Avouez que c'est pas tous les jours qu'on trouve le nom de son
grand-père à la une d'un journal. C'est pourtant ce qui m'est arrivé ce matin en lisant
Le Devoir. Je vous rassure tout de suite. Je n'ai pas appris qu'il était mêlé à de vieux scandales mettant en cause pédophilie ou homicide non élucidé. Non. Il figurait plutôt dans un article de la journaliste
Isabelle Paré qui traitait de culture et de censure où on dressait en fait un portrait de l'aide accordée par les gouvernements à la culture à partir du début des années 1920. On y expliquait notamment comment l'aide a d'abord été versée par un État censeur qui s'est transformé graduellement en État encenseur.
Voici donc le contexte.
L'année : 1929. "L'ombre des robes noires plane toujours sur le Québec. Une loi vient d'être votée pour soumettre à la censure toutes les affiches de cinéma, divertissement jugé encore douteux par le clergé. Au pays du Ouimetoscope, le gouvernement Taschereau récidive pourtant un an plus tard pour étendre sa censure à toutes les images liées aux "vues animées" imprimées dans les journaux.
Je suggère, lance
Aldéric Blain, député de Dorion,
que la loi s'étende aussi aux revues, rapporte alors
Le Devoir."
Aldéric, c'est mon
grand-père maternel. Je savais qu'il avait été député. D'abord défait aux élections fédérales de 1925, il a été élu en 1927 comme député du gouvernement du Québec dans la circonscription de
Montréal-Dorion. Dois-je vous préciser qu'il exerçait sous la bannière conservatrice? Son intervention du paragraphe précédent ne laisse aucun doute en tout cas sur les valeurs qu'il défendait. J'aurais bien aimé le connaître. Malheureusement, il est mort à l'âge de
56 ans bien avant ma naissance. Je sais de lui seulement ce que maman nous en racontait. Je viens d'en apprendre un tout petit peu plus ce matin.
C'est drôle parce que moi, sa
petite-fille, j'ai justement visionné un film sur la censure hier soir en compagnie de l'Ami. J'avais envie de vous en parler mais je ne savais pas trop comment amener le sujet. Merci Aldéric. Grâce à toi, c'est maintenant chose faite. Alors, plus un documentaire qu'un film,
Howl décrit le début de la carrière du poète américain
Allen Ginsberg dont le long poème en prose intitulé
Howl, écrit en 1955, a entraîné son éditeur dans un procès pour obscénité. Cette oeuvre est considérée comme l'une des plus importantes de la
Beat Generation, au même titre notamment que le roman
On The Road de
Jack Kerouac. Obscène?
Peut-être. Fallait-il cependant essayer de censurer sa publication et, pour ce faire, tenter de prouver que les mots utilisés par Ginsberg, parce qu'ils étaient considérés comme trop crus, n'étaient pas nécessaires? C'est ce que l'avocat de la poursuite a tenté de faire lors du procès comme le rapporte le film. Parfois, c'en était presque risible. Demander à des experts en littérature de justifier le mérite de l'oeuvre ou d'expliquer certains passages plus "dérangeants" semble relever de la pure fiction. Et pourtant...
Même si le juge a finalement décrété que l'oeuvre de Ginsberg pouvait être diffusée, je suis sortie du cinéma avec un goût amer dans la bouche. C'était beau d'entendre le magistrat parler de la différence entre les individus et de l'importance d'avoir accès à une multitude de points de vue, d'idées et d'opinions. Et lorsqu'on comprend qu'entendre ne veut pas nécessairement dire approuver, me semble qu'on ne devrait jamais songer à la censure. Se mesurer à des concepts nouveaux, ça ouvre l'esprit à la réflexion. Ça permet d'entrevoir autre chose que nos préjugés et nos visions toutes faites. Lentement, un chemin se fraie. C'est celui de la liberté de pensée, de la liberté de décider pour soi. C'est sûr que ce doit être mauditement plus facile de gérer une armée de robots qui pensent tous de la même façon. Dès qu'il y en a un qui ose sortir des rangs, il se fait tout de suite repérer et ramener au bon sens commun. Vous trouvez que j'exagère?
Informez-vous. Posez-vous des questions sur les décisions prises en ce moment par un certain gouvernement de droite relativement aux organismes d'aide humanitaire qu'il soutient ou non selon que ces derniers distribuent des bibles ou encouragent l'utilisation du condom. Sur les organismes culturels qui reçoivent ou non du financement selon qu'ils font la promotion de notre beau pays ou traitent de thèmes trop embarrassants. Sur les regroupements de femmes qui se retrouvent avec des budgets coupés parce qu'elles revendiquent leurs droits en faisant trop de bruit. Sur les nombreux groupes communautaires qui tentent désespérément d'avoir de minuscules budgets pour donner des services à des gens défavorisés, des
laissés-pour-compte considérés comme persona non grata. Sur l'accès renié à l'information, sur la difficulté d'obtenir des documents qui jetteraient entre autres un éclairage sur le recours à la torture, sur la conclusion d'accords pas toujours négociés selon les règles, sur des renseignements scientifiques qui viennent contredire ce que l'on tente de nous faire croire au sujet des changements climatiques, des sables bitumineux ou des gaz à effet de serre.
Parfois, il faut des mots crus pour dénoncer, pour réveiller les consciences. Tant qu'à prendre le risque de sortir des rangs et avant de se faire remettre à sa place, aussi bien oser au max. Je vous laisse avec le début du poème de Ginsberg et vous invite à en lire plus sur ce grand cri de liberté :
I saw the best minds of my generation destroyed by
madness, starving hysterical naked,
dragging themselves through the negro streets at dawn
looking for an angry fix,
angelheaded hipsters burning for the ancient heavenly
connection to the starry dynamo in the machinery of night, ...
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Notes pédestres : J'ai eu droit à mes premiers flocons de neige cet après-midi et, avec la musique du groupe All That Remains dans les oreilles, j'en ai apprécié uniquement la beauté. Au diable le froid!
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