C'est arrivé ce matin. La Fille a encore déserté. En compagnie de deux de ses amies, elle arpentera cette fois le Pérou, la Bolivie et l'Argentine pendant les mois de juin et juillet et
peut-être même un peu août nous
a-t-elle annoncé en marmonnant presque à l'Homme et à moi qui l'avions invitée au resto pour le dernier souper avant le nouveau grand départ. Bien sûr nous l'avons encouragée à prolonger son séjour si cela était possible pour elle de le faire et avons ravalé, comme tout bon parent désireux d'appuyer sa progéniture dans ses projets, notre désir de la revoir parmi nous plus tôt que plus tard. De toute façon, nous commençons à avoir de l'expérience avec la Fille et nous savons fort bien l'inutilité de tenter de la faire changer d'idée.
Tard hier soir, elle s'affairait toujours à terminer ses bagages. Jamais trop en avance, mais jamais en retard non plus. C'est le rythme de la Fille. Je commence à m'y faire à ça aussi. Je ne sais pas combien pèse son sac à dos. Je sais seulement que moi je ne suis pas capable de le lever. Quand je regarde la Fille, bâtie sur un "frame" de chat comme dit l'Homme, je n'arrive pas à imaginer comment elle s'y prend pour ne pas s'infliger un lumbago. J'ai toujours peur qu'elle tombe à la renverse et qu'elle reste là, les quatre fers en l'air, incapable de se redresser telle une tortue sur le bord de la route. En même temps, je la connais trop bien la Fille pour ne pas être convaincue qu'elle trouverait un moyen pour se retourner si cela se produisait. Elle a du nerf. Elle possède des muscles d'acier et une force de caractère assez exceptionnelle. Bref, tout le contraire de sa mère.
Ce que je trouve difficile cette
fois-ci c'est que la Fille n'a pas préparé que ses bagages. Elle a aussi fait ses boîtes pour son déménagement imminent avec le Fils à Montréal,
c'est-à-dire dès son retour de voyage. Ce n'est donc pas chez nous qu'elle déposera son attirail après son aventure, mais plutôt chez elle. Pour ne pas nous laisser le moindre doute sur son envol définitif, elle n'y est pas allée de main morte. Elle a littéralement vidé sa chambre. Les tiroirs de la commode, plutôt que d'être ouverts et d'exposer dans un fouillis total les vêtements de la Fille, sont étrangement fermés. Sur la tablette où elle "rangeait" pinces à cheveux, élastiques, peignes, brosses et autres colifichets ne reste que la poussière témoin du peu d'intérêt que la Fille y accordait. Et les murs sur lesquels elle avait accroché ses oeuvres d'art
des trois dernières années me crient qu'il faudra sans doute repeindre éventuellement. Ce sera plus propre mais pas culturellement intéressant.
Je me suis donc réveillée ce matin en me disant que je voulais la serrer dans mes bras une dernière fois avant qu'elle parte. Elle était toute endormie et encore chaude d'avoir été sous les couvertures. Je l'ai embrassée. Je lui ai souhaité d'en profiter au max. Je lui ai dit "je t'aime" en lui rappelant qu'elle pouvait toujours nous appeler si elle avait besoin de quoi que ce soit. Et je l'ai laissée là. Avec son gros sac à dos. Et moi je suis partie travailler. Avec mon coeur gros.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire