dimanche 20 avril 2025

À l'impossible, je ne suis tenue



Pour la troisième fois, je reprends le clavier pour tenter de terminer ce blog. C'est ce qui arrive quand je ne vais pas tout de go droit au but. Je perds le fil de l'urgence qui m'a poussée à vouloir mettre par écrit mon état d'âme. 

C'est donc la fin de semaine de Pâques, une autre fête qui ne signifie plus grand-chose pour bien des gens sauf pour les nostalgiques de ma trempe qui se remémorent les veillées pascales et autres cérémonies religieuses l'entourant. En fait, je me souviens surtout que Pâques, pour moi, c'était le premier long congé après Noël et que cela voulait dire l'occasion pour l'Homme et moi d'entreprendre un périple au Saguenay afin de rendre visite à mes parents après un trop long hiver. 

Trêve de réminiscences. Là nous sommes samedi. Je cuisine une quatrième douzaine de muffins en essuyant mes larmes. Mais pourquoi diable est-ce que je me fais de la peine ainsi? Je sais pourtant qu'ils ne viendront pas.

C'est vrai. Mais chaque fois qu'un long congé se présente, je ne peux m'empêcher de songer aux rassemblements que nous avions avant la Grande Séparation. J'espère encore et toujours un appel, une visite surprise même si je n'ai jamais vécu ça des visites surprises. Et pour cause. On me reproche plutôt d'avoir exercé des pressions indues dès que je voyais venir un moment fort de l'année que ce soit Noël, Pâques, la fête des mères ou la fête des pères, la Fête du travail, et tout le reste. Je ne peux nier que je demandais systématiquement au Fils et à la Fille s'il y avait une petite place pour l'Homme et moi dans leurs agendas occupés. Que voulez-vous, je ne me suis jamais habituée à leur départ du nid mais surtout au fait qu'ils habitaient loin de la maison. Impossible donc de faire une saucette à l'improviste. Fallait boucler une valise.

À ma décharge, je suis obligée d'avouer que j'ai été très mal élevée. La preuve? Une carte de ma maman retrouvée par hasard cette semaine (mais est-ce vraiment un hasard?) où elle me confiait ceci : "Aujourd'hui la maison est grande mais il faut être raisonnable. Vous n'êtes pas sitôt partis que j'ai hâte à la prochaine fois." C'est drôle mais ça m'a fait tellement chaud au coeur quand même de comprendre d'où je venais et de réaliser que l'éloignement géographique dérangeait aussi ma mère. Moi je n'ai jamais senti que maman exerçait une pression en me faisant part de son ennui. J'y voyais plutôt une grande marque d'amour. 

Des fois, pour tenter d'atténuer ma peine devant l'absence dorénavant systématique des enfants, je me dis que j'ai tout rêver. Est-ce que toutes ces années passées à aimer nos enfants à la folie (trop, j'imagine), à les accompagner dans leur développement vers la vie adulte ont vraiment existé? Quand je regarde de vieilles photos maintenant je me surprends à me demander si le Fils était vraiment content de recevoir un xième jeu de Lego ce Noël-là? Et la Fille penchée au-dessus de la table pour souffler les bougies de son gâteau d'anniversaire en forme de tête de chien (un vrai défi à réaliser), est-ce qu'elle était vraiment heureuse de constater que j'avais réussi à répondre à sa demande? Une fois qu'ils ont été partis, peut-être que j'étais tellement aspirée par mon bonheur de nous retrouver en famille pour quelques jours à partager de bonnes bouffes, à rire et à nous raconter que je ne me rendais pas compte du drame latent qui se préparait. Et je n'ai effectivement rien vu venir. 

Va falloir que je m'habitue. Pas le choix. Ça fait un Noël et deux Pâques que l'Homme et moi rongeons notre frein. Et les autres fêtes et les anniversaires, faut oublier ça. Il est temps d'apprendre à nous organiser sans compter sur notre progéniture, de penser à faire des activités tous les deux ou avec les membres de la famille et les amis qui sont autour de nous et qui, eux, ont envie de se retrouver en notre compagnie.

Chaque grande fête me permet de pratiquer cette nouvelle réalité. Je dois dire que, tout doucement, je m'y fais même si ça ne m'a pas empêchée de remplir le frigo et de cuisiner comme si j'étais pour recevoir une armée. C'est fou. Je vais être obligée de partir un service de traiteur!! Qu'est-ce que je ne ferais pas pour remplir mon vide?

En fait, il ne faut pas que je pense du tout au passé. Le moindrement que surgissent en moi des images du temps où j'étais un parent à part entière, je capote. Par exemple, en brassant mes fameux muffins cet après-midi, je me suis soudainement rappelée les chemins qu'on faisait avec de petits oeufs en chocolat dans le corridor qui menait aux chambres des enfants, parcours qu'ils devaient suivre pour découvrir les surprises laissées par le lapin de Pâques. Nos chats adoraient cette idée et n'hésitaient pas à chambarder tous nos beaux efforts. Pas grave. Ça faisait partie de nos traditions. 

Ce soir, nous avons assisté au spectacle de Pierre Lapointe au Grand Théâtre. Comme à son habitude, il était magnifique. Mais voilà qu'au moment où il a commencé à interpréter une chanson de son premier album, j'ai senti une vague d'émotion monter en moi. C'est la Fille qui m'a fait découvrir Pierre Lapointe à ses débuts et c'est avec la Fille que je l'ai vu pour la première fois en spectacle. Je me revois encore à la Maison de la culture de Gatineau juste avant que le rideau ne se lève. J'étais fébrile comme une ado et la Fille partageait mon excitation. Je peux vous dire que c'est extrêmement difficile de retenir ses larmes dans une salle de spectacle surtout quand l'émotion qui surgit est aussi forte. J'ai finalement réussi à renvoyer loin dans mon disque dur ce merveilleux souvenir d'un moment magique partagé avec la Fille.

Comme à l'impossible je ne suis tenue, je ne peux pas garantir que j'arriverai à lundi sans me souiller encore les joues comme dirait Pierre. Je vous laisse d'ailleurs avec ses mots. Merci la Fille pour cette découverte qui m'accompagne encore et toujours.

Arrête de sourire
On a tous des secrets cachés en nous 
Des rêves inassouvis qui nous rendent fous
Des regrets qui reviennent nous salir les joues

T'as pas choisi ta mère 
T'as pas choisi ton père
T'as même pas pu choisir la gueule qu'on t'a donnée
T'as pas choisi ton nom 
Et même si tu tournes en rond
Tu continues de t'amuser

Tu dis que tu aimes la vie
Tu lui dis même merci
Quand elle t'envoie ses merdes 
Tu dis que c'est pour le mieux
Tu crois qu'on est ici
Sur cette belle terre jolie
Parce qu'on s'doit d'apprendre à être heureux
À être heureux


(L'Homme et moi au Grand Théâtre hier soir)





1 commentaire:

  1. Louise Petitclerc20 avril 2025 à 22:18

    Et oui. Encore chanceuse que vous soyez deux pour passer au travers ces montagnes russes d'émotions. La vie apporte son lot de hauts et de bas. Nos coeurs de mamans sont souvent mis à l'épreuve.

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