jeudi 6 août 2009

L'Avant et l'Après

À papi toutou

L'Avant (7 h)

Je suis encore à l'Avant parce que je ne sais rien. Ma petite vie se poursuit sans heurts. Ma routine demeure inchangée. Je continue à agir comme si de rien n'était, comme si tout restait immuable. Le temps s'écoule comme un long fleuve tranquille sur lequel je voudrais naviguer jusqu'à ce qu'un jour j'arrive à ses confins, si confins il y a. Ce serait tellement merveilleux s'il n'y en avait justement pas et que je pouvais poursuivre ma croisière sans coup férir pour l'éternité... ou jusqu'à ce que mort s'ensuive, tout dépendant de laquelle de ces échéances fatales se pointera le nez en premier.

Mais l'Avant entraîne invariablement l'Après et cela me fascine. Oui cela me fascine de penser qu'en une fraction de seconde, notre monde peut basculer. Que ce que l'on croyait acquis pour toujours vient de s'envoler en fumée. Que ce que l'on croyait posséder à tout jamais vient de nous quitter sans laisser d'adresse. Que cette paix intérieure que l'on avait conquise après moult combats vient de s'écrouler comme un vulgaire château de cartes. Adieu donc veau, vache, cochon, couvée. Adieu donc rêves à réaliser, projets à accomplir, amitiés à chérir, amours à entretenir.

Aussi bien donc que je profite de l'Avant pendant que je suis encore dedans. Que je m'illusionne sur mon soi-disant équilibre. Que je jouisse de mon confort pendant qu'il est encore douillet. Et que j'attende. Oui que j'attende l'Après.

L'Après (22 h)

En fait, je vis l'Après depuis quelques heures maintenant. J'ai dû mettre mon gilet de sauvetage car mon long fleuve tranquille s'est transformé en torrent déchaîné. J'aurai bien besoin de protection pour la poursuite du voyage.

Je suis encore sous le choc de cette soudaine réalité. Pas vraiment eu le temps de me préparer (sauf pour le gilet). Pas vraiment eu le temps de tout absorber. J'essaie tant bien que mal de m'ajuster mais ça brasse en-dedans.

Quand je me retrouve sur le haut de la vague, je vois au loin la destination vers laquelle je tends. Et ça me semble ma foi possible d'y arriver sans trop y laisser ma peau. Dès que je m'enfonce sous les flots, par contre, la perspective change totalement car je perds mes repères. Je ne reconnais donc rien. Je n'ai jamais été confrontée à ce genre de situation et je ne sais trop comment réagir. La seule chose dont je sois sûre c'est que j'ai une maudite grosse boule dans la gorge et que je n'ai pas encore avalé d'eau.

Me reste la consolation que l'Après devient éventuellement l'Avant d'une autre partie du voyage. Il faut donc que je m'accroche et que j'attende. Oui que j'attende l'Avant.
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Notes pédestres : Je suis allée marcher pour enfoncer l'Après dans le trottoir. J'aurais vraiment voulu fesser sur quelque chose. Le metal arrivait de temps à autre à me fournir l'exutoire dont j'avais besoin. J'avais le volume au max dans les oreilles mais ça suffisait à peine pour enterrer le bruit déclenché par l'Après.

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