Finalement, ça n'a pas été si difficile d'attraper la petite chatte grise. J'étais assise dans le salon au début de
l'après-midi quand je l'ai aperçue qui arrivait trottinant à pas rapides sur le trottoir en direction des plats de nourriture sur le balcon. Je me suis levée immédiatement pour aller chercher dans le frigo le plat rempli de morceaux de thon que je garde toujours en réserve pour nourrir mes trois lurons.
Étrangement, pour une fois, elle ne semblait pas trop apeurée. C'était inhabituel pour elle puisque je n'avais jamais réussi jusqu'à maintenant à même m'en approcher suffisamment pour pouvoir la caresser. Je dépose le plat. Elle recule juste un peu et revient tout de suite pour commencer à manger. Je décide de changer le bol d'eau. Je réussis à le prendre sans qu'elle s'enfuie et je reviens le déposer devant elle sans qu'elle bouge
outre-mesure. Je prends alors le risque d'amorcer une tentative d'approche et je tends doucement la main pour lui flatter le dos. Elle reste là. Je m'enhardis et lui touche le cou que je commence à gratter légèrement. Elle ronronne. Je suis estomaquée.
Est-ce que quelqu'un d'autre que moi aurait réussi à l'amadouer? Après tout, pendant mon absence de deux semaines, c'est fort possible qu'un amateur de petits chats ou encore un enfant ait pu convaincre les minets de faire confiance aux humains.
Je m'assois sur le balcon et continue à la flatter. Elle n'a que la peau et les os. Je suis étonnée car elle semblait plus rondelette il y a quelques semaines. Elle mange à peine. Je tente le tout pour le tout et je la prends dans mes bras. Elle se laisse faire et ronronne toujours. Je fais alors l'ultime tentative. J'ouvre la porte d'entrée et l'installe dans le vestibule, non sans avoir pris la précaution de fermer la porte coulissante qui le sépare du salon. Castafiore ne semble pas énervée. Pas comme Mignonne l'était l'année dernière en tout cas. Je la dépose doucement sur le tapis. Je rentre les plats à l'intérieur et je vais chercher un peigne pour tenter de la toiletter un peu car son poil est vraiment plein de noeuds. Elle se laisse faire sans broncher. Comme elle ne sent pas très bon, je décide d'apporter une bassine avec de l'eau et du savon. C'est sûr qu'elle n'aime pas se retrouver le derrière dans l'eau mais j'arrive facilement à la maîtriser sans même qu'elle tente de sortir ses griffes.
Je l'installe comme un pacha sur une grosse serviette et la recouvre en partie d'une autre. Elle reste là. Elle semble épuisée. Et si maigre. J'ai peur qu'elle soit malade. J'annonce à l'Homme qu'il n'est pas question que je la remette dehors. Son calvaire doit avoir une fin. Et nous commençons les appels. La première SPCA que nous rejoignons n'a pas de place pour accueillir un autre chaton abandonné. Le vétérinaire ne fait pas de bureau le samedi
après-midi. Heureusement, l'Homme joint une collègue qui bénévole à l'autre SPCA du coin.
Celle-ci lui apprend qu'il doit sans doute être possible d'aller y déposer Castafiore. Je vais chercher la cage. J'y mets doucement mon bébé chat sur sa grosse serviette. Elle semble si minuscule. Et elle ne dit rien. Dans la voiture, je la sors pour la prendre sur moi. Immédiatement, elle se blottit dans mon coude et c'est là qu'elle va rester jusqu'à ce que nous arrivions. Je continue à la caresser en pleurant. J'espère tellement que je suis en train de lui donner une nouvelle vie. J'ai beau tourner tout ça dans ma tête, je ne vois pas comment je pourrais faire autrement. Admettons que je veux la garder. Je pars demain pour Montréal pour presque trois jours. Je ne peux demander à l'Homme de s'occuper d'un bébé chat, surtout qu'il retourne travailler lundi. Si je ne la garde pas et qu'elle est malade, je ne peux pas la remettre dans la rue. Elle a besoin de soins. Et si elle est en bonne santé, elle a besoin d'un foyer.
Nous sommes arrivés. Les adieux sont rapides. Je transfère Castafiore dans une petite cage verte en plastique. On m'assure que, si elle passe le bilan de santé, elle pourra être adoptée. Je la caresse une dernière fois et lui murmure que tout va bien se passer. Et je sors.
Si vous saviez à quel point je déteste parfois les humains. Ils me lèvent le coeur. Castafiore va
peut-être avoir une deuxième chance. Je veux tellement y croire. Mais quand je prends un léger recul, je ne peux m'empêcher de penser aussi à tous ces enfants que les parents mettent littéralement à la porte parce qu'ils n'en peuvent plus. Parce qu'ils ne savent plus quoi faire et qu'ils sont à bout de nerfs. Des enfants
de 5 à 17 ans qu'on empêche d'entrer dans la maison et qui doivent appeler les services sociaux pour qu'on leur trouve un abri pour la nuit. C'est honteux. Vous ne me croyez pas? Allez lire
La Presse d'aujourd'hui. C'est édifiant.
Je déteste parfois les humains. Ils me lèvent le coeur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire