Je continue aujourd'hui sur ma lancée d'hier. Ne vous inquiétez pas, je suis réveillée. En parcourant donc le journal et sans avoir à faire d'efforts particuliers pour dénicher les articles
ci-dessous, j'ai lu avidement les propos qui suivent et qui corroborent parfaitement la conclusion de mon collègue de la plume française et de votre humble marcheuse urbaine, à savoir que le moral est bas. Lisez
plutôt :Armés d'une potion magique dont
le principal ingrédient est l'indifférence des citoyens,
Stephen Harper et son gouvernement se permettent, encore une fois au nom de tous les Canadiens, d'exprimer de timides regrets pour les pertes de vie humaines entraînées par l'assaut de l'armée israélienne contre la flottille humanitaire qui se dirigeait vers la bande de Gaza lundi dernier.
(Christian Nadeau, Le Devoir, 3 juin 2010)(...) mais le gouvernement conservateur traîne toujours les pieds dans le dossier de l'accès aux documents censurés sur les détenus afghans. (...) Il n'y a pas lieu de s'en étonner, mais il faut s'en désoler à double
titre : le
non-respect des institutions par les conservateurs n'a décidément pas de limites, la faiblesse de l'opposition - nommément les libéraux - est gênante dans ce bras de fer qui n'a pas lieu d'être et qui pourtant ne finit pas.
(Josée Boileau, Le Devoir, 3 juin 2010)Si
Jean Charest faisait une telle adresse à la nation (annoncer la tenue d'une enquête publique sur le financement des partis politiques, maintenir la
loi 104 en utilisant la clause nonobstant pour empêcher les riches d'acheter le droit pour leurs enfants de fréquenter les écoles anglaises et obtenir la collaboration de tous les partis politiques du Québec pour l'adoption d'une Constitution visant à donner un fondement juridique à la nation québécoise), la Fête nationale ne serait pas que folklorique, elle serait euphorique. En effet, un horizon politique nouveau apparaîtrait et susciterait beaucoup d'espoir chez les Québécois. Cela apporterait en prime de l'oxygène à notre classe politique qui en a bien besoin. Que ça ferait du bien! Bien sûr, ceci est un rêve, le dernier refuge avant une noirceur plus permanente qui a commencé, telle la nappe de pétrole dans le golfe, à s'étendre sur tout le Québec sur le plan politique.
(Denis Forcier, Le Devoir, 3 juin 2010)Alors, poussant notre réflexion, mon collègue de la plume française et moi-même en sommes venus à nous demander jusqu'où les journalistes devront pousser les dénonciations et les révélations pour obtenir un semblant de réaction de la population. Il semble en effet que rien dans les agissements de nos leaders politiques ne peut susciter le début d'un commencement de questionnement chez les électeurs. Tous
sont-ils sombrés dans un immense bain d'indifférence? Tous
sont-ils devenus sourds, aveugles et muets? C'est bien évident que la chose politique n'attire pas les jeunes. Et c'est sans doute le cynisme ou l'impuissance qui habitent les vieux.
Mon collègue a émis l'opinion, comme la Nièce littéraire l'avait déjà fait en réponse à un de mes blogs sur un sujet semblable, qu'il fallait
peut-être abandonner l'idée de sauver le monde pour se concentrer sur notre petit jardin. (Oui, chère Nièce, il a, tout comme toi, utilisé la métaphore du jardinet.) J'ai réfléchi quelques minutes à cette solution. Mais je l'ai vite rejetée et voici pourquoi.
Il y a de cela quelques années, quand le Fils et la Fille étaient au primaire et au secondaire, je faisais partie des conseils d'établissement des deux écoles qu'ils fréquentaient avec l'idée, comme les autres parents qui m'accompagnaient dans cette odyssée, que j'allais pouvoir contribuer à améliorer le monde scolaire. J'ai assisté à moult réunions et débats, j'ai été frustrée à un nombre incalculable de reprises par l'intransigeance de certains directeurs ou enseignants, j'ai protesté sans succès pour faire renverser des décisions qui m'apparaissaient injustes ou dénuées de tout sens commun. J'ai gardé un goût amer de l'expérience et béni le ciel le jour où la Fille a finalement revêtu sa robe de graduation. Adieu règlements stupides, budgets insuffisants, arguments stériles! J'ai fait ma part. J'ai donné. Je n'y reviendrai pas. C'est ce que je pensais il n'y a pas si longtemps encore jusqu'à ce que je réalise que je devrai, inévitablement, renouer éventuellement avec le monde scolaire, ne
serait-ce que pour me tenir au courant de ce qui va toucher un jour mes
petits-enfants ou plus simplement pour les aider à faire leurs devoirs. Et c'est là que le petit jardin perd un peu beaucoup de son sens.
Nul n'est une île. Certes, il peut parfois sembler facile ou tentant de se dire que des projets de loi sur le droit d'auteur, sur le registre des armes à feu, sur les organismes qui défendent les droits des femmes, sur le calendrier scolaire, sur les jeunes contrevenants, pour ne prendre que ces quelques exemples, ne nous touchent pas et que nous n'avons que faire des modifications qu'ils apportent à notre société. Fort bien. Mais qui nous dit que nous ne serons pas un jour plagiés? Je pense ici au Pusher de metal dont le groupe doit lancer un CD sous peu. Si tout le monde le copie et personne ne l'achète, comment les membres du groupe
vont-ils récupérer un peu de leur investissement? De la même façon, qui dit que nous ne serons pas à un moment de notre vie un de ces vieux placés dans des établissements où on laisse mariner les gens dans leur jus, où on ne sert que du manger mou, des patates en flocons réhydratées et des fruits en boîte et où les seules distractions offertes se limitent aux prestations piteuses de clowns imbéciles? Et je ne souhaite à personne d'entre nous d'être victime d'un acte de violence qui aurait pu être prévenu ou atténué si les policiers appelés en renfort avaient su qu'il y avait un tireur armé dans la maison.
Oui, on peut se concentrer sur notre jardinet. Et c'est important de le faire. Mais il faut aussi regarder par dessus nos
plates-bandes et s'intéresser à nos voisins.
Est-ce qu'ils utilisent sans vergogne des produits chimiques et des pesticides? Si c'est le cas, nos légumes risquent d'être contaminés. Plus important encore, nos enfants et nos animaux domestiques aussi.
Notre engagement ne s'arrête pas à nous, il doit comprendre les autres.
« Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble; si la mer emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien; la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le
glas : c’est pour toi qu’il sonne ». (Wikipédia, John Donne)