dimanche 19 mai 2024

Ce que j'aurais voulu

 Alors, les mamans, c'est finalement passé cette foutue Fête des mères instituée par des capitalistes finis toujours désireux de s'en mettre plein les poches!! Vous, oui vous les commerçants qui n'avez de cesse d'engranger des profits, savez-vous seulement ce que ça veut dire la Fête des mère pour les mamans que je connais, y compris bibi? Ça veut dire angoisse, attente et espoir déçu assurés dans la majorité des cas. J'ai été une journée à espérer un appel, un texto, un signe de vie d'une partie de ma progéniture tout en me répétant que ce n'était pas nécessaire ni probable que je reçoive cette attention. Je me suis réveillée lundi matin avec quand même un serrement au coeur : je n'ai effectivement pas eu droit à cette marque de considération.

En même temps, c'est tellement arbitraire cette journée inscrite au calendrier qui force enfants et parents à célébrer une personne qui devrait être reconnue sans que l'on ait à sortir tambours et  trompettes pour le faire. J'en ai assez de voir les mamans autour de moi souffrir dans l'attente d'une reconnaissance qui ne vient pas toujours ou encore qui vient mais pas la bonne journée. C'est juste fou. Certaines décident de se célébrer elles-mêmes évitant ainsi l'humiliation et la peine d'être ignorées. 

Pourquoi est-ce si difficile de faire fi une fois pour toutes de cette tradition dépassée? Si on oublie les profits amassés par les restos et les magasins, pourquoi diable a-t-il fallu instaurer une journée pour reconnaître les mamans? Était-ce juste une question d'argent? J'ose l'espérer car je me refuse à penser que, sans cette journée, il n'y aurait aucun effort mis pour embrasser celle qui t'aime plus que tout au monde.

Alors, je vous partage aujourd'hui un texte écrit il y a un an, mais pas à la Fête des mères. Je veux simplement illustrer ici l'importance que nous, les mamans, accordons à la présence de nos enfants adorés. Nous comprenons l'envol des oiseaux du nid familial (n'est-ce pas après tout notre mission sacrée), mais maudit que c'est dur de vous voir partir!

Tout d'abord, j'aurais voulu ce tressaillement de joie à l'annonce de ta visite prochaine. Ayant presque toujours vécu loin de ma famille, je ne me suis jamais tout à fait habituée à ce serrement de mon coeur qui se présente toutes les fois où je sais que je vais être réunie avec des êtres aimés. Difficile à décrire parce que quand même discret, du moins en apparence, mais quel bouleversement interne il suscite par ailleurs! Me voilà embarquée pour des jours de félicité jusqu'à ton arrivée.

Ensuite, j'aurais voulu ce stress de tout avoir à préparer pour ta venue. L'énervement des tâches ménagères et de leur planification pour que tout soit prêt à temps. Et le plaisir de fouiller dans les livres de recettes pour te préparer un festin, pour tuer le "veau gras" comme dit l'Homme depuis que tu as quitté la maison et qu'il me voit capoter chaque fois que tu reviens y séjourner. Même si je ne savais rien encore de tes intentions, j'avais cuisiné une chaudrée de maïs cette semaine et l'avais fait congeler juste au cas où. J'aurais voulu que tu goûtes à ma nouvelle recette de muffins aux framboises avec du millet. J'en avais gardé quelques-uns au congélo au cas où. J'avais déniché de l'agneau haché pour préparer ce plat que je ne fais vraiment pas souvent et que je garde pour les grandes occasions parce que ça prend du temps à faire.

C'est sûr que j'aurais voulu te montrer mon micro-jardin sur la terrasse. Je suis tellement fière de mes tomates. Ce sont les premières que j'arrive à cultiver depuis que nous avons quitté la maison. J'aurais voulu que tu y goûtes assurément pour te prouver à quel point j'ai réussi à retrouver mes talents de jardinière. À cet égard, j'aurais voulu que tu puisses admirer avec quel trésor d'imagination j'ai réussi à exploiter mon petit espace littéralement envahi de fleurs et de légumes.

J'aurais peut-être voulu qu'on aille se baigner dans cette piscine que nous avons maintenant à notre disposition et où tu n'as pas encore eu l'occasion de plonger. On aurait pu essayer les spas qui se trouvent sur les côtés et tremper nos vieux et jeunes os dans une eau chauffée à 90 degrés!

J'aurais probablement voulu que tu vois d'autres membres de la famille élargie ou des amis. J'aurais voulu entendre nos conversations autour d'une bonne bouffe, nos rires aussi, et m'informer de tous tes projets, de comment ça se passe au travail et dans ta vie en général. On se parle toutes les semaines au téléphone, mais le présentiel, c'est vraiment pas la même chose.

J'aurais surtout voulu te prendre dans mes bras même si tu es un adulte maintenant et te serrer très fort pour faire le plein de ton odeur jusqu'à la prochaine fois. J'aurais voulu te dire ce que tu m'entends te répéter ad nauseam : je m'ennuie de toi. 

Mais je ne pourrai pas. 

Je voudrais donc apprendre à te saluer de l'autre côté de la rive puisque je dois changer de place. Je voudrais savoir attendre sans rien demander, sans rien espérer. Je voudrais juste pouvoir laisser aller, détacher le cordon qui me lie encore à toi. J'espère y arriver sans me noyer.

Je t'aime et t'aimerai toujours.  





samedi 18 mai 2024

Si le grain ne meurt

 


Je suis fascinée par le pouvoir de la nature. C'est sûr qu'au printemps, cette force vitale est encore plus visible. Comment imaginer que des plantes ensevelies dans la neige pendant des mois se réveillent soudainement et commencent à pointer le bout de leur nez? Comment les arbres font-ils pour savoir que c'est le temps d'envoyer à leurs bourgeons, déjà prêts, le signal de se développer et de se transformer en feuilles? Évidemment, c'est parce que nous vivons dans un climat comme le nôtre que je peux constater ces changements aussi étonnants et merveilleux. 

Vous savez quoi... quand je regarde ces images affreuses de la guerre qui sévit un peu partout dans le monde ces temps-ci, je vois quelquefois, en plus de l'horreur des morts de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, les quelques arbres qui ont échappé à la destruction et qui tentent de survivre eux aussi. Des fois, quand on nous montre une ville dévastée et que mon oeil s'accroche à ce que je peux facilement imaginer avoir été une allée de palmiers avant que l'humain se déshumanise, je pleure sur cette vie qui devait être belle, sur ces rues où il devait faire bon se promener en écoutant le vent et en sentant le soleil sur sa peau. 

Il m'en faut de la foi pour continuer. Oui, même si je ne suis pas victime d'un de ces horribles conflits. "La guerre, la guerre, c'est pas une raison pour se faire mal", comme disait les jeunes héros de La guerre des tuques. Et la guerre, elle ne se joue pas toujours à coups de canons. Non, la guerre, elle est souvent près de nous. Dans nos familles, par exemple. C'est subtil. Mais déchirant. Comme la vraie guerre quand les belligérants refusent obstinément de trouver un terrain d'entente et de faire la paix. Ils s'entêtent. Et c'est bien triste quand l'un d'eux voudrait faire la paix mais qu'il n'y a aucune écoute de l'autre bord. Quoi faire pour exprimer sa bonne foi? Quoi dire pour démontrer que notre coeur n'est pas si mauvais? Comment obtenir un début de pardon et de réconciliation si la porte est fermée à double tour? Est-ce qu'on peut avoir droit à l'erreur? Mais, surtout, est-ce que l'on peut recommencer sur de nouvelles bases?

Finalement, ces guerres, qui ne sont pas des batailles proprement dites, n'en n'ont pas moins des effets collatéraux semblables. Le dialogue est interrompu. Le conflit perdure car tout le monde reste campé sur ses positions. Y a-t-il des victimes? Mais oui. Ce sont les coeurs plus tendres qui, au bout d'un moment, se disent que c'est assez cette folie. Que ça n'a pas de sens que des gens qui, à défaut de s'aimer, se respectent, en arrivent là. Hélas pour eux, leur désir de paix n'est pas accueilli. Alors, ils pleurent souvent sur ce qui a été et qui, "si la tendance se maintient", ne reviendra pas.

C'est là qu'intervient ma foi. Celle qui me réconforte en me disant qu'il faut que le grain meurt pour que la vie se pointe de nouveau. Celle qui m'invite à traverser peut-être un long hiver. Celle qui me console en me disant de m'accrocher à l'amour que j'ai donné et qui ne peut juste pas ne pas avoir laissé de traces. Celle qui me permet de prier pour les personnes qui sont près de moi, et pour toutes les autres un peu partout dans le monde qui, chaque jour, vivent une souffrance intolérable. C'est l'espoir qui fait vivre. C'est l'espoir qui permet de voir, dans la plus minuscule graine, toute la vie qui s'y trouve.