samedi 31 décembre 2011

Un peu de délire et pourquoi pas!

Hier, avec l'Homme, nous avons fait ce que nous appelons nos visites paroissiales. Cela veut dire que nous sommes allés à la rencontre de personnes malades ou esseulées.

Notre premier arrêt a été pour un ancien confrère de mon oncle R., prêtre des Missions-Étrangères. Ce frère de maman me fascinait. Avouez qu'avoir un oncle qui travaillait au Japon dans les années 60, c'était plutôt inusité! Et un oncle missionnaire de surcroît, c'était un plus pour une petite fille qui fréquentait une école encore dominée par l'enseignement des religieuses. Grâce à mon gentil oncle, qui correspondait avec moi, je collectionnais aussi de fort beaux timbres que j'étais la seule à posséder dans mon patelin du Saguenay. Et je suis convaincue que l'admiration qu'il vouait aux habitants du pays du soleil levant n'est pas étrangère au choix que l'Homme et moi avons fait d'adopter des enfants asiatiques. Bref, mon oncle est mort trop jeune, au début de la soixantaine. Ses problèmes de santé ne l'ont jamais empêché, toutefois, de vivre à plein. Après son retour forcé du Japon, il a continué sa mission au pays en agissant entre autres comme interprète et en prêtant main forte aux prêtres des paroisses avoisinant Pont-Viau, son port d'attache. Ça, c'était pour ses activités professionnelles. Il n'a jamais cessé non plus de pratiquer ses sports favoris, dont le ski. À ce sujet, il se plaisait à dire à ma mère, qui s'inquiétait pour lui : "Ne t'en fais pas. Quand j'arrive en haut de la côte, j'évalue le vent. S'il souffle normalement, je prends une nitro. S'il souffle fort, j'en prends deux!" Vous voyez le moineau.

C'est au décès de mon oncle que j'ai rencontré le père B. Depuis vingt-neuf ans maintenant, j'entretiens une relation d'amitié qui se traduit par des échanges de lettres, des appels téléphoniques et, de temps à autre, une visite à la Maison centrale de Pont-Viau. Le père B., âgé de 86 ans, a toujours bon pied, bon oeil. L'entendre parler du travail de la Société dans les différents pays où elle envoie des prêtres et des laïcs est absolument fascinant. Quatre-vingt dix minutes se sont donc écoulées à la vitesse de l'éclair.

Prochain arrêt : la résidence de Belle-Maman. Là, c'est une autre histoire pour ce qui est de la conversation. Nous devons composer avec une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, ce qui limite passablement les échanges. Pas grave. Il semble que les sempiternelles mêmes blagues de l'Homme réussissent toujours à tirer un sourire à sa maman. Pour aider à passer le temps, nous en profitons pour jaser avec d'autres habitants de la place, parfois aussi perdus que Belle-Maman, mais plus bavards qu'elle. C'est le cas notamment de Madame C. dont le père était notaire comme elle se plaît constamment à le rappeler. Elle est habituellement tirée à quatre épingles. Hier, je l'ai retrouvée dans le couloir avec sa marchette, vêtue de sa robe de chambre et son petit sac à main en bandoulière. Comme je l'interrogeais sur sa tenue, elle me répond sans détour, avec sa diction d'élève de l'ancien cours classique : "Mais oui, je me suis habillée car papa vient me chercher. Je sors ce soir. Maman m'attend à la maison." Ai-je besoin de vous préciser que Madame C., à l'âge vénérable de 96 ans, est orpheline depuis un bout? Bref, après avoir attendu en vain un père qui ne s'est finalement pas montré le bout du nez, elle est venue nous jaser ça au salon : "Je ne sais pas ce qui se passe. Papa n'arrive pas. J'aurais dû le rappeler. Il a sans doute oublié." Et là, elle nous regarde, l'Homme, le Fils et moi, et nous déclare le plus sérieusement du monde : "Je ne sais pas si je pourrais rester un soir de plus. Vous savez, j'ai une chambre ici." Moi, en essayant de contenir mon fou rire, je prends le parti de la rassurer : "Je crois que ce serait possible, Madame C. Je pense même que cela ne posera aucun problème." Et le Fils de rajouter avec son flegme asiatique : "Profitez-en, c'est le même prix."

mercredi 28 décembre 2011

Entre deux rots de tourtière

Double plaisir pour vous chers lecteurs aujourd'hui. Rendez vous également sur le blog de la Marcheuse urbaine libre pour une toute récente mise à jour sur la vie à la retraite.

La première partie des réjouissances est terminée. Noël est déjà derrière nous. Il est finalement né le Divin Enfant. J'ai assisté encore une fois cette année à la messe gospel et j'ai fondu. J'adore Jean, le prêtre qui a créé la chorale et qui préside aux célébrations. Il fait "preacher", c'est vrai, mais il réussit toujours à m'embarquer. Dans son homélie, il nous a dit de laisser Dieu tomber dans nos vies, de le laisser descendre dans nos coeurs. J'avais besoin d'entendre ça parce que c'est seulement avec l'aide de ma foi que j'arrive à être capable de côtoyer jour après jour la misère, la faim, l'abandon, la pauvreté. J'ai pleuré quand l'une des membres de la chorale a chanté "Tous les jours de ma vie, j'annoncerai ton Nom" parce que c'est ça que je fais depuis le mois de septembre. Et c'est dur.

Que je vous rassure tout de suite : je ne suis pas entrée en religion. Autre précision : je n'ai pas planifié que cela se passe de cette façon. Dernier détail mais non le moindre : je ne me présente pas à la Soupière ou au Service de dépannage avec la bible d'une main et le crucifix de l'autre. Mais les qualités d'écoute, de présence et d'empathie que cela demande pour vraiment accueillir les gens dans leur dignité et les accepter comme ils sont, je les retrouve dans le message du Christ. J'ai décidé, sans trop m'en rendre compte, d'aller plus loin que la boîte de soupe. En fait, c'est depuis que la responsable du Service de dépannage m'a étiquetée préposée à l'accueil que je mesure davantage la valeur ajoutée que je peux apporter.

Je suis encore maladroite dans mes approches mais je commence à établir des liens. Je trouve ça merveilleux. D'ailleurs, j'ai pensé à plusieurs de ces extraordinaires personnes depuis que je suis en vacances de bénévolat. Je me demande si tout se passe bien pour elles et j'ai déjà hâte de les revoir. De fait, hier après-midi, en arpentant mes trottoirs, j'ai croisé E. qui rentrait chez lui avec des sacs à la main. Il m'a reconnue. Nous nous sommes salués et nous avons échangé un "Joyeux Noël!" en souriant. C'est drôlement bien quand les étrangers deviennent des familiers!
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Notes félines : Il fait froid. Très froid. Je pars demain pour une semaine. Le voisin est "supposé" nourrir les chats du dedans et du dehors. Dans le dernier cas, je ne suis pas certaine qu'il va le faire étant donné qu'il n'est pas d'accord avec mon entreprise de bar ouvert. Je suis donc vraiment inquiète. Les petits chats et leur maman étaient encore là tout à l'heure attendant que je remplisse les plats. Il était tard. Presque 23 h. C'est qu'ils ont peur parfois de venir le jour à cause du bruit et des autres chats. Je n'ai malheureusement pas d'autre choix que de faire confiance à la débrouillardise et au courage de mes protégés. Dire que j'écris ça avec la Reine-Marguerite blottie à côté de moi dans le lit en train de ronronner de contentement. C'est bien vrai que même les animaux ne naissent pas tous égaux!

mercredi 21 décembre 2011

Noël à la bonne conscience

Le compte à rebours est commencé. Nous avons entamé le dernier droit. Depuis deux jours, je baigne dans les paniers de Noël, les fêtes organisées pour les enfants, les montagnes de cadeaux amassés par des âmes généreuses et remis à neuf pour une nouvelle vie, les repas de saison destinés à remplir les estomacs et à réchauffer les coeurs. Je nage dans l'esprit de Noël, et pourtant.

Vous aurez deviné qu'il s'agit d'activités tenues par les organismes pour lesquels je bénévole afin d'offrir aux personnes démunies un peu de la magie du temps des fêtes. Je sais et je vois le bien que cela apporte. J'ai été attendrie par les sourires des enfants quand ils ont été appelés par le Père Noël, par leur joie de découvrir les jeux, les toutous, les cahiers à dessiner et les sacs de bonbons. J'ai été émue par les soupirs de soulagement de leurs parents en constatant que leurs enfants sont pour un instant pareils à tous les autres. J'ai surpris les éclairs dans les yeux de certaines personnes quand on leur demande de se choisir une gâterie parmi les choses plus "spéciales" récoltées pendant la Guignolée. J'ai entendu des mercis nombreux et généreux en offrant un morceau de gâteau fait maison. J'ai reçu des becs sur les joues donnés spontanément par des gens heureux de repartir avec des sacs de nourriture abondamment garnis. Je devrais exulter, déborder d'allégresse, et pourtant.

C'est que, voyez-vous, tous ces beaux gestes ne me donnent pas nécessairement bonne conscience. Ils ne m'empêcheront pas de penser par exemple qu'il va quand même y avoir des personnes seules, des enfants tristes, des parents découragés pendant que je vais fêter avec ma famille. Il va encore y avoir des frigidaires vides, des logements mal chauffés, des arbres de Noël avec deux ou trois boules pour seules décorations, des tables avec pas grand-chose dessus pendant que je vais partager des moments privilégiés entourée de ceux et celles que j'aime. Je ne perdrai pas ma capacité de m'indigner simplement parce que j'ai versé une goutte d'eau de bonté dans un océan de misère.

Par ailleurs, le fait que j'ai été témoin de plein de petits miracles depuis deux jours me comble de gratitude. Constatez plutôt. Je suis allée livrer des cadeaux en fin d'après-midi sous une pluie verglaçante qui avait transformé les trottoirs et les escaliers en véritables patinoires. Je n'aurais jamais été capable de grimper au deuxième étage pour jouer à la Mère Noëlle. C'est un jeune garçon de huit ans qui a bravé les intempéries pour venir à ma rencontre. Il a dû faire l'aller-retour deux fois pour réussir à monter tous les paquets jusqu'à sa maman. Un autre bout de chou de quatre ans, après avoir reçu ses cadeaux, a offert spontanément un de ses toutous à un plus jeune parce que, disait-il, "moi je suis grand et je ne vais pas jouer avec, alors je préfère lui donner." Et que dire de l'énergie, du temps et des efforts consacrés par tous les organisateurs pour assurer le succès de ces journées. Hier, c'est plus de 80 paniers qui ont été remis dans un minuscule local où l'opération avait été montée de main de maître. Aujourd'hui, ce sont 300 repas qui ont été servis dans une ambiance de fête avec musiciens et visite du bonhomme rouge.

Pourquoi je reste triste alors? Peut-être parce que je voudrais tellement que ce soit tous les jours Noël pour tout le monde.

dimanche 18 décembre 2011

Éviter la "surnôwellisation"

Voilà qui n'est pas évident. Et pourtant, je m'efforce de vivre le Noël le plus vert possible. Tout d'abord, côté décoration, je laisse les arbres dehors et je me contente de monter dans le salon mon petit village composé de la crèche fabriquée par l'Homme-bricoleur et des maisons en carton provenant directement de ma tendre enfance. Je m'assure ensuite de ne pas abuser des lumières pour empêcher Hydro de faire faillite. Enfin, je réutilise à l'extérieur les graminés toujours dans l'immense pot qui se trouvait dans l'entrée, pot qui a été déplacé dans la cour arrière pour l'occasion. L'Homme a ajouté un projecteur, et j'ai planté quelques branches lumineuses au travers du feuillage. Tadam! Décoration de saison instantanée et passablement écolo. J'oubliais. L'éclairage s'éteint tous les soirs à heure dite grâce à la minuterie.

Je suis donc pas mal fière de moi. Restent les cadeaux. Grâce à l'indignation de la Fille, c'est une coutume que nous avons bannie depuis quelques années. Pour quand même agrémenter la soirée du Réveillon, nous achetons chacun un cadeau d'environ 20 $ et nous jouons à l'encan chinois. Nous changeons de thème selon les années. Nous avons eu droit au cadeau "noir et blanc", au cadeau "produit du terroir" et au cadeau "culture québécoise". Cette année, c'est le cadeau "petite douceur". Je n'ai pas eu le choix. J'ai dû me rendre au centre commercial. Misère.

Le stationnement débordait même en plein vendredi après-midi. Coudonc, tout le monde es-tu à la retraite? Après quelques viraillages, j'ai réussi à trouver un espace à l'autre bout du monde, mais qu'importe puisque je ne suis pas encore impotente! Rappelez-vous. Je n'ai qu'un seul cadeau à acheter. Malheureusement, la parcimonie ne me réussit pas. Je ne peux en effet échapper à l'obligation de parcourir les allées et de me frayer un chemin parmi la cohorte de magasineurs déchaînés. Les pôvres! Ils tiennent la liste d'une main et la carte de crédit de l'autre. Ils entrent et sortent des boutiques à pleine vitesse, ils comptent sur leurs doigts pour être certains de n'oublier personne, ils parlent au téléphone pour demander une énième fois c'est quoi encore la dernière bébelle électronique que les enfants voulaient. Je suis un peu découragée de constater que les lignes les plus longues aux caisses se retrouvent au Magasin du dollar! Est-ce cependant si étonnant quand on connaît le taux d'endettement des ménages canadiens? Il a atteint dernièrement un sommet de 153 %. Ça fait peur, non?

Bon, bon. La curiosité vous titille-t-elle? J'arrête de vous faire languir. Oui, j'ai acheté ma petite douceur. Prix avec taxe : moins de 20 $. J'ai aussi trouvé deux chandails en vente que je vais pouvoir porter lorsque je bénévole. Prix avec taxe : moins de 40 $. Malgré tout, j'ai succombé à la caisse en acceptant d'acheter deux couvertures molletonnées pour le prix d'une, soit 6 $. Je crois que c'est parce que j'avais trop respiré le fameux parfum de Nôwell qui embaume (empeste?) le centre commercial au complet. J'avais les narines remplies de cannelle, de clou de girofle et de sapin. L'odeur de Nôwell m'habitait. Mon cerveau était passé en mode réjouissance. À la vendeuse, j'ai répondu : "Ho! Ho! Ho!, pourquoi pas? On n'a jamais trop de couvertures douces dans une maison. Où est-ce que j'insère ma puce?"
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Notes littéraires : J'ai terminé ma lecture de Benoîte. Je vous laisse avec une dernière citation qui explique la raison pour laquelle je n'arrive plus le matin à rabattre rapidement les couvertures pour me lever juste sur une ripompette comme je l'ai fait pendant si longtemps : Vieillir, il faut l'admettre, c'est aussi perdre la beauté du geste. On s'éloigne de plus en plus du mouvement idéal, celui qui joint la précision à l'économie. Peu à peu les gestes perdent de leur spontanéité : ils tiennent plus de la gesticulation, butant sur une limite douloureuse, cumulant l'inutile et le maladroit. Ce n'est pas tant la beauté de la formule qui m'émeut que son incroyable justesse.

jeudi 15 décembre 2011

Bénévole un jour, bénévole toujours

Après avoir effectué un sondage scientifique auprès d'un vaste échantillon d'une personne, j'ai constaté que, sans vraiment le vouloir, j'ai présenté une image un peu rébarbative du bénévolat. Consciente de mon rôle de représentante des bonnes âmes, j'ai décidé de vous reparler de mon expérience de travailleuse non payée.

Le vilain virus mettant un temps fou à me quitter, j'avais décidé la semaine dernière, sur un coup de tête dont je ne suis pourtant pas familière (!!), de cesser de bénévoler jusqu'après les fêtes, histoire de me donner le répit suffisant pour guérir. C'était sans compter sur ma bande de joyeux lurons dont deux membres plutôt qu'un m'ont téléphoné lundi pour s'enquérir de la date de mon retour. Évidemment, l'appel était intéressé puisqu'il y avait des muffins à envelopper. Qu'à cela ne tienne, hier j'étais de retour au poste avec L., ma bénévole souriante préférée.

Vous dire à quel point j'aime ce milieu est difficile à expliquer. Mon comportement, cependant, ne laisse place à aucun doute. D'abord, quand je sais que je bénévole le lendemain matin, je me couche avec une sérénité inhabituelle et une certaine frénésie en pensant au plaisir que j'aurai à retrouver ma gang. Je voudrais presque que la nuit passe plus vite pour que je sois déjà en train de me préparer, et ce, même si je trouve parfois pénible de me lever tôt. Ensuite, je ne peux nier à quel point cela me fait chaud au coeur de sentir que je suis utile. Vous le savez, parce que je me suis épanchée à ce sujet dans d'autres chroniques, mes dernières années au travail ont été franchement inutilement longues, une mort professionnelle qui n'en finissait plus de finir. J'aurais voulu qu'on me débranche d'un coup. M'enfin. Le gouvernement préfère de loin les faux-semblants et les manoeuvres hypocrites. L'important, c'est que je suis maintenant passée à autre chose et, étrangement, je ne m'ennuie jamais de mon ancienne vie. Finalement, les remerciements et les marques de reconnaissance foisonnent quand tu bénévoles. Je ne compte plus les fois où un responsable peut nous dire dans une journée comment il apprécie notre présence, pas plus que je ne peux dénombrer les sourires épanouis de tous ceux que je rencontre quand j'arrive sur les lieux de mon "travail". J'imagine que c'est parce que les bénévoles représentent une denrée rare et que les voir se pointer régulièrement ne peut qu'activer les muscles zygomatiques.

Je suis encore en train d'apprivoiser ce nouveau monde, mais je constate que j'y trouve tranquillement ma place et que j'y suis de plus en plus heureuse. Tenez, hier, en plus d'envelopper les muffins, j'ai aussi servi le dîner. C'est là une activité que j'aime particulièrement. Aussi, quand je suis entrée dans la cuisine pour me chercher un jus et que Serge le chef m'a dit : "Eh! ça te dirait de me remplacer au service quand tu auras fini de manger?", j'ai acquiescé avec enthousiasme. J'ai avalé mon repas à la vitesse de l'éclair pour me diriger le plus rapidement possible derrière le comptoir. En plus de retirer du plaisir à servir un bon repas chaud, je m'efforce de répondre aux petits caprices de la clientèle en donnant quelques biscuits supplémentaires, en mettant plus de sauce sur les patates ou en offrant le choix du dessert.

Je peux vous dire qu'une journée à la Soupière, c'est plus fatiguant physiquement que n'importe quelle journée passée au bureau devant un écran d'ordi. J'étais donc bien contente de me reposer aujourd'hui, et je comptais retourner à mon poste seulement mercredi prochain. Le téléphone a sonné toutefois en fin d'après-midi. J'ai accepté d'aller demain aider au dépannage. Je dois y être pour 8 h (c'est tôt pour une retraitée), mais M., le responsable, a promis de m'attendre avec un café. Pour ne pas être en reste, j'ai cuisiné des muffins aux bleuets. J'ai déjà hâte.
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Notes félines : Hélas, hélas, ce que je craignais est devenu réalité. La maman chatte d'Espagne que je nourris depuis un bon bout de temps maintenant a deux chatons. J'ai d'abord vu en fin de semaine une petite bête adorable au pelage jaune qui jouait avec sa maman sous le cèdre qui se trouve près de la fenêtre de la salle à manger. J'étais déjà découragée... jusqu'à ce je surprenne maman avec un deuxième bébé, celui-là tout noir avec de magnifiques yeux verts comme Mignonne. Je suis chavirée. Ils sont tous évidemment absolument craintifs bien que j'aie réussi à établir un certain contact avec Maman. Ces pauvres animaux ne passeront pas l'hiver. Ils sont encore bien petits. Pour le moment, la température est de leur bord, mais pour combien de temps??? Avec Noël qui s'en vient, il ne me reste pas beaucoup de jours pour les attraper avant que je ne quitte pour les vacances et que les refuges ferment leurs portes. Je réfléchis à une stratégie. À suivre.

lundi 12 décembre 2011

Arrêtez-moi quelqu'un

C'est le titre qui m'est venu à l'esprit pendant que je passais mon anxiété hier soir en cuisinant comme une Ricardo déchaînée. À la fin de ma folie culinaire, j'étais prête à ouvrir un Tim Horton : une douzaine de muffins aux framboises, une douzaine de muffins aux bleuets et un pain au chocolat et au café. Tout ça en une heure et des poussières! Comme je me désespérais devant l'Homme de mon handicap maladif, celui-ci m'a réconfortée en m'affirmant sans ambages : "Moi je trouve que tu t'en fais trop. C'est plutôt avantageux que tu réagisses ainsi quand tu te sens mal dans ta peau. Ça me permet de me goinfrer à mon goût." C'est effectivement une façon de voir les choses. Je ne suis pas certaine cependant que cela soit bon pour le tour de taille. M'enfin.

J'ai tout de même fermé mon resto à un moment donné (je n'avais plus de farine) et je me suis calmée. Après une nuit reposante, j'étais prête pour mon lundi, ma journée désormais préférée. Aujourd'hui, je n'ai pas trouvé d'ex-collègue disponible pour prendre un café avec moi. Je me suis donc attablée à un Tim Horton (pas aussi bien équipé en pâtisseries que le mien) et j'ai poursuivi ma lecture d'un livre de Benoîte Groult intitulé Mon évasion. Je savais uniquement de Benoîte qu'elle était une féministe reconnue. J'ai donc tout appris sur son cheminement et j'ai beaucoup aimé la façon dont elle raconte sa vie. J'en ai extrait les deux notes littéraires ci-dessous qui m'ont tiré un sourire parce que tellement près de ma façon de jouer mon rôle de mère.

À la demande de la Nièce littéraire qui aime ces nouvelles notes, je vous les présente sous le format habituel.
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Notes littéraires : En parlant de sa difficulté à imposer des règlements à ses enfants, Benoîte avoue ainsi son impuissance - "Faire peur, quel rêve! Je connais des femmes plus douces que moi mais dont chaque ordre est exécuté sans broncher. Et avec bonheur qui plus est, car au fond les enfants aiment autant obéir que désobéir, à condition qu'ils n'aient pas l'occasion d'hésiter. S'ils décèlent la moindre hésitation dans votre voix, c'en est fait de vous. Je n'ai jamais su être assez ferme..."

Comme je me suis passée souvent cette réflexion en constatant moi aussi à quel point certains parents étaient sévères et exigeaient (et obtenaient) plein de choses de leurs enfants. Bon, je trouvais aussi qu'ils exagéraient parfois. Je n'ai jamais été partisane de l'obéissance type militaire et je n'ai jamais eu la ténacité nécessaire pour remplir des tableaux, coller des bonshommes sourires et récompenser le plus petit effort accompli par le Fils et la Fille. Je choisissais mes batailles pour égoïstement économiser mon énergie. En ayant moins de choses à surveiller, j'arrivais plus facilement à obtenir des résultats. Puis, quand ils ont vieilli, le Fils et la Fille m'affrontaient de temps à autre et ne se gênaient pas pour remettre en question mes préceptes, principes et valeurs. C'est une époque où j'ai beaucoup appris parce que j'ai accepté de me remettre parfois en question. Cela m'a permis de faire le ménage dans les affaires que je traînais depuis longtemps sans me demander si elles étaient encore pertinentes et valables. Ah! et puis, pour tout vous dire, j'étais pas mal fière de constater à quel point ils savaient ce qu'ils voulaient et je ne détestais pas les voir me proposer des chemins différents de ceux que je connaissais. Je ne le disais pas tout de suite mais, après une bonne discussion, je réfléchissais et je me rendais à leurs arguments même si cela voulait dire que mon coeur de mère allait souffrir. À cet égard, je laisse le dernier mot à Benoîte :

"Après tout, l'affrontement, ce n'est pas nécessairement quelque chose de néfaste. Comme dans les rapports entre parents et enfants, on se libère d'autant mieux qu'on peut s'opposer."

vendredi 9 décembre 2011

Au petit trot...

...s'en va la Marcheuse avec ses préparatifs de fêtes joyeuses! Admirez ici le souci de respecter une rime quelconque pour faire honneur à cette traditionnelle chanson de saison. Oui, depuis hier, j'ai fait du chemin pour arriver en même temps que les autres au Réveillon.

Tout d'abord, grâce à l'aide inestimable du marmiton Athos (un ami du Fils), j'ai cuisiné mon fameux boeuf bourguignon et des feuilletés aux épinards et au fromage de chèvre. J'avais l'impression de jouer à Ricardo en expliquant à mon aide les petits et grands secrets de cette recette de Soeur Berthe, recette que j'ai déjà donnée sur ce blog. Il faut dire que j'avais pris la peine avant son arrivée d'installer les planches à découper, de mesurer la farine pour la mettre dans un bol, de sortir les ingrédients et de commencer à couper le lard salé. Il ne manquait que les caméras. Tant qu'à faire, j'ose une confidence. Il m'arrive parfois pendant que je cuisine en solo de commenter à haute voix les opérations que je suis en train d'exécuter en prétendant m'adresser à un auditoire invisible mais ô combien intéressé par mon expertise culinaire. Je le fais surtout quand je me sens vraiment fière du plat que je viens de réaliser, ou encore plus simplement du nombre de plats que j'ai réussi à mijoter en une journée.

En tout cas, Athos et moi n'avons pas pris le risque d'empoisonner quiconque et nous nous sommes sacrifiés pour déguster une minime portion de ce mets savoureux. C'est d'ailleurs un succès qui a été qualifié de hautement gastronomique par mon marmiton d'une journée. Quand un peu plus tard j'ai mis tout ça au congélateur, j'ai éprouvé le plaisir de l'écureuil heureux de savoir qu'il dispose des provisions nécessaires pour voir venir les jours plus froids ou, en ce qui me concerne, pour accueillir famille et amis qui se présenteront à ma porte très bientôt.

Et aujourd'hui, je suis allée effectuer quelques achats pour me plonger une fois pour toutes dans l'esprit de Noël. J'ai en effet décidé de cesser de combattre la nostalgie, le désir de perfection et le stress de ne pas être prête à temps pour me laisser envahir complètement par la magie. Ça tombait drôlement bien. Il neigeait des flocons blancs. Pour renouveler ma flotte de vieilles décorations, je me suis portée acquéreur d'un Père Noël de dimension respectable que j'ai baptisé Gontran. Quand je l'ai ramené à la voiture, j'ai décidé de l'installer sur le siège arrière comme un véritable passager. Il avait l'air content. Et quand je suis arrivée au magasin pour récupérer l'Homme, je n'ai pas pu m'empêcher de faire un brin de causette avec Gontran pour qu'il ne s'inquiète pas de mon absence : "Je vais revenir dans quelques minutes avec l'Homme. Tu vas l'aimer Gontran, c'est sûr. En attendant, sois bien sage." Et je lui ai foutu un baiser sur le bout du nez molletené avant de refermer la portière en parlant à mon moi-même à voix haute : "Bon, voilà que je converse avec un Père Noël de peluche. S'il fallait que quelqu'un me voit." Et, comme de bien entendu, en terminant ma phrase, je me suis rendue compte qu'un monsieur achevait de fumer sa cigarette debout près de la voiture à côté de la mienne. Il m'a regardée d'un air bizarre. Je n'ai fait ni une ni deux, et je suis partie en quête de l'Homme au petit trot...

mercredi 7 décembre 2011

Être ou ne pas être malade

Vous me connaissez maintenant. Ainsi, vous ne serez pas surpris si je vous apprends que, souffrant toujours du même virus tenace, j'aie décidé d'organiser une inspection surprise à l'hôpital le plus près dans la nuit de lundi à mardi. Histoire de vous présenter un compte rendu de l'état de notre système de santé, quoi!

J'ai donc quitté la maison vers les trois heures du matin sans même avertir l'Homme que je me sentais au bord de l'abîme. J'ai pensé qu'il était bien chanceux, lui, de pouvoir dormir et je l'ai laissé dans les bras de Morphée. J'ai éprouvé cependant un léger remords en constatant que la Reine-Marguerite semblait me regarder d'un oeil désapprobateur après que je l'aie gentiment poussée afin de me préparer pour mon escapade nocturne. Mais l'anxiété a été plus forte. Devrais-je quand même vous préciser que j'ai eu un réflexe sain en m'habillant une première fois et, constatant le geste stupide que je m'apprêtais à poser, que je suis retournée me mettre en pyjama? Pour une demi-heure peut-être. Jusqu'à ce que ma compagne inséparable me pousse finalement à réaliser mon inspection.

Je suis donc partie en voiture dans les rues désertes. Je voudrais toujours conduire quand les rues sont désertes. Ce serait tellement plus facile pour moi qui n'aime pas particulièrement me retrouver derrière le volant. M'enfin. Quand je suis arrivée dans le stationnement de l'hôpital, il tombait une petite neige. C'était vraiment beau. Mais je ne devais surtout pas me laisser séduire par la magie de la poudre blanche et je me suis dirigée tout droit à l'urgence. Je ne sais pas pourquoi j'espérais que l'endroit soit aussi désert que les rues. En même temps, s'il l'avait été, comment aurais-je pu mener à bien ma mission?

Une soi-disant amélioration avait été apportée depuis mon dernier séjour : il faut maintenant prendre un billet pour obtenir le droit de passer au triage. On n'arrête pas le progrès! Après avoir pris un numéro, le malade doit se diriger vers une première salle d'attente. À un moment donné, l'infirmière l'appelle pour lui donner une cote de priorité... qu'elle ne lui révèle pas. Par contre, lorsqu'on se rend compte après presque dix heures que l'on se trouve toujours dans la deuxième salle d'attente, on n'a pas besoin d'être un disciple d'Esculape pour déduire que notre cas ne suscite aucune inquiétude immédiate. Je savais en partant de la maison que ce serait mon sort. Heureusement, je ne suis restée que quatre heures sur ma chaise droite. Mais 240 minutes, c'est suffisant pour avoir le temps d'observer, surtout lorsque notre nous-même n'est pas sous observation.

Une chose par contre n'avait pas changé : la convivialité qui se développe presque automatiquement entre les patients en attente. C'est quand même une phénomène intéressant. Tu arrives dans une salle bondée où tu ne connais personne et, après un certain temps, tu surveilles la place de celui qui s'en va fumer dehors au cas où on l'appelle pendant sa pause-santé ou tu t'en vas chercher un verre d'eau pour celle qui vient de vomir dans la poubelle. Une véritable entraide se manifeste. J'ai vu notamment une mère qui accompagnait sa fille s'enquérir auprès du médecin, une fois que leur tour est enfin venu, de la raison pour laquelle l'homme qui avait reçu un bloc de béton sur la tête se trouvait toujours dans la salle d'attente. Elle est venue ensuite lui rapporter cette réponse laconique : "Tu n'es pas considéré comme urgent." Et les confidences pleuvent, aussi bien sur les malaises que sur les détails plus personnels. Vraiment, après un bout, on souhaite presque que notre tour ne vienne jamais pour éviter d'avoir à laisser nos nouveaux amis. En tout cas, j'ai pu passer ma nuit et mon anxiété. À 8 h, j'ai décidé de traverser la rue pour me rendre à la clinique. Autre salle d'attente, mais sans le côté amical. Au moins, j'ai pu y être examinée... pour la troisième fois en six semaines.

Et pour finir cette saga, imaginez-vous que j'ai appris cet après-midi que je souffrais en fait du virus de l'année dernière! Oui, oui. C'est l'acupunctrice qui me l'a dit. Elle était surprise que j'aie pris autant de temps à l'attraper. Comme je lui confiais que mon calvaire avait maintenant pris la forme d'une sinusite, elle m'a formulé cet encourageant encouragement : "C'est bien, c'est le dernier stade avant la guérison!" Que Saint-Sébastien, que je crois être le saint patron des acupuncteurs parce qu'il est aussi celui des archers, l'entende!

lundi 5 décembre 2011

Enfin délivrée!

En prenant l'autobus aujourd'hui pour me rendre à mon cours de yoga, je me suis rendue compte en espionnant discrètement les conversations des fonctionnaires qui m'entouraient que la retraite me conférait un autre avantage notable : je suis délivrée à tout jamais des diverses activités de saison organisées dans les bureaux! Je jubile. Vraiment.

N'allez pas croire que je suis la représentante féminine de l'esprit chiche de Gratteux! Pas du tout. C'est plutôt qu'avec les années, une tendance malsaine s'était développée voulant que tous les employés, sans exception, fassent acte de présence au party de Noël sous peine d'être taxés de mauvais joueurs et d'empêcheurs de tourner en rond. Étrangement, lorsque j'ai fait mes premiers pas dans la fonction publique, je n'ai jamais senti de la part de mes superviseurs ce désir farouche de forcer les membres de leur équipe à s'amuser et à fraterniser sur commande. Ce n'était pas nécessaire. Nous avions du plaisir l'année durant. Noël représentait simplement une autre occasion de nous réunir et de partager un bon moment ensemble. Et puis, tout semblait si simple. Une rapide consultation ralliait tout le monde pour le choix du restaurant et de la date. Je ne me souviens d'aucun tordage de bras pour encourager fortement les récalcitrants à se joindre à la masse. Je vais utiliser une expression qui traduit mon grand âge : c'était l'bon temps!

Que s'est-il passé pour que l'approche du temps des fêtes en vienne littéralement à me donner des boutons sur le corps dans les dernières années de ma vie active de travailleuse? Noël a été récupéré. Il est devenu un critère de performance, un objectif de rendement, un coefficient d'efficacité. Il a été embrigadé dans les stupides grilles d'évaluation dont la fonction publique possède la recette secrète et éprouvée (ou devrais-je dire éprouvante?). Que dire en effet d'un gestionnaire incapable de rallier ses ouailles autour d'une activité aussi conviviale qu'une partie de quilles, un tournoi de fléchettes ou une compétition de go-carts (je n'invente rien ici)? Que penser d'un patron qui ne parvient pas à convaincre son monde de participer à un cinq à sept (même s'il sait pertinemment qu'il compte dans son effectif de nombreux jeunes parents pour qui la garderie n'attend pas) ou encore de se rendre dans un resto super dispendieux à l'autre bout de la ville (quand il devrait savoir que la plupart des fonctionnaires ordinaires n'ont pas les moyens comme lui de se payer un stationnement et qu'ils empruntent le transport en commun)? Il sera sévèrement jugé par les hautes sphères qui concluront automatiquement qu'il ne possède pas les habiletés nécessaires pour susciter le travail d'équipe. Ou encore qu'il n'est pas assez proche de ses employés, qu'il ne sait pas se mettre à leur diapason. Ces grandes instances déduiront aussi que le climat de travail doit en souffrir. Adieu donc productivité!

Pas étonnant que, pour éviter le couperet implacable, les patrons décident de passer au mode offensif en proposant des activités destinées à motiver leurs troupes. C'est là qu'entrent "en jeu" les compétitions et les tournois les plus loufoques. Malheur à ceux et celles qui ne sont pas attirés par ce type d'occupations dignes de l'école primaire! Ils devront travailler la journée des réjouissances s'ils ne veulent pas faire partie du groupe de fêtards, ou présenter une demande officielle de congé s'ils osent boycotter l'initiative du patron en restant à la maison.

Je vous l'avoue, je n'en pouvais plus. Je ne sais pas pour vous, mais moi je suis fort capable de travailler en parfaite harmonie avec mes collègues sans nécessairement avoir besoin de boire, de chanter, de danser, de dessiner, de bricoler ou de me déguiser avec eux. Qu'est-ce que c'est que cette fausse prétention de devoir faire copain-copain avec tout le monde au travail? Mes amis, je les choisis. Et contrairement à la tendance Facebook, je les compte sur les doigts d'une seule main.

Alors, fêter, c'est bien. Mais fêter quand on en a vraiment envie, c'est mieux!

jeudi 1 décembre 2011

Ho! Ho! Ho! le bénévolat

J'ai décidé de continuer à m'exclamer pour ce deuxième message de la semaine. Vous aurez assurément reconnu dans mon titre l'onomatopée décrivant le rire heureux du bonhomme rouge que nous croisons un peu partout depuis que les fantômes et autres monstres halloweeniens nous ont quittés. Et pour cause... Je bénévole ces jours-ci pour remplir les paniers de Noël des moins bien nantis.

Cet après-midi, je suis allée au centre commercial avec la responsable du Service de dépannage pour ramasser des sous à l'occasion de la Guignolée des médias. Dès que nous sommes arrivées, nous avons été reçues du traditionnel chapeau de saison rouge avec pompon blanc muni, en sus, de petites lumières clignotantes sur le devant. Absolument charmant! Comme je m'affublais du ridicule mais nécessaire couvre-chef, je me suis demandée encore une fois la raison pour laquelle je m'entêtais, depuis que je suis à la retraite, à conserver un semblant de fierté pour ma chevelure. Que de produits capillaires gaspillés en vain pour me placer les mèches récalcitrantes juste avant de les écraser avec un chapeau ou un filet! Y a rien à faire... j'ai continuellement les cheveux aplatis. Un bénévole ne doit pas avoir un soupçon d'orgueil pour les poils de son crâne!

Alors, dûment coiffées, nous avons entrepris de déambuler dans les couloirs du centre commercial pour faire appel à la fibre généreuse des magasineurs. Vous ai-je dit que nous devions aussi brandir une pancarte pour nous rendre encore plus visibles, principalement auprès de ceux et celles qui nous contournaient rapidement en gardant la tête baissée? Le même comportement que l'on adopte trop souvent en voyant un itinérant nous tendre la main. Je sais qu'il est difficile de regarder quelqu'un dans les yeux en sachant que l'on ne veut ou que l'on ne peut pas donner. Mais ce n'est pas la bonne façon de faire. L'itinérant, tout comme le bénévole-quêteur, ne demande qu'à être reconnu que ce soit au moyen d'un simple sourire ou d'un sympathique bonjour.

Pendant que j'accomplissais ma bonne action, je me disais que j'avais acquis pas mal de cran au fil des ans. Disons que mes ballades sur les piquets de grève m'ont appris notamment à maîtriser le port de la pancarte. Elles m'ont aussi donné le courage de regarder en face ceux et celles qui n'éprouvent aucun remords à enfreindre le droit des travailleurs à revendiquer de plus justes conditions, et presque la capacité de les invectiver au besoin. Oui, presque, car moi qui ai pourtant une grande gueule, j'ai toujours manqué d'aplomb dans ce domaine.

Vous aurez sûrement deviné cependant que ce n'est pas seulement en scandant "So, So, So, Solidarité" que j'ai développé l'habileté de faire fi de ma gêne pour défendre la bonne cause. Passer de maison en maison pour la Guignolée de la paroisse, participer aux brunchs du comité de vie de quartier, aider à confectionner les paniers de Noël, emballer des cadeaux pour Nuages de rêves et même travailler pour les élections municipales et fédérales, toutes ces fois où j'ai dit oui, j'ai appris le plaisir de travailler en équipe, de partager des compétences, de découvrir des talents cachés. Surtout, j'ai appris le dépassement de soi. Pour que la cause avance, il faut foncer.

Et marcher. Je crois que nous avons parcouru le centre commercial au moins six ou sept fois pendant les deux heures où nous devions faire acte de présence. Nous avons rencontré plein de gens désireux de nous appuyer, dont une jeune fille qui a littéralement ouvert son portefeuille pour nous donner "tous ses cinq dollars" comme elle nous l'a dit (il y en avait pour 20 $) et une petite fille qui est venue avec un sac en plastique nous remettre les sous de sa tirelire. Mais, mais nous avons aussi risqué nos vies. Parfaitement. Nous avons pratiquement été renversées par un train. Oui. Le train du fameux père Noël qui se promène un peu partout dans les allées. Imaginez la une : deux bénévoles écrasées sous les roues de la locomotive du petit train du Royaume Magique. Seuls leurs chapeaux clignotaient encore!