de se faire croire que cela compensait l'absence. C'était mieux que rien ces rendez-vous virtuels, c'est tout ce que je peux dire. Mais des fois, c'était plus souffrant qu'autre chose. Se voir à l'écran, s'échanger des nouvelles, se dire la difficulté d'être éloignés, vraiment, quand je cliquais "Quitter" à la fin de cette heure qui avait passé beaucoup trop vite, je pleurais souvent à chaudes larmes pendant un long moment.
Pour moi, la vie d'avant n'est toujours pas revenue et je ne sais pas si elle reviendra un jour prochain. Oui on peut reprendre des activités (bénévolat, sorties culturelles, resto, repas en famille, déplacements entre régions) mais il reste toujours la peur d'attraper ou de donner la maladie, qu'on soit vacciné ou non. Les étreintes chaleureuses, les baisers échangés, les poignées de main solides, la possibilité d'être en famille ou entre amis autour d'une grande tablée où il n'y a pas de distanciation sont toutes des choses qui me manquent terriblement. D'ailleurs, je me rappelle fort bien avoir été bouleversée à plusieurs reprises en écoutant la télévision quand on y présentait des scènes devenues impensables avec l'arrivée des contraintes sanitaires. Juste voir des gens rire autour d'une table, tassés les uns contre les autres, en se passant des plats dans lesquels tous pigeaient allègrement devenait de la science-fiction, ou pire, l'expression de la fin du monde dans laquelle nous étions maintenant plongés.
Comprenez-moi bien. Il m'arrive de succomber à l'envie irrésistible de donner un bec sur la joue à un de mes enfants ou de faire une accolade bien sentie à mon papa, ou à un ami, mais il reste cette hésitation, cet interdit, ces fameuses consignes sanitaires qui planent toujours au-dessus des rapprochements humains. Reprendrons-nous cette habitude bien ancrée dans nos chaumières de s'accueillir en se serrant fort les uns contre les autres et en s'assénant des baisers bien sentis? Nos rapports se sont refroidis et aseptisés comme les masques que nous portons pour nous protéger du virus. À force de nous désinfecter les mains, nous en sommes venus à les dépouiller de leur vocation première : le toucher. Oui, le toucher pour réconforter, pour soigner, pour accompagner, pour apaiser, pour encourager, pour aimer. Toucher un écran, c'est manquer la présence.
lundi 20 septembre 2021
Trop
Anxieuse vous direz? Trop, encore une fois. La peur me paralyse souvent. Les risques, la nouveauté, très peu pour moi. Je dois me sentir en sécurité. Entourée de mes affaires. Imaginez ce que la pandémie est venue faire dans ma vie! Elle a plus souvent qu'à son tour exacerbé ma conviction d'attraper mon coup de mort. Évidemment, dans mon entourage rapproché, je suis la seule à avoir été atteinte du fameux virus. C'est sûr, celle qui nettoyait les poignées de porte aux dix secondes, qui rouspétait continuellement contre l'Homme qui oubliait de porter son masque (surtout au début de cette fin du monde), qui paniquait à l'idée de sortir de la maison, qui se baignait presque dans cet affreux désinfectant dont on s'inonde les mains sans arrêt, bref, la maniaque du trop, ben c'est elle qui a été obligée d'être dépistée, traquée, puis confinée.
Je suis trop dans tout. Vous voyez les photos ci-dessus? Selon l'Homme, trop de bibelots, trop de cadres. C'est moi qui époussette, mais c'est lui qui installe. Pas évident. Pourtant, des fois, je trouve ça bien ce côté excessif qui me permet d'apprécier au boutte la vie de tous les jours, les petits riens qui enchantent mon quotidien. Je peux m'arrêter pour contempler un ver de terre qui se tortille sur la terrasse après la pluie et prendre le temps de le déplacer doucement vers le gazon vert plus accueillant. Je peux stopper net ma marche pour écouter le vent dans les arbres, le rire des enfants dans la cour de l'école, pour sentir l'odeur des fleurs de trèfle ou écouter le son des grillons dans l'été qui s'achève. Je peux me sourire à moi-même en transplantant une de mes plantes d'intérieur ou en sortant du four une douzaine de mes fameux muffins. Je dois dire que mon sourire était encore plus grand dans le cas des muffins quand je pensais au plaisir des personnes qui allaient les déguster le mercredi soir grâce aux bénévoles d'Itinérance Zéro.
Être trop comporte malheureusement son lot de lourdeur. Parce que je suis trop sensible, je capote de voir des animaux abandonnés ou maltraités. Au fil des années, et au grand dam de l'Homme, je n'ai cessé de recueillir des minets dans ma maison. Et je me révolte au max devant les inégalités sociales, la solitude des personnes âgées, l'indifférence de notre société envers les plus démunis. Dans ces moments-là, le coeur me serre fort, les larmes me montent aux yeux à cause de l'impuissance. Bénévoler un peu, donner des sous, être à l'écoute, ça ne me suffit pas. Mon âme de missionnaire du trop reprend le dessus et je suis prête à partir sauver le monde avec mes pauvres moyens.
Le plus difficile, je crois, c'est le raz-de-marée que je cause parfois quand je suis trop. Je veux que l'Homme danse avec moi dans la cuisine parce que je suis juste heureuse d'entendre une chanson que j'aime à la radio. Tant pis s'il a les deux mains dans le bol de toilette pour réparer quelque chose qui coule. Je veux danser là, maintenant! Je veux aussi être près, près de mes enfants qui sont loin, loin. Alors j'envoie trop de textos, je demande peut-être trop de nouvelles, je veux entendre leur voix trop souvent et, surtout, toujours, toujours être sûre qu'ils m'aiment comme moi je les aime. Je sais que c'est trop. Ce n'est pas parce que les gens sont moins qu'ils ne peuvent pas quand même aimer à leur façon. Trop et moins, deux réalités pas faciles à concilier. Pour atténuer un peu le trop en moi, je suis vraiment maladroite. J'essaie de faire semblant que recevoir moins ne me dérange pas ou ne me fait pas mal. Je tente d'envoyer des messages qui me semblent moins exigeants, mais c'est encore trop. Alors, je ne sais pas vraiment quoi faire avec ce trop qui m'habite. Comment on fait pour être moins quand tout notre être vibre continuellement au plus haut diapason? Viser moins, je ne suis pas capable. Désolée.