samedi 25 janvier 2025

Éloge de la simplicité involontaire

 


Cyril, mon hamster, a été particulièrment préoccupé cette semaine par l'argent. Je crois bien que cela est dû au fait que le Roi Orange a été couronné entouré d'un gratin de milliardaires. C'est vrai que les bidous ont occupé quasi totalement l'espace public. Ce qui a sans doute plu à nos dirigeants à qui on a laissé un répit côté service de santé, système d'éducation et mesures d'aide pour contrer la pauvreté.

Justement, avec Cyril, je n'ai pas arrêté de me poser entre autres la question suivante : comment on fait pour être riche à craquer et ne pas craquer littéralement devant cet état de fait absolument abracadabrant? Si ces magnats le voulaient, ils pourraient soulager une grande partie de la misère humaine qui ne cesse de s'accroître partout dans le monde. Je lisais que Musk, à lui seul, pourrait reconstruire tout ce qui a été détruit par les feux en Californie. Et sans que cela l'empêche de manger trois fois par jour! Eh bien non! Tous ces messieurs (car ce sont évidemment surtout des hommes) n'en n'ont que faire des pauvres hères qui couchent à la belle étoile. Pourquoi? Parce qu'ils sont tous embarqués dans une course effrénée à qui accumulera le premier 1 000 milliards de dollars américains!! Rien que ça.

Alors, mon autre question cette semaine a été la suivante : comment on fait pour se sentir bien dans ce cocon artificiel de bling bling? Comment on arrive à désirer encore des objets quand on a tout et même plus que ce dont on a besoin? Quelqu'un m'a dit que c'était parce que je n'avais jamais eu beaucoup d'argent que je ne comprenais pas la mentalité des gens riches et célèbres. Peut-être...

J'ai donc fait un petit examen de conscience. Est-ce que je changerais si j'étais riche? Est-ce que j'arrêterais d'avoir honte quand je vois des images de personnes couchées sur les trottoirs dans des froids sibériens? Est-ce que je continuerais d'avoir mal quand je vois les longues files d'hommes, de femmes et d'enfants devant les portes des banques alimentaires? Est-ce que je cesserais d'avoir les larmes aux yeux en pensant à tous mes frères et soeurs qui ne demandent qu'un toit au-dessus de leur tête et l'argent nécessaire pour payer les factures? Pourquoi est-ce que je n'ai pas cette ambition de toujours en avoir plus? Pourquoi est-ce que je ne m'inquiète pas plus de mes placements? Suis-je comme la cigale étourdie qui préfère chanter tout l'été jusqu'à ce que la bise emporte ses notes de musique?

Je ne sais pas car il est vrai que je n'ai jamais été riche. Et je ne le suis guère plus aujourd'hui. En même temps, cela dépend toujours de ce qu'on entend par être riche. Je me rappelle de moments plus éprouvants où l'Homme et moi avions de la difficulté à faire toutes les rangées de l'épicerie. Dans les premières années de notre mariage, nous allions au supermarché avec un crayon et un papier pour que l'Homme inscrive méticuleusement le prix de chaque article que je déposais dans le panier. Habituellement, on avait atteint le budget prévu en plein milieu du magasin. Il fallait alors sauter les dernières rangées pour nous diriger vers le comptoir des oeufs et des produits laitiers. Une fois, on avait participé à un concours qui nous avait permis de gagner un bon d'achat de 50$ d'épicerie. J'ai encore le sourire en pensant au plaisir que nous avions eu cette semaine-là de parcourir toutes les rangées et de nous gâter un peu. Il y a eu aussi cette méga vente de bottes d'hiver pour femmes où je n'arrivais pas à trouver ma pointure. J'ai donc claudiqué dans des bottes trop grandes au moins deux saisons parce que le plus important c'était que les enfants, eux, puissent avoir des bottes chaudes pour braver le froid. On a aussi passé quelques étés à Balconville faute de pouvoir disposer d'un budget pour les vacances. La priorité c'était davantage de pouvoir acheter les fournitures scolaires pour la rentrée en septembre.

Je ne me plains pas étant donné que la pratique de la simplicité involontaire m'a appris beaucoup sur moi. Elle m'a fait grandir aussi. L'Homme m'a énormément appris à ce chapitre, lui qui venait d'une grosse famille où il avait été habitué à ne pas avoir tout cuit dans le bec! Comme nous n'avons jamais été ni l'un ni l'autre obsédé de réussite sociale ou d'escalade d'échelons salariaux, nous avons toujours su nous contenter des biens que nous possédions. Nous avons gardé notre belle vieille maison jusqu'à notre déménagement il y a quatre ans. Finalement, on a jamais réussi à vraiment la rénover comme on le souhaitait au départ. Qu'importe! Nous y avons été infiniment heureux.

De même, nous ne remplaçons rien qui n'est pas brisé. Nous utilisons donc encore le buffet en bois de la photo qui a été fabriqué par le papa de l'Homme et que nous avions retrouvé dans le fin fond d'un placard de la maison familiale. Un ami ébéniste a fabriqué les poignées manquantes. Et voilà! Un meuble qui continue de faire notre bonheur. Nous n'avons sans doute aucun mérite. On est fait comme ça. Ou on l'est devenu par la force des choses. Possible. Mais cela voudrait dire faire fi des leçons apprises au fil des années. On s'est rapidement rendu compte que la société pouvait grandement contribuer à faire naître des besoins inutiles. Est-ce qu'il fallait vraiment amener les enfants à Walt Disney pour être des parents accomplis? Est-ce qu'un amoncellement de cadeaux à Noël remplace le temps passé à partager un bon repas en famille et à jouer à des jeux de société toute la journée en pyjama? Est-ce qu'occuper un poste de gestion qui m'aurait forcée à terminer plus tard ma journée de travail aurait pu se comparer à la joie immense que je ressentais de partir à 15h30 retrouver mes enfants pour les aider dans leurs devoirs et préparer le souper? Est-ce qu'avoir des meubles design, une auto neuve, des vêtements griffés m'aurait rempli l'âme comme l'organisation des réveillons de la solidarité, la Guignolée en famille, l'aide aux activités comme le bingo et les déjeuners au CHSLD ou la Popote roulante? Oh que non!

Je suis heureuse que les périodes difficiles m'aient permis de prendre conscience de la chance que j'avais, et que j'ai toujours, d'avoir une famille et un toit. Je suis infiniment reconnaissante à la vie d'avoir ouvert mon coeur aux autres pour avoir constamment soif de solidarité, de partage, d'égalité et de justice. 

Je suis fermement convaincue qu'avoir beaucoup d'argent ne changerait pas mon coeur. Au contraire, il serait plus que jamais à l'écoute de celles et ceux qui souffrent.

mercredi 15 janvier 2025

À question existentielle, réponse partielle

 



Vous savez quoi? C'est pas facile de gérer mon hamster. On est encore en janvier. Je n'ai donc pas abandonné ma résolution d'établir un lien plus zen avec la bibitte qui habite mon cerveau. Alors, dans un souci de m'aider à dompter l'indomptable, j'ai décidé de mettre en pratique un conseil de K., mon prof de yoga également animatrice de mon atelier de méditation, et de prendre au moins cinq minutes par jour pour débuter la journée en faisant Ohm. Je crois que je peux trouver ce temps dans mon carnet de bal quotidien pour me choisir et prendre contact avec moi.

Mais voilà! Qui s'invite précipitamment à ce moment privilégié de supposé calme? Oui, la bibitte. Elle m'apparaît systématiquement dès que je commence à respirer plus profondément. Et comment qu'elle se présente à moi? Toute énervée!! Je n'arrive pas à la suivre tellement elle bouge vite. Quand je m'imagine en train de l'arrêter, elle m'échappe à toute vitesse et se remet à danser comme une vraie folle! Souvent j'abandonne de la tranquilliser un peu. J'arrive parfois à négocier avec elle et à obtenir qu'elle prenne ça cool et qu'elle ne gâche pas ma journée avec ses envolées catastrophiques.

Ce matin, j'ai donc décidé de l'amener avec moi à l'atelier de méditation. Je me suis dit qu'elle serait peut-être gênée d'autant s'énerver devant des gens calmes à la recherche de la paix et de la sérénité. Je n'avais pas complètement tort. Au début, elle a reproduit son manège habituel puis, doucement, elle a décidé de s'asseoir dans mes mains placées judicieusement l'une sur l'autre pour mieux l'accueillir. Elle était drôle. Elle a d'abord essayé de s'installer en tailleur et elle n'y est pas parvenue à cause de ses trop petites pattes. Finalement, elle s'est couchée sur le dos, les quatre fers en l'air!

Ça s'est plutôt bien passé. J'ai réussi à me concentrer sur la voix de K. et à me connecter à ma respiration et rester dans le moment présent. J'ai juste accroché sur une phrase et je n'arrête pas d'y revenir. Quand K. a dit : "On est choyés d'expérimenter la vie", ma tête a immédiatement réagi par un véhément "pourquoi?".  Et je continue à m'interroger. Oui, à quoi ça sert d'écouter un film dont on connaît déjà la fin? Et plus on vieillit et plus on se demande avec angoisse (en tout cas moi je me le demande) de quoi elle va avoir l'air cette fameuse fin. On l'espère la plus douce possible mais y a aucune garantie là-dessus. On sait seulement qu'on s'en va vers le trou. 

Bon, je suis capable de reconnaître les belles choses de la vie. Par exemple, j'apprécie et je suis reconnaissante pour l'environnement où je me trouve, près de la nature que je peux contempler à tout moment de la journée juste en regardant dehors par les immenses fenêtres du condo. C'est un privilège et j'en suis consciente. Je peux également apprécier ma chance d'avoir l'Homme à mes côtés depuis 46 ans. C'est toute une aventure ça! Et que dire de ma famille et de mes amis, et de mes félins adorés!  

Malgré tout, j'ai constamment un serrement dans la poitrine (non, cher hamster, ce n'est pas une crise cardiaque en devenir). C'est un mal-être, une tristesse qui m'accompagne depuis longtemps. Cela m'empêche de commencer ma journée en rigolant. D'ailleurs, l'autre matin, en me rendant aux toilettes, j'ai pris le temps de me regarder dans le miroir et d'essayer de sourire. C'est un pauvre rictus que ma bouche a dessiné. Et comme j'avais l'air vieille! Même mes yeux étaient éteints. Je suis retournée dans ma chambre pour méditer et faire mes exercices de yoga. Quand je suis retournée à la salle de bain pour m'habiller, que vois-je dans le miroir? Une autre moi complètement. J'étais enfin capable d'avoir un magnifique sourire, un vrai, pas forcé pantoute! Et mes yeux brillaient. J'ai même pu me dire, à haute voix s'il vous plaît, que je m'aimais et que j'en valais la peine! 

Peut-être, je dis bien peut-être, que la vie vaut la peine d'être vécue pour ces simples petits moments de sagesse où on pense avoir enfin compris quelque chose sur notre mission ici-bas. Peut-être, je répète peut-être, qu'à force d'accumuler des bonnes notes dans les tests de cette vie, on va pouvoir réussir l'examen final. Qui sait?


vendredi 10 janvier 2025

Réflexions de début d'année

Je n'avais pas vraiment pris de résolutions cette année. Bon, pour être franche, j'y pensais mais je procrastinais et puis, dois-je aussi avouer, j'en ai un peu assez de me forcer pour être la meilleure version de moi-même en me faisant sans cesse planter par tout un chacun. Juste être moi semble poser un véritable problème à certaines personnes. Habitée des meilleures intentions, je finis toujours par causer des malentendus, des malaises, des silences, des boudages, de l'évitement, bref, je termine seule dans mon coin en train de me demander encore une fois ce que j'ai bien pu faire pour obtenir un résultat aussi inconcevable. Selon la Fille, quand elle daignait encore essayer de m'améliorer, je ne réalise même pas ce que je fais. Elle doit avoir raison. Effectivement, je ne sais pas pourquoi tenter d'exprimer mes émotions, mon mal-être, mon inconfort, mon incompréhension devient soudainement une impossibilité, pire, un crime passible des pires châtiments.

Alors, je me disais encore cette semaine, à quoi bon essayer d'améliorer ce dont je n'ai même pas conscience? C'était avant l'anxiété qui s'est emparée de moi à la suite d'un rhume qui m'a fait trop tousser à mon goût et d'une crise d'urticaire venue brutalement me surprendre. La machine s'est emballée. Me voilà en train de vérifier l'état des urgences autour de chez moi. J'appelle pour un rendez-vous en privé. J'essaie de méditer étendue dans mon lit et je tousse ma vie. Je m'habille à 4 h du matin bien décidée à prendre un taxi pour me rendre finalement à l'urgence m'assurer que je ne suis pas en état de mort prochaine. Heu...reu...se...ment, j'ai réussi à respirer par le nez, à me calmer et à négocier avec le hamster fou. C'est là que je me suis dit qu'il me restait quand même quelque chose dont j'étais consciente et que je pouvais améliorer : mon rapport avec le hamster!

Cette année, je voudrais bien que ce lien qui nous unit soit plus zen et que le hamster ralentisse la cadence. L'ennui c'est que cette bibitte qui a mon âge, soit bientôt 70 ans bien sonnés, est beaucoup plus en forme que moi. Elle court toujours comme une folle. Rapide comme l'éclair, elle n'hésite pas à élaborer les scénarios les plus catastrophiques en un temps record. Incroyable quand même ce talent qui se perd! Elle pourrait écrire des polars, des scénarios de films et des séries télés où on pourrait même voir des araignées géantes envahir un hôpital...oups je crois qu'un cerveau habité d'un hamster aussi malade que le mien a déjà réalisé cette idée. En tout cas, je formule ardemment le voeu d'arriver à négocier plus facilement avec le hamster fou, bientôt sénile et à peu près hors d'état de nuire je l'espère.

Et voilà pour une première résolution. Une autre chose à laquelle j'ai pensé c'est que ce serait bien que je commence à me respecter davantage, tout en respectant les autres bien évidemment. Je ne suis pas habituée à me choisir, trop occupée que je suis à rechercher l'amour et la reconnaissance, à vouloir faire plaisir, à tenter de garder des liens familiaux forts et, mission impossible, à sauver le monde littéralement. Pas étonnant que je sois fatiguée et que je ne m'y retrouve plus. En tout cas, pour réaliser ce deuxième objectif, je veux m'aligner sur cette magnifique déclaration d'une participante à mon cours de yoga. J'admire totalement cette personne pour son franc parler. Ainsi, à l'invitation de notre prof qui nous demandait de réfléchir à un changement que nous aimerions apporter au cours de la prochaine année et de le partager avec le groupe, elle a répondu ceci : "Moi, je ne vois rien à changer. J'aime ma vie. J'aime la personne que je suis. Qui m'aime me suive et que ceux qui ne m'aiment pas me laissent sur le bord de la rue. De toute façon, il y aura bien quelqu'un d'autre pour me ramasser!".

C'est parfait. Rien à rajouter. Moi aussi je m'aime. Je sais ce que je vaux. Je connais mon coeur. Je suis un être humain imparfait certes, mais j'ai une belle âme et ne suis jamais animée de la moindre velléité de nuire ou de faire du mal. Je n'ai pas une once de méchanceté ou de rancune. J'ai l'excuse facile car je sais reconnaître mes torts. J'ai le pardon moins facile mais je travaille là-dessus tous les jours. Quand quelqu'un me fait du mal, je l'entoure de lumière et je lui envoie de l'amour. C'est moi ça. Celle qui sauve les insectes les plus minuscules, qui adopte les chats errants, qui aime sa famille au point de s'oublier elle-même, qui rend service autant qu'elle le peut, qui se révolte des injustices et des inégalités toujours prête à monter aux barricades. 

Cette année, je renvoie donc le miroir vers vous qui ne m'acceptez pas, qui me jugez, qui me faites de la peine et qui s'en balancez, qui ne me donnez même pas la chance de la rédemption. Moi aussi je préfère être abandonnée sur le coin de la rue et continuer mon chemin avec des personnes qui n'ont pas peur des vraies relations, qui sont animées d'empathie et de bienveillance, qui sont capables, par amour, d'accepter les maladresses et les erreurs parce qu'elles considèrent que le plus important c'est de  sauvegarder le lien.

Je termine avec une autre question de notre prof de yoga : quel rêve avez-vous pour la prochaine année? Me croirez-vous si je vous dis que j'ai été incapable sur le coup de penser au moindre petit rêve. C'est comme si j'étais déjà rendue au "terminus, tout le monde descend!". Faut dire que la dernière année a été particulièrement éprouvante. À défaut de rêves, j'ai assurément perdu beaucoup d'illusions. Des choses que je croyais acquises pour toujours parce que j'y avais non seulement investi une partie de ma vie, mais une partie de mon âme. Le choc a été brutal. Il l'est encore. Je me suis littéralement sentie éjectée de mon cercle familial et abandonnée sur le bord de la rue. Tout est dans tout. Ce n'est pas surprenant que cette phrase de ma compagne de yoga ait autant résonné en moi.

Un rêve? J'en ai trouvé un qui s'est vite imposé à mon esprit : écrire. Oui, continuer à écrire, plus régulièrement, pour me permettre de partager petits et grands bonheurs, pour poursuivre ma découverte de moi et des autres, mais surtout pour me faire plaisir. À très bientôt donc!