On vient de débuter notre méditation de groupe. Je commence à me déposer sur ma chaise. J'écoute la voix de K. qui nous invite à nous représenter près d'un cours d'eau quelconque. Je retiens de sa proposition que, souvent, l'eau que nous regardons est trouble, trop occupés que nous sommes à nous laisser porter par nos pensées. Je respire.
Les métaphores aquatiques m'interpellent peu. J'aime bien l'eau, son effet apaisant, mais je préfère qu'elle soit à une distance respectable de ma personne. Vous aurez deviné que je ne sais pas nager et que, par conséquent, je ne suis pas apaisée à l'idée de me laisser flotter sur quoi que ce soit de liquide. Alors, très vite, je vois plutôt un immense soleil se diriger vers moi. Sa chaleur m'attire. Sa lumière aussi, tellement vibrante, tellement accueillante. Je ne peux m'empêcher de croiser les mains sur mon coeur pour la sentir encore mieux. Je me sens complètement réchauffée. C'est bon. Je respire.
Et là me vient cette phrase, c'est quoi le plus difficile pour moi? Je ne sais pas si elle est apparue à mon esprit à la suite du partage que nous avons eu avant de débuter la séance. Ou bien si elle était là depuis hier, tapie dans un recoin de mon âme. J'essaie d'abord d'aller voir en dehors de moi. Le plus difficile, est-ce que c'est de savoir que des migrants ont commencé à être déportés vers Guantanamo? Ou est-ce de constater que la solidarité n'existe jamais longtemps? C'est peut-être aussi cette empathie que je ressens à chacune des portes où je frappe pour livrer la Popote roulante? Une personne m'apprend qu'elle devra déménager et qu'elle ne sait pas trop encore où elle pourra se loger en raison de ses faibles revenus. Une autre me confie qu'elle prend du mieux en attendant son prochain traitement de chimiothérapie... dans quelques jours. Le plus difficile? Me lever tous les jours avec une boule d'anxiété dans la gorge et me convaincre que je vais passer une belle journée. Toutes ces réponses sont bonnes, Mais il y a autre chose. Je respire.
J'ai toujours les bras croisés sur la poitrine. La chaleur est toujours là. C'est comme si je tenais quelqu'un. Un enfant. Les larmes coulent doucement sur mon visage. Je m'ennuie tellement de toi. Hier, je suis allée magasiner un cadeau pour les petites-filles de la soeur Psy. J'ai voulu acheter des vêtements. Je dois dire que je me sentais un peu déconnectée. Pas nécessairement parce que je ne crois pas pouvoir vivre un jour ce grand bonheur d'être grand-maman. Non, ce n'est pas ça. C'est que cela m'a fait remonter le temps. Cette période de ma vie où je magasinais pour toi. Ce temps béni où tu faisais partie de ma vie. Comme je t'aimais. Et comme je t'aime encore. Mes mains se serrent plus fort sur mon coeur. Je respire.
Devant la douleur de l'absence qui ne se termine pas, je choisis de me représenter ma famille dans sa période de bonheur tranquille. Je me dis que tu ne peux pas m'empêcher d'inventer des repas de fête, des rassemblements joyeux, des conversations, des rires, bref, d'imaginer que je retrouve ma famille. Le plus difficile? C'est de savoir que cela n'est que regrets inutiles et chagrins infligés. Je sens bien encore une fois que je dois lâcher prise, te laisser aller sur le chemin que tu as choisi et te souhaiter le meilleur. Tout d'un coup je réalise à quel point mes mains sont serrées fort sur ma poitrine. Je ne veux pas lâcher ma prise, je veux garder ta chaleur, je veux te couvrir de baisers mais je sais, au fond de moi, que ce n'est pas possible. Je respire.
Le plus difficile? Ça a été d'ouvrir les bras. Et, éventuellement, ce sera de décrocher ton auto-portrait dans le salon. Pardonne-moi. Je ne peux plus te regarder devant ce fossé aux profondeurs abyssales. Je ne peux plus me plonger dans tes yeux si tristes, si perdus. Le plus difficile? C'est de réaliser que même tout l'amour d'une maman ne peut pas remplir tous les vides. J'ai besoin de douceur. J'ai besoin de paix. J'ai besoin de prendre soin de moi.
Mais tu dois savoir que je t'aimerai toujours, la nuit comme le jour, et que tant que je vivrai tu seras mon bébé.
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