samedi 13 décembre 2014

Le jour N

Et puis? Je vous la pose la fameuse question, celle qui brûle les lèvres de ceux zé de celles qui aiment tellement parader dans leurs habits de lutin : Êtes-vous prêts pour Noël?

Je ne sais pas pour vous mais moi je ne suis jamais prête pour Noël. Encore cette semaine, je disais justement à l'Homme que j'aimerais m'endormir drette-là et me réveiller le 7 janvier. Beau dommage! C'est que c'est titanesque ce qu'on nous demande de faire en cette heureuse période des fêtes : cuisiner, magasiner, envelopper, décorer, et tout ça en un temps record sous les notes des quatre mêmes chansons de saison reprises chaque année ad nauseam dans un style soi-disant différent.

On pourrait croire que je n'aime pas Noël. Rien n'est plus faux et rien n'est plus vrai. Je déteste la commercialisation de la fête, cette obligation soudaine de donner des cadeaux à tout le monde. Pourquoi là, le 25 décembre? Pourquoi pas le 25 juillet? Et, en fait, pourquoi pas pantoute? Depuis que nous avons décidé de ne plus suivre la parade, j'aime beaucoup Noël. Juste à savoir que je n'ai pas à subir l'expédition vers le pôle commercial, je jubile. Je ne sais pas si ça me coûte vraiment moins cher parce que je donne autrement mais je sais par contre que ça me fait davantage plaisir. Beaucoup plus plaisir.

Si c'était à refaire, je crois que j'aurais habitué le Fils et à la Fille à ouvrir un seul cadeau à Noël, et ce, dès leur plus jeune âge. D'abord, je me cassais la tête tous les ans pour trouver quoi acheter. Et je m'en voulais toujours parce que je n'avais pas le budget nécessaire pour les gâter comme je l'aurais voulu ou, plutôt, comme les commerçants me faisaient croire que je devais le faire. Je comptais et recomptais le nombre de cadeaux pour m'assurer que chacun recevait des jouets d'à peu près égale valeur. Je ne savais plus où cacher les boîtes quand les enfants grandissaient. Je ne trouvais plus un moment pour emballer parce qu'ils se couchaient de plus en plus tard et que moi je me couchais de plus en plus tôt. Malgré toute notre bonne volonté, ça coûtait cher Noël et ça n'a pas pris de temps que l'Homme et moi avons décidé de passer notre tour. On se disait pour se consoler qu'on n'avait déjà tout et on était, sans le savoir et sans le réaliser pleinement, plus près de la vérité qu'on le pensait alors. Dans le temps, on essayait de se faire croire qu'on n'avait pas besoin de cadeaux pour accepter l'idée qu'on ne pouvait tout simplement pas s'en payer. Aujourd'hui, on sait qu'on n'a besoin de rien. De rien de matériel s'entend.

J'écoutais justement un reportage l'autre jour sur des personnes qui vivent Noël autrement. Et c'était beau et bon de les entendre raconter qu'ils posaient des gestes envers les autres plutôt que des boucles sur des boîtes. Ils donnaient d'eux-mêmes. Ils partageaient leur talent, leur disponibilité, leur créativité pour les mettre au service des autres. Non seulement ils faisaient plaisir mais ils en retiraient du même coup un sentiment d'accomplissement, de fierté et de satisfaction profonde. C'est vite développé un cadeau et souvent vite mis de côté. C'est plus long à savourer le plat spécial qu'on n'a pas cuisiné ou le service qu'on n'a pas sollicité mais qui nous a tellement aidé.

Un jour, la Fille m'a dit : "Maman, pourquoi tu te fais de la peine avec Noël? On est pas obligé d'avoir des cadeaux. On peut juste fêter ensemble." Alors, c'est quoi mes plus beaux souvenirs? Les beignes usinés en famille avec l'Homme à la cuisson, le Fils à la taille de la pâte, la Fille à la décoration et moi au rouleau. La Guignolée, avec l'Homme comme chauffeur, le Fils en Père Noël, la Fille avec les pieds gelés distribuant les cannes aux enfants et moi avec la boîte pour recueillir les denrées. Notre repas du 25, toujours le même depuis des années, de la fondue chinoise, avec l'Homme qui veut faire cuire trop d'aliments à la fois sur sa fourchette, le Fils qui ne veut pas embrasser sa soeur parce qu'il a échappé son champignon dans le bouillon (une autre tradition inspirée celle-là d'un album d'Astérix), la Fille qui prend la peine de placer artistiquement la viande dans les assiettes et moi qui mange trop de sauce à la moutarde. Les brunchs organisés à l'intention des personnes moins bien nanties de notre communauté par notre conseiller municipal de l'époque dans le sous-sol de l'église avec l'Homme à la cuisson des crêpes, le Fils à la distribution du jus, la Fille aux desserts et moi au beurrage des toasts. Le Réveillon de la solidarité de l'année dernière avec l'Homme à l'accordéon, le Fils à la prise des photos, la Fille au service du repas et moi qui pleure avec R., tellement heureux de recevoir un petit toutou, et H. qui me parle de ses enfants avec qui elle n'est pas.

Oui, tu avais raison ma Co. On peut juste fêter ensemble. Partager. S'aimer. Être reconnaissants. Et recréer ainsi le vrai sens de Noël.