Qui d'entre nous ne s'est pas fait dire un jour : "Donne-toi un bon coup de pied au derrière et prends-toi en main!". Un peu difficile à réaliser quand on y pense bien. Faut-il prendre notre pied en main avant qu'il ait touché à notre derrière ou est-il préférable de réagir en se retournant très rapidement pour éviter le coup?
Moi ce que je n'aime pas de cette phrase-là, c'est qu'on nous la sert toujours lorsqu'on est déprimé, lorsqu'on passe une période difficile, lorsqu'on se remet en question, bref, lorsqu'on est particulièrement vulnérable. C'est vrai que lorsqu'on est à notre plus bas, c'est plus facile de se rejoindre le derrière pour le botter.
(Citation de Moi tirée du bulletin
Info Extra de janvier 1995)
Pourquoi je vous ressors mes vieilles affaires? Because la Semaine de la santé mentale et rebecause une émission de télé que je viens de regarder sur le sujet en question. Émission où j'ai été surprise de constater, en écoutant les commentaires des invités, que la thérapie du coup de pied constitue apparemment un conseil toujours d'actualité à servir aux faibles du cerveau. Quinze années ayant coulé sous le pont
en-dessous duquel je me débattais dans des eaux tumultueuses, je croyais que les "malades mentaux" faisaient maintenant l'objet d'une empathie assez généralisée. Mauvaise réponse. Ces personnes se font encore dire des niaiseries et sont parfois regardées comme des bêtes de cirque ou des chevaux sauvages aux réactions imprévisibles.
À la radio aujourd'hui, une députée de l'Assemblée nationale expliquait la croisade qu'elle entreprend pour amener la création d'une commission parlementaire sur les drames familiaux dans le but de trouver des façons de les détecter avant que le malheur ne frappe. À l'animateur qui se demandait si cette commission pourrait vraiment être utile, un psychiatre tenait ces propos que je résume de mon mieux. Selon lui, pour les drames mettant en cause les mères qui tuent leurs bébés, nous possédons suffisamment de données déjà sur la dépression
post-partum et le risque associé d'infanticide et de suicide pour mettre en place les suivis appropriés. Pour les autres cas, notre bassin de données n'est pas assez grand pour tirer des conclusions probantes. Et même si nous décidions d'investir pour mener des recherches sur une base internationale, il semble que nous ne serions pas plus en mesure de prédire tous ces actes irréparables. Que faire alors? Le doc était
catégorique : continuer à sensibiliser la population aux problèmes de santé mentale pour cesser une fois pour toutes d'associer la demande d'aide à un signe de faiblesse.
Ce qui me ramène à mon coup de pied du départ. La faiblesse.
N'est-ce pas ce que cette phrase insinue? Quand on la jette à la figure de quelqu'un qui n'arrive plus à fonctionner normalement,
est-ce qu'on n'est pas en train de lui dire que, si ça va aussi mal, c'est parce qu'il s'écoute trop. Qu'il se plaint trop. Qu'il pleure trop. Ou, des fois, qu'il rit trop et pas aux bons moments. C'est quoi cette foutue manie de la performance, du contrôle de soi en toutes occasions, de la projection d'une image parfaite et posée peu importe que l'on soit en train de vivre une maladie, un deuil ou une séparation? Et que penser du moment où l'on perd pied, où l'on ne se reconnaît plus, où l'on entend des voix, où l'on passe de l'euphorie au découragement, parfois dans la même journée?
Croyez-vous sincèrement qu'un coup de pied peut changer quoi que ce soit? Pourquoi pas un coup de main à la place? Une tape sur l'épaule. Une oreille attentive. Et l'engagement d'être là pour réagir rapidement quand le besoin s'en fait sentir.
Quinze ans plus tard, je crois toujours qu'il y a un nombre incalculable de coups de pied au derrière qui se perdent. Il n'y a rien que j'aimerais davantage que de botter le derrière de tous ceux qui m'ont conseillé de botter le mien.
Tendre la main, ou juste offrir une oreille attentive, ça fait déjà du bien. On a deux oreilles et une bouche. L'adage dit que c'est pour écouter deux fois plus que parler (lire : donner des conseils).
RépondreSupprimerUn autre adage dit que la parole est d'argent et le silence est d'or. Si on prenait le temps de s'écouter les uns les autres en laissant l'égo et les idées préconçues au vestiaire, le monde serait déjà un peu plus accueillant.
L'amie yogini