dimanche 8 juin 2025

Chercher et trouver le beau


 

Je suis en train de fleurir la terrasse pour l'été. J'essaie de composer mon décor de paradis. Mon espace de ressourcement, de recueillement, d'émerveillement. Je remplis mes pots avec les plantes que j'ai choisies très minutieusement à la pépinière, très longuement surtout. Tout cela accompagnée de l'Homme qui se promène dans les rangées avec le panier. Il n'a pas le pouce vert, ni un intérêt particulier pour tout ce qui tourne autour de la chose horticole. Mais il vient avec moi et jamais il n'émet le moindre signe d'impatience. Il me rappelle seulement de temps à autre les dimensions de l'espace dont je dispose maintenant pour exercer ma passion. Faut dire que je m'emporte facilement dès que je mets les pieds dans l'endroit magique. Quand je vois toutes ces plantes différentes, toutes aussi belles les unes que les autres, je capote. Plus le choix est grand, plus mon enthousiasme augmente. Je ne me possède plus. Je redeviens une enfant qui ne veut qu'une chose : créer son décor de rêve. 

Avec force patience, avec moult essais et erreurs, je suis arrivée à comprendre mieux l'esprit du jardinage. Cela vient avec un grand respect de la nature, de ses limites, de ses particularités et de ses caprices. Maintenant, je tiens un journal de bord où je colle toutes les étiquettes des plantes que j'achète chaque année. J'indique dans quel pot je les ai plantées. J'ajoute des détails sur leur développement ou leur difficulté à s'implanter dans le milieu que j'ai choisi pour elles. Quand cela ne fonctionne pas bien, ce n'est pas leur faute mais la mienne. Pas assez ou trop de lumière, pas assez ou trop d'eau, pas assez ou trop d'engrais, pas assez ou trop d'attentions. Jamais je n'abandonne de réchapper la plante qui s'étiole, qui me crie son désespoir d'être au mauvais endroit. Je persiste jusqu'à la fin car je veux y croire.

J'ai presque terminé de tout transplanter. Comme d'habitude, j'ai trop acheté et les pots qui me restent sont un peu petits. Mais, bon, je m'entête. Ça va aller. Je lève mon regard pour contempler mon oeuvre et je la vois. Petite fleur bleue perdue dans la pelouse. Une merveille là, sous mes yeux. "Mais qu'est-ce que tu fais là?" que je lui demande. "Tu es une pensée, si je ne m'abuse. Est-ce que tu serais le bébé d'une plante que j'ai eue sur ma terrasse l'été dernier?" Si j'avais à parier, je dirais que oui. Ne faisant alors ni une ni deux, je m'empare de ma truelle et je tente tant bien que mal d'extirper ma découverte de son écrin vert. Pas facile de démêler les racines de la plante et celles du gazon. J'y arrive et je trouve un pot pour ma protégée. Et là, j'y vois tout de suite un clin d'oeil de ma belle Mignonne morte en mai dernier. Elle adorait se vautrer dans l'herbe autour de la terrasse. Je ferai tout mon possible pour te sauver mais, même si je n'y arrive pas, je dis d'avance merci à ma belle Mignonne d'être ainsi venue me saluer.


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Quelle belle journée pour marcher! Petite brise, beau soleil. Je suis sur mon parcours habituel. J'ai emprunté la rue qui monte et je suis passée devant la maison du Monsieur-aux-drapeaux. Aujourd'hui c'est le fleurdelisé qui flotte fièrement au vent. Il change de pavillon selon les fêtes officielles des pays. C'est lui qui me l'a dit. J'ai oublié le nombre de drapeaux qu'il possède mais il en a beaucoup. J'aime quand le hasard de mes ballades m'amènent aussi à faire jasette avec ceux et celles que je croise. Je sais, c'est surprenant mon intérêt pour les gens!

Bon, je poursuis mon chemin. Je me rends compte que la fontaine de la belle maison du coin est maintenant en fonction. L'eau qui chante a retenu mon attention. Je tourne à droite et je me retrouve devant la maison du Monsieur-qui-fait-des-tables-avec-des-troncs-d'arbre-découpés. Je le sais car j'en ai acheté une lors d'une autre de mes marches. Son oeuvre trône dorénavant dans mon salon. Je constate qu'il y a un amoncellement de bois dans son entrée. Il va sans doute récidiver bientôt.

Me voilà sur la rue plus achalandée que j'arpente avant de tourner à gauche pour me diriger vers la piste cyclable que j'emprunte mais plus loin. Je préfère déambuler d'abord sur la longue rue qui la jouxte et admirer les aménagements paysagers. Nostalgie toujours de la maison et du plaisir immense de voir arriver la saison du jardinage. Je me ressaisis. J'ai une terrasse, c'est mieux que rien.

Et là, le long d'une clôture, je les vois. Des iris versicolores comme ceux qui bordaient l'étang dans ma cour. Avalanche de souvenirs. J'adore ces fleurs qui s'épanouissaient toujours aux environs de l'anniversaire du Fils. Mon coeur se remplit d'un mélange de joies et de peines. Habituellement, les iris en fleur cela voulait dire visite du Fils pour une longue fin de semaine de retrouvailles et de célébrations. C'est terminé tout ça. Il a fallu passer à autre chose. Ouais, cette chose qui s'appelle la solitude des vieux. L'Homme et moi apprenons péniblement mais de plus en plus sereinement à vivre les longs congés sans notre progéniture. De toute façon, la Fille a dit qu'elle coupait toute communication pour une période indéterminée. Je me rappelle que Woody Allen a déjà dit que l'éternité, c'est long, surtout vers la fin. Ben, une période indéterminée, c'est un peu l'éternité.

Je poursuis ma route. Ai-je le choix? Le temps file, qu'on décide de le vivre ou pas. Aussi bien profiter des beaux moments qui passent.  Avoir la possibilité de toujours pouvoir avancer sur mes trottoirs chéris me remplit d'une immense gratitude. Cela aide à guérir.





mercredi 28 mai 2025

Restes doux-amers


Je marche avec mes yeux qui voient

Des oeuvres d'art en bois

Elles se sont autocréées

Avec la seule matière à leur disposition

Des restes des saisons passées, que dis-je, des longues années écoulées

Depuis l'abandon de la propriété

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C'est beau et c'est triste à la fois

En tout cas, ça me permet de méditer

Sur ce qui reste malgré tout

Mais qui s'efface lentement, vraiment lentement

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J'avance toujours avec ma mélancolie dans le coeur
Cette maudite sensation de tristesse impossible à déloger
Elle s'accroche à moi telle une sangsue, m'empêche des fois de respirer
Elle a tout gobé mon amour
Tout avalé ce que j'avais à donner
Il ne me reste rien de mes belles illusions
J'ai l'impression d'avoir raté l'essentiel
Je continue à marcher en m'accrochant aux restes qui croisent mes pas

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Une courbe au travers d'une prairie dévastée
Une façon de traverser plus vite de l'autre côté
Pour éviter les écueils peut-être, les malentendus, les incompréhensions
Surtout la peine
Je n'ai plus de larmes, je suis aussi sèche que ces pauvres morceaux de bois
Délaissée comme eux par des bouleversements de toutes sortes
Qui aurait dit que ce qui était sans doute une sorte de jardin d'Eden
Serait ainsi bafoué et voué aux affres de la dévastation
Oui, qui aurait dit que le château de cartes s'écroulerait
Qu'une maternité ardemment souhaitée, maintes fois refusée, puis finalement accordée
Deviendrait mon plus grand péché
J'ai juste voulu aimer
Comme quoi animée des meilleures intentions on peut quand même fauter
Vite une courbe pour passer de l'autre côté du malheur

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J'en reviens juste pas
La vie, c'est vraiment fort
Tu vois pas qu'y a pu rien autour de toi
Que des ruines, que du vide
Plus personne ne s'occupe de toi
Plus personne ne vient t'arroser, te bêcher, t'engraisser, t'admirer
Et pourtant tu t'entêtes, accroché à ton mur de briques, ton nouveau tuteur protecteur
Cette année encore tu as réussi à fleurir malgré tout
À charmer les fins observateurs de ta mauve beauté
Attirant d'abord leur attention par tes effluves marqués
À cause de toi, je pleure les printemps passés
Le souvenir du lilas de la maison familiale revient me hanter
Tu es sans doute pour certains un reste pathétique d'une grandeur passée
Une mauvaise herbe qu'il faudra arracher
Quand ce jour viendra je pleurerai une nouvelle fois
Même si je sais que la vie est plus forte que la mort
 Je sais aussi les montagnes à déplacer avant de la voir triompher

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Merci Jean-Christophe Réhel pour l'inspiration

dimanche 20 avril 2025

À l'impossible, je ne suis tenue



Pour la troisième fois, je reprends le clavier pour tenter de terminer ce blog. C'est ce qui arrive quand je ne vais pas tout de go droit au but. Je perds le fil de l'urgence qui m'a poussée à vouloir mettre par écrit mon état d'âme. 

C'est donc la fin de semaine de Pâques, une autre fête qui ne signifie plus grand-chose pour bien des gens sauf pour les nostalgiques de ma trempe qui se remémorent les veillées pascales et autres cérémonies religieuses l'entourant. En fait, je me souviens surtout que Pâques, pour moi, c'était le premier long congé après Noël et que cela voulait dire l'occasion pour l'Homme et moi d'entreprendre un périple au Saguenay afin de rendre visite à mes parents après un trop long hiver. 

Trêve de réminiscences. Là nous sommes samedi. Je cuisine une quatrième douzaine de muffins en essuyant mes larmes. Mais pourquoi diable est-ce que je me fais de la peine ainsi? Je sais pourtant qu'ils ne viendront pas.

C'est vrai. Mais chaque fois qu'un long congé se présente, je ne peux m'empêcher de songer aux rassemblements que nous avions avant la Grande Séparation. J'espère encore et toujours un appel, une visite surprise même si je n'ai jamais vécu ça des visites surprises. Et pour cause. On me reproche plutôt d'avoir exercé des pressions indues dès que je voyais venir un moment fort de l'année que ce soit Noël, Pâques, la fête des mères ou la fête des pères, la Fête du travail, et tout le reste. Je ne peux nier que je demandais systématiquement au Fils et à la Fille s'il y avait une petite place pour l'Homme et moi dans leurs agendas occupés. Que voulez-vous, je ne me suis jamais habituée à leur départ du nid mais surtout au fait qu'ils habitaient loin de la maison. Impossible donc de faire une saucette à l'improviste. Fallait boucler une valise.

À ma décharge, je suis obligée d'avouer que j'ai été très mal élevée. La preuve? Une carte de ma maman retrouvée par hasard cette semaine (mais est-ce vraiment un hasard?) où elle me confiait ceci : "Aujourd'hui la maison est grande mais il faut être raisonnable. Vous n'êtes pas sitôt partis que j'ai hâte à la prochaine fois." C'est drôle mais ça m'a fait tellement chaud au coeur quand même de comprendre d'où je venais et de réaliser que l'éloignement géographique dérangeait aussi ma mère. Moi je n'ai jamais senti que maman exerçait une pression en me faisant part de son ennui. J'y voyais plutôt une grande marque d'amour. 

Des fois, pour tenter d'atténuer ma peine devant l'absence dorénavant systématique des enfants, je me dis que j'ai tout rêver. Est-ce que toutes ces années passées à aimer nos enfants à la folie (trop, j'imagine), à les accompagner dans leur développement vers la vie adulte ont vraiment existé? Quand je regarde de vieilles photos maintenant je me surprends à me demander si le Fils était vraiment content de recevoir un xième jeu de Lego ce Noël-là? Et la Fille penchée au-dessus de la table pour souffler les bougies de son gâteau d'anniversaire en forme de tête de chien (un vrai défi à réaliser), est-ce qu'elle était vraiment heureuse de constater que j'avais réussi à répondre à sa demande? Une fois qu'ils ont été partis, peut-être que j'étais tellement aspirée par mon bonheur de nous retrouver en famille pour quelques jours à partager de bonnes bouffes, à rire et à nous raconter que je ne me rendais pas compte du drame latent qui se préparait. Et je n'ai effectivement rien vu venir. 

Va falloir que je m'habitue. Pas le choix. Ça fait un Noël et deux Pâques que l'Homme et moi rongeons notre frein. Et les autres fêtes et les anniversaires, faut oublier ça. Il est temps d'apprendre à nous organiser sans compter sur notre progéniture, de penser à faire des activités tous les deux ou avec les membres de la famille et les amis qui sont autour de nous et qui, eux, ont envie de se retrouver en notre compagnie.

Chaque grande fête me permet de pratiquer cette nouvelle réalité. Je dois dire que, tout doucement, je m'y fais même si ça ne m'a pas empêchée de remplir le frigo et de cuisiner comme si j'étais pour recevoir une armée. C'est fou. Je vais être obligée de partir un service de traiteur!! Qu'est-ce que je ne ferais pas pour remplir mon vide?

En fait, il ne faut pas que je pense du tout au passé. Le moindrement que surgissent en moi des images du temps où j'étais un parent à part entière, je capote. Par exemple, en brassant mes fameux muffins cet après-midi, je me suis soudainement rappelée les chemins qu'on faisait avec de petits oeufs en chocolat dans le corridor qui menait aux chambres des enfants, parcours qu'ils devaient suivre pour découvrir les surprises laissées par le lapin de Pâques. Nos chats adoraient cette idée et n'hésitaient pas à chambarder tous nos beaux efforts. Pas grave. Ça faisait partie de nos traditions. 

Ce soir, nous avons assisté au spectacle de Pierre Lapointe au Grand Théâtre. Comme à son habitude, il était magnifique. Mais voilà qu'au moment où il a commencé à interpréter une chanson de son premier album, j'ai senti une vague d'émotion monter en moi. C'est la Fille qui m'a fait découvrir Pierre Lapointe à ses débuts et c'est avec la Fille que je l'ai vu pour la première fois en spectacle. Je me revois encore à la Maison de la culture de Gatineau juste avant que le rideau ne se lève. J'étais fébrile comme une ado et la Fille partageait mon excitation. Je peux vous dire que c'est extrêmement difficile de retenir ses larmes dans une salle de spectacle surtout quand l'émotion qui surgit est aussi forte. J'ai finalement réussi à renvoyer loin dans mon disque dur ce merveilleux souvenir d'un moment magique partagé avec la Fille.

Comme à l'impossible je ne suis tenue, je ne peux pas garantir que j'arriverai à lundi sans me souiller encore les joues comme dirait Pierre. Je vous laisse d'ailleurs avec ses mots. Merci la Fille pour cette découverte qui m'accompagne encore et toujours.

Arrête de sourire
On a tous des secrets cachés en nous 
Des rêves inassouvis qui nous rendent fous
Des regrets qui reviennent nous salir les joues

T'as pas choisi ta mère 
T'as pas choisi ton père
T'as même pas pu choisir la gueule qu'on t'a donnée
T'as pas choisi ton nom 
Et même si tu tournes en rond
Tu continues de t'amuser

Tu dis que tu aimes la vie
Tu lui dis même merci
Quand elle t'envoie ses merdes 
Tu dis que c'est pour le mieux
Tu crois qu'on est ici
Sur cette belle terre jolie
Parce qu'on s'doit d'apprendre à être heureux
À être heureux


(L'Homme et moi au Grand Théâtre hier soir)





jeudi 17 avril 2025

Ces mots censés guérir des maux (suite et j'espère fin)

 


Om... je suis au yoga ce matin. Entourée, une fois de plus, de personnes magnifiques, authentiques, bienveillantes, je respire tellement bien. Quel privilège quand même de pouvoir me retrouver deux fois par semaine dans un cocon où je n'ai pas à m'inquiéter de pleurer, de rire ou de parler! Tout en pratiquant notre méditation et en faisant nos exercices, on en vient à certains moments à échanger, à partager et à mieux se connaître. Je ne sais pas pourquoi je m'étonne toujours autant de découvrir un aussi grand nombre de belles personnes au mètre carré. C'est sans doute parce que c'est une denrée rare, du moins dans mon entourage immédiat. 

Aujourd'hui, comme cela nous arrive souvent, on a pigé des cartes, cette fois dans la boîte des fées! Au moment du partage de ce que chacune avait eu comme "message", l'une de nous lit sa carte qui parlait du bonheur et de la plénitude. De façon tout à fait spontanée, elle nous lance que c'est bien beau ça le bonheur et qu'elle essaie d'être dans cet état autant que faire se peut mais que ce n'est pas évident de rester dans la béatitude quand on s'arrête à l'état du monde et aux injustices qui caractérisent notre société. Je suis particulièrement touchée par ce cri du coeur car je comprends totalement son sentiment de frustration devant notre incapacité de soulager les horribles souffrances qu'on n'hésite pas à étaler sur tous les médias confondus.

"Faut juste arrêter d'écouter les nouvelles, c'est trop déprimant." En voilà une autre de ces phrases qui m'horripilent. Je sais que si je regarde en continu les images des bombardements à Gaza ou des attaques en Ukraine, les reportages sur la hausse de l'itinérance, sur l'arrivée de migrants désespérés à nos frontières, sur la crise dans les domaines de la santé et de l'éducation, je vais péter les plombs. Mais entre faire l'autruche et prétendre que tout va bien Madame la Marquise parce qu'on laisse notre attention se concentrer uniquement sur notre petit moi et garder l'oeil mais surtout le coeur ouverts sur la réalité réelle des femmes et des hommes de la Terre, je préfère, et de loin, la seconde option. Ce n'est pas parce qu'on fait semblant que quelque chose n'existe pas qu'elle n'est pas là devant notre face. C'est bien beau ignorer la misère des autres mais, un jour, ce sera peut-être notre misère à nous. Qui sait si nous ne serons pas touchés de façon plus importante par les changements climatiques? Nous ne serons pas toujours à l'abri des catastrophes naturelles. Idem pour la guerre. Nous avons la chance de vivre dans un pays en paix. Raison de plus pour faire pression sur nos politiciens pour aider les pays qui n'ont pas cette chance à retrouver une vie normale. C'est un devoir moral.

"Oui mais qu'est-ce qu'on peut faire? On n'est pas des soldats, On n'est pas des politiciens." C'est vrai mais on est des citoyens. On doit rester informé pour ne pas se faire berner par les "fausses nouvelles". Et, à notre échelle, on doit demeurer attentif aux gens autour de nous pour offrir notre aide au besoin. Inutile de faire compliquer pour accomplir des actes de bienveillance. L'autre jour, j'ai demandé à mon voisin s'il voulait que je l'aide à fermer son manteau. Il a un bras plus court que l'autre et il y arrivait difficilement tout seul. Une fois bien zippé, il m'a dit merci et fait un beau sourire en sortant au grand vent de ce début de printemps. Hier, j'ai appelé un ami qui habite maintenant en résidence pour l'inviter à déjeuner au resto samedi. Il a accepté d'emblée me confiant que cela allait changer le mal de place et que c'était une belle journée tout d'un coup parce qu'il avait reçu cette invitation. Vous croyez que je cherche ici à me montrer plus fine que les autres? Absolument pas. Plus humaine, ça oui, peut-être. 

Je termine avec une autre de ces belles affirmations que l'on se plaît à lancer à quelqu'un qui vit une épreuve et qui ose en plus trouver difficile de l'accepter. "C'est ton lot. C'est ta mission." ou dans le mode judéo-chrétien qui est encore parfois le nôtre : "Dieu nous envoie uniquement des épreuves que nous pouvons surmonter." Ah ouais!! Puisque j'ai la foi, je veux bien y croire. Mais maudit que je ne me sens pas toujours armée des outils appropriés pour y faire face à ces défis. J'ai la peur au ventre. J'ai le coeur en charpie. Je me sens désespérée. Où es-tu Dieu? Quand est-ce que je vais voir le miracle tant attendu? Dans une magnifique prière que je récite quotidiennement, on dit ceci :

Pourquoi est-ce que tu paniques et t'agites face aux problèmes de la vie?

Lorsque tu as fait tout ton possible pour essayer de les résoudre, laisse-moi le reste.

Si tu t'abandonnes à moi, tout s'arrangera avec tranquillité selon mes desseins.

Donne-moi toutes tes angoisses et dors tranquillement.

Et tu verras de grands miracles.

FAIS-MOI CONFIANCE

mercredi 16 avril 2025

Ces mots censés guérir des maux


 À la méditation aujourd'hui, notre déesse en chef, pour nous préparer à prendre conscience de notre respiration en début de pratique afin de rentrer à la maison comme elle dit, nous lance cette phrase : "Rappelons-nous que tout passe". Et elle poursuit tout de go sa réflexion, autant pour nous que pour elle-même : "Je me rends compte tout à coup que ces formules surutilisées pour nous encourager dans les moments difficiles peuvent ne pas être accueillies dans l'allégresse quand on les entend puisqu'elles ne sont pas toujours évidentes à intégrer."

Curieusement, j'avais déjà réfléchi à cette question lorsque j'ai fait une dépression il y a de cela plusieurs années. La phrase que j'entendais le plus souvent à ce moment-là dès que j'osais partager un tant soit peu la façon dont je me sentais et l'impuissance dans laquelle je me trouvais arrivait très rapidement : "Donne-toi donc un bon coup de pied au derrière et avance". Cela avait le don de m'irriter au plus haut point. J'avais même écrit un texte où je n'hésitais pas à affirmer que c'est quand même difficile de se donner un coup de pied au derrière quand on est déjà par terre. 

En fait, ces formules toutes faites ne sont pas inutiles. La majorité d'entre elles ont prouvé leur véracité. Le hic, c'est qu'on n'est pas toujours prêt à les recevoir au moment où elles nous sont garrochées dans la face. Et pour cause. Vivre une épreuve, quelle qu'elle soit, n'est pas une mince affaire. Il faut parfois accepter de remettre en question beaucoup de choses et, la plupart du temps, se regarder franchement dans le miroir. L'image qui nous est alors renvoyée correspond rarement à l'idée que l'on se fait de soi. Car, oui, on a toutes et tous notre part d'ombre. Et quand on commence vraiment un travail d'introspection et qu'on se bat vaillamment avec nos démons intérieurs, on a juste pas besoin de se faire pousser dans le cul! On fait du mieux qu'on peut et on avance à un rythme plus ou moins rapide pour assimiler les contrariétés, les peines, les souffrances que la vie nous envoie souvent à la pochetée.

"Tu dois apprendre à lâcher prise" est sans doute la deuxième phrase qui m'a été servie le plus souvent. Et je suis la première à reconnaître qu'il est impératif de laisser aller mais, mais, je n'y arrive pas encore. Croyez-moi, j'essaie fort. Abandonner mes attentes, renoncer à des rencontres qui me remplissaient le coeur, me rendre compte que moi aussi je peux éloigner des gens que j'aime profondément sans pouvoir rien faire pour ramener l'harmonie entre nous, prendre conscience de ma totale impuissance à régler un conflit, accepter que je n'ai pas les moyens, les connaissances, les qualités pour faire face à la situation, avouez que cela représente un immense deuil à faire. En même temps, si je ne lâche pas prise, je vais crever. Alors, comme on dit, je travaille là-dessus.

Souvent, en méditation, on parle d'envoyer de l'amour aux personnes et aux situations qui nous font mal. En voilà une autre recette au goût très amer. C'est sûr que c'est la première chose à laquelle on pense quand quelqu'un nous a blessé. Je l'inonde d'amour, je le mets dans la lumière. Ça semble presque ridicule et pourtant... C'est une phrase qui marche pour moi. Pourquoi? Parce que c'est la seule chose qui me reste. On ne veut pas me parler. On ne veut pas me voir. On ne veut rien régler. Fort bien, vous ne pouvez pas m'empêcher de vous aimer ni de vous souhaiter le meilleur. Comme je le disais dans mon dernier blog, c'est un véritable défi d'oublier sa souffrance pour se mettre à la place de l'autre et penser que lui aussi doit souffrir. Encore une fois, poussez-moi pas dans le cul, je prie régulièrement pour arriver à cet état de grâce.

Puisqu'il faut boucler la boucle et conclure, je reviens à "Rappelons-nous que tout passe". C'est à la méditation que j'ai entendu cette phrase pour la première fois. Merci K, chère déesse en chef, pour cette formule que tu n'hésites pas à répéter et qui fait de plus en plus sens pour moi. Cela m'apaise de me faire rappeler que la vie n'est qu'un passage. Qu'il n'y a rien d'éternel ici-bas. Que les plus beaux moments de bonheur, comme les peines les plus souffrantes ont une fin. Comme nous. Vivons pleinement tout en y mettant beaucoup, mais vraiment beaucoup d'amour. C'est la grâce que je nous souhaite de tout mon coeur.



mercredi 2 avril 2025

Crise de foi

 


La méditation, la méditation, c'est pas une raison pour penser! Mais c'est une maudite bonne raison pour s'introspecter par exemple. Alors, ce matin, entre des voix aériennes de fées et les bruits d'une rivière dans laquelle nous étions appelés à jeter tout ce dont nous n'avions plus besoin, Cyril s'est invité avec une de mes fameuses pensées récurrentes.

C'est que, voyez-vous, j'ai retrouvé dernièrement une prière que je récitais tous les soirs lorsque j'étais à l'université. Oui, ma foi m'accompagnait dans ma vie d'étudiante terrifiée de se retrouver dans un milieu inconnu. Perdue dans une ville que je ne connaissais pas, entourée de gens qui m'étaient tous étrangers et appelée à me débrouiller toute seule pour la première fois depuis mon arrivée sur Terre, je capotais. Heureusement que j'avais la foi. Celle-ci m'a toujours aidée dans les bons et moins bons moments. Quand je me rendais au pavillon Lemieux de l'université Laval pour la messe du dimanche, je retrouvais des gestes familiers, des paroles rassurantes et des personnes qui partageaient mes valeurs. Cela apportait un baume au coeur de l'anxieuse finie que j'ai toujours été. 

Bref, un 4 novembre 1974 (c'était ma première session d'études), je rapporte à ma chambre de traductrice en devenir cette prière de François d'Assise dans laquelle il demande au Seigneur de faire de lui un instrument de paix. Comment s'opposer à un but aussi noble me disais-je déjà à l'époque? 

Remplacer la haine par l'amour, l'offense par le pardon, la discorde par l'union, l'erreur par la vérité, le doute par la foi, le désespoir par l'espérance, les ténèbres par la lumière et la tristesse par la joie.

Voilà pour la première partie de ce beau texte. Avouez que c'est toujours d'actualité. Je me souviens que c'était surtout la mention du désespoir et de la tristesse qui venait me chercher. Car, oui, j'étais désespérée et triste. Je m'ennuyais tellement de ma famille laissée au Saguenay. Entre les quatre murs de ma chambrette, il n'y avait rien à faire que d'étudier. Je n'avais pas encore d'amis, alors je ne sortais pas. Je sais, c'est pathétique mais c'est comme ça. Je n'avais pas vraiment été préparée à vivre ma vie d'adulte. Vous savez cet adage qui parle des oiseaux qui doivent quitter le nid, ben, selon moi, c'est toujours mieux qu'ils soient capables de voler avant de les jeter au grand vent! Mais c'était comme ça que j'avais été élevée et je me suis débrouillée pour terminer mes études et prendre éventuellement ma place dans la société.

Je reviens à cette prière que j'ai décidé de recommencer à réciter au moins une fois par jour. Pourquoi? Il n'y a pas de hasard, dit-on. Compte tenu de la situation actuelle qui prévaut entre le Fils, la Fille et moi, j'ai pensé qu'il serait bien que je retravaille sur la paix.

Ne pas tant chercher à être consolée qu'à consoler, à être comprise qu'à comprendre, à être aimée qu'à aimer.

C'est la deuxième partie de la prière de François. C'est celle qui me pose problème et avec laquelle Cyril me revient constamment. Ce matin, sur ma chaise de méditante, ces paroles se sont donc de nouveau imposées à mon esprit. Essayant tant bien que mal de demeurer un observateur de mes pensées, j'ai encore ressenti le caractère impossible de ce défi pour moi. J'ai voulu y voir de plus près. Serait-ce parce que je ne suis pas capable moi-même de me consoler, de me comprendre ou de m'aimer que je suis pas en mesure de le faire pour les autres? Sans doute. Ce serait un bon début. En même temps, j'éprouve une grande colère quand je récite ces paroles. Pourquoi est-ce que je n'aurais pas le droit d'être consolée? C'est beau se consoler soi-même mais, des fois, ça fait beaucoup de bien de sentir que notre peine est accueillie. Idem pour l'amour et la compréhension. Dans le conflit que je vis avec le Fils et la Fille, c'est ce qui me fait le plus souffrir je crois : le manque d'empathie, de bienveillance et de douceur. Et je m'inclus là-dedans. Mais comment faire bouger les plaques tectoniques toute seule? Impuissante je suis. 

C'est en donnant que l'on reçoit, en s'oubliant que l'on trouve, en pardonnant que l'on est pardonné et en mourant que l'on ressuscite à l'éternelle vie.

Finalement, c'est l'objectif de toute une vie que d'être des artisans de paix, avec ou sans religion. Faut juste croire qu'on peut y arriver et travailler d'arrache-pied pour semer l'amour autour de soi. Comme disait notre vieux curé du haut de sa chaire : "C'est la grâce que je nous souhaite de tout mon coeur!".



lundi 31 mars 2025

Reconnaissante je suis

 


"À quelle fréquence tu publies ton blog?" me demande A. en m'enfonçant une aiguille dans le ventre.

 "Heu, selon mes humeurs et mes émotions du moment," que je lui réponds en essayant de détendre mon corps transpercé. J'ajoute : "J'avais pris comme résolution d'écrire une chronique par semaine en 2025. C'est vrai que là ça fait plus d'une semaine depuis le dernier blog. Je ne te cache pas que j'ai pensé à plusieurs sujets dans les derniers jours mais comme je suis presque toujours dans la tristesse, dans la nostalgie, même parfois dans le désespoir, je trouve que je n'offrirai pas trop une lecture agréable à mes suiveurs/suiveuses peu importe leur nombre". 

"As-tu pensé à parler de gratitude?" me lance-t-elle en me plantant ses dernières aiguilles dans les bras. "On se revoit dans 20 minutes, bonne relaxation!". Elle sort de la pièce.

Bon, la dernière idée que j'ai reçue pour mon blog m'avait été suggérée par une amie qui trouvait que j'écrivais trop triste et qui me suggérait de raconter des choses drôles. J'avais répondu à son appel mais je crois que je n'avais pas vraiment réussi à livrer la marchandise. Pourtant j'ai le rire facile. Oui, oui. Je peux avoir du plaisir en bonne compagnie. En tout cas. J'adore pas ça les suggestions. Force m'est d'admettre, toutefois, que la gratitude, ça m'accroche. Depuis plusieurs années maintenant (je vous l'ai peut-être déjà  confié mais, à mon âge bientôt plus que vénérable, j'ai le droit de radoter), je m'endors toujours en me rappelant trois choses qui m'ont fait plaisir pendant la journée. Je me rends rarement à trois avant de tomber dans les bras de Morphée. Des fois le matin, au réveil, je me dis "ben voyons, il me manquait encore une chose à trouver hier soir" et je repense à ma journée passée pour compléter mon petit exercice.

Pour ce blog, j'ai envie de vous partager des choses qui continuent à me faire du bien et qui font en sorte que j'arrive à poursuivre mon chemin malgré la grande souffrance que je porte en lien avec le Fils et la Fille depuis plus d'un an maintenant.

Voici donc mon petit palmarès de gratitude. Je ne présente pas mes plaisirs par ordre d'importance, ou peut-être que si après tout puisque je vais les énumérer en fonction de leur apparition dans mon cerveau reconnaissant. À vous d'en tirer les conclusions que vous voulez!

Même après plusieurs années à la retraite, j'éprouve toujours un réel plaisir à petit déjeuner avec l'Homme les matins où l'on n'a pas à se dépêcher pour une occupation quelconque. L'entendre préparer le café pendant que je fais mes exercices d'étirement, couper les fruits que nous allons ensuite déguster en lisant moi mes journaux papier et lui l'info sur sa tablette constituent des moments privilégiés. On discute de notre journée à venir, on décortique l'actualité mais, surtout, on prend notre temps. Deux ou trois heures facilement. C'est encore plus agréable le samedi. On étire, on étire ça au max.

Habiter Québec nous comble. Nous adorons notre condo au rez de jardin avec ses immenses fenêtres dans le salon qui nous renvoient un paysage sublime. On dirait qu'on vit dans un domaine. Des arbres partout, la pelouse vallonée, le chant des oiseaux, la petite terrasse, c'est apaisant. Et je profite de la présence de mon papa et de mes deux soeurs. Être éloignée de ma famille me causait beaucoup de peine. Mes soeurs et moi, on s'entend super bien. Avoir le privilège de vieillir avec elles à proximité me remplit d'une immense gratitude.

J'adore nos activités de bénévolat et la gang de la Popote roulante. On s'y est fait de vrais bons amis. Et que dire des gens chez qui nous allons livrer! Là aussi des liens forts se sont développés et cela fait chaud au coeur.

Je ne peux oublier notre QG, soit notre petit café de quartier que nous fréquentons assidument au minimum deux fois par semaine. C'est là que nous avons découvert qu'on pouvait aimer jouer aux cartes mais c'est surtout là qu'on a rencontré notre grand ami A. avec qui nous irons aux Îles-de-la-Madeleine en septembre. Eh oui, on est rendus là dans notre amitié. On partage des repas ensemble, on se texte plusieurs fois par jour, on se réunit dans les moments forts de l'année, bref on est ainsi jamais seuls. 

Je ne veux pas oublier mon Oscar chéri qui a su consoler mon chagrin au décès de mes deux félines adorées et qui continue, par son amour insatiable, de remplir ma vie de doux ronrons.

Je termine cette liste non exhaustive pour vous parler d'un endroit extraordinaire situé à quelques minutes de marche de chez moi, soit le Centre KA. Un peu à l'image de notre QG, c'est un lieu où je me sens complètement heureuse. Le mercredi, je médite avec un groupe de femmes exceptionnelles. Le jeudi, je fais du yoga avec d'autres personnes tout aussi formidables. À intervalles réguliers, je me fais transpercer la peau pour un mieux-être assuré. Dès que j'ai mis les pieds au Centre la première fois, mon âme a vibré car elle a immédiatement reconnu l'énergie positive, accueillante et aimante qui l'habite. Immense merci donc à vous deux, K. et A., pour ce cocon de calme et de bienveillance.


Je vous laisse avec cette photo d'un cadeau de moi à moi acheté aujourd'hui : un bracelet conçu pour favoriser le calme et la sérénité. Merci A. pour ce bijou et ta suggestion! Les deux me font du bien.

dimanche 16 mars 2025

Vivant? Toujours!

 


Je reviens d'un traitement d'acupuncture. J'ai mal au cou depuis des jours. Je sais pourquoi mais je n'arrive pas à faire le ménage qu'il faut dans ma tête pour la rendre plus légère et apaiser ma douleur. Alors je suis allée me faire transpercer la peau en espérant rétablir un flux magnétique plus harmonieux. Je suis chanceuse. Je peux m'y rendre à pied. Et il fait super beau. Je sens le printemps dans l'air. Je décide donc d'allonger ma promenade en empruntant une rue de plus avant de retourner à la maison.

Elle est là. Juchée dans le gros banc de neige devant sa maison. Elle porte des lunettes de soleil et un drôle de chapeau. Avec sa pelle, elle arrive tant bien que mal à gruger l'iceberg pour en détacher de petits morceaux qu'elle jette ensuite dans l'entrée de garage. Elle semble heureuse d'être là au sommet de ce qu'a été l'hiver. Je la salue. Elle me répond joyeusement et entame immédiatement la conversation. J'apprends ainsi qu'elle est restée confinée à la maison presque tout l'hiver. "Vous savez, je me suis déjà cassée un fémur. Je ne peux pas prendre la chance de m'en casser un autre". Elle a bien raison. Mais là, aujourd'hui, grâce à la clémence du temps, elle a décidé d'aller jouer dehors. "Je suis toujours la première dans la rue à m'attaquer au banc de neige", me déclare-t-elle avec fierté. Comme je la préviens de faire quand même attention, elle me rétorque sans ambages : "Il n'y a pas de danger. Je suis bien enfoncée dans la neige". D'accord. Elle poursuit et m'informe qu'elle vit toujours dans sa maison avec son mari qui a eu 100 ans et a renouvelé son permis de conduire cette semaine. Je suis impressionnée. "Je ne me sens pas encore prête à quitter la maison" qu'elle ajoute devant mon air admiratif. Et là je le vois arriver vers moi le centenaire de sa vie. Droit comme un piquet, il se prépare à aller marcher lui aussi. "Je lui ai dit de sortir. Si je ne le force pas, il reste assis et ne bouge pas. Ce n'est pas bon pour la santé". Elle a bien raison. Je souris en leur souhaitant une belle fin de journée. Ce à quoi elle me lance : "Surtout, profitez de la vie!". Ah la la. Sans le savoir, elle vient de multiplier le pouvoir de guérison des aiguilles. Je sens l'énergie circuler avec rapidité dans tout mon être. Me semble aussi que mes épaules viennent de descendre d'un cran. Comme le banc de neige devant la maison.

L'Homme et moi sommes en visite dans une résidence pour personnes âgées. On vient voir un ami qui s'est retrouvé là contre son gré. Enfin. Disons qu'il a fait en sorte que d'autres prennent des décisions pour lui. L'endroit est sinistre. Un véritable mouroir. À l'image malheureusement du sort que notre société réserve aux aînés qui n'ont pas beaucoup d'argent. Faut bien les placer quelque part. Pour eux, pas de piscine ni de gymnase. Pas de grandes bibliothèques ou de salles de billard. Pas de salle de cinéma ou de salon de coiffure. Pas de beaux grands fauteuils confortables où passer le temps en regardant un feu de foyer ou un paysage bucolique. Pas d'activités non plus si l'on fait exception de la messe, du yoga sur chaise une fois par mois et des quilles en plastique qu'on abat dans le corridor qui sert d'allée improvisée. Un tout inclus de misère quoi!

Pendant que l'Homme jase avec un monsieur dans le corridor, notre ami me confie qu'il a fait une "petite" fugue depuis notre dernière visite. Je ne suis pas trop surprise. Il avait déjà évoqué cette possibilité devant l'ennui mortel des jours qui n'en finissent plus de finir dans cette antichambre de la mort. "Comment as-tu fait pour te sauver?" que je lui demande. "Je leur ai dit que j'allais à la caisse de l'autre bord de la rue." Logique. C'est la seule chose à faire sur des kilomètres à la ronde. "Une fois rendu là, j'ai appelé un taxi pour me rendre chez mon beau-fils". Soupçonnant que le beau-fils en question ne devait pas s'attendre à cette visite imprévue et qu'il n'avait sans doute aucune intention de prendre un nouveau pensionnaire, je lui demande de poursuivre son histoire. "Ben, pour pas qu'ils envoient la police après moi, je les ai appelés pour leur dire où j'étais et aussi que j'allais revenir par mes propres moyens". Et là, il me regarde dans les yeux et me lance : "Ça m'a fait du bien de sortir et de décider quelque chose pour moi. Je me suis dit que j'existais encore et que le vrai moi était toujours là!". Tu as bien fait mon ami. La résistance, ça peut prendre différentes formes. On essaie de t'enterrer alors que tu es toujours en vie. Au déclin de ton séjour ici-bas, voilà que tu dois encore déployer une énergie folle pour garder ta dignité et clamer ton droit d'exister et de disposer de ta vie à ta guise. Oui, résiste!

Bon. Voilà que j'ai de nouveau mal au cou juste à repenser à cette chambre minuscule qui ressemble davantage à une cellule qu'à un milieu de vie. Et j'ai un peu le coeur qui chavire pour mon ami et tous ses compagnons d'infortune qui méritent mieux comme sort. Pour me ragaillardir un peu, je garde à la mémoire ce conseil que la Vie vient quand même de m'offrir cette semaine : Tant qu'on peut grimper sur un banc de neige avec nos lunettes de soleil et prendre un taxi pour fuir afin de se retrouver, tout va!

jeudi 27 février 2025

Marcher... parce qu'il faut avancer

 


Marcher... 
dans l'enveloppante douceur
créée par la neige qui tombe
Marcher...
au son des cornes de brume
des bateaux sur le fleuve
Marcher...
et presque oublier du monde 
son affolante rumeur

Cette grosse boule dans ma gorge. Ou ce poids sur ma poitrine. Cet inconfort qui souvent m'accompagne la journée durant. Vais-je l'amadouer un jour ma constante inquiétude, ma tristesse qui vient de loin? Malgré les hauts et les bas, des fois j'arrive à l'apprécier. Ouais. Surtout quand elle me force à m'arrêter pour tendre l'oreille à l'humeur de mon âme.

Marcher...
et parce que mon nez
de mon écran n'est absurdement jamais trop éloigné
apprendre la mort du conjoint d'une amie
Marcher...
et tourner mon regard vers le ciel
pour saluer l'âme de ce nouveau corps libéré
en recevant sur mon visage
les flocons de la neige mouillée

Cette nouvelle, bien qu'attendue, m'a secouée. Elle m'a rappelé l'annonce pas si lointaine de la mort d'une amie que j'ai connue au travail. C'est comme une autre vie maintenant quand j'y pense. Comme j'aimais aller retrouver C. environ une fois par mois pour déjeuner et ainsi en profiter pour nous mettre à jour dans nos nouvelles. J'adorais discuter politique avec elle. Dans son autre vie, mon amie avait travaillé sur la colline parlementaire et, à la fois par déformation professionnelle et par intérêt personnel, elle avait gardé une soif insatiable de s'abreuver à tous les médias pour tout savoir sur ce qui se tramait dans les officines du fédéral, du provincial et du municipal. C'était passionnant de discuter avec elle. 

Mais, mon admiration pour elle ne tenait pas juste à ses vastes connaissances. Non. Je l'admirais surtout pour son indéfectible détermination à vivre sa vie comme elle le souhaitait en assumant pleinement tous ses choix. Elle m'en parlait souvent. Elle ne changeait jamais son discours. Et elle est restée fidèle à elle-même jusqu'à sa fin. 

Marcher...
en prenant le temps de respirer dans les rues désertées
Marcher...
en remerciant le Ciel de mettre régulièrement sur ma route
des personnes qui jouent dans le même film que moi
Marcher...
dans la totale reconnaissance pour ma santé
et ma capacité d'apprécier la nature dont je suis entourée

Alors, voilà que depuis quelques jours, des choses s'éclairent en moi. Comme cette volonté nouvelle qui s'affirme doucement mais fermement de vivre totalement à mon image. Finis les compromis sur ce qui me tord les boyaux! Terminée la culpabilité d'avoir l'impression de ne pas en avoir assez fait, de ne pas avoir été suffisamment à l'écoute et, que dire, de ne pas avoir été à la hauteur! Stoppées dans l'oeuf les justifications sur mes états d'âme et ma supposée trop grande empathie!

Marcher...
pour avancer un petit pas à la fois vers un mieux-être
en sachant fort bien que la route va être longue et encore tortueuse
Marcher...
sur ma route et uniquement sur elle
pour me rendre à l'ultime destination

Marcher jusqu'au bout en me tenant debout

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Merci à toi C. de m'avoir révélé le chemin




jeudi 13 février 2025

De la joie? Peut-être. De la légèreté? Pas sûr.


J'ai pensé à plein de titres pour ce blog. Par exemple : Parcelles de bonheur. Je me disais que, pour une fois, je pourrais écrire "plus léger" et partager des mots de sagesse. Ainsi, ce matin, en parcourant le fil de Facedebouc, je tombe sur une entrevue donnée par une dame de 98 ans ayant entre autres accumulé 70 ans de mariage! Tout un bail, n'est-ce pas? Elle parlait de ses années de vie à deux en disant que cette période avait été très heureuse, sauf vers la fin. Et pour cause. Elle nous racontait que, pendant ses cinq dernières années ici-bas, son mari avait perdu littéralement le goût de vivre. Il trouvait ça trop difficile de s'adapter aux nouvelles réalités de notre société actuelle. Elle disait qu'il était rassasié de sa vie et qu'il s'était laissé aller complètement ne trouvant même plus de plaisir à manger. Vais-je vous surprendre en vous avouant que je le comprends? Moi aussi des fois je suis vraiment tannée. Avec ma belle amie l'Anxiété et son copain hamster Cyril, j'ai de quoi en avoir plein la tête. 

Je me dis que j'ai été chanceuse de naître en 1955. Je ne voudrais pas commencer ma vie aujourd'hui. Comprenez moi bien. Je suis parfaitement consciente que mon monde n'était pas idéal mais je me souviens par contre qu'il était animé d'espoir de changements. Je me rappelle notamment d'avoir assisté à de belles avancées chez les femmes, d'avoir vécu des reculs souhaitables de la place occupée par la religion et d'avoir vibré au désir de posséder un pays à l'image des gens passionnés de ma génération. Certes, il y avait de la pauvreté, et des guerres, et de la criminalité, et j'en passe. Mais, je ne sais pas si c'est à cause de ma jeunesse, il me semble qu'à ce moment je pouvais croire vraiment à la possibilité de changer les choses. Ouais. Jusqu'à ce que se pointe le cynisme qui s'est instillé en moi à force de déceptions, de ratages répétés, de fausses paroles, de promesse jamais tenues. 

Ça peut demander un certain temps avant de prendre la pleine mesure du poison. Au début, on se dit que c'est pas grave ce déchirement dans notre poitrine et on passe par-dessus en se disant qu'on va recommencer, qu'on va essayer de faire les choses autrement ou qu'on va les faire avec d'autres personnes. On ne veut pas voir l'échec, la peine, la désillusion, la fatigue, l'épuisement. Non! On se relève. On peut sauver le monde. On peut éveiller les consciences. On peut se battre. On peut aller au front. On peut accepter de perdre une parcelle de notre âme si c'est pour gagner un monde un peu meilleur. Et puis, on vieillit. On rétrécit notre champ d'action. On accepte d'abandonner les grandes victoires pour se consacrer aux petites luttes. Dans mon cas, j'ai décroché de toutes les réunions inutiles, de tous les comités futiles et de toutes les recommandations mises sur des tablettes jamais dépoussiérées. J'ai choisi d'agir dans un rayon plus restreint, davantage à ma mesure, et de ne plus attendre un quelconque sauveur. Sauve toi toi-même comme on dit et avec les autres que tu peux amener avec toi!

Bon. Me semble que c'est lourd tout ça. Pas vraiment ce que je voulais livrer au départ de cette chronique surtout quand je pense, un peu comme le compagnon de la vieille dame, que je n'ai plus rien à faire ici. Que je n'ai plus de projet à réaliser ni de but à atteindre. Mais attention! Et c'est là que je vais vous alléger le coeur et l'esprit grâce à la sagesse de cette dame remarquable. Après avoir reconnu que son compagnon lui manque encore et qu'elle aimerait bien ça qu'il soit avec elle pour lui prendre la main et contempler ensemble le jardin, elle déclare : "Car moi j'aime la vie!". Vous savez c'est quoi son but à elle? Trouver et apprécier les petits plaisirs de la vie. Elle rajoute : "Car il y en a des petits plaisirs. Ainsi, moi j'adore les beaux tableaux et les beaux paysages et la musique classique. Et je crois à l'amour!".

Même si ça fait déjà plusieurs années que j'ai l'habitude, avant de m'endormir, de repenser à ma journée pour trouver au moins trois choses qui m'ont apporté du plaisir, je ne m'étais jamais arrêtée à me dire que, dans le fond, ça pourrait être juste ça mon but pour continuer le chemin. Tant que je réussirai à trouver trois choses et à ressentir véritablement et profondément la joie qu'elles m'auront donnée pendant la journée, je pourrai garder l'espoir de l'inatteignable mais ô combien souhaitable paix intérieure!



mercredi 5 février 2025

Le plus difficile?

 


On vient de débuter notre méditation de groupe. Je commence à me déposer sur ma chaise. J'écoute la voix de K. qui nous invite à nous représenter près d'un cours d'eau quelconque. Je retiens de sa proposition que, souvent, l'eau que nous regardons est trouble, trop occupés que nous sommes à nous laisser porter par nos pensées. Je respire.

Les métaphores aquatiques m'interpellent peu. J'aime bien l'eau, son effet apaisant, mais je préfère qu'elle soit à une distance respectable de ma personne. Vous aurez deviné que je ne sais pas nager et que, par conséquent, je ne suis pas apaisée à l'idée de me laisser flotter sur quoi que ce soit de liquide. Alors, très vite, je vois plutôt un immense soleil se diriger vers moi. Sa chaleur m'attire. Sa lumière aussi, tellement vibrante, tellement accueillante. Je ne peux m'empêcher de croiser les mains sur mon coeur pour la sentir encore mieux. Je me sens complètement réchauffée. C'est bon. Je respire.

Et là me vient cette phrase, c'est quoi le plus difficile pour moi? Je ne sais pas si elle est apparue à mon esprit à la suite du partage que nous avons eu avant de débuter la séance. Ou bien si elle était là depuis hier, tapie dans un recoin de mon âme. J'essaie d'abord d'aller voir en dehors de moi. Le plus difficile, est-ce que c'est de savoir que des migrants ont commencé à être déportés vers Guantanamo? Ou est-ce de constater que la solidarité n'existe jamais longtemps? C'est peut-être aussi cette empathie que je ressens à chacune des portes où je frappe pour livrer la Popote roulante? Une personne m'apprend qu'elle devra déménager et qu'elle ne sait pas trop encore où elle pourra se loger en raison de ses faibles revenus. Une autre me confie qu'elle prend du mieux en attendant son prochain traitement de chimiothérapie... dans quelques jours. Le plus difficile? Me lever tous les jours avec une boule d'anxiété dans la gorge et me convaincre que je vais passer une belle journée. Toutes ces réponses sont bonnes, Mais il y a autre chose. Je respire.

J'ai toujours les bras croisés sur la poitrine. La chaleur est toujours là. C'est comme si je tenais quelqu'un. Un enfant. Les larmes coulent doucement sur mon visage. Je m'ennuie tellement de toi. Hier, je suis allée magasiner un cadeau pour les petites-filles de la soeur Psy. J'ai voulu acheter des vêtements. Je dois dire que je me sentais un peu déconnectée. Pas nécessairement parce que je ne crois pas pouvoir vivre un jour ce grand bonheur d'être grand-maman. Non, ce n'est pas ça. C'est que cela m'a fait remonter le temps. Cette période de ma vie où je magasinais pour toi. Ce temps béni où tu faisais partie de ma vie. Comme je t'aimais. Et comme je t'aime encore. Mes mains se serrent plus fort sur mon coeur. Je respire.

Devant la douleur de l'absence qui ne se termine pas, je choisis de me représenter ma famille dans sa période de bonheur tranquille. Je me dis que tu ne peux pas m'empêcher d'inventer des repas de fête, des rassemblements joyeux, des conversations, des rires, bref, d'imaginer que je retrouve ma famille. Le plus difficile? C'est de savoir que cela n'est que regrets inutiles et chagrins infligés. Je sens bien encore une fois que je dois lâcher prise, te laisser aller sur le chemin que tu as choisi et te souhaiter le meilleur. Tout d'un coup je réalise à quel point mes mains sont serrées fort sur ma poitrine. Je ne veux pas lâcher ma prise, je veux garder ta chaleur, je veux te couvrir de baisers mais je sais, au fond de moi, que ce n'est pas possible. Je respire.

Le plus difficile? Ça a été d'ouvrir les bras. Et, éventuellement, ce sera de décrocher ton auto-portrait dans le salon. Pardonne-moi. Je ne peux plus te regarder devant ce fossé aux profondeurs abyssales. Je ne peux plus me plonger dans tes yeux si tristes, si perdus. Le plus difficile? C'est de réaliser que même tout l'amour d'une maman ne peut pas remplir tous les vides. J'ai besoin de douceur. J'ai besoin de paix. J'ai besoin de prendre soin de moi. 

Mais tu dois savoir que je t'aimerai toujours, la nuit comme le jour, et que tant que je vivrai tu seras mon bébé.






samedi 25 janvier 2025

Éloge de la simplicité involontaire

 


Cyril, mon hamster, a été particulièrment préoccupé cette semaine par l'argent. Je crois bien que cela est dû au fait que le Roi Orange a été couronné entouré d'un gratin de milliardaires. C'est vrai que les bidous ont occupé quasi totalement l'espace public. Ce qui a sans doute plu à nos dirigeants à qui on a laissé un répit côté service de santé, système d'éducation et mesures d'aide pour contrer la pauvreté.

Justement, avec Cyril, je n'ai pas arrêté de me poser entre autres la question suivante : comment on fait pour être riche à craquer et ne pas craquer littéralement devant cet état de fait absolument abracadabrant? Si ces magnats le voulaient, ils pourraient soulager une grande partie de la misère humaine qui ne cesse de s'accroître partout dans le monde. Je lisais que Musk, à lui seul, pourrait reconstruire tout ce qui a été détruit par les feux en Californie. Et sans que cela l'empêche de manger trois fois par jour! Eh bien non! Tous ces messieurs (car ce sont évidemment surtout des hommes) n'en n'ont que faire des pauvres hères qui couchent à la belle étoile. Pourquoi? Parce qu'ils sont tous embarqués dans une course effrénée à qui accumulera le premier 1 000 milliards de dollars américains!! Rien que ça.

Alors, mon autre question cette semaine a été la suivante : comment on fait pour se sentir bien dans ce cocon artificiel de bling bling? Comment on arrive à désirer encore des objets quand on a tout et même plus que ce dont on a besoin? Quelqu'un m'a dit que c'était parce que je n'avais jamais eu beaucoup d'argent que je ne comprenais pas la mentalité des gens riches et célèbres. Peut-être...

J'ai donc fait un petit examen de conscience. Est-ce que je changerais si j'étais riche? Est-ce que j'arrêterais d'avoir honte quand je vois des images de personnes couchées sur les trottoirs dans des froids sibériens? Est-ce que je continuerais d'avoir mal quand je vois les longues files d'hommes, de femmes et d'enfants devant les portes des banques alimentaires? Est-ce que je cesserais d'avoir les larmes aux yeux en pensant à tous mes frères et soeurs qui ne demandent qu'un toit au-dessus de leur tête et l'argent nécessaire pour payer les factures? Pourquoi est-ce que je n'ai pas cette ambition de toujours en avoir plus? Pourquoi est-ce que je ne m'inquiète pas plus de mes placements? Suis-je comme la cigale étourdie qui préfère chanter tout l'été jusqu'à ce que la bise emporte ses notes de musique?

Je ne sais pas car il est vrai que je n'ai jamais été riche. Et je ne le suis guère plus aujourd'hui. En même temps, cela dépend toujours de ce qu'on entend par être riche. Je me rappelle de moments plus éprouvants où l'Homme et moi avions de la difficulté à faire toutes les rangées de l'épicerie. Dans les premières années de notre mariage, nous allions au supermarché avec un crayon et un papier pour que l'Homme inscrive méticuleusement le prix de chaque article que je déposais dans le panier. Habituellement, on avait atteint le budget prévu en plein milieu du magasin. Il fallait alors sauter les dernières rangées pour nous diriger vers le comptoir des oeufs et des produits laitiers. Une fois, on avait participé à un concours qui nous avait permis de gagner un bon d'achat de 50$ d'épicerie. J'ai encore le sourire en pensant au plaisir que nous avions eu cette semaine-là de parcourir toutes les rangées et de nous gâter un peu. Il y a eu aussi cette méga vente de bottes d'hiver pour femmes où je n'arrivais pas à trouver ma pointure. J'ai donc claudiqué dans des bottes trop grandes au moins deux saisons parce que le plus important c'était que les enfants, eux, puissent avoir des bottes chaudes pour braver le froid. On a aussi passé quelques étés à Balconville faute de pouvoir disposer d'un budget pour les vacances. La priorité c'était davantage de pouvoir acheter les fournitures scolaires pour la rentrée en septembre.

Je ne me plains pas étant donné que la pratique de la simplicité involontaire m'a appris beaucoup sur moi. Elle m'a fait grandir aussi. L'Homme m'a énormément appris à ce chapitre, lui qui venait d'une grosse famille où il avait été habitué à ne pas avoir tout cuit dans le bec! Comme nous n'avons jamais été ni l'un ni l'autre obsédé de réussite sociale ou d'escalade d'échelons salariaux, nous avons toujours su nous contenter des biens que nous possédions. Nous avons gardé notre belle vieille maison jusqu'à notre déménagement il y a quatre ans. Finalement, on a jamais réussi à vraiment la rénover comme on le souhaitait au départ. Qu'importe! Nous y avons été infiniment heureux.

De même, nous ne remplaçons rien qui n'est pas brisé. Nous utilisons donc encore le buffet en bois de la photo qui a été fabriqué par le papa de l'Homme et que nous avions retrouvé dans le fin fond d'un placard de la maison familiale. Un ami ébéniste a fabriqué les poignées manquantes. Et voilà! Un meuble qui continue de faire notre bonheur. Nous n'avons sans doute aucun mérite. On est fait comme ça. Ou on l'est devenu par la force des choses. Possible. Mais cela voudrait dire faire fi des leçons apprises au fil des années. On s'est rapidement rendu compte que la société pouvait grandement contribuer à faire naître des besoins inutiles. Est-ce qu'il fallait vraiment amener les enfants à Walt Disney pour être des parents accomplis? Est-ce qu'un amoncellement de cadeaux à Noël remplace le temps passé à partager un bon repas en famille et à jouer à des jeux de société toute la journée en pyjama? Est-ce qu'occuper un poste de gestion qui m'aurait forcée à terminer plus tard ma journée de travail aurait pu se comparer à la joie immense que je ressentais de partir à 15h30 retrouver mes enfants pour les aider dans leurs devoirs et préparer le souper? Est-ce qu'avoir des meubles design, une auto neuve, des vêtements griffés m'aurait rempli l'âme comme l'organisation des réveillons de la solidarité, la Guignolée en famille, l'aide aux activités comme le bingo et les déjeuners au CHSLD ou la Popote roulante? Oh que non!

Je suis heureuse que les périodes difficiles m'aient permis de prendre conscience de la chance que j'avais, et que j'ai toujours, d'avoir une famille et un toit. Je suis infiniment reconnaissante à la vie d'avoir ouvert mon coeur aux autres pour avoir constamment soif de solidarité, de partage, d'égalité et de justice. 

Je suis fermement convaincue qu'avoir beaucoup d'argent ne changerait pas mon coeur. Au contraire, il serait plus que jamais à l'écoute de celles et ceux qui souffrent.

mercredi 15 janvier 2025

À question existentielle, réponse partielle

 



Vous savez quoi? C'est pas facile de gérer mon hamster. On est encore en janvier. Je n'ai donc pas abandonné ma résolution d'établir un lien plus zen avec la bibitte qui habite mon cerveau. Alors, dans un souci de m'aider à dompter l'indomptable, j'ai décidé de mettre en pratique un conseil de K., mon prof de yoga également animatrice de mon atelier de méditation, et de prendre au moins cinq minutes par jour pour débuter la journée en faisant Ohm. Je crois que je peux trouver ce temps dans mon carnet de bal quotidien pour me choisir et prendre contact avec moi.

Mais voilà! Qui s'invite précipitamment à ce moment privilégié de supposé calme? Oui, la bibitte. Elle m'apparaît systématiquement dès que je commence à respirer plus profondément. Et comment qu'elle se présente à moi? Toute énervée!! Je n'arrive pas à la suivre tellement elle bouge vite. Quand je m'imagine en train de l'arrêter, elle m'échappe à toute vitesse et se remet à danser comme une vraie folle! Souvent j'abandonne de la tranquilliser un peu. J'arrive parfois à négocier avec elle et à obtenir qu'elle prenne ça cool et qu'elle ne gâche pas ma journée avec ses envolées catastrophiques.

Ce matin, j'ai donc décidé de l'amener avec moi à l'atelier de méditation. Je me suis dit qu'elle serait peut-être gênée d'autant s'énerver devant des gens calmes à la recherche de la paix et de la sérénité. Je n'avais pas complètement tort. Au début, elle a reproduit son manège habituel puis, doucement, elle a décidé de s'asseoir dans mes mains placées judicieusement l'une sur l'autre pour mieux l'accueillir. Elle était drôle. Elle a d'abord essayé de s'installer en tailleur et elle n'y est pas parvenue à cause de ses trop petites pattes. Finalement, elle s'est couchée sur le dos, les quatre fers en l'air!

Ça s'est plutôt bien passé. J'ai réussi à me concentrer sur la voix de K. et à me connecter à ma respiration et rester dans le moment présent. J'ai juste accroché sur une phrase et je n'arrête pas d'y revenir. Quand K. a dit : "On est choyés d'expérimenter la vie", ma tête a immédiatement réagi par un véhément "pourquoi?".  Et je continue à m'interroger. Oui, à quoi ça sert d'écouter un film dont on connaît déjà la fin? Et plus on vieillit et plus on se demande avec angoisse (en tout cas moi je me le demande) de quoi elle va avoir l'air cette fameuse fin. On l'espère la plus douce possible mais y a aucune garantie là-dessus. On sait seulement qu'on s'en va vers le trou. 

Bon, je suis capable de reconnaître les belles choses de la vie. Par exemple, j'apprécie et je suis reconnaissante pour l'environnement où je me trouve, près de la nature que je peux contempler à tout moment de la journée juste en regardant dehors par les immenses fenêtres du condo. C'est un privilège et j'en suis consciente. Je peux également apprécier ma chance d'avoir l'Homme à mes côtés depuis 46 ans. C'est toute une aventure ça! Et que dire de ma famille et de mes amis, et de mes félins adorés!  

Malgré tout, j'ai constamment un serrement dans la poitrine (non, cher hamster, ce n'est pas une crise cardiaque en devenir). C'est un mal-être, une tristesse qui m'accompagne depuis longtemps. Cela m'empêche de commencer ma journée en rigolant. D'ailleurs, l'autre matin, en me rendant aux toilettes, j'ai pris le temps de me regarder dans le miroir et d'essayer de sourire. C'est un pauvre rictus que ma bouche a dessiné. Et comme j'avais l'air vieille! Même mes yeux étaient éteints. Je suis retournée dans ma chambre pour méditer et faire mes exercices de yoga. Quand je suis retournée à la salle de bain pour m'habiller, que vois-je dans le miroir? Une autre moi complètement. J'étais enfin capable d'avoir un magnifique sourire, un vrai, pas forcé pantoute! Et mes yeux brillaient. J'ai même pu me dire, à haute voix s'il vous plaît, que je m'aimais et que j'en valais la peine! 

Peut-être, je dis bien peut-être, que la vie vaut la peine d'être vécue pour ces simples petits moments de sagesse où on pense avoir enfin compris quelque chose sur notre mission ici-bas. Peut-être, je répète peut-être, qu'à force d'accumuler des bonnes notes dans les tests de cette vie, on va pouvoir réussir l'examen final. Qui sait?


vendredi 10 janvier 2025

Réflexions de début d'année

Je n'avais pas vraiment pris de résolutions cette année. Bon, pour être franche, j'y pensais mais je procrastinais et puis, dois-je aussi avouer, j'en ai un peu assez de me forcer pour être la meilleure version de moi-même en me faisant sans cesse planter par tout un chacun. Juste être moi semble poser un véritable problème à certaines personnes. Habitée des meilleures intentions, je finis toujours par causer des malentendus, des malaises, des silences, des boudages, de l'évitement, bref, je termine seule dans mon coin en train de me demander encore une fois ce que j'ai bien pu faire pour obtenir un résultat aussi inconcevable. Selon la Fille, quand elle daignait encore essayer de m'améliorer, je ne réalise même pas ce que je fais. Elle doit avoir raison. Effectivement, je ne sais pas pourquoi tenter d'exprimer mes émotions, mon mal-être, mon inconfort, mon incompréhension devient soudainement une impossibilité, pire, un crime passible des pires châtiments.

Alors, je me disais encore cette semaine, à quoi bon essayer d'améliorer ce dont je n'ai même pas conscience? C'était avant l'anxiété qui s'est emparée de moi à la suite d'un rhume qui m'a fait trop tousser à mon goût et d'une crise d'urticaire venue brutalement me surprendre. La machine s'est emballée. Me voilà en train de vérifier l'état des urgences autour de chez moi. J'appelle pour un rendez-vous en privé. J'essaie de méditer étendue dans mon lit et je tousse ma vie. Je m'habille à 4 h du matin bien décidée à prendre un taxi pour me rendre finalement à l'urgence m'assurer que je ne suis pas en état de mort prochaine. Heu...reu...se...ment, j'ai réussi à respirer par le nez, à me calmer et à négocier avec le hamster fou. C'est là que je me suis dit qu'il me restait quand même quelque chose dont j'étais consciente et que je pouvais améliorer : mon rapport avec le hamster!

Cette année, je voudrais bien que ce lien qui nous unit soit plus zen et que le hamster ralentisse la cadence. L'ennui c'est que cette bibitte qui a mon âge, soit bientôt 70 ans bien sonnés, est beaucoup plus en forme que moi. Elle court toujours comme une folle. Rapide comme l'éclair, elle n'hésite pas à élaborer les scénarios les plus catastrophiques en un temps record. Incroyable quand même ce talent qui se perd! Elle pourrait écrire des polars, des scénarios de films et des séries télés où on pourrait même voir des araignées géantes envahir un hôpital...oups je crois qu'un cerveau habité d'un hamster aussi malade que le mien a déjà réalisé cette idée. En tout cas, je formule ardemment le voeu d'arriver à négocier plus facilement avec le hamster fou, bientôt sénile et à peu près hors d'état de nuire je l'espère.

Et voilà pour une première résolution. Une autre chose à laquelle j'ai pensé c'est que ce serait bien que je commence à me respecter davantage, tout en respectant les autres bien évidemment. Je ne suis pas habituée à me choisir, trop occupée que je suis à rechercher l'amour et la reconnaissance, à vouloir faire plaisir, à tenter de garder des liens familiaux forts et, mission impossible, à sauver le monde littéralement. Pas étonnant que je sois fatiguée et que je ne m'y retrouve plus. En tout cas, pour réaliser ce deuxième objectif, je veux m'aligner sur cette magnifique déclaration d'une participante à mon cours de yoga. J'admire totalement cette personne pour son franc parler. Ainsi, à l'invitation de notre prof qui nous demandait de réfléchir à un changement que nous aimerions apporter au cours de la prochaine année et de le partager avec le groupe, elle a répondu ceci : "Moi, je ne vois rien à changer. J'aime ma vie. J'aime la personne que je suis. Qui m'aime me suive et que ceux qui ne m'aiment pas me laissent sur le bord de la rue. De toute façon, il y aura bien quelqu'un d'autre pour me ramasser!".

C'est parfait. Rien à rajouter. Moi aussi je m'aime. Je sais ce que je vaux. Je connais mon coeur. Je suis un être humain imparfait certes, mais j'ai une belle âme et ne suis jamais animée de la moindre velléité de nuire ou de faire du mal. Je n'ai pas une once de méchanceté ou de rancune. J'ai l'excuse facile car je sais reconnaître mes torts. J'ai le pardon moins facile mais je travaille là-dessus tous les jours. Quand quelqu'un me fait du mal, je l'entoure de lumière et je lui envoie de l'amour. C'est moi ça. Celle qui sauve les insectes les plus minuscules, qui adopte les chats errants, qui aime sa famille au point de s'oublier elle-même, qui rend service autant qu'elle le peut, qui se révolte des injustices et des inégalités toujours prête à monter aux barricades. 

Cette année, je renvoie donc le miroir vers vous qui ne m'acceptez pas, qui me jugez, qui me faites de la peine et qui s'en balancez, qui ne me donnez même pas la chance de la rédemption. Moi aussi je préfère être abandonnée sur le coin de la rue et continuer mon chemin avec des personnes qui n'ont pas peur des vraies relations, qui sont animées d'empathie et de bienveillance, qui sont capables, par amour, d'accepter les maladresses et les erreurs parce qu'elles considèrent que le plus important c'est de  sauvegarder le lien.

Je termine avec une autre question de notre prof de yoga : quel rêve avez-vous pour la prochaine année? Me croirez-vous si je vous dis que j'ai été incapable sur le coup de penser au moindre petit rêve. C'est comme si j'étais déjà rendue au "terminus, tout le monde descend!". Faut dire que la dernière année a été particulièrement éprouvante. À défaut de rêves, j'ai assurément perdu beaucoup d'illusions. Des choses que je croyais acquises pour toujours parce que j'y avais non seulement investi une partie de ma vie, mais une partie de mon âme. Le choc a été brutal. Il l'est encore. Je me suis littéralement sentie éjectée de mon cercle familial et abandonnée sur le bord de la rue. Tout est dans tout. Ce n'est pas surprenant que cette phrase de ma compagne de yoga ait autant résonné en moi.

Un rêve? J'en ai trouvé un qui s'est vite imposé à mon esprit : écrire. Oui, continuer à écrire, plus régulièrement, pour me permettre de partager petits et grands bonheurs, pour poursuivre ma découverte de moi et des autres, mais surtout pour me faire plaisir. À très bientôt donc!