jeudi 13 février 2025

De la joie? Peut-être. De la légèreté? Pas sûr.


J'ai pensé à plein de titres pour ce blog. Par exemple : Parcelles de bonheur. Je me disais que, pour une fois, je pourrais écrire "plus léger" et partager des mots de sagesse. Ainsi, ce matin, en parcourant le fil de Facedebouc, je tombe sur une entrevue donnée par une dame de 98 ans ayant entre autres accumulé 70 ans de mariage! Tout un bail, n'est-ce pas? Elle parlait de ses années de vie à deux en disant que cette période avait été très heureuse, sauf vers la fin. Et pour cause. Elle nous racontait que, pendant ses cinq dernières années ici-bas, son mari avait perdu littéralement le goût de vivre. Il trouvait ça trop difficile de s'adapter aux nouvelles réalités de notre société actuelle. Elle disait qu'il était rassasié de sa vie et qu'il s'était laissé aller complètement ne trouvant même plus de plaisir à manger. Vais-je vous surprendre en vous avouant que je le comprends? Moi aussi des fois je suis vraiment tannée. Avec ma belle amie l'Anxiété et son copain hamster Cyril, j'ai de quoi en avoir plein la tête. 

Je me dis que j'ai été chanceuse de naître en 1955. Je ne voudrais pas commencer ma vie aujourd'hui. Comprenez moi bien. Je suis parfaitement consciente que mon monde n'était pas idéal mais je me souviens par contre qu'il était animé d'espoir de changements. Je me rappelle notamment d'avoir assisté à de belles avancées chez les femmes, d'avoir vécu des reculs souhaitables de la place occupée par la religion et d'avoir vibré au désir de posséder un pays à l'image des gens passionnés de ma génération. Certes, il y avait de la pauvreté, et des guerres, et de la criminalité, et j'en passe. Mais, je ne sais pas si c'est à cause de ma jeunesse, il me semble qu'à ce moment je pouvais croire vraiment à la possibilité de changer les choses. Ouais. Jusqu'à ce que se pointe le cynisme qui s'est instillé en moi à force de déceptions, de ratages répétés, de fausses paroles, de promesse jamais tenues. 

Ça peut demander un certain temps avant de prendre la pleine mesure du poison. Au début, on se dit que c'est pas grave ce déchirement dans notre poitrine et on passe par-dessus en se disant qu'on va recommencer, qu'on va essayer de faire les choses autrement ou qu'on va les faire avec d'autres personnes. On ne veut pas voir l'échec, la peine, la désillusion, la fatigue, l'épuisement. Non! On se relève. On peut sauver le monde. On peut éveiller les consciences. On peut se battre. On peut aller au front. On peut accepter de perdre une parcelle de notre âme si c'est pour gagner un monde un peu meilleur. Et puis, on vieillit. On rétrécit notre champ d'action. On accepte d'abandonner les grandes victoires pour se consacrer aux petites luttes. Dans mon cas, j'ai décroché de toutes les réunions inutiles, de tous les comités futiles et de toutes les recommandations mises sur des tablettes jamais dépoussiérées. J'ai choisi d'agir dans un rayon plus restreint, davantage à ma mesure, et de ne plus attendre un quelconque sauveur. Sauve toi toi-même comme on dit et avec les autres que tu peux amener avec toi!

Bon. Me semble que c'est lourd tout ça. Pas vraiment ce que je voulais livrer au départ de cette chronique surtout quand je pense, un peu comme le compagnon de la vieille dame, que je n'ai plus rien à faire ici. Que je n'ai plus de projet à réaliser ni de but à atteindre. Mais attention! Et c'est là que je vais vous alléger le coeur et l'esprit grâce à la sagesse de cette dame remarquable. Après avoir reconnu que son compagnon lui manque encore et qu'elle aimerait bien ça qu'il soit avec elle pour lui prendre la main et contempler ensemble le jardin, elle déclare : "Car moi j'aime la vie!". Vous savez c'est quoi son but à elle? Trouver et apprécier les petits plaisirs de la vie. Elle rajoute : "Car il y en a des petits plaisirs. Ainsi, moi j'adore les beaux tableaux et les beaux paysages et la musique classique. Et je crois à l'amour!".

Même si ça fait déjà plusieurs années que j'ai l'habitude, avant de m'endormir, de repenser à ma journée pour trouver au moins trois choses qui m'ont apporté du plaisir, je ne m'étais jamais arrêtée à me dire que, dans le fond, ça pourrait être juste ça mon but pour continuer le chemin. Tant que je réussirai à trouver trois choses et à ressentir véritablement et profondément la joie qu'elles m'auront donnée pendant la journée, je pourrai garder l'espoir de l'inatteignable mais ô combien souhaitable paix intérieure!



mercredi 5 février 2025

Le plus difficile?

 


On vient de débuter notre méditation de groupe. Je commence à me déposer sur ma chaise. J'écoute la voix de K. qui nous invite à nous représenter près d'un cours d'eau quelconque. Je retiens de sa proposition que, souvent, l'eau que nous regardons est trouble, trop occupés que nous sommes à nous laisser porter par nos pensées. Je respire.

Les métaphores aquatiques m'interpellent peu. J'aime bien l'eau, son effet apaisant, mais je préfère qu'elle soit à une distance respectable de ma personne. Vous aurez deviné que je ne sais pas nager et que, par conséquent, je ne suis pas apaisée à l'idée de me laisser flotter sur quoi que ce soit de liquide. Alors, très vite, je vois plutôt un immense soleil se diriger vers moi. Sa chaleur m'attire. Sa lumière aussi, tellement vibrante, tellement accueillante. Je ne peux m'empêcher de croiser les mains sur mon coeur pour la sentir encore mieux. Je me sens complètement réchauffée. C'est bon. Je respire.

Et là me vient cette phrase, c'est quoi le plus difficile pour moi? Je ne sais pas si elle est apparue à mon esprit à la suite du partage que nous avons eu avant de débuter la séance. Ou bien si elle était là depuis hier, tapie dans un recoin de mon âme. J'essaie d'abord d'aller voir en dehors de moi. Le plus difficile, est-ce que c'est de savoir que des migrants ont commencé à être déportés vers Guantanamo? Ou est-ce de constater que la solidarité n'existe jamais longtemps? C'est peut-être aussi cette empathie que je ressens à chacune des portes où je frappe pour livrer la Popote roulante? Une personne m'apprend qu'elle devra déménager et qu'elle ne sait pas trop encore où elle pourra se loger en raison de ses faibles revenus. Une autre me confie qu'elle prend du mieux en attendant son prochain traitement de chimiothérapie... dans quelques jours. Le plus difficile? Me lever tous les jours avec une boule d'anxiété dans la gorge et me convaincre que je vais passer une belle journée. Toutes ces réponses sont bonnes, Mais il y a autre chose. Je respire.

J'ai toujours les bras croisés sur la poitrine. La chaleur est toujours là. C'est comme si je tenais quelqu'un. Un enfant. Les larmes coulent doucement sur mon visage. Je m'ennuie tellement de toi. Hier, je suis allée magasiner un cadeau pour les petites-filles de la soeur Psy. J'ai voulu acheter des vêtements. Je dois dire que je me sentais un peu déconnectée. Pas nécessairement parce que je ne crois pas pouvoir vivre un jour ce grand bonheur d'être grand-maman. Non, ce n'est pas ça. C'est que cela m'a fait remonter le temps. Cette période de ma vie où je magasinais pour toi. Ce temps béni où tu faisais partie de ma vie. Comme je t'aimais. Et comme je t'aime encore. Mes mains se serrent plus fort sur mon coeur. Je respire.

Devant la douleur de l'absence qui ne se termine pas, je choisis de me représenter ma famille dans sa période de bonheur tranquille. Je me dis que tu ne peux pas m'empêcher d'inventer des repas de fête, des rassemblements joyeux, des conversations, des rires, bref, d'imaginer que je retrouve ma famille. Le plus difficile? C'est de savoir que cela n'est que regrets inutiles et chagrins infligés. Je sens bien encore une fois que je dois lâcher prise, te laisser aller sur le chemin que tu as choisi et te souhaiter le meilleur. Tout d'un coup je réalise à quel point mes mains sont serrées fort sur ma poitrine. Je ne veux pas lâcher ma prise, je veux garder ta chaleur, je veux te couvrir de baisers mais je sais, au fond de moi, que ce n'est pas possible. Je respire.

Le plus difficile? Ça a été d'ouvrir les bras. Et, éventuellement, ce sera de décrocher ton auto-portrait dans le salon. Pardonne-moi. Je ne peux plus te regarder devant ce fossé aux profondeurs abyssales. Je ne peux plus me plonger dans tes yeux si tristes, si perdus. Le plus difficile? C'est de réaliser que même tout l'amour d'une maman ne peut pas remplir tous les vides. J'ai besoin de douceur. J'ai besoin de paix. J'ai besoin de prendre soin de moi. 

Mais tu dois savoir que je t'aimerai toujours, la nuit comme le jour, et que tant que je vivrai tu seras mon bébé.