Noël est à nos portes. En fait, je l'entends déjà sonner car il sera là jeudi. Quand j'arrive à cette période de l'année, mais plus particulièrement quand se pointent les derniers jours avant la Grande Fête, je ne sais plus trop comment je me sens. C'est que, depuis toujours, j'éprouve des sentiments mitigés par rapport à Noël.
Des fois, je déteste carrément ce salmigondis de bons et nobles sentiments qui poussent même les moins généreux d'entre nous à ouvrir leurs portefeuilles pour se soulager la conscience à l'avance d'avoir le dessous du sapin débordant de cadeaux extravagants et le frigo rempli à l'excès de boustifaille qui sera au mieux ingurgitée sans être trop gaspillée. De même, je hais au plus haut point tout l'aspect commercial de cette fête du mauvais goût qui nous pousse à transformer nos salons en forêts du Grand Nord et l'extérieur de nos maisons en parc d'attractions. J'en ai assez notamment de ces piteuses imitations de glaçons et de ces immenses structures gonflables toujours à plat dans les bancs de neige. Tout ce clinquant, loin de me réjouir, ne réussit qu'à me rendre encore plus morose par son faux éclat.
Et que dire de toutes ces fêtes de bureau où la fraternité devient obligatoire? Nous voilà en train de partager un repas, ou pire, une soirée, avec des gens qu'on se contenterait de saluer le matin sans plus. D'ailleurs, je n'ai jamais vraiment compris pour quelle raison il fallait mettre au banc de la société un collègue qui préfère s'abstenir de participer à ces hypocrites célébrations du travail d'équipe, de l'entente harmonieuse et de
soi-disant enrichissantes relations interpersonnelles.
"Au petit trot, s'en va le cheval avec ses grelots..." Êtes-vous tannés d'entendre les quelque dizaines de chansons de Noël qui composent notre répertoire musical de la saison? Moi oui. Surtout que ces ritournelles sont jouées en boucle depuis le début novembre à la radio, dans les magasins, dans les restos, chez le coiffeur, dans certaines émissions ou pubs à la télé, en fait, à peu près partout. J'ai assez hâte que le cheval et ses grelots disparaissent dans le fond d'un vallon tout blanc. Ce doit être pour cette raison que j'ai choisi le metal pour faire la crèche. Je crois que je n'avais pas le courage de me taper
Fernand Gignac ou
Laurence Jalbert et les cantiques traditionnels.
Commencez-vous à voir un peu le portrait? Laissez-moi quand même le plaisir d'en rajouter au cas où l'ensemble de la situation vous échapperait encore. Par exemple, je n'ai pas encore soufflé mot de la ruée dans les magasins pour l'achat de cadeaux. Il en faut bien sûr pour les enfants, mais aussi pour les parents, les grands-parents, les conjoints, les professeurs, les gardiennes, les amis, les voisins, les oncles, les tantes, les cousins, les cousines... N'hésitez pas à embarquer ici et à ajouter la personne de votre choix. C'est une chanson à répandre. Et après? Après, il faut emballer tout ça en détruisant une autre partie de la forêt amazonienne si on est pas préoccupé par l'état de la planète.
Je poursuis en jetant une statistique là, tout de go, qui ferait plaisir aux représentants de la Santé publique et à tous les prophètes de malheurs pandémiques. Vous
êtes-vous seulement déjà arrêté au fait qu'en deux jours, on va voir probablement plus de monde que dans toute une année? Et on va aussi prendre plus de calories que dans toute une année! C'est qu'il faut plaire à tous et visiter la famille au complet en n'oubliant pas de goûter aux beignes de
grand-maman, au ragoût de pattes de tante Gertrude, au sucre à la crème de cousine Germaine, aux tourtières de tonton Émile, à la dinde de
belle-maman, à la bière de cousin Alfred, au vin maison de l'ami Bacchus, ... oups... excusez-moi, je reviens dans un instant...
(Intermède musical :
Au petit trot, s'en va le cheval avec ses grelots...)
Je suis désolée. Un malaise digestif. Que voulez-vous? Quand ça déborde, il faut que ça sorte. C'est ça le problème de Noël. C'est trop de tout. Et ça fait un bout qu'on s'empiffre. Je dirais que ça dure depuis que les épouvantails et les citrouilles ont pris le bord. C'est normal d'en avoir
ras-le-bol. Même si on est dans le dernier droit, il y a une limite au nombre de guirlandes et de boules qu'on peut ingurgiter. Moi je commence à avoir mon quota. C'est le temps qu'on arrive au clou de la soirée avant que je n'enfonce les clous de mon cercueil. Hon! je crois que c'est politiquement incorrect ce que je viens de dire. Bref (je ne sais pas si après un texte aussi long, j'ai encore le droit d'utiliser ce mot), je commence à penser que, même à Noël, la modération a bien meilleur goût. Il me semble aussi qu'elle nous permettrait de faire durer le plaisir toute l'année. Mais il faudrait oublier les chansons par exemple...
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Notes ménagères : Martha numéro trois est venue aujourd'hui pour la première fois. Elle m'a appelée ce soir pour me demander si j'étais satisfaite. Je l'étais. J'en ai profité pour lui dire qu'elle ne devait pas jeter le contenu du pot qui se trouve près de l'évier de cuisine. C'est mon compost. "Ah! oui, mes parents aussi en font", me répond-elle. Elle a près de quarante ans. Maudit que je me sens vieille!