J'ai oublié l'autre jour de vous parler d'une conversation de wagon à bestiaux à laquelle j'ai assisté à mes oreilles défendantes. Vous savez ce que c'est. Vous broutez paisiblement dans votre stalle en vous mêlant de vos affaires quand les bêtes d'à côté se mettent à parler de la pluie et du beau temps. C'est plate. Vous les entendez mais, heureusement, cela ne vous empêche pas de continuer à mâchouiller votre avoine.
Hélas, de temps à autre, le ton monte et les propos deviennent franchement dérangeants. Passe encore lorsqu'il s'agit de détails croustillants parce que sexuels. Inévitablement, dans ce genre de situation, vous mâchonnez plus lentement en faisant le moins de bruit possible. Vous tendez l'oreille et saisissez des bribes qui soulèvent votre intérêt. Ça peut aider à agrémenter le voyage.
Ce n'était pas le cas l'autre jour. Non. Je n'avais pas besoin de faire semblant de ne pas écouter, j'entendais tout même si je ne le voulais pas parce que l'échange se passait entre plusieurs stalles. Un véritable
chassé-croisé. Le
sujet : les animaux que l'on heurte quand on est en automobile. À mon grand désarroi, j'ai eu droit notamment à la description complète de l'état de deux chevreuils ayant eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.
Dois-je vous préciser que les pauvres bêtes se portaient plutôt mal? Heureusement, l'un des participants à la discussion (une femme, de surcroît) nous a fait part de sa méthode bien personnelle d'abréger les souffrances de ces victimes de la route.
Eh! oui, elle garde toujours un bâton de baseball à portée de la main lorsqu'elle se déplace en voiture. C'est extrêmement pratique. Tu frappes un animal. Tu sors de ta voiture et constates qu'il n'est pas mort. Tu t'empares alors du bâton et tu donnes un bon coup. Paf! Tiens toé, crève. Selon l'amie des bêtes, c'est la façon la plus "humaine" de régler le sort de l'agonisant. J'étais sur le bord de vomir. J'ai dû mettre mes écouteurs et me plonger dans le métal.
Aujourd'hui, même wagon, d'autres bestiaux. Encore une fois, je me retrouve dans le milieu d'une conversation qui m'indispose. On discute en effet de l'histoire d'un petit garçon de quatre ans, battu à mort par sa
belle-mère. J'apprends que cette dernière avait convaincu le père de l'enfant qu'il fallait le battre parce qu'il n'écoutait jamais. L'imbécile en remettait donc de son côté. Apparemment, selon les sources bien informées qui m'entouraient, le corps du petit garçon n'était qu'une immense plaie. Ses fesses, entre autres, étaient pleines de trous causés par les coups répétés de cuillère en bois qu'il recevait de sa mentalement indisposée de
belle-mère. J'en frémissais.
C'est là que je me suis rappelée de la conversation de la semaine précédente sur les animaux frappés en bordure des routes. Triste fin, c'est vrai. Mais que dire du destin d'un enfant de quatre ans frappé volontairement à mort par ceux qui sont supposés en prendre soin? Cela a eu l'heur de réveiller en moi de bas instincts, comme celui de posséder un bâton de baseball et de m'en servir.
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