mardi 30 novembre 2010

Les mots interdits

Ouais, il pleuvait ce soir en sortant du bureau. J'ai décidé de ne pas marcher. De toute façon, je me sentais encore pleine de l'énergie de mon cours de yoga du midi. J'en ai donc profité pour cuisiner. Me semblait que c'était un temps pour ça. J'avais trouvé une recette de carrés aux framboises et aux pommes sur la Toile. Je confirme que les étoiles accordées en guise d'appréciation étaient toutes méritées. Ils sont absolument délicieux.

Comme beaucoup de gens, cuisiner me réconforte. Vous auriez dû respirer l'odeur du gâteau dans le four. C'était exquis. Le bonheur par les voies olfactives. Et comme il y avait des pommes dans la recette, ça sentait l'automne, les jours plus froids et l'envie de s'enfermer dans la maison comme dans un cocon. J'ai presque réussi à me réchauffer complètement l'intérieur. C'est que, depuis ce matin, j'ai le coeur un peu gros.

Je vous explique. La Fille poursuit toujours son périple à l'extérieur du pays et, par le fait même, à l'extérieur de nos vies. Je vous résume le trajet suivi par cette voyageuse devant l'éternel jusqu'à maintenant, soit depuis trois mois : Paris, Milan, Bologne, Padoue, Venise, Beychevelle (pour les vendanges), Bordeaux, Toulouse, Carcassonne, Sète, Marseille, Toulon, Ajaccio et Bastia (Corse), Livourne, Pise, Rome, Naples, Amalfi, Palerme, Catane, et, ce matin, Tunis. Je suis contente. Elle m'apprenait dans son courriel qu'elle s'était bien rendue et que son cyberhôte (traduction de couchsurfer selon ce que je viens d'apprendre) était super sympathique. Elle me demandait de lui envoyer des nouvelles.

Pendant que j'écrivais mes petits riens quotidiens qui, je crois, lui permettent de garder un lien avec nous, je retenais des mots et des phrases. Encore une fois, j'ai gardé en moi l'envie de lui dire à quel point je m'ennuie d'elle, à quel point me manquent sa folie, son amour fou de la nouveauté, son désir de tout apprendre, de tout voir, de tout expérimenter. Je n'ai pas dit que je me languis de son absolue liberté de faire ce que bon lui semble, de ses délires créatifs, de sa gourmandise qui la pousse parfois à regretter d'avoir trop mangé avant de bien sûr recommencer, de son énergie inépuisable qui la pousse à en prendre trop et à ne rien céder, de sa détermination, malgré ses multiples occupations, à garder contact avec tous ses amis quitte à se priver de sommeil, de sa touchante naïveté dans sa façon de vouloir régler certaines situations ou d'aborder certains problèmes. Non, je ne peux pas écrire ça. Je ne veux pas qu'elle culpabilise, si tant est qu'elle serait capable de le faire, parce que sa mère a le coeur en morceaux.

Alors, en tapant encore une fois ces mots "Je pense à toi. Surtout profite bien de ton voyage. Prends soin de toi.", j'ai pleuré en dedans. J'ai presque réussi à me faire croire que je n'avais pas le droit d'être triste, que je ne pouvais pas trouver ça difficile qu'elle ne soit pas là pour Noël. Après tout, qu'est-ce que Noël? Une journée comme les autres. Cette année, en tout cas, ce sera une journée comme les autres. Il va me manquer un morceau. Une partie de moi que l'Homme et moi sommes allés chercher à l'autre bout du monde il y aura vingt ans le 18 décembre prochain. Une merveilleuse petite fille de treize mois, apeurée, qui me scrutait de ses grands yeux. Quel chemin parcouru! Quand je songe qu'elle se prépare à retourner, toute seule, dans son pays pour y reprendre contact avec ses racines, j'en ai le souffle coupé.

Heureusement, il me reste le Fils, mon autre cadeau du ciel, arrivé celui-là le 12 décembre 1987. Le Sage. Le Raisonnable. Le Patient. Le Doux. Celui qui console mon coeur de mère lorsqu'il déborde. Celui qui me répète : "Ne pleure pas. La Fille vient juste de partir. Tu vas te faire de la peine pour rien, trop longtemps." J'imagine que je n'ai pas le choix. À cause de lui, Noël ne sera pas une journée comme les autres. Et, en attendant que notre quatuor infernal soit de nouveau au complet, je vais simplement continuer de terminer mes courriels à la Fille par ces mots "Je t'aime, maman XXXXX".

1 commentaire:

  1. oooohhh, j'en ai les larmes aux yeux, c'est trop beau! Moi aussi je suis toute triste que la voyageuse n'y soit pas cette année :( Nous aussi il va nous manquer un gros morceau pour Noël! Mais tu peux être certaine que ça va être spécial quand même :) même si c'est pas pareil que d'être notre petite gang... ça fait longtemps que c'est pas arrivé de notre côté aussi :( On s'attache à ces petites bêtes-là!

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