À papa
C'est la fête des pères aujourd'hui. J'ai donc décidé de fouiller dans le tiroir des souvenirs paternels pour voir ce qui en émergerait. La première image que j'en ai sortie remonte à l'époque où j'étais ado, plus précisément lorsque toute la famille était réunie pour les repas. Papa était assis à un bout de la table et moi j'étais à sa droite. Outre les discussions animées qui meublaient parfois ces moments de la journée, je me souviens surtout du plaisir que j'éprouvais au moment du dessert à tremper, en cachette, mes biscuits dans le café de papa. Il disait toujours : "Je ne comprends pas pourquoi tu ne te sers pas simplement un café si tu aimes autant ça tremper tes biscuits dedans". C'est vrai, j'aurais pu le faire, mais ça n'aurait pas été aussi bon... ni aussi drôle. C'est que, voyez-vous, comme je le disais plus haut, mon plaisir c'était de rapidement tremper mon biscuit sans qu'il s'en aperçoive. J'attendais donc qu'il soit distrait par une de mes soeurs ou par ma mère pour accomplir mon exploit. Il fallait en effet tout un entraînement pour laisser le biscuit assez longtemps pour qu'il ramollisse comme je l'aimais mais pas trop pour qu'il se retrouve presque au complet dans la tasse de mon père. Parfois, je ratais lamentablement mon coup et je voyais, dépitée, la plus grosse partie de mon biscuit rester dans la tasse de papa. Il faut dire que c'est dans ces occasions que cela devenait drôle car papa, ne se doutant de rien, prenait une bonne gorgée de café et la recrachait presque en maugréant: "Mais qu'est-ce qu'il y a là-dedans, c'est tout grumeleux". Et moi je ne pouvais jamais m'empêcher d'éclater de rire en voyant sa tête. J'ai quand même souvent soupçonné qu'il faisait peut-être un tantinet exprès pour mettre autant d'expression dans sa réaction. Ça ne fait rien puisque c'était notre gag à nous!
Une deuxième image a ensuite surgi du tiroir. C'était plusieurs images en fait et elles portaient toutes sur le thème de la nature. Mon père aimait beaucoup entretenir son terrain. C'est lui qui nous a appris, mais pas à toutes avec le même succès (clin d'oeil ici au pouce vert de la soeur Psy), comment tondre la pelouse, tailler les arbustes, travailler dans les plates-bandes, faire un jardin, ramasser les feuilles, bref, tous les petits gestes à poser pour avoir un bel environnement paysager. Et il réussissait admirablement. J'adorais l'aider parce que, en même temps, nous jasions de tout et de rien. Il devenait plus accessible, plus calme, plus enjoué lorsqu'il s'activait à l'extérieur. Je crois que même si c'était éreintant, cela le relaxait et lui permettait de décompresser. Enfin... presque toujours. Quand j'ai parlé de jardin tout à l'heure, il faut que je précise que c'était une tâche ardue de faire pousser des légumes dans notre région nordique. Les voisins, qui étaient natifs de la place, se débrouillaient pas mal mieux que nous. Mais papa n'abandonnait pas facilement la partie. Découragé de ne jamais arriver à cueillir des tomates rouges avant la fin de l'été, il s'est décidé une année à partir ses plants de tomates très tôt à l'intérieur de la maison. Le printemps est arrivé, puis le début de l'été. C'était long, chez nous, avant que la terre soit assez chaude pour qu'on puisse y planter quelque chose sans risque de gel. Les plants ont donc poussé, poussé, poussé. Ça a été les plus gros plants de tomates de la rue mais ils n'ont produit aucun fruit!
La dernière image que j'ai sortie remonte à l'année du décès de maman. J'avais laissé l'Homme avec le Fils et la Fille à la maison pour aller retrouver mon père et mes soeurs pour le partage des objets personnels de maman. Triste, triste fin de semaine. Papa était venu me chercher à la gare d'autobus. Je n'oublierai jamais mon serrement de coeur en le voyant tout seul dans l'auto. Dans les moments de retrouvailles, maman se faisait tellement une joie de nous voir qu'elle ne l'aurait jamais laissé se rendre seul pour m'attendre. Papa et moi on s'est regardé un peu embarrassés, pas encore habitués à ce grand vide qui meublerait dorénavant nos vies. "En attendant tes soeurs, est-ce que ça te tenterait d'aller marcher le long du fleuve?". J'ai dit oui tout de suite en espérant que l'air du large nous aiderait à panser nos blessures. Une fois arrivés au début de la promenade, papa m'a dit, un peu taquin : "Si tu te rends jusqu'au bout du sentier, je te paye une crème glacée molle". Nous sommes allés jusqu'au bout du sentier. Papa a acheté deux crèmes glacées molles que nous avons mangées sur un banc en regardant le fleuve. Je ne me rappelle pas que nous ayons échangé de grandes paroles cet après-midi-là. Je me souviens seulement que je me sentais comme une fille avec son père et que c'était bon.
Pas besoin d'être parfait pour être un bon parent. Pas besoin de toujours avoir les mots justes, les comportements appropriés, les attitudes irréprochables. Il suffit d'aimer, c'est tout. Et je me considère privilégiée d'avoir grandi en sachant que j'étais aimée.
Je t'aime papa! XXXXX
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Je ne peux évidemment pas conclure cette chronique sans rendre hommage à l'Homme-Papa. Pour ce qui est de l'imperfection, il est pas mal bon pour ne pas toujours faire ou dire ce qu'il faut quand il faut. Mais côté coeur, alors, il n'y en a pas deux comme lui. Depuis le premier jour où il a tenu le Fils dans le creux de son bras en affirmant qu'il avait la forme exacte d'un ballon de football et le moment où il a prononcé sa fameuse déclaration avant de partir chercher la Fille en Chine criant haut et fort qu'elle ferait du jello avec lui, il a démontré un amour inconditionnel et un engagement total envers ses deux enfants. Dans ce cas, je me considère privilégiée d'avoir pu jouer mon rôle de mère en compagnie de quelqu'un qui a sans contredit permis au Fils et à la Fille de grandir en sachant qu'ils étaient aimés.
Je t'aime l'Homme! XXXXX
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Notes pédestres : Il faisait une chaleur torride pour marcher mais le pied était à son meilleur. En plus, j'avais bien calculé mon parcours. Juste comme j'arrivais dans le dernier droit, une petite pluie s'est mise à tomber. Une douche gratuite... que demander de plus!
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