dimanche 14 mars 2010

Coupable... d'avoir décroché

"Je suis coupable de poésie!", criait Nelligan entouré de ses amis et des membres de sa famille qui l'escortaient à l'asile où il finira ses jours prisonnier de la schizophrénie dont il était atteint. Les larmes coulaient toutes seules sur mes joues. J'avais déjà eu le souffle coupé à plus d'une reprise pendant la représentation. Le texte était tellement fort que, depuis le début, je buvais littéralement les paroles des artistes-chanteurs assise sur le bout de mon siège. Mais c'est cette phrase qui résonne encore à mes oreilles depuis mercredi soir dernier. Et cette vision de Nelligan emporté vers son destin brandissant son carnet de poèmes bien haut dans les airs.

C'est sûr que la maladie de Nelligan explique beaucoup de son mal-être. Je n'ai pu toutefois m'empêcher de me sentir particulièrement touchée par le drame qu'il vivait aussi dans sa difficulté à se trouver, à s'affirmer, à devenir ce qu'il sentait bouillonner à l'intérieur de lui. Et cette autre phrase, après avoir composé La Romance du vin, lancée à sa mère : "J'existe, maman, j'existe", reflète admirablement l'émerveillement de la création et de la conscience soudainement donnée à l'artiste qu'il peut arriver à exprimer ce qu'il ressent et, par le fait même, enfin exister.

Je me considère privilégiée d'avoir pu passer presque toute la semaine à Montréal pour une véritable virée culturelle. Après Nelligan au Monument-National, ce fut Huis clos, la pièce de théâtre composée par Jean-Paul Sartre. Là encore, restent gravés en mémoire les mots "L'enfer, c'est les autres" que les personnages obligés de se supporter en enfer pour l'éternité se jettent au visage à tour de rôle. Oui, on a besoin du regard des autres pour exister mais ce regard nous renvoie des images de nous-même que nous préférerions ignorer. Ce n'est plus un miroir dont on interprète la réflexion à notre guise puisque le regard des autres peut devenir impitoyable dans sa criante vérité.

Pour terminer ces extraordinaires trois jours, la soeur Psy et moi sommes allées voir PSY, spectacle cirque de la troupe Les 7 doigts de la main. Avouez que nous avons eu de la suite dans les idées! Ici, c'est la recherche de l'équilibre qui caractérise la performance, une recherche qui passe par des personnages explorant la fragilité et la complexité de la psyché humaine. Les artistes expriment la réalité de l'insomnie, de l'amnésie, de l'hypocondrie, de la paranoïa en utilisant le langage extraordinaire des arts du cirque. Tout ça dans une salle merveilleuse, la Tohu, et avec une trame sonore vraiment entraînante et originale. De cela, je retiens : "This boy needs therapy."

Et moi, j'aurai bien besoin de quelques jours pour retomber les pieds sur terre. Je vais quand même prendre mon temps. C'était bien de pouvoir décrocher.
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Notes metalliques : Devinez avec qui j'étais attablée hier soir à Montréal devant une pizza et, bien évidemment, une bonne bière?

2 commentaires:

  1. Dit nous chère marcheuse, qui? :P
    Et dans la poésie je dois avouer que Nelligan reste dans mes poètes préféré. J'ai d'ailleurs un bon recueil dans ma table de nuit et plusieurs de ses oeuvres y sont, je les ai lu il n'y a pas si longtemps de sa.

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  2. Alors, tout comme moi, cher Pusher, tu aurais été transporté par ce spectacle que je reverrais n'importe quand. Et tu me fais penser que je devrais moi aussi ressortir mon recueil de poèmes de ma table de nuit. Je me souviens entre autres que Nelligan a écrit quelque chose de très beau sur sa mère qu'il aimait beaucoup.
    Pendant le spectacle, on a récité seulement deux poèmes de Nelligan : La Romance du vin et Le Vaisseau d'or, ce dernier dit complètement à la fin par un Nelligan dorénavant enfermé à l'asile. C'était vraiment à pleurer!

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