mardi 23 février 2010

So long Jules!

J'ai été kidnappée hier soir à mon retour du travail par un de nos voisins que l'Homme et moi avons affectueusement baptisé "Jules". C'est qu'il nous a toujours fait penser au personnage de Jules César dans Astérix et les Romains. Vous savez, grand, mince, le visage buriné, les cheveux blancs.

À 80 ans bien sonnés, notre Jules à nous se prépare à quitter pour de bon le quartier. Sa maison a été vendue récemment. Depuis deux jours, il demeure même déjà à Cité-Jardin, "premier complexe dans la région à proposer un milieu de vie intégré et segmenté en fonction des besoins évolutifs de la Génération Plus tout en répondant véritablement aux attentes." Avouez que ça donne envie d'être vieux... surtout qu'on fait bien attention à ne pas utiliser le mot honni. Non, on fait partie de la Génération Plus et on a des besoins évolutifs. Autrement dit, on est des vieilles badernes et on va bientôt porter des couches!

Mais je n'en suis pas encore là. Et je reviens donc à Jules, qui lui, est rendu là. Il m'a interceptée sur le trottoir parce qu'il tenait absolument à me faire visiter sa maison, déjà vide. C'était touchant de le voir se promener d'une pièce à l'autre et de l'entendre me décrire de long en large (la seule manière dont Jules peut parler de quelque chose) les divers travaux qu'il avait effectués au cours des trente-huit dernières années pour rendre grand et spacieux ce modeste bungalow. Dans la cuisine, trônaient sur l'îlot deux décorations musicales de Noël. Il a remonté les mécanismes en me disant, tout fier : "Je laisse un cadeau aux nouveaux propriétaires!" Et nous avons poursuivi notre visite sur les notes d'un "air de saison".

J'ai donc parcouru les deux étages et le sous-sol, "entièrement fini", comme me l'a proclamé mon cher Jules. J'ai dû tester la solidité des rampes de l'escalier, ouvrir toutes les portes des nombreuses armoires de la cuisine, essayer le ventilateur de la salle de bains, entrer dans la chambre froide pour constater qu'il y faisait effectivement pas très chaud, apprendre le fonctionnement de la fournaise, du climatiseur central et de l'échangeur d'air, bref, une visite en règle. Pourquoi avais-je la fâcheuse impression que Jules, en se donnant comme prétexte le désir de me montrer sa maison, faisait un pas de plus dans le deuil d'une vie heureuse et remplie?

Il y avait encore des fauteuils dans le salon. Il m'a dit que je devais m'y asseoir pour me reposer un peu. Il en a profité pour me parler de sa femme, décédée depuis huit ans. Il m'a dit qu'aucune autre ne pouvait la remplacer dans son coeur. C'est sûr qu'il aime bien la veuve qu'il courtise depuis quelque temps, "un vrai bijou", comme il dit. Il m'a ainsi appris qu'elle le quitte parfois parce qu'elle "a des problèmes avec son corps qui l'empêchent de le satisfaire, lui, sexuellement parlant". Il m'a même affirmé, en jetant un rapide coup d'oeil vous déduisez où, qu'il n'en revenait pas qu'il y avait encore de la vie là-dedans à son âge. Moi, je ne suis pas vraiment étonnée parce que Jules a bon pied, bon oeil. Il s'entraîne plusieurs fois par semaine dans un gymnase. Il voyage régulièrement. Et il aime tellement jaser. Ça arrivait que l'Homme et moi, quand on le voyait se pointer vers la maison, on aille se cacher dans la cour. C'est qu'il n'y avait jamais de courtes conversations avec Jules. Quand on avait tout notre temps, c'était parfait. Mais quand on avait une liste de tâches à faire, il valait mieux prévenir que guérir!

Finalement, il a bien fallu sortir de la maison. Un peu plus et Jules oubliait de fermer à clé. Il a avoué : "C'est pour ça que je m'en vais. C'est sûr que la tête va commencer à me jouer des tours bientôt." Nous sommes arrivés près de sa voiture. Il voulait même me reconduire à la maison... j'habite à trois minutes de chez lui! Je l'ai regardé dans les yeux et je lui ai dit : "Est-ce que je peux au moins vous embrasser?" Devinez quoi? Il a dit oui sans hésiter! J'espère seulement que les dames qui habitent à Cité-Jardin ont des besoins évolutifs compatibles avec ceux de notre don juan de Jules!!

3 commentaires:

  1. Ma blonde travaille a la cité jardin, c'est un bon cimplex, sa grand-mère y est et elle adore sa!

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  2. Jules m'a confié qu'il avait déjà remarqué qu'il y avait pas mal plus de femmes que d'hommes à Cité-Jardins. Et il a ajouté "Si elles sont trop après moi, je vais partir en voyage!" Sacré Jules! Son charme est irrésistible! :)

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