Ça m'enrage. Le temps froid est revenu et, avec lui, les fumeurs qui sortent dehors assouvir leur passion en étant pratiquement déshabillés. Pourquoi cela me
dérange-t-il? Tout simplement parce qu'ils ne semblent jamais attraper leur coup de mort même s'ils vont piétiner les trottoirs en petits talons hauts, ou en chemise avec le col grand ouvert, ou en robe courte à ras les fesses, ou emmitouflés d'un beau châle... avec des trous. Ce n'est pas que je leur souhaite de devenir "consomption", comme on disait dans le temps. Non, c'est la jalousie qui m'étreint car moi je serais branchée à un soluté si je faisais la moitié moins que ça.
Je vous donne un exemple. Je porte un chapeau tout l'hiver. C'est quétaine, mais c'est chaud. Là où je me distingue des fumeurs, c'est que si j'ai le malheur de sortir sans mettre mon
couvre-chef ou encore si je l'enlève trop tôt au printemps, je suis faite. Immanquablement, j'attrape un rhume. Même chose si je ne me couvre pas bien le cou. Dès que je sens un courant d'air, bingo! Je viens de gagner un mal de gorge carabiné. Me semble que c'est pas juste. Je fais attention à me garder au chaud, à m'habiller en fonction de la température, et je ne peux me permettre aucun écart. Les accros à la nicotine, eux, sortent plusieurs fois par jour, sous toutes les conditions météorologiques, et ils ne semblent pas s'en porter plus mal. Si je fais exception de la toux chronique qui semble être une constante dans leur population, je ne détecte aucun visage bleui par le froid, ni d'engelures fatidiques qui les empêchent de tenir leur cigarette.
Je me souviens que ma mère aussi protestait contre cette injustice de la vie à l'égard des prudents et des sensés. Ainsi, elle s'assurait toujours que nous portions des vêtements chauds pour sortir l'hiver. Elle n'hésitait pas à serrer un foulard
par-ci (elle avait d'ailleurs développé une technique d'enrubannage assez complexe qui consistait à placer le centre du foulard sur notre front, à le croiser en arrière de notre tête et à le faire passer ensuite autour de notre cou pour l'y nouer solidement), ou à ajouter une paire de mitaines
par-là. Et, au printemps, il n'était pas question d'abandonner notre "canadienne" avant que la température ait atteint un degré qui satisfasse le baromètre maternel. Pendant ce temps, de l'autre côté du spectre, il y avait tous les amis de la rue qui passaient l'hiver avec la guédille au nez, le manteau ouvert à tous vents, les mains nues rougies par le froid. Devinez qui était malade? Ouais, nous. Au grand dam de notre mère qui n'y comprenait rien. J'imagine que l'on ne devait pas être en mesure de se fabriquer des anticorps sous nos nombreuses couches de vêtements.
Alors que faire? Je ne vois pas trop. Et je n'ai surtout pas envie d'essayer de me promener à moitié habillée pour tenter le sort. Me reste la jalousie. C'est pas beau, mais c'est tout ce que je peux opposer à une aberration contre laquelle je ne peux rien.
Et la tête?
Qu'est-ce qu'elle vient faire dans ce message? C'est surtout à cause de mes barracudas. Vous savez qu'ils ne sont pas morts. Pour le moment, ils survivent très bien dans leur bassin. En fin de semaine, j'ai un peu décoré les abords de leur habitat pour les mettre dans l'esprit des Fêtes qui s'en viennent. J'ai donc placé un petit renne au nez rouge près de l'eau. C'est mignon. Les poissons aussi aimaient ça. Vous auriez dû les voir s'énerver et s'approcher du nouveau venu pour l'examiner plus attentivement. J'ai raconté ça à mon collègue
Pompon Brodeur en lui
disant : "Ils sont tellement curieux et taquins, ça n'a pas de bon sens." Ce à quoi il m'a
répondu : "Sais-tu c'est quoi la durée maximale d'attention d'un poisson? Six secondes. Alors,
peux-tu imaginer qu'ils ont le capacité de constater qu'il y a un cervidé sur le bord du bassin? Le temps qu'ils s'en rendent compte, ils ont tout oublié!" J'ai trouvé ça drôle. Puis, je me suis demandée si nous n'avions pas, dans notre cerveau, une partie aquatique encore en activité. Cela expliquerait notre inattention maladive à l'égard des agissements de nos politiciens qui sont de toute façon probablement atteints, eux aussi.
Pensez-y six
secondes : "Nos soldats vont revenir
en 2011." "Nos soldats vont poursuivre leur mission
jusqu'en 2014."
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