Me
permettez-vous un instant de mettre de côté mes déboires aquatiques pour sombrer dans un sujet un peu plus sérieux? En lisant ce matin la chronique de
Josée Blanchette dans
Le Devoir, je tombe sur cette citation du journaliste polonais
Kapuscinski : "Personnellement, j'éprouve un puissant besoin d'empathie; j'ai besoin de vivre l'histoire avec les gens."
Je ne connais pas ce journaliste. Mais la citation m'a laissée bouche bée. Voilà qui résume parfaitement mon introspection actuelle. Je n'en peux plus de l'égoïsme et de l'indifférence. J'en ai soupé de l'autoexamen du nombril qui consiste à satisfaire uniquement ses besoins sans se soucier de ceux des autres. J'en ai
ras-le-bol des excuses du
genre : "Tu ne peux pas lui en demander plus. C'est sa nature. Il ne changera pas. On ne possède du pouvoir que sur
soi-même.", ou "Tu as trop d'attentes. C'est pour ça que tu es toujours déçue. Tu ne sais pas bien juger les gens et ce qu'ils peuvent ou non t'apporter."
Ah! ouais!!! J'ai des petites nouvelles pour vous autres. Je n'attends rien de moins de ceux qui m'entourent que ce que je suis
moi-même prête à donner. Je ne suis pas parfaite, loin de là. Et même si j'aspire à atteindre le nirvana de la zénitude, je suis très consciente d'être plus souvent au ras des pâquerettes que dans les hauteurs vertigineuses de la sérénité. Mais j'ai au moins le mérite d'essayer.
Oui, j'essaie très fort tous les jours de faire plaisir aux personnes que j'aime. Je pense à leur dire des bons mots, à leur fricoter des petits plats, à les inviter à une sortie, à leur téléphoner, à prendre de leurs nouvelles, à m'intéresser à ce qu'ils font, à leur travail, à leurs inquiétudes et à leurs joies. Et j'essaie de faire de même pour les inconnus que je rencontre. Je leur souris, j'entame des conversations quitte à deviser uniquement sur la température. C'est pourtant d'eux, de purs étrangers, que je reçois le plus en terme d'empathie. C'est stupéfiant de constater à quel point un salut amical ou un intérêt véritable envers la tâche qu'une personne accomplit peut entraîner des confidences et, même, un début de relation humaine et, pourquoi pas, amicale.
Malheureusement, ces brèves rencontres ne me suffisent pas. J'ai, comme le dit ce journaliste, un immense besoin de communiquer avec les autres, de partager des émotions et des plaisirs, d'échanger sur toutes sortes de sujets. La plupart du temps, toutefois, je me sens seule. Isolée. Et, ce que je trouve le plus triste, c'est que ce sont les personnes que je considère comme les plus proches de moi qui demeurent inatteignables. Peut-être que je les fais fuir avec mon immense besoin. S'ils savaient seulement que, tout ce que je veux, c'est la reconnaissance de mon existence.
Ainsi, je dois composer régulièrement avec l'humeur très changeante du collègue avec qui je suis appelée à collaborer le plus souvent. Depuis trois jours maintenant, je n'ai eu droit ni à un bonjour le matin ni à un bonsoir en quittant en fin
d'après-midi. Toute la journée, je l'entends taper, tousser ou bouger. Seule une mince cloison nous sépare. Nous travaillons ensemble depuis plus de dix ans. Nous avons maintes fois partagé notre vécu de parents. Mais, même si je comprends qu'il vit
peut-être actuellement des choses à la maison et qu'il n'a pas à les partager avec moi, il me semble que cela ne justifie pas d'ignorer un être humain au point de ne même pas accuser réception de sa présence. D'aucuns me disent (les mêmes qui me prodiguent les conseils mentionnés
ci-dessus) que je devrais m'en foutre. Sans doute ils ont raison. Mais moi j'aime le monde et je ne suis pas capable de rester indifférente.
J'en suis là dans mes réflexions. Le psy affirme que, si je reste à l'écoute de ce besoin, des occasions vont se présenter pour le satisfaire. J'espère qu'il a raison parce qu'en attendant je m'étiole. Je me sens vide en-dedans sauf quand je joue à la jardinière, quand je nourris les affamés insatiables de l'étang, quand je tente d'apprivoiser un de mes chats errants ou quand je m'amuse avec Mignonne et la
Reine-Marguerite. J'oubliais aussi les plaisirs de l'entraînement, l'écoute de la musique metal et l'écriture des blogs. C'est bien, en attendant Godot, j'ai appris à m'occuper en solitaire.