mardi 29 mars 2011

Histoires de bêtes

J'ai rencontré mon voisin ce matin en me rendant prendre l'autobus. Il promenait son chien, un caniche royal prénommé Ben. Alors, je suis là, à l'arrêt, avec Ben et son maître, et nous devisons. Pourquoi nous en sommes venus à parler des gens qui nourrissent les chats errants, je ne m'en souviens plus trop. Mais je me rappelle parfaitement, par contre, le ton de reproche de mon voisin qui connaît trop bien mon penchant de protectrice de la faune tant ailée que poilue. "Tu sais que la Ville vient de passer un nouveau règlement pour éliminer les chats errants en interdisant aux gens de leur donner à manger?", qu'il me lance. Et, du même souffle, il ajoute sans pitié que je contribue par mon comportement délinquant à augmenter la population féline en permettant notamment aux bébés chats de survivre.

Tiens donc. C'est que je n'éprouve aucune culpabilité pour mes actes illégaux. Je lui ai donc répondu vivement : "Quelle bonne idée de fesser encore une fois sur des animaux qui n'ont pas du tout cherché leur vie d'itinérance! J'ai hâte qu'on s'en prenne plutôt aux soi-disant êtres humains qui les maltraitent, les abandonnent et ne prennent pas leurs responsabilités en n'allant jamais chez le vet pour les faire stériliser." Ben opinait du bonnet. Je crois que, par solidarité, il était d'accord avec moi quitte à renier ses instincts canins. L'autobus est arrivé. J'ai laissé là maître et chien.

En arpentant le trottoir menant au bureau, j'ai croisé un moineau qui picorait je ne sais trop quoi de pas vraiment comestible. Je venais de m'acheter un muffin. J'ai vite plongé ma main dans mon sac pour en prendre une partie que j'ai réduite en miettes pour les lancer à côté de mon petit ami. J'étais contente parce qu'il ne s'est pas sauvé. Il s'est plutôt précipité sur le déjeuner impromptu qui venait d'atterrir à ses pattes. Il a quand même pris le temps de tourner sa tête vers moi pour me faire un clin d'oeil. J'ai repris ma route, le coeur tellement plus joyeux.

Je dois vous dire en terminant que Mimi était de retour ce matin. Elle se trouvait dans le sac de garnottes des chattes. Encore une fois, je n'ai pas su lire le comportement de Mignonne qui s'est mise à renifler et à examiner attentivement l'objet en question dès que j'ai ouvert la porte du garde-robe. C'est juste en mettant ma main dans le sac pour prendre le contenant de plastique qui me sert à nourrir les félines que j'ai senti un léger chatouillement. J'ai sursauté. J'ai reculé. Puis je me suis avancée pour regarder dans le sac. Mimi était bien là, avec une pancarte, sur laquelle étaient inscrits ces mots : "Parlons QC". Avouez que voilà une habile façon d'insérer le thème choisi par le Bloc Québécois pour la campagne électorale qui s'amorce!

Mais, pour Mimi, "Qc" n'avait ici rien à voir avec un éventuel pays et signifiait en fait "Quelles connes!" pour désigner les deux mimines carnivores qui devraient normalement être suffisamment assoiffées de sang pour vouloir l'éliminer une fois pour toutes. C'est donc en riant et en promettant de revenir qu'elle s'est de nouveau retrouvée sur le balcon grâce aux bons soins de l'Homme qui avait répondu présent à mon appel de prétendue femme du sexe faible.

Quand je m'arrête deux minutes pour réfléchir à mes actes de pourvoyeuse, je trouve que je fais oeuvre utile en nourrissant les chats errants. Après tout, si on se fie aux dures lois de la chaîne alimentaire, Mimi devrait statistiquement passer l'arme à gauche très bientôt. Je détecte cependant comme un début de soupçon de faille dans mon plan. Il y a certainement un trou, en tout cas, que Mimi a de toute évidence repéré.

jeudi 24 mars 2011

Voulez-vous vraiment le savoir?

Dans la quête que je semble vouloir entretenir à abaisser mon indice relatif de bonheur, j'ai continué à prendre le temps d'éplucher les journaux. J'y ai évidemment appris des choses qui, si elles n'étaient pas parvenues à ma conscience, n'auraient pas contribué à nuire à mon sommeil.

Ainsi, ce budget qui a été déposé cette semaine et qui ne sera probablement jamais adopté, du moins pas avant que nous n'ayons passé au travers d'une campagne électorale, renferme des mesures, ma foi, fort troublantes. Ce sont, bien sûr, des mesures "cachées" dont nos leaders ne se vantent pas sur la place publique et dont je n'avais pas encore pris connaissance. J'ai été estomaquée notamment d'apprendre qu'une somme de 21 millions de dollars a été de nouveau réservée pour financer les frais de renouvellement des permis des propriétaires d'armes à feu. Cette décision ne devrait pas surprendre quand on connaît la ferme volonté des conservateurs d'abolir le registre des armes à feu. En attendant donc de mettre leur projet en oeuvre, ces messieurs dames soutiennent financièrement (et moralement par le fait même)les tenants de l'administration de la justice par soi et pour soi.

Autre fait intéressant. Le budget ne prévoit aucun nouveau crédit pour les arts et la culture. Par contre, les conservateurs ont l'intention de souligner à grands frais les centenaires de la Coupe Grey et du Stampede de Calgary. Cela va coûter combien? Juste 10 millions de dollars, soit cinq pour chacune des activités. Vous ai-je mentionné que Calgary est la ville du premier ministre?

J'aime aussi quand des organismes, en l'occurrence le Front d'action populaire en réaménagement urbain, nous font prendre conscience de la portée des choix faits par le gouvernement. Par exemple, si le coût d'achat et d'entretien des futurs F-35 est bien de 29 milliards, cela signifie qu'un seul avion de chasse permettrait de financer 6 400 logements sociaux. Que peut-on en déduire de la priorité que le gouvernement accorde à la pauvreté?

Mais laissons le budget de côté pour un moment. La situation des aliments contaminés au Japon vous inquiète? Au moins, c'est loin de nous. Pas encore assez toutefois puisqu'une étude menée par l'Université Laval et le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs vient de démontrer qu'une multitude de pesticides se retrouvent dans les cours d'eau des zones de culture maraîchère du Québec. Dans un ruisseau, on a trouvé une concentration de 15 pesticides et, dans un autre, jusqu'à 36! Les doses élevées de ces produits sont apparemment très dangereuses pour les poissons. Et pour les humains? Il semble que non... pour le moment du moins.

Pour ne pas réduire complètement à zéro le peu de bonheur qui me reste, j'ai cherché et trouvé réconfort dans la merveilleuse lumière qui nous éclaire aujourd'hui. Le temps est encore un peu froid mais tellement moins que le frisson qui me parcourt l'échine quand je persiste et signe à vouloir partager le sort des autres humains.

mardi 22 mars 2011

Tout étant relatif

Connaissez-vous l'Indice relatif de bonheur ou IRB? J'ai découvert cette façon de mesurer l'état d'esprit général des populations en écoutant le documentaire Naufragés des villes. Car, toute chose se confondant, imaginez-vous que Pierre Côté, le gars qui a accepté de se prêter au jeu du prestataire d'aide sociale, est aussi l'inventeur de l'IRB. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à visiter son site à www.indicedebonheur.com/accueil.htm.

Vous pouvez également remplir le questionnaire pour connaître votre propre IRB. Je l'avais déjà fait il y a quelques mois, mais j'ai reçu aujourd'hui un courriel m'invitant à refaire l'exercice. Je n'ai pas pu résister, histoire de voir. J'ai été surprise de constater que, le fait de me soucier un peu trop de mes congénères, m'avait valu quelques points perdus et, par là, un score plus éloigné du béat bonheur. Voyez-vous ça! Quand vais-je apprendre que charité bien ordonnée commence par soi-même et finit drette là?

Bon, je me doutais bien que monter aux barricades pour toutes les injustices dont je prends connaissance chaque jour ne devait pas être bon pour mes artères. J'ignorais cependant que je jouais en même temps avec mon IRB. D'après les commentaires découlant de l'analyse de mes réponses, je dois pratiquer la modération. C'est connu. Elle a bien meilleure goût. Tenez, j'en parle de suite aux Lybiens qui tentent de se débarrasser de leur dictateur tout en évitant les bombes lancées par la coalition amie "Aube de l'Odyssée" venue leur prêter main-forte. Après, je m'adresse aux Japonais radioactifs qui mangent dorénavant des aliments phosphorescents dans des refuges bondés les forçant à dormir accroupis les uns sur les autres. Je suis certaine qu'ils vont comprendre que leurs "vétilles" ne doivent surtout pas troubler mon sommeil... allongé.

Juste après avoir décidé d'abandonner la scène internationale pour me limiter à nos frontières, j'apprends que le budget présenté par les conservateurs qui-ne-voulaient-absolument-pas d'élections a été rejeté unanimement par les trois partis d'opposition. Non. Non. Non. Un peu de collaboration, je vous prie. J'essaie ici d'atteindre un niveau de zénitude acceptable. Ce n'est certainement pas parce que les conservateurs préfèrent accorder des baisses d'impôt aux entreprises plutôt que de mettre des sous pour sortir les aînés de la pauvreté que nous devrions nous lancer dans une autre campagne électorale. Après tout, ils ont prévu un crédit d'impôt de 75 $ pour les parents dont les enfants pratiquent une activité artistique. Dire qu'on les accuse de ne pas encourager la culture! Ils ont même pensé aux infrastructures en accordant quelques millions pour la réfection des petits ponts victimes de séismes quelconques. J'admets qu'ils semblent avoir oublié les problèmes du gros pont Champlain mais comme du même souffle ils nous assurent qu'ils ont toujours bien pris soin de notre sécurité, je suis tout à fait rassurée.

Je sais bien que personne ne m'écoutera et que je devrai faire la sourde oreille si je veux me mettre à l'abri des problèmes du monde. Ce que je serai évidemment incapable de faire. À ce propos, hier, chez le dentiste, j'ai eu un échange intéressant avec l'hygiéniste qui me demandait ce que j'avais l'intention de faire à ma retraite. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai répondu spontanément : "Eh! bien, j'ai décidé de m'attaquer au problème de la pauvreté". Elle m'a regardée d'un air ahuri et s'est mise à gratter plus fort le tartre qui persistait à s'accrocher sur une de mes dents en murmurant (j'imagine qu'elle espérait probablement que je ne l'entende pas) : "C'est un projet ambitieux".

Relativement.

vendredi 18 mars 2011

Démêler le vrai du faux

Je suis devenue maître du faux-semblant. Ainsi, au moment où je vous écris, je fais semblant que le bruit des travaux effectués de l'autre côté de la rue ne me dérange pas. Non. Toute la journée, j'entends le marteau-piqueur et son incessant martèlement. Pire qu'une migraine. Un véritable supplice chinois. J'ai parfois l'impression que je vais me mettre à crier pour demander grâce. Mais ce serait inconvenant. Pour notre employeur. Après tout, nous sommes pour lui sa ressource la plus importante. Oui, oui, il le repète toutes les fois qu'il a l'occasion de nous bourrer le crâne de fausses vérités. Pour nous convaincre notamment de la place prépondérante que nous occupons dans son quotidien, il nous informe régulièrement du suivi des travaux. Nous avons donc appris récemment par courriel interposé que nous devrons prendre notre mal en patience pour plusieurs mois encore. Des heures de déplaisir en perspective! Je me console en pensant que je n'aurai pas au moins à assister à la fin du fameux projet d'infrastructure.

Parlant de fin, justement, je fais aussi semblant de plus en plus souvent d'être intéressée par ma vie professionnelle. Pourtant, je suis à la dérive. Je rectifie pour être plus positive : je suis plutôt à la croisée des chemins avec un pied toujours dans la réalité du pain à gagner et un autre dans la venue prochaine de la farniente pour l'éternité. Quoi? Vous trouvez que j'ai l'humour noir? Vous avez raison.

Et cela m'amène à mon prochain faux-semblant. J'ai l'air, comme ça, de vivre avec zénitude l'aventure totonesque. Que je vous dupe, que je vous berne et que je vous trompe! Cela n'arrive qu'un faible pourcentage du temps. La plus grande partie de mes journées est consacrée au doute, à l'angoisse, à l'incertitude et à l'écoeurement général. Des fois, je veux que le téléphone sonne pour obtenir enfin le rendez-vous tant espéré pour l'examen qui finira par éclairer ma vie ou l'assombrir pour de bon. D'autres fois, j'ai tellement peur d'entendre le carillon que je voudrais me cacher sous le bureau. Vous voyez le tableau.

Bon, je prends une pause et je m'en vais marcher. Je veux voir si cela va me changer l'énergie.

Je suis de retour. En arpentant les rues du Vieux-Hull, situé à un jet de pierres d'un amas de fonctionnaires, je me suis demandée si j'avais pris la bonne décision. C'est que je me suis bien vite rendue compte que c'était le jour de la collecte des ordures. Et il y avait un vent à écorner les boeufs. Ai-je besoin d'en dire plus? Poubelles renversées, papiers épars, beaucoup, beaucoup de cannettes de bière jonchaient ma route. Et le paysage était franchement désolant. Fonds de cour remplis de vieilles carcasses d'automobiles, galeries adoptant des angles fort inquiétants, maisons victimes d'un incendie ravageur, bref, tout pour remonter le moral. En plus, la photo sur presque tous les poteaux d'un toutou nommé Kingston qui semble être disparu sans laisser d'adresse.

Je revenais un peu penaude de ma promenade en gardant toutefois en tête mon projet d'arrêter à la Maison de thé Cha Yi que mes collègues de l'étage du dessous m'ont fait découvrir cette semaine. Là, ce fut une bonne décision. Je ne sais pas ce qui se passe quand on entre dans cet endroit, mais on y retrouve une énergie semblable à celle qui circule dans le local de yoga. Les gens sont gentils. Patients. Calmes. Ce doit être l'effet des antioxydants. Qu'importe.

Je déguste en ce moment non pas un nectar divin, mais un élixir de zénitude. Et je croque dans un biscuit au chocolat noir et aux fleurs de lavande. Ahhhhhhh!!!

À dire vrai, j'avais tout faux.

lundi 14 mars 2011

Mimi est revenue

Il est tôt ce matin. Plus tôt qu'avant-hier à la même heure car j'ai été volée comme vous tous de soixante minutes de précieux sommeil. Je suis donc dans le salon, à moitié endormie, et je me dirige comme un automate vers l'armoire garde-manger pour nourrir les deux félines de la maison. Mignonne est bizarre. Aussi bizarre que jeudi dernier. Elle ne semble pas du tout intéressée par ses garnottes. Non. Elle ne cesse de rôder autour de mon sac à main et de mon sac de toile que j'ai abandonnés sur le plancher, l'un à côté de l'autre. Elle renifle. Elle essaie de pousser les sacs. Elle les contourne pour mieux les examiner. J'ai soudainement un doute.

"Ne me dis pas que Mimi est revenue", que je lui lance en espérant me tromper. Je dois avouer qu'en voyant la petite chose grise courir à folle épouvante sur le banc de neige après avoir été violemment expulsée de la botte de la Fille par l'Homme-chasseur improvisé, j'ai eu l'idée qu'elle ne faisait peut-être que contourner la maison pour mieux y pénétrer de nouveau. Après tout, nous l'avions renvoyée manu militari sans même lui laisser le temps de plier bagages. "Voyons Mignonne, qu'est-ce qui te prend de rester ainsi autour des sacs? Je vais te prouver qu'il n'y a rien d'anormal et que tu t'énerves bien inutilement". J'avance quand même précautionneusement vers mon sac à main et, en saisissant la bandoulière, je le déplace légèrement. Elle est là. C'est Mimi. Elle fait le mort. Du moins je crois. Je l'espère. Ce serait trop triste qu'elle soit revenue au domicile conjugal pour y trouver la fin à laquelle elle avait échappé de justesse.

Évidemment, j'appelle l'Homme à la rescousse. Je le réveille en fait car, comme il commence aujourd'hui sa semaine de vacances, il dort à poings fermés. Il jubile lorsque je lui annonce qu'il doit encore faire un Nemrod de son lui-même. Pour l'encourager, je lui dis que Mimi est morte et que sa tâche en sera donc facilitée. De chasseur, il vient de devenir fossoyeur, un métier pour lequel, je le confesse, il n'est guère plus doué. L'Homme est un tendre et j'en suis fort aise la plupart du temps sauf que, dans certaines circonstances, j'apprécierais qu'il soit doté d'un "léger" instinct de tueur. En tout cas, ce matin il troque immédiatement le fusil pour deux feuilles d'essuie-tout avec lesquelles il a l'intention d'envelopper Mimi pour la conduire à son dernier repos.

C'est à son tour de s'approcher à pas de serpent de la bête, complètement immobile, qui ne remue ni moustaches, ni queue. Il faut dire que Mignonne n'a pas baissé sa garde. L'Homme se penche pour s'acquitter de sa mission et, quand il vient pour ramasser la vie fauchée, il se recule précipitamment en constatant que tout cela n'était que ruse. Mimi bouge encore. Elle n'a pas dit son dernier mot, ni poussé son dernier soupir. Elle se précipite sous le fauteuil. Mignonne tente de la déloger. L'Homme, désemparé, ne sait plus trop quoi faire. Les feuilles d'essuie-tout vont-elles constituer une arme suffisante pour se débarrasser de Mimi une fois pour toutes? Finalement, grâce à l'aide de Mignonne qui lui indique la position de Mimi, l'Homme réussit à sortir l'intruse et à lui signifier son congé pour une deuxième fois en quelques jours.

La saga est-elle terminée? Mimi semble avoir de la mule l'entêtement qui ne lui fait pas lâcher le morceau facilement. Et Mignonne tient assurément de la lionne chasseresse qui poursuit sa proie sans relâche. C'est David-Mimi contre Goliath-Mignonne. Je ne crois pas que le 911 pourra être d'un quelconque secours.
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Notes pédestres : Adieu tuque, combinaison et capuchon! C'était presque le printemps. Les nombreux trous d'eau constituaient autant de miroirs qui renvoyaient les rayons du soleil. Ah! le plaisir de retrouver mes trottoirs chéris, d'entendre les oiseaux chanter et de respirer à pleins poumons l'air vif de la renaissance.

jeudi 10 mars 2011

Accoucher d'une souris

Les raisons pour s'insurger contre ceux et celles qui nous gouvernent, disons pour les besoins de ce blog d'un océan à l'autre à l'autre, sont multiples et continuelles. C'est un fait qui ne se dément pas. Chaque jour, les élus actuellement au pouvoir nous donnent des occasions de remettre sérieusement en question la place qu'ils occupent. Je vous présente des exemples que j'ai recueillis ce matin seulement dans le journal Le Devoir.

Pour la troisième fois en un an, titre le quotidien, le gouvernement Harper est déclaré coupable d'avoir brimé les privilèges des parlementaires. Comment? D'abord il refuse de fournir les documents et les explications demandés au sujet du coût qu'entraîneraient pour les systèmes judiciaires et carcéral les multiples projets en matière de justice qu'il veut mettre de l'avant. Du même souffle, il ne veut pas non plus dévoiler le véritable coût des baisses d'impôt qu'il s'apprête vaillamment et joyeusement à accorder aux grosses entreprises. Le deuxième affront touche la saga qui a opposé la ministre de la Coopération internationale aux membres de l'opposition concernant son refus de financer l'organisme Kairos. Elle a carrément menti en Chambre en niant qu'elle était la responsable de l'ajout du mot "not" à la recommandation pourtant favorable de financement formulée par les représentants de son ministère. Évidemment, pour les conservateurs, il est nettement plus approprié de donner des sous aux groupes qui distribuent des bibles dans les pays en voie de développement plutôt qu'à ceux qui facilitent l'avortement, notamment dans des cas de viols, ou, ô horreur suprême, qui fournissent de l'information sur les méthodes de contraception. Pour les besoins de la cause, je vous rappelle que le premier blâme adressé au gouvernement touchait les documents sur les détenus faits prisonniers en Afghanistan. Au bout du compte, un comité composé des différents partis avait été mis sur pied pour étudier les montagnes de documents en question afin de s'assurer que ce qui serait éventuellement divulgué ne puisse pas mettre en péril la sécurité de notre pays ou des opérations des forces armées. Avez-vous entendu parler récemment des travaux de ce comité? Moi non plus.

En voulez-vous plus? Je sais que c'est difficile à croire mais le Parti conservateur n'a pas l'intention de rembourser au trésor fédéral le montant d'environ 200 000 $ qu'il a encaissé en dépenses électorales frauduleuses selon Élections Canada. Il attend à cet égard que la Cour Suprême se prononce. Parions que nous ne reverrons pas de sitôt la couleur des billets verts en question.

Vous croyez que cela serait suffisant pour nous mobiliser, pour fouetter notre sang de citoyens indignés et écoeurés d'être remplis comme les cruches que nous sommes trop souvent. Pas vraiment. Ce ne sont pas là des causes qui soulèvent notre ire, certainement pas l'ire québécoise en tout cas. Non. Pendant que nos concitoyens d'origine écossaise jubilent parce que le tartan dit "feuille d'érable" a été élevé hier au rang de symbole officiel du Canada (pourquoi pas la ceinture fléchée un coup parti!), nous, les Québécois, sommes entièrement monopolisés par des affaires plus pressantes. Des affaires sportives, donc éminemment importantes. Après notre marche dans les rues pour réclamer un amphithéâtre à Québec avec l'équipe nationale de hockey qui va avec, nous voilà outrés (avec raison quand même) de l'attaque vicieuse dont a été victime notre cher Pacioretty. Souffrant d'une commotion cérébrale et d'une fracture d'une vertèbre, il a été sorti sur une civière lors du match des Canadiens contre les Bruins il y a deux jours. Voilà enfin prétexte à révolte et à soulèvement populaire. Qu'est-ce que nous faisons pour faire entendre haut et fort nos voix unanimement en colère? Nous inondons d'appels le centre d'urgence 911 du Service de police de la Ville de Montréal pour déposer une plainte contre le joueur des Bruins. Ça, Mesdames et Messieurs, c'est ce qui s'appelle de l'engagement citoyen!

Et puisque nous sommes dans la petitesse d'esprit, permettez-moi de vous donner les plus récentes nouvelles de la gent trotte-menu qui partage notre habitat. Ce matin, en prenant le café au salon, j'ai noté que Mignonne avait un comportement inhabituel. Au lieu de se précipiter dans son bol de nourriture comme elle le fait quand elle entend le doux bruit des garnottes, elle se tenait obstinément derrière le système de son où elle ne cessait de jouer avec les nombreux fils électriques. Je mentionnai son manège à l'Homme en lui disant que je ne serais pas étonnée que Mimi la souris soit la cause de ce comportement étrange. "Cesse de me parler de cette foutue bestiole. Je suis sûr qu'il n'y a aucun petit animal à moustaches qui habite ici", me répond-il en reprenant sa lecture du cahier "Sports" de La Presse.

Je décide de laisser filer et continue de vaquer à mes occupations matinales. Tout d'un coup, de la cuisine, j'entends un léger "hihihi" ou quelque chose d'approchant. Je me précipite au salon juste à temps pour constater que Mignonne se trouve maintenant dans l'entrée. "As-tu entendu?", que je hurle à l'Homme. "Ça ressemblait au cri d'une souris." "Je n'ai rien entendu du tout. De toute façon, tu es constamment en train d'entendre des choses ou de sentir des odeurs que tu es la seule à percevoir", me lance-t-il impatiemment en calculant mentalement à voix haute l'écart de stature qui séparait Pacioretty et Chara. Dépitée mais convaincue que mon intuition de propriétaire de félins de trente ans ne pouvait pas me tromper, je jette un coup d'oeil en direction de Mignonne pour me rendre compte qu'il y a quelque chose qui dépasse de sa gueule. "C'est Mimi! C'est Mimi! Mignonne a attrapé Mimi. Je ne veux pas qu'elle la tue. C'est un combat inégal. Mignonne est un véritable monstre et Mimi est si minuscule. Fais quelque chose tout de suite", que j'ordonne en me tournant vers l'Homme.

Exaspéré parce que, malgré son sexe, pas du tout doté d'une nature chasseresse, l'Homme délaisse pour un instant la chose sportive et se dirige à contrecoeur vers les deux protagonistes. Au même instant, ne faisant ni une ni deux, Mignonne dépose Mimi dans la botte d'hiver de la Fille. Sans le savoir, elle venait par ce geste de perdre l'occasion d'améliorer son ordinaire. Après l'avoir rapidement éloignée, j'ouvre la porte donnant sur le balcon et enjoint à l'Homme de se saisir de la botte pour redonner à Mimi sa liberté. J'imagine que Mimi devait s'agripper de toute la force de ses petites griffes car l'Homme a dû secouer la botte contre le mur de la maison pour arriver à la faire sortir du piège félin. Dès qu'elle a atterri sur le balcon, Mimi a aussitôt pris la poudre d'escampette. Nous pouvions la voir, de la fenêtre du salon, courir à toute vitesse sur le banc de neige.

Je crois qu'elle cherchait un téléphone pour composer le 911.

mardi 8 mars 2011

Tahar Ben Jelloun et tous les autres

Je vous néglige, fidèles lecteurs. J'ai donc passé sous silence la merveilleuse découverte que j'ai faite lors du Salon du livre qui s'est tenu récemment en Outaouais. Je veux parler de l'écrivain Tahar Ben Jelloun. Depuis quelques années, j'aime lire des auteurs étrangers, plus particulièrement des auteurs qui appartiennent à une autre culture que la mienne. J'adore entrer dans un univers que je ne connais pas. Je veux comprendre comment vit l'Autre, cet autre qu'on nous dépeint trop souvent comme bizarre, menaçant ou même carrément dangereux. Et pourtant... Je me suis rendue compte avec le temps et les rencontres qu'il n'y avait rien de mieux qu'un face à face avec l'Autre pour saisir pleinement notre humanité.

Je vous ai déjà parlé de mon amie libanaise. À cause d'elle, ou plutôt grâce à elle, les nouvelles internationales qui concernent ce coin du monde me touchent maintenant de façon personnelle. Chaque fois que j'entends parler arabe, dans l'autobus ou dans les centres commerciaux, je m'arrête pour écouter en me rappelant les conversations quotidiennes de mon amie avec sa maman. Je m'ennuie encore et toujours d'elle.

Mais il y aussi les merveilleux Cambodgiens avec qui la Fille a travaillé qui ont poussé la gentillesse à l'accueillir dans leur pays et au sein de leur famille. Parfois, quand j'allais chercher la Fille au resto et que je la voyais si à l'aise au milieu de ces gens qui l'acceptaient comme une des leurs, je l'enviais presque. Je n'ai pas trop à me plaindre, cependant, car je suis toujours reçue comme une amie toutes les fois que je les retrouve.

Et je ne peux pas oublier non plus la prof de mandarin de la Fille avec qui nous avons éventuellement développé des liens d'amitié. Comme elle m'a aidée à remettre à niveau mes connaissances de ce pays dont je n'ai pas foulé le sol depuis plus de vingt ans! Et comme j'apprécie son ouverture d'esprit et sa franchise. Elle a souvent dit à la Fille que celle-ci ne devait pas hésiter à lui poser toutes les questions qu'elle voulait. Je trouvais la Fille privilégiée, elle qui avait été élevée à la Québécoise, d'avoir la possibilité d'approfondir sa connaissance de son pays avec une autre Chinoise.

Vous savez, quand je parlais d'humanité un peu plus haut dans ce blog, c'est ce qui me frappe le plus dans mes contacts avec l'Autre. Nul besoin de creuser bien loin pour nous apercevoir que nous avons tous en commun l'amour de notre famille et le désir profond d'en prendre soin comme il se doit. Le reste, ce sont tous ces détails qui enjolivent et enrichissent notre personne : notre langue, notre religion, notre culture, nos valeurs, notre cuisine, nos habitudes, notre accent, notre odeur, nos vêtements, et j'en oublie. Soyons réalistes. Nous sommes tous partis avec la même donnée de base, soit le corps humain. C'est une fois que nous aboutissons sur Terre que la donne change. Le coin de pays nous donne la couleur locale!

Alors, et ce Tahar Ben Jelloun, qu'est-ce qu'il me fait? Il me touche l'âme avec Mohamed, ce personnage attachant du roman Au pays qui vient de tomber à "lentraite", comme il dit. Ses réflexions sur son sentiment d'inutilité, sur toutes ces heures qu'il devra remplir à faire il ne sait trop quoi, sur l'éloignement des membres de sa famille sont pratiquement les mêmes que les miennes. Je partage avec lui sa tristesse devant le temps qui fuit, sa nostalgie de la maison résonnant des cris des enfants et sa quête de sens qui l'amène, lui, à retourner dans son Maroc natal. L'écriture de Tahar Ben Jelloun est fluide. Elle coule comme un ruisseau qui nous berce, et qui nous entraîne dans les méandres de la pensée de Mohamed, de ses réflexions, de ses appréhensions. Toujours, toujours, le ruisseau creuse pour nous amener petit à petit dans l'essentiel, dans le fondement de l'âme de Mohamed. C'est beau. C'est triste. C'est déchirant. C'est aussi plein d'espoir.

Envoûtée comme je le suis devenue, j'ai donc décidé aujourd'hui d'envoyer un message à Tahar Ben Jelloun pour lui dire mon admiration. Quelque chose que je n'avais jamais fait encore de ma vie. Et en cherchant pour trouver une adresse, je me suis rendue sur son site Internet où j'ai découvert qu'il était absolument prolifique. Il écrit des poèmes, des nouvelles, des romans, mais aussi des chroniques et des articles dans les journaux. Je suis tombée notamment sur ce texte qui parlait d'un livre de Pierre Assouline qui donne un aperçu de son type d'écriture. Le propos, comme vous le constaterez, est fort touchant :

"Écrire est une marche longue et incertaine dans le silence et la nuit. Pierre Assouline a écrit des biographies, des romans, des enquêtes. Autant de tentatives pour enfin se libérer d’un secret pesant des tonnes. Une libération inquiète cependant. Cela fait quarante ans qu’il marche dans le sillage des ténèbres. « Un écrivain ne comprend ce qui lui arrive que lorsqu’il l’écrit », dit Assouline. Comme Joseph K., Job ne comprend pas ce qui lui arrive. Alors il fait l’apprentissage de l’attente, la longue et dure attente dans la gratuité absolue, dans le silence et la soumission le rapprochant de celui qui lui a infligé une épreuve impitoyable.

Nous sommes tous un jour ou l’autre passés par cet état. Certains s’agitent, luttent puis tombent de fatigue. D’autres apprennent à accepter et ne se soustraient à aucune souffrance. Ce sont des saints. Or le monde est peuplé de gens non recommandables. Quant aux saints, il faudra emprunter à Diogène sa lampe pour aller à leur recherche. « Vies de Job » est une de ces lampes qui nous montre le chemin mais ne nous donne pas de solution."
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Notes pédestres : J'ai marché sur la glace. Mais n'est-ce pas ce que je fais depuis trop de semaines? La montée totonesque est longue, très longue. Et périlleuse aussi. Je tombe de fatigue. Que ne pourrais-je devenir une sainte et me résigner? Il n'y a pas encore de sainte qui porte mon nom. Ce n'est pas "totonnant"!

vendredi 4 mars 2011

Orbo Novo

C'est le titre du spectacle de danse que je suis allée voir hier soir. En s'inspirant du récit que la neurobiologiste Jill Bolte Taylor a écrit pour faire état de son expérience vécue à la suite d'un AVC, le choréographe Sidi Larbi Cherkaoui nous permet d'entrer dans un univers où le passé et le présent se rencontrent. C'est à la fois fascinant et étrange de découvrir "le Nouveau Monde - Orbo Novo".

Le décor, minimaliste, est constitué de grilles de bois que les danseurs de la troupe Cedar Lake Contemporay Ballet déplacent de différentes façons tout au long de la prestation. Cela donne des images vraiment émouvantes. À un moment donné, par exemple, on voit deux danseurs symbolisant les hémisphères gauche et droit du cerveau qui tremblent et s'agitent devant une grille où des corps à moitié nus sont suspendus. Je ne sais pas pourquoi mais j'avais l'impression d'être à l'intérieur d'un cerveau et d'assister en direct à la défaillance des neurones. Un peu comme un court-circuit, soudain et imprévisible.

Et que dire des performances des danseurs! Ils exécutaient des mouvements tellement difficiles mais toujours avec une flexibilité hors du commun. J'admire beaucoup la danse moderne car elle nécessite de ceux et celles qui la pratiquent qu'ils soient à la fois gracieux et athlétiques. Je sais, je sais. Je vous entends, amoureux du ballet classique, et j'accepte vos protestations. Cela demande aussi énormément d'endurance pour se tenir sur les pointes tout en se déplaçant sur de longues diagonales. C'est juste que la danse moderne me rejoint davantage. Comme le métal, elle vient me chercher dans les tripes, me fait vivre des émotions fortes et me laisse épuisée, mais pleinement satisfaite, de mon voyage en enfer.

Mais ce que je retiens surtout de ma sortie, c'est la force intérieure qui pousse quelqu'un à transcender une expérience traumatisante et malheureuse pour la transformer en quelque chose de positif et d'exaltant. Jill Bolte Taylor a été fascinée par ce qui lui est arrivé. Elle raconte notamment avoir assisté à la séparation de son corps et de son esprit et s'être sentie à un moment donné uniquement comme une énorme boule d'énergie. Elle s'est même demandée si elle serait éventuellement capable de retourner dans ce corps qu'elle voyait maintenant tout petit. Il lui a quand même fallu huit ans pour se remettre complètement.

Elle nous laisse ce message pour expliquer sa démarche de création : "Je pense que plus nous consacrerons du temps à activer le circuit de paix intérieure de notre hémisphère droit, plus nous répandrons la paix à l'extérieur de nous et plus notre planète deviendra paisible. Et j'ai trouvé que cette idée valait la peine d'être partagée."

Elle avait bien raison.