J'ai traîné mon humeur noire une partie de la journée. Malgré tout, j'ai cuisiné muffins aux dattes et au café, ainsi que pain aux courgettes et aux noix. Et je n'ai rien raté. Même que les muffins, que je n'avais pas faits depuis belle lurette, sont absolument sublimes. J'avais indiqué à côté de la recette que je l'avais essayée la première fois pour la Fête des mères
de 1999. Quand j'ai téléphoné au Fils et à la Fille pour les informer que
l'Homme-à-la-dent-sucrée ne voulait pas que je leur congèle mes petits gâteaux, le Fils, qui était mon interlocuteur, m'a affirmé qu'il se souvenait parfaitement de la Fête des mères
de 1999 et du goût des muffins en question. Vous
ai-je déjà dit que le Fils a une mémoire phénoménale? C'est le seul enfant que je connais qui peut remonter aussi loin dans ses souvenirs. Son disque dur est vraiment impressionnant. Des fois j'ai des doutes, mais les détails qu'il donne sur une situation ou un endroit en particulier me laissent le plus souvent bouche bée par leur exactitude.
Avant d'aller marcher ma morosité en fin
d'après-midi, je me suis assise au salon avec Mignonne pour compléter les trois grilles de mots croisés que l'Homme avait commencé à remplir à différents intervalles au cours de la semaine. C'est toujours un peu compliqué de reprendre là où il a laissé car l'Homme, ne voulant pas s'avouer vaincu, invente parfois des mots pour répondre aux définitions qu'il ne connaît pas. Il adoptait le même manège quand nous fréquentions l'Église de façon assidue. Cela faisait d'ailleurs bien rire le Fils et la Fille de le voir improviser des paroles pour les prières ou les chants qui lui étaient inconnus. Il prenait quand même la précaution de faire tout ça discrètement. Il marmonnait donc entre ses lèvres les syllabes qui semblaient convenir. Parce que nous connaissions son habitude, nous le regardions parfois à la dérobée pour le surprendre en flagrant délit d'improvisation. Quand il se rendait compte qu'il était découvert, l'Homme éclatait presque de rire et poursuivait son imprécise litanie.
Je reviens donc au salon. Et à Mignonne. Et au silence qui nous entourait jusqu'à ce que j'entende tout d'un coup un bruit en provenance du
garde-robe de l'entrée, là où je range, allez savoir pourquoi, les sacs de nourriture de mes félines. Le bruit semblait justement correspondre à un froissement de sac que l'on agite avec vigueur. Immédiatement, Mignonne quitte son divan pour se poster devant la porte du
garde-robe. Je n'ose pas ouvrir. Je sais trop bien qui est là. C'est un autre représentant de la gent
trotte-menue, c'est sûr! Il semble bien qu'à défaut de jouir de mon parc faunique à l'extérieur, je doive en hiver accepter d'accueillir certains de ses habitants dans mon intérieur. L'Homme veut mettre une trappe. J'hésite. Mais la Fille, à qui je racontais la chose, me faisait remarquer que, la dernière fois où j'ai accepté une cohabitation pacifique avec un rongeur, elle avait retrouvé un amoncellement de garnottes pour chats dans le capuchon de son manteau. En plus, le vêtement puait abominablement. C'est quand même mignon de penser que la petite bête avait choisi de faire son nid dans un capuchon, vous ne trouvez pas? La Fille non plus.
__________________________
Notes pédestres : Je suis sortie de la maison avec un serrement en plein milieu de la poitrine. Je vous l'ai dit. Je vais probablement mourir d'une crise de coeur avant de savoir le fin mot de mon histoire totonesque. Bref. Je commence à marcher. Les notes métalliques commencent à faire effet. J'ai choisi As I Lay Dying et All That Remains. C'est en plein ce que je
ressens : je suis couchée en train de mourir et c'est tout ce qui me reste à faire. Mais les paroles de leurs chansons me frappent en pleine poitrine et c'est justement suffisant pour me soulager l'âme. J'ai aussi ajouté une incursion au cimetière où j'ai versé quelques larmes sans avoir malheureusement un bout de papier mouchoir pour m'éponger le nez. Pas grave. J'ai reniflé comme mon collègue de bureau du cubicule de droite qui ne me parle plus depuis des mois le fait constamment. Puis j'ai continué de marcher. Et le serrement a disparu en cours de route. Sans doute
m'attend-il au détour du chemin. Encore
faut-il que je le reprenne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire