jeudi 12 février 2009

Hallucinations pédestres

Ce soir, j'ai troqué les patins pour des rames. Vous l'avez deviné : toute cette pluie a fait fondre la neige sur les trottoirs et elle a laissé en lieu et place d'immenses flaques d'eau dont il est parfois difficile de mesurer la profondeur.

J'ai été d'ailleurs moi-même victime d'un de ces mirages. Vous posez le pied croyant qu'il ne s'agit que d'une gouille (vite, vite vos dictionnaires!) insignifiante et voilà que vous commencez à vous enfoncer. Très rapidement, l'eau se met à s'infiltrer dans vos espadrilles. Vous tentez, bien inutilement, d'agripper quelque objet environnant (lampadaire, borne-fontaine, congère agonisant). Trop tard! le gouffre s'ouvre et vous engloutit. Et c'est là que les mauvaises rencontres surviennent... inévitablement. Non, mais, dans une mare gluante et noire, vous attendiez-vous de tomber nez à nez avec le Prince Charmant? De toute façon, celui-là, quand on en a besoin, il n'est jamais là!

Mais je divague et je m'égare...J'ai d'abord foncé dans le Monopole de la Vérité. Ah! comme il est beau, tout imbu de son lui-même parfait. Les cheveux bien lissés, le costume impec (ça c'est pour toi Marf, je trouve que ça fait français!), les souliers cirés. Vous n'avez même pas besoin d'ouvrir la bouche qu'il vous arrête car il sait déjà ce que vous allez lui dire. Il sait surtout que vous avez tort et qu'il a raison. Ne perdez pas votre temps à le convaincre du bien-fondé de votre opinion et passez votre chemin. C'est mieux... sinon il vous en cuira. Vous devrez alors vous taper une litanie de justifications, d'explications, de précisions, d'observations, de raisonnements tordus, de remarques bienveillantes et vous n'aurez rien gagné. Vous aurez juste perdu la raison.

J'ai réussi à l'éviter en nageant plus vers la droite. Erreur! je me suis butée au Double Discours. Je l'ai toujours trouvé bizarre celui-là avec son visage à deux faces. Il me donne des frissons dans le dos mais surtout de gros maux de tête car il dit tout et son contraire. Alors je ne sais jamais sur quel pied danser. Il devient particulièrement dangereux quand il réussit à t'embarquer dans un de ses projets grandioses et révolutionnaires dont il a le secret. Tous des projets conçus bien évidemment pour sauver le monde, l'univers intemporel et les naufragés de l'île de Gilligan! C'est dangereux parce que juste au moment où toi tu penses que tu es effectivement en train de sauver le monde : pouf! il tourne son visage et commence à te vanter les mérites d'un autre projet. Habituellement celui que tu avais proposé et qu'il avait rejeté comme étant parfaitement nul. En tout cas, je n'ai pas pris de chance, j'ai plongé pour ressortir un peu plus loin.

"Qu'est-ce que tu fais là toi à nager sur le trottoir? Tu ne sais pas que c'est contraire aux règles, que les trottoirs sont faits pour marcher (ou sont-ce les bottes?). En tout cas, tu devrais te relever, marcher droit devant toi, ne pas sortir quand il pleut et éviter les trottoirs jusqu'au printemps". "Merci, merci, le Bien-Pensant", que je lui ai dit en reprenant mon souffle et mon erre d'aller. Je n'ai pas voulu m'attarder car je ne peux supporter ses idées toutes faites et son ton moralisateur. De toute façon, j'avais maintenant contourné le trou d'eau et je pouvais reprendre allègrement mon parcours.
(Diantre que j'ai eu une grosse journée!)

2 commentaires:

  1. Que de talent! Je me sens dans un de mes cours de français du secondaire, assis devant un de mes recueils de textes en train de lire une section sur les métaphores. Vraiment, wow!

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  2. J'adore celui-là!
    Le ton est délicieux, ironique à souhait! On croirait Dantes dans les cercles de l'enfer! (bon, je ne l'ai pas lu, et c'est genre en italien, alors je peux pas dire pour le ton, mais le thème est là ;).
    En tout cas, ton souffle poétique ne s'épuise pas! Grosse journée en effet!

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