J'essaie... j'essaie fort de stimuler mes neurones culturels. Je veux les développer, les enrichir. Je les expose donc le plus régulièrement possible à différentes situations où ils sont amenés à rencontrer toutes sortes de personnages ou d'oeuvres, et ce, dans le but de les stimuler au max. Je crains fort, toutefois, que la fin de semaine qui vient de se terminer les ait davantage pertuber qu'élever à un nouveau degré de connaissance zartistique.
J'étais à Montréal avec l'Homme et la Fille. Nous avons assisté samedi à la performance éphémère donnée par
Pierre Lapointe à la Galerie de l'UQAM. Intitulée
Conte crépusculaire, cette manifestation artistique a été conçue pour permettre le croisement entre plusieurs médiums (musique, sculpture, éclairage, photographie). Mais j'arrête là ma description car je n'ai pas le bagage artistique nécessaire pour bien vous expliquer la démarche suivie par les concepteurs. Je peux juste vous dire que, pour moi, c'était étrange et fascinant. En fait, je ne savais trop quoi penser (sans doute en raison de l'affolement de mes neurones exacerbés). Il y avait des "pièces musicales" interprétées par une chanteuse contemporaine et un jeune garçon. Les sons qu'ils poussaient, ensemble ou séparément, me tapaient parfois souverainement sur les nerfs. À ces
moments-là, une seule image me venait en
tête : celle de Mignonne en train de descendre ses griffes le long d'un mur en guise de protestation auditive. Mais, mais je me suis retenue et, comme les autres personnes présentes, je suis restée sagement debout pendant la quarantaine de minutes qu'a duré la performance. J'aurais pu aussi déambuler autour de l'oeuvre pour l'admirer sous ses multiples angles. C'était une possibilité offerte à tous les spectateurs. La Fille l'a fait. L'Homme et moi sommes plutôt restés de marbre. Figés, sans doute, dans nos conventions et nos points de vue de Néandertal.
Si j'ai aimé? En partie. Surtout vers la fin. Non, je plaisante. J'ai vraiment admiré l'installation de l'artiste plasticien
David Altmejd. Des libellules en plexiglass. Des fleurs vraies et fausses plantées dans de la cire. Les liquides colorés qui parcouraient de longs canaux
au-dessus de nos têtes. Et l'espèce de
machine-oiseau dans laquelle le Roi, personnifié par Pierre, prenait place pour trouver la mort. C'est la première fois que je vivais l'expérience de me trouver en plein coeur d'une création.
Ai-je tout compris? Assurément pas. Et ce n'est pas important. Ce qui compte, c'est la stimulation des neurones. De la boucane s'échappait de mes oreilles quand je suis sortie de la salle. C'est vous dire.
Dimanche
après-midi. D'abord un petit tour au Musée d'art contemporain pour réchauffer la musculature cérébrale encore endolorie de son expérience de la veille. Et me voilà avec la Fille au Théâtre d'Aujourd'hui pour la présentation de
Temps, dernière création de
Wajdi Mouawad. Oui, c'est lui qui a fait couler beaucoup d'encre récemment avec son désir de solliciter la participation de
Bertrand Cantat pour le spectacle
Le Cycle des femmes.
Nous n'étions plus dans cette controverse. Toutefois, Bertrand était quand même présent dans la pièce que j'ai vue par l'entremise d'une chanson de
Noir Désir. Ce n'est toutefois pas à cause des notes de
La Rage que mes neurones ont tiqué et sont devenus soudainement moins malléables. C'est l'ensemble de l'oeuvre qui a fait qu'au bout du compte (deux heures bien sonnées), j'ai complètement décroché.
J'ai vraiment tenté le plus honnêtement possible de rester connectée. J'ai fait fi de l'arrivée régulière sur scène d'une amazone lançant des flèches sur une cible. Et je suis arrivée à contenir mon impatience devant l'interprète gestuelle chargée de traduire les paroles de la fille victime d'inceste devenue muette après que sa mère, ayant appris l'horrible drame, ait décidé de s'immoler dans une forêt de sel non sans lui avoir ordonné de s'occuper de ses frères. J'ai accepté qu'une petite fille de six ans puisse s'enfuir d'une ville comme Fermont et se rendre à Québec pour donner ses frères jumeaux en adoption. J'ai avalé qu'elle ait été en mesure de savoir où ils étaient pendant des années jusqu'à cette rencontre fatale où elle les convie à participer au meurtre du père. Je m'accommodais de l'invasion des rats et de sa symbolique. Je crois que c'est l'arrivée du deuxième frère, directement de Russie, en compagnie lui aussi d'une interprète
- celle-là ayant perdu sa
valise - qui a mis fin abruptement à mes accommodements raisonnables.
Mon cerveau refusant de prendre davantage d'images mythiques et de messages subliminaux, j'ai été condamnée à me rendre jusqu'au bout de cette histoire ancrée dans la réalité la plus terre à terre qui soit. Dès lors, la balle provenant d'une arme russe toujours logée dans l'épaule du premier frère qui sera extirpée à froid par la soeur pour être cachée dans des poupées russes avant d'être utilisée pour tuer le père m'a semblé d'une totale absurdité. Et les dialogues qui, par la présence des interprètes, étaient traduits du gestuel au français au russe et du russe au français au gestuel m'étourdissaient totalement. Finalement, lorsque le père est tué d'une balle dans la tête par sa fille qui lui offre une dernière jouissance avant de le conduire dans sa chaise roulante dans la forêt pour le donner en pâture aux rats affamés, j'avais atteint le point de non retour.
Les dernières minutes, je n'y croyais tellement plus que j'avais peine à ne pas rire. Je sais, ce n'est pas une histoire drôle. N'empêche. L'interprète russe retrouve sa valise rose et les deux expertes langagières annoncent à la famille dysfonctionnelle qu'elles quittent Fermont pour "Tatooine". C'est ce que j'ai compris. Pour moi c'était logique qu'elles s'en aillent sur une planète de la Guerre des étoiles. J'étais
moi-même pas très loin de là. La pièce se termine sur la façon dont on va maquiller le
crime : le père s'est perdu en forêt et il a été surpris par les rats. Bien pensé, non? Tout le monde sait qu'il est très facile de circuler en forêt lorsqu'on déambule en fauteuil roulant. Les sentiers pour personnes handicapées foisonnent, surtout à Fermont. La balle,
dites-vous? Ah! mais, c'est que vous avez suivi l'histoire.
Figurez-vous que l'adjointe du maire a passé la nuit à fouiller le cadavre pour pouvoir confier la balle aux enfants qui vont à nouveau la cacher dans les satanées poupées russes remises très, très, très lentement les unes dans les autres. Rideau.
J'ai comme une odeur de roussi qui me colle à la peau depuis hier. Vous croyez que des neurones surchauffés ça peut encore léviter?
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