C'est dur à croire mais je n'ai pas fini de déverser mon fiel. Ce soir, je crache donc sur cette société dont l'indifférence n'a d'égal que son nombrilisme. Et ils dégagent tous deux une odeur nauséabonde de plus en plus insupportable.
Qu'est-ce donc que cette
soi-disant vie organisée entre êtres humains qui ne s'offusque même pas de voir certains de ses membres dans la rue? Moi ça me tord les boyaux quand on me tend la main. Parce que moi je ne sais pas ce que c'est que d'avoir froid, d'avoir faim ou, pire encore, d'être seul. Mais je peux fort bien l'imaginer, par exemple, et ça me rend malade de faire partie d'un système qui tolère l'intolérable.
J'entends déjà des voix s'élever pour me lancer que ces gens ont choisi d'être là, qu'ils ne veulent pas travailler, qu'ils préfèrent se laisser vivre, ou boire, ou se droguer.
Peut-être que c'est vrai pour certains d'entre eux, mais ça n'excuse d'aucune façon notre
je-m'en-foutisme si à la mode. Et que dire alors de notre regard d'aveugle de privilégié tellement bien développé qu'il arrive à voir sans voir. Non, mais,
n'est-ce pas un beau progrès ça, mesdames et messieurs? Y a vraiment de quoi être fier! Désormais, on peut magasiner tout en contournant habilement sur le trottoir les personnes qui nous demandent de l'argent pour manger. Et si on accepte de leur jeter un oeil, la réponse fuse, toute
prête : "Désolé, mais je n'ai rien pour vous. C'est que je dois me dépêcher pour aller chercher le rosbif que je vais servir ce soir sans compter l'arrêt que je dois faire ensuite à la SAQ pour acheter la bonne bouteille de rouge que je vais m'envoyer derrière la cravate." Et l'on continue son petit bonhomme de chemin. Zut! en voilà un autre un peu plus loin. Il est habillé en guenilles. Il fait froid et il n'a pratiquement rien sur le dos sauf un genre de poncho sale. C'est vraiment pas drôle. Bon, c'est bien beau ça mais on ne peut pas se mettre en retard et quitter les magasins sans avoir acheté une énième paire de pantalons. Au diable ceux qui gèlent!
J'étais au
centre-ville d'Ottawa aujourd'hui. J'y ai revu sur le trottoir un homme assez jeune avec qui j'avais brièvement conversé il y a quelques semaines. Il avait surtout retenu mon attention parce qu'il était accompagné d'un chien et d'un chat, sa famille comme il dit. Il se cherche en ce moment un endroit où demeurer pendant l'hiver. C'est pas facile parce que les refuges n'acceptent pas les animaux de compagnie des itinérants. On peut les comprendre. En même temps, pour ces gens, ces animaux sont souvent les seuls êtres vivants qui leur démontrent de l'affection. Et pour la plupart ils en prennent vraiment bien soin préférant souvent se priver de nourriture pour que leurs compagnons à quatre pattes puissent manger à leur faim. J'ai fait ma petite part. Mais après, quand je suis entrée dans le Centre Rideau, c'est drôle, j'avais pu envie de
grand-chose. Je trouvais qu'il y avait un caractère proprement indécent à cette abondance de marchandises exposées un peu partout. De toute façon, y avait même pas ce que je
cherchais : un abri pour une famille de trois...
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