samedi 19 juillet 2025

Clins d'oeil

 


Je reviens des balançoires. J'emprunte le sentier qui longe la haie des graminées. Pour une fraction de seconde je baisse la tête et je le vois, caché en partie sous le pied d'une plante. Un genre d'escargot ou de limace. Qu'importe. Ce qui me stupéfait c'est sa beauté parfaite. Et ce don que j'ai d'être attentive à ce qui vit autour de moi. Cette petite découverte me réjouit car elle me permet une fois de plus d'être émerveillée par la magnificence de la nature. Bénie suis-je de voir!




"Ne laisse pas le bruit du monde étouffer la voie douce de l'Espérance" (pape Léon XIV)

Je suis inquiète car il ne va pas trop bien ces temps-ci. Alors j'appelle même si j'ai toujours l'impression que je dérange. Comme prévu, il me répond que tout va très bien et qu'il écoute le baseball. Durée de la conversation : 3 minutes et demie. Je raccroche. Je suis triste. Je veux croire que tout est correct et je sais que je dois respecter ce désir de garder tout un peu caché. N'empêche.

J'ai un autre appel à faire. À une personne du même âge mais qui celle-là n'a aucun lien de parenté avec moi. Au fil des mois qui passent, c'est devenue mon amie. Aujourd'hui elle m'a même dit qu'elle me considérait comme une soeur. Je l'adore. On se confie toutes sortes de choses sur nos vies. Pas toujours des choses importantes, mais des fois oui. Elle me parle de son sentiment d'inutilité, de sa solitude parfois, du temps qui n'en finit plus de passer. Elle me remercie toujours de mes appels presque quotidiens. Elle me dit qu'elle les apprécie beaucoup. Moi aussi j'adore lui parler. Je suis persuadée qu'elle me fait autant de bien que je peux lui en faire. Toutes les deux on s'encourage, on rit beaucoup aussi. Cet après-midi, quand j'ai raccroché, j'ai réussi à sourire en repensant à ma conversation précédente. Un sacré clin d'oeil ça pour me rappeler que ce n'est pas toujours auprès de notre famille immédiate qu'on trouve le réconfort. Bénie suis-je d'être capable de développer des liens significatifs avec le monde qui m'entoure!


"Que je ne cherche pas tant à être aimé qu'à aimer." 
"C'est en donnant que l'on reçoit" 
(François d'Assise)

J'ai mal au cou. Je me plains souvent de ça et des autres douleurs musculaires que je ressens. Aujourd'hui c'était une autre de ces journées avec le cou raide, la tête pesante, le genou sensible et le pied mariton. Mais bon ça ne m'a pas empêché de cuisiner quatre douzaines de muffins et d'aller marcher pour changer d'air. De retour à la maison, je commence à emballer tous ces muffins et je me demande bien à qui je vais pouvoir donner une partie de ma production. J'ai déjà des clients réguliers mais ça ne suffira pas. Et là je pense à mes voisines qui éprouvent de gros problèmes de santé. Elles sont tellement fantastiques toutes les deux à s'entraider. De véritables exemples de courage et de résilience. Vite mon cell et j'envoie un texto pour m'enquérir de leur intérêt. Je suis aux anges : elles acceptent mon offre. Je vais livrer tout de go.

Elles m'invitent à entrer pour jaser un peu. Elles me racontent certaines de leurs péripéties en fauteuil roulant que ce soit pour se rendre au travail ou encore aller visiter un haut lieu touristique censé être accessible. C'est époustouflant les temps d'attente, les coûts, les difficultés rencontrées. Et que dire des douleurs qu'elles endurent toutes les deux au quotidien. Voilà que j'ai soudainement moins mal au cou. J'ai juste envie de les prendre dans mes bras. Je prends le temps de leur dire que je les trouve extraordinaires et que je vais les approvisionner en muffins tant qu'elles le voudront bien.

Je retourne à la maison le sourire aux lèvres, les yeux encore mouillés et miraculeusement guérie. Bénie suis-je de t'avoir Toi, là-haut, pour me faire ces clins d'oeil remplis d'amour!

dimanche 6 juillet 2025

Foi estivale

 


Église Saint-Dominique. Grande Allée. Québec. La messe commence bientôt. En attendant, on écoute l'artiste du jour, un violoniste, jouer une oeuvre de Bach. Tous les étés, depuis maintenant 34 ans, la grand'messe du dimanche à 10 h 30 permet aux fidèles de se recueillir accompagnés des notes des musiciens invités. Un très beau complément à l'acte de prier.

Assise sur mon banc en bois, je respire avec ravissement l'odeur des cierges et des restes d'encens. J'admire encore une fois le décor fabuleux de ce bâtiment avec les arches, les vitraux et les statues. Je respire profondément. Je savoure avec toute la conscience dont je peux faire preuve ce moment de recueillement, cette pause bienfaitrice de l'agitation quotidienne. Et là, les larmes montent. Le relâchement des tensions sans aucun doute. Le soulagement de me retrouver dans un refuge encore immuable. 

Les souvenirs aussi montent, surtout qu'il y a beaucoup d'enfants aujourd'hui venus suivre un cours de catéchèse pendant la messe. Je me revois avec le Fils et la Fille à l'église Saint-Jean-Marie-Vianney au bout de la rue où nous habitions à Gatineau. C'était bien avant que l'archevêché la vende pour la transformer en logements. Faut c'qui faut quand nos églises sont désertées. Et je m'inclus dans cet exode massif.

Mais, avant, quand je trouvais que la vie était plus facile, nous allions à la messe tous les dimanches même avec les enfants. Quand ils étaient très jeunes, on s'installait en arrière pour ne pas trop déranger. Puis, avec le passage des années, on s'approchait de plus en plus de l'action. Je me souviens encore avec nostalgie du Fils qui prenait toujours le temps de lire avec moi les réflexions données à la fin du Prions en Église pour mieux vivre notre semaine. Encore maintenant, je cherche cette section pour la parcourir en pensant à toi mon Fils. 

La journée où maman est décédée, la soeur Psy et moi avons quitté l'hôpital en état de choc. C'était les premières minutes de notre nouvelle vie sans notre mère adorée. On ne savait plus trop quoi faire, quoi dire, où diriger nos pas. Je me souviens que la soeur Psy s'est alors tournée vers moi pour me demander: "Où aimerais-tu aller?" Sur le coup, la seule chose qui m'est venue en tête c'est de vouloir me retrouver dans une église. C'est ce que nous avons fait. À Saint-Roch. Mon chagrin n'était pas moins grand mais il était maintenant contenu dans plus grand que moi. Les larmes pouvaient couler sans gêne. De toute façon, me disais-je, combien de personnes sont venues ici avant moi et combien d'autres viendront encore après moi verser toutes les larmes de leur corps pour tenter de soulager une peine incommensurable? Je me sentais entourée, accueillie, comprise par toutes ces statues qui me tendaient les bras en m'offrant leurs visages remplis d'amour. Il a bien fallu sortir à un moment pour poursuivre notre route mais nous avions maintenant un peu de baume sur nos coeurs meurtris.

J'ai arrêté de pratiquer sans trop savoir pourquoi. Ah! oui, l'église vendue. Il fallait dorénavant se rendre un peu plus loin de chez nous dans une autre église. La paroisse a aussi changé de nom. Et il fallait s'habituer à voir des personnes qui ne demeuraient pas dans les rues avoisinantes de notre maison. Il fallait aussi absolument prendre la voiture pour aller à la messe. Moi j'adorais marcher. Mais, bon, ce sont de pauvres excuses. J'ai donc arrêté de pratiquer. Pas tout d'un coup. Progressivement. Et puis, un jour, plus rien sauf à Noël. Des fois aussi pour des mariages ou des funérailles.

Je ne pratique plus mais je n'ai jamais arrêté de prier par contre. Je dirais même que je prie davantage avec les années. Tous les jours en fait. Je nourris ma foi autrement. Ainsi, j'ai écouté très longtemps l'émission La Victoire de l'Amour à la télé. Tous les matins à 5h30 avant d'aller travailler. Je trouvais que ça débutait bien mes journées. J'ai recommencé dernièrement à l'écouter mais je l'enregistre car je ne suis guère matinale depuis la retraite. Je lis aussi des textes sur la spiritualité pour me faire réfléchir et travailler à être la meilleure version de moi-même. 

Cependant, tout cela ne me donne pas l'appartenance à une communauté. Ni le privilège de m'arrêter une heure pour penser à celles et ceux que j'aime et dont je me préoccupe, à prier avec toute la ferveur dont je suis capable pour mes soeurs et frères qui souffrent partout dans le monde et à demander au Seigneur de changer nos coeurs de pierre en coeur de chair. 

Infiniment reconnaissante donc je suis pour ma foi estivale qui me permet de renouer avec mes racines les plus profondes et les plus solides.


Te ressembler chaque jour un peu plus

Te continuer dans nos maisons, nos rues

Être ton corps qui revit aujourd'hui

A chaque endroit où servent tes amis

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Devenir grand en se faisant petit

En s'abaissant pour mieux donner sa vie

En se penchant sur un malade ami

Sur un enfant qui pleure dans la nuit

vendredi 4 juillet 2025

À quoi ça sert?

 


C'est la valse-hésitation. Je vais marcher. Ou je vais écrire. Marcher m'aiderait sans aucun doute à évacuer un peu de mes préoccupations et encouragerait ainsi l'esprit sain dans un corps sain. Hélas, trop de mots se bousculent dans ma tête. Je dois absolument faire le ménage dans mes idées avant de pouvoir profiter pleinement de mes trottoirs chéris.

À quoi ça sert? Depuis deux jours que ces quatre mots trottent dans ma tête. Je suis encore et toujours survoltée par l'état du monde qui ne cesse de se détériorer. Une montée de lait récente m'ayant attiré comme solutions le calme qu'on doit afficher devant la tempête et l'impérieuse nécessité de résister à tout prix à l'idée de jouer au sauveur qui arrive trop tard a fait en sorte que je bouillonne toujours. Et je ne cesse de me demander mais à quoi ça sert que je m'insurge?

Pourquoi est-ce que je m'énerve autant devant les drames qui se jouent constamment devant mes yeux? D'autres personnes voient les mêmes choses et ne semblent pas s'indigner pour autant. 

Si ton frigo est plein, pourquoi te préoccuper des files de personnes qui attendent de recevoir les restes donnés généreusement par nos épiciers trop contents de se débarrasser des céréales, des biscuits et des croustilles dont personne ne veut, de ces conserves à la date d'expiration passée depuis belle lurette ou de ces fruits et légumes tellement défraîchis que j'ai entendu l'autre jour une bénévole dire à une bénéficiaire : "Je dois vous donner au moins trois casseaux de framboises si vous voulez en avoir au moins deux ou trois qui seront bonnes à manger." Je ne la blâme nullement. Elle avait raison. Mais bon, si ton frigo est plein et que tu peux acheter ce que tu aimes, pourquoi t'en faire avec ce genre de détails? Pire, je t'entends déclarer : "Au moins, on leur donne quelque chose à manger et, en plus, c'est gratuit!" Bravo la solidarité!

Si tu dors au chaud dans ton logement ou ta maison, pourquoi tu t'inquiéterais des familles qui n'ont pas trouvé de loyers abordables? Pourquoi ça te dérangerait que des personnes couchent à la belle étoile sur les bancs de parc, sous les viaducs, dans le métro, dans l'entrée des immeubles? J'entends ta seule réaction : "Faut les déplacer, c'est pas des endroits où dormir, ils doivent aller ailleurs, ce n'est pas sécuritaire et ils sont sales." Fort bien. Mais où doivent-ils se rendre? On promet des logements abordables qu'on attend toujours, on manque de ressources pour accueillir les gens démunis, pire, on coupe le financement des organismes censés les aider. Bravo l'empathie!

Si tu vis dans un pays en paix, si tu n'as pas besoin de fuir ton milieu de vie pour sauver ta peau, si tu es un citoyen à part entière avec les papiers officiels qu'il faut pour éviter d'être emprisonné, déporté ou tué, pourquoi tu ne pourrais pas continuer à siffloter tous les matins? Après tout, la vie est belle. Ouais, la tienne mais pas celle des millions de personnes qui meurent de faim, de soif, qui reçoivent quotidiennement des bombes sur la tête, qui pleurent leurs morts, qui n'ont plus l'espoir de s'en sortir un jour. Bravo le partage!

Bon, je n'écris pas pour que tu te sentes coupable. En fait, je suis plutôt jalouse. J'aimerais tellement ça lâcher prise, simplement apprécier ce que j'ai et poursuivre ma route comme si de rien n'était. De toute façon, la tâche est titanesque. Je ne peux à moi seule changer les mentalités, nourrir toutes celles et tous ceux qui ont faim (ça fait beaucoup de muffins à cuisiner!) et héberger les sans-abris. C'est d'un mouvement mondial dont nous avons besoin. Une révolte de citoyens engagés désireux de se libérer une fois pour toutes de ce système de consommation machiavélique qui enrichit les riches, appauvrit les pauvres et nous entretient dans une dépendance malsaine en nous privant de notre autonomie. Je t'entends encore : "C'est comme ça que ça fonctionne. On n'a pas le choix. C'est difficile de faire bouger les choses. Ça pourrait demander du courage, de la conviction, une force inébranlable." Oui, tu as tout compris. 

À quoi ça sert de s'indigner? À se sentir encore humain. 

dimanche 8 juin 2025

Chercher et trouver le beau


 

Je suis en train de fleurir la terrasse pour l'été. J'essaie de composer mon décor de paradis. Mon espace de ressourcement, de recueillement, d'émerveillement. Je remplis mes pots avec les plantes que j'ai choisies très minutieusement à la pépinière, très longuement surtout. Tout cela accompagnée de l'Homme qui se promène dans les rangées avec le panier. Il n'a pas le pouce vert, ni un intérêt particulier pour tout ce qui tourne autour de la chose horticole. Mais il vient avec moi et jamais il n'émet le moindre signe d'impatience. Il me rappelle seulement de temps à autre les dimensions de l'espace dont je dispose maintenant pour exercer ma passion. Faut dire que je m'emporte facilement dès que je mets les pieds dans l'endroit magique. Quand je vois toutes ces plantes différentes, toutes aussi belles les unes que les autres, je capote. Plus le choix est grand, plus mon enthousiasme augmente. Je ne me possède plus. Je redeviens une enfant qui ne veut qu'une chose : créer son décor de rêve. 

Avec force patience, avec moult essais et erreurs, je suis arrivée à comprendre mieux l'esprit du jardinage. Cela vient avec un grand respect de la nature, de ses limites, de ses particularités et de ses caprices. Maintenant, je tiens un journal de bord où je colle toutes les étiquettes des plantes que j'achète chaque année. J'indique dans quel pot je les ai plantées. J'ajoute des détails sur leur développement ou leur difficulté à s'implanter dans le milieu que j'ai choisi pour elles. Quand cela ne fonctionne pas bien, ce n'est pas leur faute mais la mienne. Pas assez ou trop de lumière, pas assez ou trop d'eau, pas assez ou trop d'engrais, pas assez ou trop d'attentions. Jamais je n'abandonne de réchapper la plante qui s'étiole, qui me crie son désespoir d'être au mauvais endroit. Je persiste jusqu'à la fin car je veux y croire.

J'ai presque terminé de tout transplanter. Comme d'habitude, j'ai trop acheté et les pots qui me restent sont un peu petits. Mais, bon, je m'entête. Ça va aller. Je lève mon regard pour contempler mon oeuvre et je la vois. Petite fleur bleue perdue dans la pelouse. Une merveille là, sous mes yeux. "Mais qu'est-ce que tu fais là?" que je lui demande. "Tu es une pensée, si je ne m'abuse. Est-ce que tu serais le bébé d'une plante que j'ai eue sur ma terrasse l'été dernier?" Si j'avais à parier, je dirais que oui. Ne faisant alors ni une ni deux, je m'empare de ma truelle et je tente tant bien que mal d'extirper ma découverte de son écrin vert. Pas facile de démêler les racines de la plante et celles du gazon. J'y arrive et je trouve un pot pour ma protégée. Et là, j'y vois tout de suite un clin d'oeil de ma belle Mignonne morte en mai dernier. Elle adorait se vautrer dans l'herbe autour de la terrasse. Je ferai tout mon possible pour te sauver mais, même si je n'y arrive pas, je dis d'avance merci à ma belle Mignonne d'être ainsi venue me saluer.


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Quelle belle journée pour marcher! Petite brise, beau soleil. Je suis sur mon parcours habituel. J'ai emprunté la rue qui monte et je suis passée devant la maison du Monsieur-aux-drapeaux. Aujourd'hui c'est le fleurdelisé qui flotte fièrement au vent. Il change de pavillon selon les fêtes officielles des pays. C'est lui qui me l'a dit. J'ai oublié le nombre de drapeaux qu'il possède mais il en a beaucoup. J'aime quand le hasard de mes ballades m'amènent aussi à faire jasette avec ceux et celles que je croise. Je sais, c'est surprenant mon intérêt pour les gens!

Bon, je poursuis mon chemin. Je me rends compte que la fontaine de la belle maison du coin est maintenant en fonction. L'eau qui chante a retenu mon attention. Je tourne à droite et je me retrouve devant la maison du Monsieur-qui-fait-des-tables-avec-des-troncs-d'arbre-découpés. Je le sais car j'en ai acheté une lors d'une autre de mes marches. Son oeuvre trône dorénavant dans mon salon. Je constate qu'il y a un amoncellement de bois dans son entrée. Il va sans doute récidiver bientôt.

Me voilà sur la rue plus achalandée que j'arpente avant de tourner à gauche pour me diriger vers la piste cyclable que j'emprunte mais plus loin. Je préfère déambuler d'abord sur la longue rue qui la jouxte et admirer les aménagements paysagers. Nostalgie toujours de la maison et du plaisir immense de voir arriver la saison du jardinage. Je me ressaisis. J'ai une terrasse, c'est mieux que rien.

Et là, le long d'une clôture, je les vois. Des iris versicolores comme ceux qui bordaient l'étang dans ma cour. Avalanche de souvenirs. J'adore ces fleurs qui s'épanouissaient toujours aux environs de l'anniversaire du Fils. Mon coeur se remplit d'un mélange de joies et de peines. Habituellement, les iris en fleur cela voulait dire visite du Fils pour une longue fin de semaine de retrouvailles et de célébrations. C'est terminé tout ça. Il a fallu passer à autre chose. Ouais, cette chose qui s'appelle la solitude des vieux. L'Homme et moi apprenons péniblement mais de plus en plus sereinement à vivre les longs congés sans notre progéniture. De toute façon, la Fille a dit qu'elle coupait toute communication pour une période indéterminée. Je me rappelle que Woody Allen a déjà dit que l'éternité, c'est long, surtout vers la fin. Ben, une période indéterminée, c'est un peu l'éternité.

Je poursuis ma route. Ai-je le choix? Le temps file, qu'on décide de le vivre ou pas. Aussi bien profiter des beaux moments qui passent.  Avoir la possibilité de toujours pouvoir avancer sur mes trottoirs chéris me remplit d'une immense gratitude. Cela aide à guérir.





mercredi 28 mai 2025

Restes doux-amers


Je marche avec mes yeux qui voient

Des oeuvres d'art en bois

Elles se sont autocréées

Avec la seule matière à leur disposition

Des restes des saisons passées, que dis-je, des longues années écoulées

Depuis l'abandon de la propriété

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C'est beau et c'est triste à la fois

En tout cas, ça me permet de méditer

Sur ce qui reste malgré tout

Mais qui s'efface lentement, vraiment lentement

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J'avance toujours avec ma mélancolie dans le coeur
Cette maudite sensation de tristesse impossible à déloger
Elle s'accroche à moi telle une sangsue, m'empêche des fois de respirer
Elle a tout gobé mon amour
Tout avalé ce que j'avais à donner
Il ne me reste rien de mes belles illusions
J'ai l'impression d'avoir raté l'essentiel
Je continue à marcher en m'accrochant aux restes qui croisent mes pas

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Une courbe au travers d'une prairie dévastée
Une façon de traverser plus vite de l'autre côté
Pour éviter les écueils peut-être, les malentendus, les incompréhensions
Surtout la peine
Je n'ai plus de larmes, je suis aussi sèche que ces pauvres morceaux de bois
Délaissée comme eux par des bouleversements de toutes sortes
Qui aurait dit que ce qui était sans doute une sorte de jardin d'Eden
Serait ainsi bafoué et voué aux affres de la dévastation
Oui, qui aurait dit que le château de cartes s'écroulerait
Qu'une maternité ardemment souhaitée, maintes fois refusée, puis finalement accordée
Deviendrait mon plus grand péché
J'ai juste voulu aimer
Comme quoi animée des meilleures intentions on peut quand même fauter
Vite une courbe pour passer de l'autre côté du malheur

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J'en reviens juste pas
La vie, c'est vraiment fort
Tu vois pas qu'y a pu rien autour de toi
Que des ruines, que du vide
Plus personne ne s'occupe de toi
Plus personne ne vient t'arroser, te bêcher, t'engraisser, t'admirer
Et pourtant tu t'entêtes, accroché à ton mur de briques, ton nouveau tuteur protecteur
Cette année encore tu as réussi à fleurir malgré tout
À charmer les fins observateurs de ta mauve beauté
Attirant d'abord leur attention par tes effluves marqués
À cause de toi, je pleure les printemps passés
Le souvenir du lilas de la maison familiale revient me hanter
Tu es sans doute pour certains un reste pathétique d'une grandeur passée
Une mauvaise herbe qu'il faudra arracher
Quand ce jour viendra je pleurerai une nouvelle fois
Même si je sais que la vie est plus forte que la mort
 Je sais aussi les montagnes à déplacer avant de la voir triompher

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Merci Jean-Christophe Réhel pour l'inspiration

dimanche 20 avril 2025

À l'impossible, je ne suis tenue



Pour la troisième fois, je reprends le clavier pour tenter de terminer ce blog. C'est ce qui arrive quand je ne vais pas tout de go droit au but. Je perds le fil de l'urgence qui m'a poussée à vouloir mettre par écrit mon état d'âme. 

C'est donc la fin de semaine de Pâques, une autre fête qui ne signifie plus grand-chose pour bien des gens sauf pour les nostalgiques de ma trempe qui se remémorent les veillées pascales et autres cérémonies religieuses l'entourant. En fait, je me souviens surtout que Pâques, pour moi, c'était le premier long congé après Noël et que cela voulait dire l'occasion pour l'Homme et moi d'entreprendre un périple au Saguenay afin de rendre visite à mes parents après un trop long hiver. 

Trêve de réminiscences. Là nous sommes samedi. Je cuisine une quatrième douzaine de muffins en essuyant mes larmes. Mais pourquoi diable est-ce que je me fais de la peine ainsi? Je sais pourtant qu'ils ne viendront pas.

C'est vrai. Mais chaque fois qu'un long congé se présente, je ne peux m'empêcher de songer aux rassemblements que nous avions avant la Grande Séparation. J'espère encore et toujours un appel, une visite surprise même si je n'ai jamais vécu ça des visites surprises. Et pour cause. On me reproche plutôt d'avoir exercé des pressions indues dès que je voyais venir un moment fort de l'année que ce soit Noël, Pâques, la fête des mères ou la fête des pères, la Fête du travail, et tout le reste. Je ne peux nier que je demandais systématiquement au Fils et à la Fille s'il y avait une petite place pour l'Homme et moi dans leurs agendas occupés. Que voulez-vous, je ne me suis jamais habituée à leur départ du nid mais surtout au fait qu'ils habitaient loin de la maison. Impossible donc de faire une saucette à l'improviste. Fallait boucler une valise.

À ma décharge, je suis obligée d'avouer que j'ai été très mal élevée. La preuve? Une carte de ma maman retrouvée par hasard cette semaine (mais est-ce vraiment un hasard?) où elle me confiait ceci : "Aujourd'hui la maison est grande mais il faut être raisonnable. Vous n'êtes pas sitôt partis que j'ai hâte à la prochaine fois." C'est drôle mais ça m'a fait tellement chaud au coeur quand même de comprendre d'où je venais et de réaliser que l'éloignement géographique dérangeait aussi ma mère. Moi je n'ai jamais senti que maman exerçait une pression en me faisant part de son ennui. J'y voyais plutôt une grande marque d'amour. 

Des fois, pour tenter d'atténuer ma peine devant l'absence dorénavant systématique des enfants, je me dis que j'ai tout rêver. Est-ce que toutes ces années passées à aimer nos enfants à la folie (trop, j'imagine), à les accompagner dans leur développement vers la vie adulte ont vraiment existé? Quand je regarde de vieilles photos maintenant je me surprends à me demander si le Fils était vraiment content de recevoir un xième jeu de Lego ce Noël-là? Et la Fille penchée au-dessus de la table pour souffler les bougies de son gâteau d'anniversaire en forme de tête de chien (un vrai défi à réaliser), est-ce qu'elle était vraiment heureuse de constater que j'avais réussi à répondre à sa demande? Une fois qu'ils ont été partis, peut-être que j'étais tellement aspirée par mon bonheur de nous retrouver en famille pour quelques jours à partager de bonnes bouffes, à rire et à nous raconter que je ne me rendais pas compte du drame latent qui se préparait. Et je n'ai effectivement rien vu venir. 

Va falloir que je m'habitue. Pas le choix. Ça fait un Noël et deux Pâques que l'Homme et moi rongeons notre frein. Et les autres fêtes et les anniversaires, faut oublier ça. Il est temps d'apprendre à nous organiser sans compter sur notre progéniture, de penser à faire des activités tous les deux ou avec les membres de la famille et les amis qui sont autour de nous et qui, eux, ont envie de se retrouver en notre compagnie.

Chaque grande fête me permet de pratiquer cette nouvelle réalité. Je dois dire que, tout doucement, je m'y fais même si ça ne m'a pas empêchée de remplir le frigo et de cuisiner comme si j'étais pour recevoir une armée. C'est fou. Je vais être obligée de partir un service de traiteur!! Qu'est-ce que je ne ferais pas pour remplir mon vide?

En fait, il ne faut pas que je pense du tout au passé. Le moindrement que surgissent en moi des images du temps où j'étais un parent à part entière, je capote. Par exemple, en brassant mes fameux muffins cet après-midi, je me suis soudainement rappelée les chemins qu'on faisait avec de petits oeufs en chocolat dans le corridor qui menait aux chambres des enfants, parcours qu'ils devaient suivre pour découvrir les surprises laissées par le lapin de Pâques. Nos chats adoraient cette idée et n'hésitaient pas à chambarder tous nos beaux efforts. Pas grave. Ça faisait partie de nos traditions. 

Ce soir, nous avons assisté au spectacle de Pierre Lapointe au Grand Théâtre. Comme à son habitude, il était magnifique. Mais voilà qu'au moment où il a commencé à interpréter une chanson de son premier album, j'ai senti une vague d'émotion monter en moi. C'est la Fille qui m'a fait découvrir Pierre Lapointe à ses débuts et c'est avec la Fille que je l'ai vu pour la première fois en spectacle. Je me revois encore à la Maison de la culture de Gatineau juste avant que le rideau ne se lève. J'étais fébrile comme une ado et la Fille partageait mon excitation. Je peux vous dire que c'est extrêmement difficile de retenir ses larmes dans une salle de spectacle surtout quand l'émotion qui surgit est aussi forte. J'ai finalement réussi à renvoyer loin dans mon disque dur ce merveilleux souvenir d'un moment magique partagé avec la Fille.

Comme à l'impossible je ne suis tenue, je ne peux pas garantir que j'arriverai à lundi sans me souiller encore les joues comme dirait Pierre. Je vous laisse d'ailleurs avec ses mots. Merci la Fille pour cette découverte qui m'accompagne encore et toujours.

Arrête de sourire
On a tous des secrets cachés en nous 
Des rêves inassouvis qui nous rendent fous
Des regrets qui reviennent nous salir les joues

T'as pas choisi ta mère 
T'as pas choisi ton père
T'as même pas pu choisir la gueule qu'on t'a donnée
T'as pas choisi ton nom 
Et même si tu tournes en rond
Tu continues de t'amuser

Tu dis que tu aimes la vie
Tu lui dis même merci
Quand elle t'envoie ses merdes 
Tu dis que c'est pour le mieux
Tu crois qu'on est ici
Sur cette belle terre jolie
Parce qu'on s'doit d'apprendre à être heureux
À être heureux


(L'Homme et moi au Grand Théâtre hier soir)





jeudi 17 avril 2025

Ces mots censés guérir des maux (suite et j'espère fin)

 


Om... je suis au yoga ce matin. Entourée, une fois de plus, de personnes magnifiques, authentiques, bienveillantes, je respire tellement bien. Quel privilège quand même de pouvoir me retrouver deux fois par semaine dans un cocon où je n'ai pas à m'inquiéter de pleurer, de rire ou de parler! Tout en pratiquant notre méditation et en faisant nos exercices, on en vient à certains moments à échanger, à partager et à mieux se connaître. Je ne sais pas pourquoi je m'étonne toujours autant de découvrir un aussi grand nombre de belles personnes au mètre carré. C'est sans doute parce que c'est une denrée rare, du moins dans mon entourage immédiat. 

Aujourd'hui, comme cela nous arrive souvent, on a pigé des cartes, cette fois dans la boîte des fées! Au moment du partage de ce que chacune avait eu comme "message", l'une de nous lit sa carte qui parlait du bonheur et de la plénitude. De façon tout à fait spontanée, elle nous lance que c'est bien beau ça le bonheur et qu'elle essaie d'être dans cet état autant que faire se peut mais que ce n'est pas évident de rester dans la béatitude quand on s'arrête à l'état du monde et aux injustices qui caractérisent notre société. Je suis particulièrement touchée par ce cri du coeur car je comprends totalement son sentiment de frustration devant notre incapacité de soulager les horribles souffrances qu'on n'hésite pas à étaler sur tous les médias confondus.

"Faut juste arrêter d'écouter les nouvelles, c'est trop déprimant." En voilà une autre de ces phrases qui m'horripilent. Je sais que si je regarde en continu les images des bombardements à Gaza ou des attaques en Ukraine, les reportages sur la hausse de l'itinérance, sur l'arrivée de migrants désespérés à nos frontières, sur la crise dans les domaines de la santé et de l'éducation, je vais péter les plombs. Mais entre faire l'autruche et prétendre que tout va bien Madame la Marquise parce qu'on laisse notre attention se concentrer uniquement sur notre petit moi et garder l'oeil mais surtout le coeur ouverts sur la réalité réelle des femmes et des hommes de la Terre, je préfère, et de loin, la seconde option. Ce n'est pas parce qu'on fait semblant que quelque chose n'existe pas qu'elle n'est pas là devant notre face. C'est bien beau ignorer la misère des autres mais, un jour, ce sera peut-être notre misère à nous. Qui sait si nous ne serons pas touchés de façon plus importante par les changements climatiques? Nous ne serons pas toujours à l'abri des catastrophes naturelles. Idem pour la guerre. Nous avons la chance de vivre dans un pays en paix. Raison de plus pour faire pression sur nos politiciens pour aider les pays qui n'ont pas cette chance à retrouver une vie normale. C'est un devoir moral.

"Oui mais qu'est-ce qu'on peut faire? On n'est pas des soldats, On n'est pas des politiciens." C'est vrai mais on est des citoyens. On doit rester informé pour ne pas se faire berner par les "fausses nouvelles". Et, à notre échelle, on doit demeurer attentif aux gens autour de nous pour offrir notre aide au besoin. Inutile de faire compliquer pour accomplir des actes de bienveillance. L'autre jour, j'ai demandé à mon voisin s'il voulait que je l'aide à fermer son manteau. Il a un bras plus court que l'autre et il y arrivait difficilement tout seul. Une fois bien zippé, il m'a dit merci et fait un beau sourire en sortant au grand vent de ce début de printemps. Hier, j'ai appelé un ami qui habite maintenant en résidence pour l'inviter à déjeuner au resto samedi. Il a accepté d'emblée me confiant que cela allait changer le mal de place et que c'était une belle journée tout d'un coup parce qu'il avait reçu cette invitation. Vous croyez que je cherche ici à me montrer plus fine que les autres? Absolument pas. Plus humaine, ça oui, peut-être. 

Je termine avec une autre de ces belles affirmations que l'on se plaît à lancer à quelqu'un qui vit une épreuve et qui ose en plus trouver difficile de l'accepter. "C'est ton lot. C'est ta mission." ou dans le mode judéo-chrétien qui est encore parfois le nôtre : "Dieu nous envoie uniquement des épreuves que nous pouvons surmonter." Ah ouais!! Puisque j'ai la foi, je veux bien y croire. Mais maudit que je ne me sens pas toujours armée des outils appropriés pour y faire face à ces défis. J'ai la peur au ventre. J'ai le coeur en charpie. Je me sens désespérée. Où es-tu Dieu? Quand est-ce que je vais voir le miracle tant attendu? Dans une magnifique prière que je récite quotidiennement, on dit ceci :

Pourquoi est-ce que tu paniques et t'agites face aux problèmes de la vie?

Lorsque tu as fait tout ton possible pour essayer de les résoudre, laisse-moi le reste.

Si tu t'abandonnes à moi, tout s'arrangera avec tranquillité selon mes desseins.

Donne-moi toutes tes angoisses et dors tranquillement.

Et tu verras de grands miracles.

FAIS-MOI CONFIANCE