Depuis quelques semaines, je marche tous les matins très tôt. J'ai décidé en fait de profiter à plein de l'été, de ses odeurs, de son soleil, de ses couleurs. Alors, dès que j'ouvre les yeux, s'il ne pleut pas, j'enfile mes espadrilles et, en bonne Marcheuse Urbaine que je suis, je me lance sur mes trottoirs chéris.
Mes promenades matinales ont toutefois amené un changement à ma routine qui prévoit normalement une méditation en pleine conscience au lever du jour. Je pratique donc maintenant ma zénitude au gré de mes pas. Ce n'est pas évident. C'est sûr que les pensées m'entraînent souvent bien loin du bruit que je fais en marchant sur de petites roches ou des brins de gazon. Dès que je m'en aperçois, je reviens au moment présent. Je respire à fond l'air estival qui change constamment selon les arbres ou les fleurs alors en explosion. J'essaie aussi de sentir la chaleur des rayons du soleil sur ma peau, ou le vent qui vient sécher ma sueur lorsqu'il fait trop chaud. Je fais appel à tous mes sens pour profiter à plein de mon expérience. Ainsi, j'adore écouter les oiseaux chanter et, ô bonheur suprême, surprendre le bruit de leurs ailes qui battent lorsqu'ils passent à plusieurs au-dessus de ma tête. On dirait de petits moulins à vent. C'est vraiment sublime. Je suis toute excitée aussi quand je surprends une bête "sauvage", comme une mouffette ce matin dont j'ai vu la queue qui dépassait au travers d'un bosquet.
Je ne me lasse pas d'admirer la beauté de la nature. J'aime toutes les saisons mais c'est sûr que l'été revêt un caractère spécial avec sa myriade de couleurs et de parfums. Et puis, même à la retraite, je pense encore aux vacances. C'est sans doute un réflexe trop bien ancré pour qu'il disparaisse même après plusieurs années de farniente. Aujourd'hui, je me suis d'ailleurs surprise à fredonner "Un air d'été, tout léger, tout léger, ... prière de ne pas déranger, je suis en vacances". À ce moment de mon bonheur tranquille, j'étais presque rendue à la plate-bande sauvage qui avait tellement retenu mon attention hier que je m'étais arrêtée pile devant pour l'admirer. Moi qui jardine avec ardeur, je suis quand même obligée d'admettre que je suis incapable de rivaliser avec Mère Nature. J'ai beau acheter de nouvelles plantes, modifier les arrangements d'une année à l'autre, harmoniser les couleurs pour tenter de trouver la combinaison idéale, je ne réussis jamais à obtenir la parfaite composition des plantes qui ornent les champs, les fossés, les bords de chemin et tout autre endroit même minuscule où Mère Nature s'est activée.
C'est donc un magnifique arrangement de fleurs sauvages, installées dans ce que j'ai deviné avoir déjà été une plate-bande en raison des copeaux de cèdre qui s'y trouvaient encore, qui avait stoppé mes pas hier matin. Je n'en revenais tout simplement pas de voir les graminées qui ondulaient derrière de petites fleurs jaunes et bleues que je ne pouvais identifier mais qui se mêlaient à d'autres que je connais comme des cléomes et des campanules. Ces dernières devaient sans doute être des vestiges de l'ancienne plate-bande et, en magnifique ouvrière qu'elle est, Mère Nature les avait tout bonnement incorporées à son oeuvre horticole. Quelle beauté pour les yeux! C'est comme si tout avait été pensé d'avance, les plantes choisies selon leur hauteur et leur couleur. L'arrangement étant situé tout près de la clôture qui mène au Rapibus, je me disais que ce serait bien agréable pour les travailleurs de contempler ce spectacle féérique avant d'entamer leur journée de labeur.
Le coeur en fête et la tête encore remplie des paroles de la chanson de Pierre Bertrand, j'arrive devant ma plate-bande improvisée pour constater avec horreur qu'elle avait été totalement rasée! Il ne restait que des morceaux de tiges, de feuilles et de fleurs sur le trottoir car, bien évidemment, la personne qui avait passé la tondeuse sans même s'arrêter pour voir la beauté, n'avait rien ramassé. Il ne subsistait qu'une pauvre petite cléome sur le bord du trottoir. Comment avait-elle survécu au massacre, je n'en sais trop rien, mais je n'ai pas pu m'empêcher de la caresser doucement avec ma main. Sans doute que des gens bien intentionnés ont trouvé que c'était une fameuse de bonne idée que de nettoyer ce ramassis de plantes en même temps que de tondre la pelouse avoisinante. C'est tellement plus propre, surtout quand on laisse tous les débris sur place comme beaucoup font d'ailleurs en ne balayant jamais les brins de gazon fraîchement coupés qui jonchent le trottoir après la tonte.
Comment vous expliquer que j'ai le coeur triste depuis ce matin? Cela m'a donné un choc de voir une destruction aussi sauvage qu'inutile. En même temps, cet incident est tellement représentatif du peu de cas que nous faisons de bien des choses dans nos vies. Si on prend soin de la chenille qui traverse la route et de la fleur qui pousse au travers d'un mur, on sera plus attentif à l'égard de tout ce qui nous entoure, plus respectueux de la nature qu'on détruit sans vergogne, des animaux qu'on abandonne sans remords, des êtres humains qu'on méprise, qu'on juge et qu'on maltraite. Mais il faut d'abord accepter de voir.
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