Ce soir, toujours dans le but de mettre en lieu sûr les trois bébés restants avant mon départ pour la Floride, je me suis présentée devant le trou de la clôture avec ma cage et un plat de nourriture. Je pensais pouvoir attraper les chouchous pour les confier ensuite à l'Homme qui aurait la noble mais ingrate mission de les conduire à la SPCA. C'était un plan ingénieux, du moins le
J'installe quand même la nourriture dans la cage et je m'assois sur le petit banc que j'ai installé pour me permettre d'être à la hauteur de la situation depuis l'accouchement de ma chère Irma et aussi pour reposer mes pauvres genoux qui ne peuvent plus garder la position accroupie pendant une trop longue période. J'ai beau pratiquer une posture semblable au yoga, je n'ai pas la résistance nécessaire pour la maintenir le temps voulu pour apprivoiser mes redoutables fauves. Une fois assise, je m'empare d'une branche que je compte utiliser pour attirer mes proies. "Les bébés, les bébés, venez manger", que je leur déclame de ma voix la plus rassurante. Aucun réaction. Je répète plusieurs fois mon invitation en camouflant du mieux que je peux l'intention diabolique qu'elle cache sans obtenir de résultat probant. Après plusieurs minutes d'attente, un des bébés noirs, Amir je crois, se montre le bout du nez. Il manifeste un vif intérêt pour mon jouet improvisé et s'approche très lentement de la cage. Au bout d'un moment qui me semble interminable, il s'avance vers le piège attiré par le bol de nourriture. Je retiens mon souffle. Il est pratiquement à l'intérieur. Je dirige doucement ma main vers son derrière pour le pousser plus avant afin que je puisse fermer la porte. Je ne suis pas assez rapide. Il panique. Je tente de l'attraper. Il crache et me griffe. Je dois le laisser partir.
Fin du premier round.
Je retourne près de la clôture en emportant cette fois tous les plats de nourriture. Je sais fort bien que lorsqu'ils mangent, les petits chats sont moins attentifs. C'est là que j'arrive à les caresser un peu. J'avais malheureusement raison puisque je réussis sans problème à prendre Grisou dans mes bras. Je le flatte doucement et, comme une hypocrite que je dois être, je le mets dans la cage. Et là, devant sa famille réunie, je l'enlève. Je déteste ça.
En emportant la cage vers l'auto, je parle une dernière fois à mon bébé pour tenter de le rassurer. Lorsqu'il se retrouve sur la banquette arrière, j'entrouvre la porte de la cage pour y glisser ma main. Je suis capable de le toucher et de le caresser. Il a peur mais il est brave. L'Homme m'a raconté qu'il n'a pas miaulé pendant tout le trajet. C'est seulement une fois rendu à la SPCA, lorsque la préposée a voulu le sortir de la cage, qu'il a protesté un peu. Je suis contente que la SPCA de l'Ouest du Québec ne pratique pas l'euthanasie. C'est pour cette raison que c'est toujours à cet organisme que je confie mes animaux. Je sais que mon bébé va avoir une deuxième chance.