lundi 31 mars 2025

Reconnaissante je suis

 


"À quelle fréquence tu publies ton blog?" me demande A. en m'enfonçant une aiguille dans le ventre.

 "Heu, selon mes humeurs et mes émotions du moment," que je lui réponds en essayant de détendre mon corps transpercé. J'ajoute : "J'avais pris comme résolution d'écrire une chronique par semaine en 2025. C'est vrai que là ça fait plus d'une semaine depuis le dernier blog. Je ne te cache pas que j'ai pensé à plusieurs sujets dans les derniers jours mais comme je suis presque toujours dans la tristesse, dans la nostalgie, même parfois dans le désespoir, je trouve que je n'offrirai pas trop une lecture agréable à mes suiveurs/suiveuses peu importe leur nombre". 

"As-tu pensé à parler de gratitude?" me lance-t-elle en me plantant ses dernières aiguilles dans les bras. "On se revoit dans 20 minutes, bonne relaxation!". Elle sort de la pièce.

Bon, la dernière idée que j'ai reçue pour mon blog m'avait été suggérée par une amie qui trouvait que j'écrivais trop triste et qui me suggérait de raconter des choses drôles. J'avais répondu à son appel mais je crois que je n'avais pas vraiment réussi à livrer la marchandise. Pourtant j'ai le rire facile. Oui, oui. Je peux avoir du plaisir en bonne compagnie. En tout cas. J'adore pas ça les suggestions. Force m'est d'admettre, toutefois, que la gratitude, ça m'accroche. Depuis plusieurs années maintenant (je vous l'ai peut-être déjà  confié mais, à mon âge bientôt plus que vénérable, j'ai le droit de radoter), je m'endors toujours en me rappelant trois choses qui m'ont fait plaisir pendant la journée. Je me rends rarement à trois avant de tomber dans les bras de Morphée. Des fois le matin, au réveil, je me dis "ben voyons, il me manquait encore une chose à trouver hier soir" et je repense à ma journée passée pour compléter mon petit exercice.

Pour ce blog, j'ai envie de vous partager des choses qui continuent à me faire du bien et qui font en sorte que j'arrive à poursuivre mon chemin malgré la grande souffrance que je porte en lien avec le Fils et la Fille depuis plus d'un an maintenant.

Voici donc mon petit palmarès de gratitude. Je ne présente pas mes plaisirs par ordre d'importance, ou peut-être que si après tout puisque je vais les énumérer en fonction de leur apparition dans mon cerveau reconnaissant. À vous d'en tirer les conclusions que vous voulez!

Même après plusieurs années à la retraite, j'éprouve toujours un réel plaisir à petit déjeuner avec l'Homme les matins où l'on n'a pas à se dépêcher pour une occupation quelconque. L'entendre préparer le café pendant que je fais mes exercices d'étirement, couper les fruits que nous allons ensuite déguster en lisant moi mes journaux papier et lui l'info sur sa tablette constituent des moments privilégiés. On discute de notre journée à venir, on décortique l'actualité mais, surtout, on prend notre temps. Deux ou trois heures facilement. C'est encore plus agréable le samedi. On étire, on étire ça au max.

Habiter Québec nous comble. Nous adorons notre condo au rez de jardin avec ses immenses fenêtres dans le salon qui nous renvoient un paysage sublime. On dirait qu'on vit dans un domaine. Des arbres partout, la pelouse vallonée, le chant des oiseaux, la petite terrasse, c'est apaisant. Et je profite de la présence de mon papa et de mes deux soeurs. Être éloignée de ma famille me causait beaucoup de peine. Mes soeurs et moi, on s'entend super bien. Avoir le privilège de vieillir avec elles à proximité me remplit d'une immense gratitude.

J'adore nos activités de bénévolat et la gang de la Popote roulante. On s'y est fait de vrais bons amis. Et que dire des gens chez qui nous allons livrer! Là aussi des liens forts se sont développés et cela fait chaud au coeur.

Je ne peux oublier notre QG, soit notre petit café de quartier que nous fréquentons assidument au minimum deux fois par semaine. C'est là que nous avons découvert qu'on pouvait aimer jouer aux cartes mais c'est surtout là qu'on a rencontré notre grand ami A. avec qui nous irons aux Îles-de-la-Madeleine en septembre. Eh oui, on est rendus là dans notre amitié. On partage des repas ensemble, on se texte plusieurs fois par jour, on se réunit dans les moments forts de l'année, bref on est ainsi jamais seuls. 

Je ne veux pas oublier mon Oscar chéri qui a su consoler mon chagrin au décès de mes deux félines adorées et qui continue, par son amour insatiable, de remplir ma vie de doux ronrons.

Je termine cette liste non exhaustive pour vous parler d'un endroit extraordinaire situé à quelques minutes de marche de chez moi, soit le Centre KA. Un peu à l'image de notre QG, c'est un lieu où je me sens complètement heureuse. Le mercredi, je médite avec un groupe de femmes exceptionnelles. Le jeudi, je fais du yoga avec d'autres personnes tout aussi formidables. À intervalles réguliers, je me fais transpercer la peau pour un mieux-être assuré. Dès que j'ai mis les pieds au Centre la première fois, mon âme a vibré car elle a immédiatement reconnu l'énergie positive, accueillante et aimante qui l'habite. Immense merci donc à vous deux, K. et A., pour ce cocon de calme et de bienveillance.


Je vous laisse avec cette photo d'un cadeau de moi à moi acheté aujourd'hui : un bracelet conçu pour favoriser le calme et la sérénité. Merci A. pour ce bijou et ta suggestion! Les deux me font du bien.

dimanche 16 mars 2025

Vivant? Toujours!

 


Je reviens d'un traitement d'acupuncture. J'ai mal au cou depuis des jours. Je sais pourquoi mais je n'arrive pas à faire le ménage qu'il faut dans ma tête pour la rendre plus légère et apaiser ma douleur. Alors je suis allée me faire transpercer la peau en espérant rétablir un flux magnétique plus harmonieux. Je suis chanceuse. Je peux m'y rendre à pied. Et il fait super beau. Je sens le printemps dans l'air. Je décide donc d'allonger ma promenade en empruntant une rue de plus avant de retourner à la maison.

Elle est là. Juchée dans le gros banc de neige devant sa maison. Elle porte des lunettes de soleil et un drôle de chapeau. Avec sa pelle, elle arrive tant bien que mal à gruger l'iceberg pour en détacher de petits morceaux qu'elle jette ensuite dans l'entrée de garage. Elle semble heureuse d'être là au sommet de ce qu'a été l'hiver. Je la salue. Elle me répond joyeusement et entame immédiatement la conversation. J'apprends ainsi qu'elle est restée confinée à la maison presque tout l'hiver. "Vous savez, je me suis déjà cassée un fémur. Je ne peux pas prendre la chance de m'en casser un autre". Elle a bien raison. Mais là, aujourd'hui, grâce à la clémence du temps, elle a décidé d'aller jouer dehors. "Je suis toujours la première dans la rue à m'attaquer au banc de neige", me déclare-t-elle avec fierté. Comme je la préviens de faire quand même attention, elle me rétorque sans ambages : "Il n'y a pas de danger. Je suis bien enfoncée dans la neige". D'accord. Elle poursuit et m'informe qu'elle vit toujours dans sa maison avec son mari qui a eu 100 ans et a renouvelé son permis de conduire cette semaine. Je suis impressionnée. "Je ne me sens pas encore prête à quitter la maison" qu'elle ajoute devant mon air admiratif. Et là je le vois arriver vers moi le centenaire de sa vie. Droit comme un piquet, il se prépare à aller marcher lui aussi. "Je lui ai dit de sortir. Si je ne le force pas, il reste assis et ne bouge pas. Ce n'est pas bon pour la santé". Elle a bien raison. Je souris en leur souhaitant une belle fin de journée. Ce à quoi elle me lance : "Surtout, profitez de la vie!". Ah la la. Sans le savoir, elle vient de multiplier le pouvoir de guérison des aiguilles. Je sens l'énergie circuler avec rapidité dans tout mon être. Me semble aussi que mes épaules viennent de descendre d'un cran. Comme le banc de neige devant la maison.

L'Homme et moi sommes en visite dans une résidence pour personnes âgées. On vient voir un ami qui s'est retrouvé là contre son gré. Enfin. Disons qu'il a fait en sorte que d'autres prennent des décisions pour lui. L'endroit est sinistre. Un véritable mouroir. À l'image malheureusement du sort que notre société réserve aux aînés qui n'ont pas beaucoup d'argent. Faut bien les placer quelque part. Pour eux, pas de piscine ni de gymnase. Pas de grandes bibliothèques ou de salles de billard. Pas de salle de cinéma ou de salon de coiffure. Pas de beaux grands fauteuils confortables où passer le temps en regardant un feu de foyer ou un paysage bucolique. Pas d'activités non plus si l'on fait exception de la messe, du yoga sur chaise une fois par mois et des quilles en plastique qu'on abat dans le corridor qui sert d'allée improvisée. Un tout inclus de misère quoi!

Pendant que l'Homme jase avec un monsieur dans le corridor, notre ami me confie qu'il a fait une "petite" fugue depuis notre dernière visite. Je ne suis pas trop surprise. Il avait déjà évoqué cette possibilité devant l'ennui mortel des jours qui n'en finissent plus de finir dans cette antichambre de la mort. "Comment as-tu fait pour te sauver?" que je lui demande. "Je leur ai dit que j'allais à la caisse de l'autre bord de la rue." Logique. C'est la seule chose à faire sur des kilomètres à la ronde. "Une fois rendu là, j'ai appelé un taxi pour me rendre chez mon beau-fils". Soupçonnant que le beau-fils en question ne devait pas s'attendre à cette visite imprévue et qu'il n'avait sans doute aucune intention de prendre un nouveau pensionnaire, je lui demande de poursuivre son histoire. "Ben, pour pas qu'ils envoient la police après moi, je les ai appelés pour leur dire où j'étais et aussi que j'allais revenir par mes propres moyens". Et là, il me regarde dans les yeux et me lance : "Ça m'a fait du bien de sortir et de décider quelque chose pour moi. Je me suis dit que j'existais encore et que le vrai moi était toujours là!". Tu as bien fait mon ami. La résistance, ça peut prendre différentes formes. On essaie de t'enterrer alors que tu es toujours en vie. Au déclin de ton séjour ici-bas, voilà que tu dois encore déployer une énergie folle pour garder ta dignité et clamer ton droit d'exister et de disposer de ta vie à ta guise. Oui, résiste!

Bon. Voilà que j'ai de nouveau mal au cou juste à repenser à cette chambre minuscule qui ressemble davantage à une cellule qu'à un milieu de vie. Et j'ai un peu le coeur qui chavire pour mon ami et tous ses compagnons d'infortune qui méritent mieux comme sort. Pour me ragaillardir un peu, je garde à la mémoire ce conseil que la Vie vient quand même de m'offrir cette semaine : Tant qu'on peut grimper sur un banc de neige avec nos lunettes de soleil et prendre un taxi pour fuir afin de se retrouver, tout va!

jeudi 27 février 2025

Marcher... parce qu'il faut avancer

 


Marcher... 
dans l'enveloppante douceur
créée par la neige qui tombe
Marcher...
au son des cornes de brume
des bateaux sur le fleuve
Marcher...
et presque oublier du monde 
son affolante rumeur

Cette grosse boule dans ma gorge. Ou ce poids sur ma poitrine. Cet inconfort qui souvent m'accompagne la journée durant. Vais-je l'amadouer un jour ma constante inquiétude, ma tristesse qui vient de loin? Malgré les hauts et les bas, des fois j'arrive à l'apprécier. Ouais. Surtout quand elle me force à m'arrêter pour tendre l'oreille à l'humeur de mon âme.

Marcher...
et parce que mon nez
de mon écran n'est absurdement jamais trop éloigné
apprendre la mort du conjoint d'une amie
Marcher...
et tourner mon regard vers le ciel
pour saluer l'âme de ce nouveau corps libéré
en recevant sur mon visage
les flocons de la neige mouillée

Cette nouvelle, bien qu'attendue, m'a secouée. Elle m'a rappelé l'annonce pas si lointaine de la mort d'une amie que j'ai connue au travail. C'est comme une autre vie maintenant quand j'y pense. Comme j'aimais aller retrouver C. environ une fois par mois pour déjeuner et ainsi en profiter pour nous mettre à jour dans nos nouvelles. J'adorais discuter politique avec elle. Dans son autre vie, mon amie avait travaillé sur la colline parlementaire et, à la fois par déformation professionnelle et par intérêt personnel, elle avait gardé une soif insatiable de s'abreuver à tous les médias pour tout savoir sur ce qui se tramait dans les officines du fédéral, du provincial et du municipal. C'était passionnant de discuter avec elle. 

Mais, mon admiration pour elle ne tenait pas juste à ses vastes connaissances. Non. Je l'admirais surtout pour son indéfectible détermination à vivre sa vie comme elle le souhaitait en assumant pleinement tous ses choix. Elle m'en parlait souvent. Elle ne changeait jamais son discours. Et elle est restée fidèle à elle-même jusqu'à sa fin. 

Marcher...
en prenant le temps de respirer dans les rues désertées
Marcher...
en remerciant le Ciel de mettre régulièrement sur ma route
des personnes qui jouent dans le même film que moi
Marcher...
dans la totale reconnaissance pour ma santé
et ma capacité d'apprécier la nature dont je suis entourée

Alors, voilà que depuis quelques jours, des choses s'éclairent en moi. Comme cette volonté nouvelle qui s'affirme doucement mais fermement de vivre totalement à mon image. Finis les compromis sur ce qui me tord les boyaux! Terminée la culpabilité d'avoir l'impression de ne pas en avoir assez fait, de ne pas avoir été suffisamment à l'écoute et, que dire, de ne pas avoir été à la hauteur! Stoppées dans l'oeuf les justifications sur mes états d'âme et ma supposée trop grande empathie!

Marcher...
pour avancer un petit pas à la fois vers un mieux-être
en sachant fort bien que la route va être longue et encore tortueuse
Marcher...
sur ma route et uniquement sur elle
pour me rendre à l'ultime destination

Marcher jusqu'au bout en me tenant debout

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Merci à toi C. de m'avoir révélé le chemin




jeudi 13 février 2025

De la joie? Peut-être. De la légèreté? Pas sûr.


J'ai pensé à plein de titres pour ce blog. Par exemple : Parcelles de bonheur. Je me disais que, pour une fois, je pourrais écrire "plus léger" et partager des mots de sagesse. Ainsi, ce matin, en parcourant le fil de Facedebouc, je tombe sur une entrevue donnée par une dame de 98 ans ayant entre autres accumulé 70 ans de mariage! Tout un bail, n'est-ce pas? Elle parlait de ses années de vie à deux en disant que cette période avait été très heureuse, sauf vers la fin. Et pour cause. Elle nous racontait que, pendant ses cinq dernières années ici-bas, son mari avait perdu littéralement le goût de vivre. Il trouvait ça trop difficile de s'adapter aux nouvelles réalités de notre société actuelle. Elle disait qu'il était rassasié de sa vie et qu'il s'était laissé aller complètement ne trouvant même plus de plaisir à manger. Vais-je vous surprendre en vous avouant que je le comprends? Moi aussi des fois je suis vraiment tannée. Avec ma belle amie l'Anxiété et son copain hamster Cyril, j'ai de quoi en avoir plein la tête. 

Je me dis que j'ai été chanceuse de naître en 1955. Je ne voudrais pas commencer ma vie aujourd'hui. Comprenez moi bien. Je suis parfaitement consciente que mon monde n'était pas idéal mais je me souviens par contre qu'il était animé d'espoir de changements. Je me rappelle notamment d'avoir assisté à de belles avancées chez les femmes, d'avoir vécu des reculs souhaitables de la place occupée par la religion et d'avoir vibré au désir de posséder un pays à l'image des gens passionnés de ma génération. Certes, il y avait de la pauvreté, et des guerres, et de la criminalité, et j'en passe. Mais, je ne sais pas si c'est à cause de ma jeunesse, il me semble qu'à ce moment je pouvais croire vraiment à la possibilité de changer les choses. Ouais. Jusqu'à ce que se pointe le cynisme qui s'est instillé en moi à force de déceptions, de ratages répétés, de fausses paroles, de promesse jamais tenues. 

Ça peut demander un certain temps avant de prendre la pleine mesure du poison. Au début, on se dit que c'est pas grave ce déchirement dans notre poitrine et on passe par-dessus en se disant qu'on va recommencer, qu'on va essayer de faire les choses autrement ou qu'on va les faire avec d'autres personnes. On ne veut pas voir l'échec, la peine, la désillusion, la fatigue, l'épuisement. Non! On se relève. On peut sauver le monde. On peut éveiller les consciences. On peut se battre. On peut aller au front. On peut accepter de perdre une parcelle de notre âme si c'est pour gagner un monde un peu meilleur. Et puis, on vieillit. On rétrécit notre champ d'action. On accepte d'abandonner les grandes victoires pour se consacrer aux petites luttes. Dans mon cas, j'ai décroché de toutes les réunions inutiles, de tous les comités futiles et de toutes les recommandations mises sur des tablettes jamais dépoussiérées. J'ai choisi d'agir dans un rayon plus restreint, davantage à ma mesure, et de ne plus attendre un quelconque sauveur. Sauve toi toi-même comme on dit et avec les autres que tu peux amener avec toi!

Bon. Me semble que c'est lourd tout ça. Pas vraiment ce que je voulais livrer au départ de cette chronique surtout quand je pense, un peu comme le compagnon de la vieille dame, que je n'ai plus rien à faire ici. Que je n'ai plus de projet à réaliser ni de but à atteindre. Mais attention! Et c'est là que je vais vous alléger le coeur et l'esprit grâce à la sagesse de cette dame remarquable. Après avoir reconnu que son compagnon lui manque encore et qu'elle aimerait bien ça qu'il soit avec elle pour lui prendre la main et contempler ensemble le jardin, elle déclare : "Car moi j'aime la vie!". Vous savez c'est quoi son but à elle? Trouver et apprécier les petits plaisirs de la vie. Elle rajoute : "Car il y en a des petits plaisirs. Ainsi, moi j'adore les beaux tableaux et les beaux paysages et la musique classique. Et je crois à l'amour!".

Même si ça fait déjà plusieurs années que j'ai l'habitude, avant de m'endormir, de repenser à ma journée pour trouver au moins trois choses qui m'ont apporté du plaisir, je ne m'étais jamais arrêtée à me dire que, dans le fond, ça pourrait être juste ça mon but pour continuer le chemin. Tant que je réussirai à trouver trois choses et à ressentir véritablement et profondément la joie qu'elles m'auront donnée pendant la journée, je pourrai garder l'espoir de l'inatteignable mais ô combien souhaitable paix intérieure!



mercredi 5 février 2025

Le plus difficile?

 


On vient de débuter notre méditation de groupe. Je commence à me déposer sur ma chaise. J'écoute la voix de K. qui nous invite à nous représenter près d'un cours d'eau quelconque. Je retiens de sa proposition que, souvent, l'eau que nous regardons est trouble, trop occupés que nous sommes à nous laisser porter par nos pensées. Je respire.

Les métaphores aquatiques m'interpellent peu. J'aime bien l'eau, son effet apaisant, mais je préfère qu'elle soit à une distance respectable de ma personne. Vous aurez deviné que je ne sais pas nager et que, par conséquent, je ne suis pas apaisée à l'idée de me laisser flotter sur quoi que ce soit de liquide. Alors, très vite, je vois plutôt un immense soleil se diriger vers moi. Sa chaleur m'attire. Sa lumière aussi, tellement vibrante, tellement accueillante. Je ne peux m'empêcher de croiser les mains sur mon coeur pour la sentir encore mieux. Je me sens complètement réchauffée. C'est bon. Je respire.

Et là me vient cette phrase, c'est quoi le plus difficile pour moi? Je ne sais pas si elle est apparue à mon esprit à la suite du partage que nous avons eu avant de débuter la séance. Ou bien si elle était là depuis hier, tapie dans un recoin de mon âme. J'essaie d'abord d'aller voir en dehors de moi. Le plus difficile, est-ce que c'est de savoir que des migrants ont commencé à être déportés vers Guantanamo? Ou est-ce de constater que la solidarité n'existe jamais longtemps? C'est peut-être aussi cette empathie que je ressens à chacune des portes où je frappe pour livrer la Popote roulante? Une personne m'apprend qu'elle devra déménager et qu'elle ne sait pas trop encore où elle pourra se loger en raison de ses faibles revenus. Une autre me confie qu'elle prend du mieux en attendant son prochain traitement de chimiothérapie... dans quelques jours. Le plus difficile? Me lever tous les jours avec une boule d'anxiété dans la gorge et me convaincre que je vais passer une belle journée. Toutes ces réponses sont bonnes, Mais il y a autre chose. Je respire.

J'ai toujours les bras croisés sur la poitrine. La chaleur est toujours là. C'est comme si je tenais quelqu'un. Un enfant. Les larmes coulent doucement sur mon visage. Je m'ennuie tellement de toi. Hier, je suis allée magasiner un cadeau pour les petites-filles de la soeur Psy. J'ai voulu acheter des vêtements. Je dois dire que je me sentais un peu déconnectée. Pas nécessairement parce que je ne crois pas pouvoir vivre un jour ce grand bonheur d'être grand-maman. Non, ce n'est pas ça. C'est que cela m'a fait remonter le temps. Cette période de ma vie où je magasinais pour toi. Ce temps béni où tu faisais partie de ma vie. Comme je t'aimais. Et comme je t'aime encore. Mes mains se serrent plus fort sur mon coeur. Je respire.

Devant la douleur de l'absence qui ne se termine pas, je choisis de me représenter ma famille dans sa période de bonheur tranquille. Je me dis que tu ne peux pas m'empêcher d'inventer des repas de fête, des rassemblements joyeux, des conversations, des rires, bref, d'imaginer que je retrouve ma famille. Le plus difficile? C'est de savoir que cela n'est que regrets inutiles et chagrins infligés. Je sens bien encore une fois que je dois lâcher prise, te laisser aller sur le chemin que tu as choisi et te souhaiter le meilleur. Tout d'un coup je réalise à quel point mes mains sont serrées fort sur ma poitrine. Je ne veux pas lâcher ma prise, je veux garder ta chaleur, je veux te couvrir de baisers mais je sais, au fond de moi, que ce n'est pas possible. Je respire.

Le plus difficile? Ça a été d'ouvrir les bras. Et, éventuellement, ce sera de décrocher ton auto-portrait dans le salon. Pardonne-moi. Je ne peux plus te regarder devant ce fossé aux profondeurs abyssales. Je ne peux plus me plonger dans tes yeux si tristes, si perdus. Le plus difficile? C'est de réaliser que même tout l'amour d'une maman ne peut pas remplir tous les vides. J'ai besoin de douceur. J'ai besoin de paix. J'ai besoin de prendre soin de moi. 

Mais tu dois savoir que je t'aimerai toujours, la nuit comme le jour, et que tant que je vivrai tu seras mon bébé.






samedi 25 janvier 2025

Éloge de la simplicité involontaire

 


Cyril, mon hamster, a été particulièrment préoccupé cette semaine par l'argent. Je crois bien que cela est dû au fait que le Roi Orange a été couronné entouré d'un gratin de milliardaires. C'est vrai que les bidous ont occupé quasi totalement l'espace public. Ce qui a sans doute plu à nos dirigeants à qui on a laissé un répit côté service de santé, système d'éducation et mesures d'aide pour contrer la pauvreté.

Justement, avec Cyril, je n'ai pas arrêté de me poser entre autres la question suivante : comment on fait pour être riche à craquer et ne pas craquer littéralement devant cet état de fait absolument abracadabrant? Si ces magnats le voulaient, ils pourraient soulager une grande partie de la misère humaine qui ne cesse de s'accroître partout dans le monde. Je lisais que Musk, à lui seul, pourrait reconstruire tout ce qui a été détruit par les feux en Californie. Et sans que cela l'empêche de manger trois fois par jour! Eh bien non! Tous ces messieurs (car ce sont évidemment surtout des hommes) n'en n'ont que faire des pauvres hères qui couchent à la belle étoile. Pourquoi? Parce qu'ils sont tous embarqués dans une course effrénée à qui accumulera le premier 1 000 milliards de dollars américains!! Rien que ça.

Alors, mon autre question cette semaine a été la suivante : comment on fait pour se sentir bien dans ce cocon artificiel de bling bling? Comment on arrive à désirer encore des objets quand on a tout et même plus que ce dont on a besoin? Quelqu'un m'a dit que c'était parce que je n'avais jamais eu beaucoup d'argent que je ne comprenais pas la mentalité des gens riches et célèbres. Peut-être...

J'ai donc fait un petit examen de conscience. Est-ce que je changerais si j'étais riche? Est-ce que j'arrêterais d'avoir honte quand je vois des images de personnes couchées sur les trottoirs dans des froids sibériens? Est-ce que je continuerais d'avoir mal quand je vois les longues files d'hommes, de femmes et d'enfants devant les portes des banques alimentaires? Est-ce que je cesserais d'avoir les larmes aux yeux en pensant à tous mes frères et soeurs qui ne demandent qu'un toit au-dessus de leur tête et l'argent nécessaire pour payer les factures? Pourquoi est-ce que je n'ai pas cette ambition de toujours en avoir plus? Pourquoi est-ce que je ne m'inquiète pas plus de mes placements? Suis-je comme la cigale étourdie qui préfère chanter tout l'été jusqu'à ce que la bise emporte ses notes de musique?

Je ne sais pas car il est vrai que je n'ai jamais été riche. Et je ne le suis guère plus aujourd'hui. En même temps, cela dépend toujours de ce qu'on entend par être riche. Je me rappelle de moments plus éprouvants où l'Homme et moi avions de la difficulté à faire toutes les rangées de l'épicerie. Dans les premières années de notre mariage, nous allions au supermarché avec un crayon et un papier pour que l'Homme inscrive méticuleusement le prix de chaque article que je déposais dans le panier. Habituellement, on avait atteint le budget prévu en plein milieu du magasin. Il fallait alors sauter les dernières rangées pour nous diriger vers le comptoir des oeufs et des produits laitiers. Une fois, on avait participé à un concours qui nous avait permis de gagner un bon d'achat de 50$ d'épicerie. J'ai encore le sourire en pensant au plaisir que nous avions eu cette semaine-là de parcourir toutes les rangées et de nous gâter un peu. Il y a eu aussi cette méga vente de bottes d'hiver pour femmes où je n'arrivais pas à trouver ma pointure. J'ai donc claudiqué dans des bottes trop grandes au moins deux saisons parce que le plus important c'était que les enfants, eux, puissent avoir des bottes chaudes pour braver le froid. On a aussi passé quelques étés à Balconville faute de pouvoir disposer d'un budget pour les vacances. La priorité c'était davantage de pouvoir acheter les fournitures scolaires pour la rentrée en septembre.

Je ne me plains pas étant donné que la pratique de la simplicité involontaire m'a appris beaucoup sur moi. Elle m'a fait grandir aussi. L'Homme m'a énormément appris à ce chapitre, lui qui venait d'une grosse famille où il avait été habitué à ne pas avoir tout cuit dans le bec! Comme nous n'avons jamais été ni l'un ni l'autre obsédé de réussite sociale ou d'escalade d'échelons salariaux, nous avons toujours su nous contenter des biens que nous possédions. Nous avons gardé notre belle vieille maison jusqu'à notre déménagement il y a quatre ans. Finalement, on a jamais réussi à vraiment la rénover comme on le souhaitait au départ. Qu'importe! Nous y avons été infiniment heureux.

De même, nous ne remplaçons rien qui n'est pas brisé. Nous utilisons donc encore le buffet en bois de la photo qui a été fabriqué par le papa de l'Homme et que nous avions retrouvé dans le fin fond d'un placard de la maison familiale. Un ami ébéniste a fabriqué les poignées manquantes. Et voilà! Un meuble qui continue de faire notre bonheur. Nous n'avons sans doute aucun mérite. On est fait comme ça. Ou on l'est devenu par la force des choses. Possible. Mais cela voudrait dire faire fi des leçons apprises au fil des années. On s'est rapidement rendu compte que la société pouvait grandement contribuer à faire naître des besoins inutiles. Est-ce qu'il fallait vraiment amener les enfants à Walt Disney pour être des parents accomplis? Est-ce qu'un amoncellement de cadeaux à Noël remplace le temps passé à partager un bon repas en famille et à jouer à des jeux de société toute la journée en pyjama? Est-ce qu'occuper un poste de gestion qui m'aurait forcée à terminer plus tard ma journée de travail aurait pu se comparer à la joie immense que je ressentais de partir à 15h30 retrouver mes enfants pour les aider dans leurs devoirs et préparer le souper? Est-ce qu'avoir des meubles design, une auto neuve, des vêtements griffés m'aurait rempli l'âme comme l'organisation des réveillons de la solidarité, la Guignolée en famille, l'aide aux activités comme le bingo et les déjeuners au CHSLD ou la Popote roulante? Oh que non!

Je suis heureuse que les périodes difficiles m'aient permis de prendre conscience de la chance que j'avais, et que j'ai toujours, d'avoir une famille et un toit. Je suis infiniment reconnaissante à la vie d'avoir ouvert mon coeur aux autres pour avoir constamment soif de solidarité, de partage, d'égalité et de justice. 

Je suis fermement convaincue qu'avoir beaucoup d'argent ne changerait pas mon coeur. Au contraire, il serait plus que jamais à l'écoute de celles et ceux qui souffrent.

mercredi 15 janvier 2025

À question existentielle, réponse partielle

 



Vous savez quoi? C'est pas facile de gérer mon hamster. On est encore en janvier. Je n'ai donc pas abandonné ma résolution d'établir un lien plus zen avec la bibitte qui habite mon cerveau. Alors, dans un souci de m'aider à dompter l'indomptable, j'ai décidé de mettre en pratique un conseil de K., mon prof de yoga également animatrice de mon atelier de méditation, et de prendre au moins cinq minutes par jour pour débuter la journée en faisant Ohm. Je crois que je peux trouver ce temps dans mon carnet de bal quotidien pour me choisir et prendre contact avec moi.

Mais voilà! Qui s'invite précipitamment à ce moment privilégié de supposé calme? Oui, la bibitte. Elle m'apparaît systématiquement dès que je commence à respirer plus profondément. Et comment qu'elle se présente à moi? Toute énervée!! Je n'arrive pas à la suivre tellement elle bouge vite. Quand je m'imagine en train de l'arrêter, elle m'échappe à toute vitesse et se remet à danser comme une vraie folle! Souvent j'abandonne de la tranquilliser un peu. J'arrive parfois à négocier avec elle et à obtenir qu'elle prenne ça cool et qu'elle ne gâche pas ma journée avec ses envolées catastrophiques.

Ce matin, j'ai donc décidé de l'amener avec moi à l'atelier de méditation. Je me suis dit qu'elle serait peut-être gênée d'autant s'énerver devant des gens calmes à la recherche de la paix et de la sérénité. Je n'avais pas complètement tort. Au début, elle a reproduit son manège habituel puis, doucement, elle a décidé de s'asseoir dans mes mains placées judicieusement l'une sur l'autre pour mieux l'accueillir. Elle était drôle. Elle a d'abord essayé de s'installer en tailleur et elle n'y est pas parvenue à cause de ses trop petites pattes. Finalement, elle s'est couchée sur le dos, les quatre fers en l'air!

Ça s'est plutôt bien passé. J'ai réussi à me concentrer sur la voix de K. et à me connecter à ma respiration et rester dans le moment présent. J'ai juste accroché sur une phrase et je n'arrête pas d'y revenir. Quand K. a dit : "On est choyés d'expérimenter la vie", ma tête a immédiatement réagi par un véhément "pourquoi?".  Et je continue à m'interroger. Oui, à quoi ça sert d'écouter un film dont on connaît déjà la fin? Et plus on vieillit et plus on se demande avec angoisse (en tout cas moi je me le demande) de quoi elle va avoir l'air cette fameuse fin. On l'espère la plus douce possible mais y a aucune garantie là-dessus. On sait seulement qu'on s'en va vers le trou. 

Bon, je suis capable de reconnaître les belles choses de la vie. Par exemple, j'apprécie et je suis reconnaissante pour l'environnement où je me trouve, près de la nature que je peux contempler à tout moment de la journée juste en regardant dehors par les immenses fenêtres du condo. C'est un privilège et j'en suis consciente. Je peux également apprécier ma chance d'avoir l'Homme à mes côtés depuis 46 ans. C'est toute une aventure ça! Et que dire de ma famille et de mes amis, et de mes félins adorés!  

Malgré tout, j'ai constamment un serrement dans la poitrine (non, cher hamster, ce n'est pas une crise cardiaque en devenir). C'est un mal-être, une tristesse qui m'accompagne depuis longtemps. Cela m'empêche de commencer ma journée en rigolant. D'ailleurs, l'autre matin, en me rendant aux toilettes, j'ai pris le temps de me regarder dans le miroir et d'essayer de sourire. C'est un pauvre rictus que ma bouche a dessiné. Et comme j'avais l'air vieille! Même mes yeux étaient éteints. Je suis retournée dans ma chambre pour méditer et faire mes exercices de yoga. Quand je suis retournée à la salle de bain pour m'habiller, que vois-je dans le miroir? Une autre moi complètement. J'étais enfin capable d'avoir un magnifique sourire, un vrai, pas forcé pantoute! Et mes yeux brillaient. J'ai même pu me dire, à haute voix s'il vous plaît, que je m'aimais et que j'en valais la peine! 

Peut-être, je dis bien peut-être, que la vie vaut la peine d'être vécue pour ces simples petits moments de sagesse où on pense avoir enfin compris quelque chose sur notre mission ici-bas. Peut-être, je répète peut-être, qu'à force d'accumuler des bonnes notes dans les tests de cette vie, on va pouvoir réussir l'examen final. Qui sait?