dimanche 31 octobre 2010

Mais je rêve!

J'occupe le dernier bureau au bout d'une longue rangée. De cet emplacement, j'ai un point de vue absolument fantastique. Si je tourne la tête tout légèrement vers la droite, je peux voir la mer qui s'étend à l'infini. C'est vraiment à couper le souffle. Mais c'est aussi un peu inquiétant car j'ai toujours peur que le niveau de l'eau se mette subitement à monter. Pour l'instant, c'est pas si mal. Quand je suis assise, j'ai de l'eau aux genoux. Ça ne prendrait quand même pas grand-chose, cependant, pour que ma position devienne carrément inconfortable. Et je serais évidemment la première à prendre le large.

En attendant, je n'ai pas le choix. C'est la place qui m'a été assignée et c'est à partir de là que je dois travailler. Je partage en plus mon bureau avec une collègue. Heureusement, elle est dotée d'une bonne nature. Je viens d'ailleurs de l'envoyer en émissaire auprès de la patronne pour qu'elle lui fasse les deux messages suivants de ma part : "Je veux changer de place et mon ordinateur ne fonctionne pas bien ce matin." Ma collègue revient avec la réponse : "C'est là que tu es et c'est là que tu restes. Pour l'ordi, appelle le bureau d'aide."

Fort bien. Je devrai donc apprivoiser cet horizon que je trouve à la fois menaçant et beau. Pour le moment, si je veux travailler, je dois joindre les experts. Ça sonne. Un expert est à l'écoute. J'expose mon problème. J'ai à peine le temps de terminer qu'il me déclare : "Désolé, mais nous ne réglons plus rien à distance. Et nous ne nous rendons plus directement aux stations de travail. Maintenant, vous devez venir nous porter vous-même votre ordi pendant la nuit. Nous verrons alors ce que nous pouvons faire." J'explose : "Quoi? Qu'est-ce que c'est que cette nouvelle directive? Vous saurez, jeune homme, que j'ai 55 ans et que je prends ma retraite dans quelques mois. Vous savez ce que j'en pense de votre façon de régler les problèmes informatiques? Je m'en contrefiche. Si c'est comme ça, ne faites rien. Et moi aussi je ne ferai rien." J'ai raccroché. Et je me suis réveillée.

Il était 7 h 30 ce matin. J'étais en visite chez la soeur Psy pour la fin de semaine. Je dors avec elle because les ronflements assourdissants de l'Homme. Je profite d'avoir la spécialiste à côté de moi pour lui raconter mon aventure nocturne et lui demander ce qu'elle en pense. "Ce n'est pas à moi d'interpréter ton rêve. C'est toi qui dois en trouver la signification," qu'elle me rétorque de son ton professionnel. "Bon, ça finit toujours comme ça avec vous autres les psy. C'est le patient qui fait tout le travail!" Je suis un peu contrariée mais je sais qu'elle a raison.

Sur la route du retour, dans l'après-midi, je raconte mon rêve à l'Homme et au Fils en n'oubliant pas de rapporter les propos de la soeur Psy. Le Fils intervient presque immédiatement : "C'est pourtant facile à comprendre ton rêve. Tu es encore au travail, mais tu es aussi près de ta retraite. Tu es dans une espèce d'entre-deux. Tu as les pieds dans la mer, ce qui peut symboliser les vacances, mais tu es aussi devant un ordi en train d'essayer de travailler". Je trouve que c'est plein de bon sens. Et si je me force un peu les méninges, j'ajouterais que l'horizon qui m'inquiète, c'est en fait le passage à la retraite qui m'angoisse. Je ne peux m'empêcher, par contre, de noter la réponse intempestive que j'ai lancée au pauvre technicien en informatique. Je crois que je peux affirmer, sans craindre de faire fausse route, que cela signifie que je commence à avoir mon voyage de ce long voyage. C'est le temps que je prenne le large.

jeudi 28 octobre 2010

Chronique de peu

Y a des petits riens que des fois on remarque même pas. Et pourtant, je suis certaine qu'ils se manifestent tous les jours malgré notre totale indifférence.

Ce matin, dans l'autobus, j'étais assise bien tranquille dans mon banc. Tout le monde était silencieux. C'est rare. J'étais presque arrivée au bureau quand mon regard, vague jusqu'à ce moment, a été attiré par une bande de ciel clair au travers la noirceur. Au début, je pensais que je distinguais les lumières d'une série d'immeubles de bureaux. Mais je me suis rendue compte à un moment donné que c'était tout simplement le soleil qui était en train de se lever. Il formait un beau rectangle blanc entre deux bandes noires. C'était vraiment beau. Je suis restée un bon moment à contempler ce spectacle qui s'était sans doute répété les autres jours de la semaine. Après tout, le soleil s'est bien levé depuis lundi, mais il l'avait fait jusque là dans ma totale indifférence.

Y a aussi des instants de bonheur qui surviennent sans qu'on s'y attende. Et c'est pour ça qu'on les apprécie encore plus. Ce midi, nous sommes allés au resto pour souligner le départ de deux collègues. C'est toujours agréable, mais là c'était franchement bien. Nous avons beaucoup ri. Nous avons beaucoup parlé. Nous avons sans doute trop raconté nos vies.Nous avons surtout eu du plaisir à nous retrouver tous ensemble. Ça m'a nourri l'estomac et rempli l'âme. Du deux pour un.

Y a des imprévus, des activités organisées à la dernière minute qui se révèlent tout simplement des parcelles de bien-être.C'est arrivé ce soir avec trois de nos amis. Nous avons mangé du homard. Je pensais que nous allions nous servir de petites bouchées! Et nous avons retrouvé une amie que nous n'avions pas vue depuis longtemps. Nous avons mis à jour le livre de nos vies. Nous avons bu du vin. Trop? Non, pas vraiment.

Et en revenant de cette belle rencontre tout à l'heure, qu'est-ce que je vois par la fenêtre de l'auto? Un trou clair dans les nuages. Une lumière au travers le ciel noir. C'était la lune qui se levait. Mais pas dans ma totale indifférence. Je trouvais qu'elle venait boucler la boucle d'une pas pire journée.

mardi 26 octobre 2010

Le plein du vide

Je n'ai pas écrit hier parce que j'étais vide. Vide comme mon panier au bureau. Vide comme la chambre de la Fille. Vide comme mon cerveau sans idée de blog. Le grand trou noir quoi! Mais j'ai quand même voulu donner suite à la réplique de la Nièce littéraire à la suite de mon message de samedi parce que, fidèle lectrice depuis le début et enthousiaste commentatrice, elle ne lâche jamais de m'encourager. C'est là que j'ai pu prendre toute la mesure de mon déplorable état mental.

L'écriture ne me ment jamais. Elle me jette en pleine face des vérités que je ne soupçonne pas. Je sais bien qu'elles sont tapies là, dans mon tréfonds, mais pour que j'accepte de les regarder, elles doivent m'apparaître, noir sur blanc, à l'écran. Qu'est-ce que j'ai tant écrit de si révélateur? Je vous le cite au cas où vous seriez de ceux et celles qui ne lisent pas les commentaires : "... je me trouve encore jeune pour vivre une vie de vieille." Voilà. Fin de la citation. Avouez que j'étais retombée dans le pathétique.

N'empêche que ça a eu l'effet d'une douche d'eau froide. Ou d'une claque en pleine face. Comment ça une vie de vieille? Comme l'a si justement mentionné ma Nièce littéraire préférée : "Personne n'a besoin de vivre une vie de vieux! Il suffit d'un peu d'imagination! Je te souhaite de trouver l'inspiration bientôt!" C'est bien dit. Et je surenchéris en m'autoexorcisant : "Vieille baderne, sors de ce corps!"

Aujourd'hui, d'ailleurs, on aurait dit que je ne pouvais qu'être une outre pleine. Oui, oui. C'est peut-être l'autoexorcisme qui a fonctionné. J'ai d'ailleurs un mal de cou assez souffrant merci pour en témoigner. À ce propos, j'ai pu constater en faisant mon 360 degrés que mes fesses avaient raffermi depuis que je m'entraîne et que mes derrières de genoux étaient sensuellement attirants. Mais je digresse, comme je sais si bien le faire, et j'oublie l'outre. J'y reviens donc.

Le remplissage a débuté par un long courriel que la Fille m'a envoyé où elle disait entre autres que je ne devais pas m'inquiéter et que son absence servait à vérifier si nos coeurs, à l'Homme et à moi, pouvaient tenir le coup. Très drôle. Même si j'étais au bureau quand j'ai pris connaissance de son message, je n'ai pas pu m'empêcher de verser quelques larmes. On pourrait penser que cette fuite aurait pu nuire au remplissage de l'outre, mais non. Je me sentais au contraire plus pleine.

Ensuite, ce fut le cours de yoga. J'étais tellement dans ma bulle. J'ai réussi à faire un arbre très stable, surtout du côté droit (il s'agit ici de se tenir en équilibre sur une jambe et de poser la plante du pied opposé le plus haut possible contre la cuisse intérieure de la jambe en extension. Ensuite, il faut réunir nos paumes en position de prière. Le secret : une concentration totale. Comme dit la prof, les postures d'équilibre donnent confiance. Et c'est vrai.). Une collègue-yogi m'a aussi appris qu'elle aimait beaucoup lire mon blog. Vous savez comme ça me fait toujours un petit quelque chose à l'ego quand on me dit que je suis lue. Et, avant de quitter la classe, j'ai jasé un peu avec la prof qui m'a fait part d'un projet vraiment très intéressant pour les badernes à la retraite ou en voie de l'être. Je vous en reparlerai éventuellement. Bref, tout cela m'a rempli la moitié de l'outre.

Je me suis rendue jusqu'au bouchon en allant m'entraîner. J'avais tellement hâte de me retrouver dehors pour respirer un grand coup. Et il faisait très beau cet après-midi. Foutue température quand même qui change continuellement. Je me suis habillée mixte, soit leggings mi-jambe, espadrilles d'hiver, manteau d'automne, mais pas de foulard ni de capuchon. J'écoutais, oui je dois vous tenir au courant de mes émotions métal, le nouveau CD du groupe All That Remains. Je vibrais et, comme cela arrive souvent, je me suis donnée à fonds dans les escaliers parce que le rythme était plus que parfait pour maintenir la cadence. J'ai aussi constaté, en courant dans la pente menant à l'église, que mes espadrilles d'hiver, finalement, offrent un soutien encore meilleur que mes espadrilles d'été. On aurait dit que j'avais des coussins d'air sous les pieds. Un peu plus, et je m'envolais. Mais j'étais trop pleine... ce sera pour une prochaine fois!

dimanche 24 octobre 2010

Une histoire de capuchon et de réconfort manqué

Aujourd'hui, j'avais décidé de troquer le pathétique ennui pour l'exercice. Je n'avais pas trop le choix. Quand les félines de la maison m'ont réveillée ce matin, elles ont interrompu un rêve dans lequel je m'entraînais à tout rompre. Vous auriez dû me voir parcourir le trottoir en courant d'un bout à l'autre de la rue, m'arrêtant de temps à autre uniquement pour sauter sur place. Une vraie athlète! J'imagine que mon blog d'hier y était pour quelque chose. Dépassée dans la vraie vie par une fillette, je devais me remettre bien vite en forme. Et quoi de mieux qu'un entraînement virtuel, je vous le demande!

J'ai toutefois accepté de laisser le virtuel pour le réel cet après-midi et j'ai enfilé mon accoutrement de sportive pour passer mes frustrations en plein air. J'ai dû par ailleurs mettre mes pantalons de nylon et mes espadrilles d'hiver. Il faisait pas mal froid. Et il pleuvait en plus. Résolue à ne pas porter tout de suite la tuque, je me suis transformée en ado à capuchon. Me semble que c'était cool. Quoique... encore là, ne porte pas le capuchon qui veut. Premièrement, mon chandail est gris. En partant, ça fait moins cool. Il faudrait qu'il soit noir. Et puis, comme je ne voulais pas me geler les oreilles, je crois que j'ai serré un peu trop les cordons. J'avais l'air du petit bonhomme pas de cou de Bruno Blanchet. Googler ça sur YouTube et vous allez voir ce que je veux dire. En tout cas, j'ai fait fi du look - et dans mon cas, ce n'est pas chose facile quand il s'agit de mon équipement sportif - et je suis sortie.

Finalement, il ne pleuvait pas trop fort. C'était très endurable. J'avais choisi de faire une première écoute d'un autre des albums de mon groupe fétiche du moment que le Fils a mis sur mon MP3. Je ne me sentais plus pathétique, mais vide. Je ne suis pas sûre que c'est mieux. Je marchais branchée sur le métal et la musique de As I Lay Dying me rentrait dedans aux deux secondes. J'aurais voulu marcher toujours. Et le froid me gelait la face et l'âme. C'était parfait. J'ai arpenté mes trottoirs longtemps. Jusqu'à ce que la pluie vienne à bout de mon capuchon. Quand j'ai commencé à sentir l'humidité qui me transperçait, j'ai pris le chemin du retour.

J'avais prévu un souper genre aliment-réconfort. Je voulais faire une salade aux poires et à l'avocat et un bon rosbif. En enlevant mon manteau, je suis accueillie par Mignonne qui ne semble pas dans son assiette. Elle était comme ça aussi ce matin. Je m'approche. Elle miaule piteusement en tournant sa tête vers son arrière-train comme si elle avait mal à cet endroit. Je la flatte doucement et, prise d'une inspiration découlant de ma très longue expérience de vie avec les minets, j'écarte son poil et je la vois : une maudite puce! Je m'en doutais. Elle se grattait plus souvent ces derniers temps. Et je suis certaine que c'est la Reine-Marguerite qui est cause de cette infestation puisque je la mets dehors à l'occasion. Bon, va falloir acheter du traitement anti-puces demain et laver les lits. Yé! Je me demandais justement quoi faire de mes soirées cette semaine.

Je me dirige vers la cuisine pour préparer le rosbif que j'enfourne. L'Homme et moi commençons à couper les légumes quand nous entendons un bruit sourd en provenance du four. Nous nous retournons juste à temps pour voir des flammes. Je pense que c'est à cause du gras de la viande qui est peut-être tombé sur les éléments. C'est plus grave que ça. En ouvrant le four, nous constatons que le plat de vitre dans lequel se trouvait la bête a éclaté en plusieurs morceaux. Nous fermons tout. L'Homme sort les débris pour les mettre dans l'évier. Il propose de récupérer la pièce de viande en la rinçant pour faire disparaître d'éventuelles traces de verre. C'était sans compter sur l'hypocondrie de mon moi-même. Je refuse net. Je suis persuadée que je vais avaler un minuscule morceau de verre qui me fera mourir d'une hémorragie interne. Reste la salade, mais l'avocat n'est pas mûr. Changement radical de plan : ce sera des mets libanais. C'était pas le réconfort que je souhaitais mais je n'ai pas eu de vaisselle à faire. On se console comme on peut...

samedi 23 octobre 2010

Symphonie pathétique

Vous savez comment je me sens depuis jeudi soir? Pathétique. Est-ce que c'est mieux que morose? Je ne sais pas trop. Mais voilà comment tout a commencé.

À la fin de ma dure journée de labeur, je me trouvais à l'arrêt d'autobus piaffant presque d'impatience à l'idée de retrouver mon chez moi. Je ne crois pas vous avoir dit que, depuis mon retour au boulot, c'est l'enfer du trafic, matin et soir. C'est que, comme bien d'autres municipalités de notre belle province, nous avons nous aussi été gâtés par les largesses de l'enveloppe fédérale accordée aux infrastructures. Résultat : il n'y pas une rue qui n'est pas en train d'être creusée, asphaltée, élargie, cimentée, pistonnée, et que sais-je encore. Comme je l'ai lu ou entendu quelque part, c'est ceusses qui ont investi dans les cônes orange qui sont contents et qui engrangent les dollars!

Bref, j'attendais donc mon transport en commun. J'ai laissé passer le premier véhicule qui aurait pu m'amener à bon port parce qu'il était trop plein. "Ben voyons donc", que je vous entends me crier à l'oreille. "C'est pas un p'tit séjour accrochée au poteau qui va te faire mourir". Effectivement non. Le hic, c'est qu'il n'y a plus de petits séjours dans l'autobus. Tenez, là, jeudi, drette à l'arrêt où j'attendais, il y avait un camion d'Hydro Québec qui bloquait la voie des autobus. Et juste un peu plus loin, là où les autobus justement tentent d'emprunter la voie qui leur est réservée, se trouvaient, je vous le donne en mille, des cônes orange! Depuis trois semaines, les autobus qui vont dans mon quartier, parce que ce dernier est dévasté comme si une bombe venait d'y éclater, font leur parcours à l'envers. Le trajet qui me prenait environ 20 minutes s'est transformé en une expédition d'au moins 60 minutes. Alors, pour le court séjour, on repassera.

De guerre lasse, et parce que je ne voyais aucun signe d'amélioration dans la situation du trafic qui ne cessait de s'alourdir, j'ai décidé de grimper dans le deuxième express qui s'est offert à moi. Évidemment j'étais débout. Évidemment j'étais accrochée à un poteau. Et c'est là que je me suis trouvée pathétique. Je me sentais comme si je venais d'embarquer dans un wagon à bestiaux en direction de l'abattoir. Je pensais même ne pas être capable de me rendre tellement j'étais découragée à l'idée que je devrais, pendant l'heure qui allait suivre, faire des efforts continuels pour garder mon équilibre à travers les hoquettements continus d'un autobus tentant de se frayer tant bien que mal un passage vers sa destination ultime. Je me sentais si vieille. Et observer les autres personnes autour de moi ne faisait rien pour me remonter le moral. Je voyais bien qu'elles ne semblaient pas plus heureuses que moi d'avoir à adopter la station debout, mais elles étaient ô combien plus agiles et plus désinvoltes face à leur sort. C'est là que je me suis dit que c'était temps que ça finisse. Trente-quatre ans de transport en commun m'ont usé le corps et la patience. Je constate, avec consternation, que je n'ai plus l'énergie pour vivre ça. Trop fatiguée.

Hier, c'était congé. Pas d'autobus à prendre. Le bonheur total. J'ai décidé de marcher pour aller chez le coiffeur, comme je le fais presque toujours maintenant. Je sors de la maison vers 8 h. Il fait froid mais je suis habillée chaudement. J'ai encore un peu mal dans le cou et dans le dos après mes prouesses d'équilibriste de la veille. Qu'importe. Je sais que le grand air me fera du bien. J'entame mon parcours dans les rues du quartier et croise des écoliers. Sur un des trottoirs, j'arrive à la hauteur d'une fillette de sept ou huit ans. Elle marche vite. Plein de petits pas rapides. Je me dis que je vais éventuellement être capable de la dépasser. Nenni. Ses enjambées, bien que plus courtes que les miennes, sont drôlement plus efficaces. Quand nos chemins ont finalement pris des directions opposées, elle était toujours devant moi. Pathétique. "Vraiment, ma vieille, ça s'arrange pas. Même après des années d'entraînement, t'es pas foutue de marcher plus vite qu'un enfant du primaire. Bravo! Je dis bravo!", soliloquai-je. Et pour ajouter à mon larmoyant constat, j'ai aussi été dépassée un peu plus loin par un ado à capuchon qui ne semblait pas marcher si vite que ça. C'est plutôt moi qui croyais avoir un bon pas! Un pas de vieille baderne, ça c'est sûr.

Et ce soir, c'est au souper que je me trouvais pathétique. Assise en face de l'Homme en train de manger. Tous les deux, seuls, avec pas un bruit, sauf ceux que nous tentions d'étouffer en mangeant notre potage. Qu'avions-nous à nous dire après toute une journée ensemble sans voir encore une fois âme qui vive? Nous avions abondamment commenté les journaux en prenant notre café du matin. Nous avions devisé en ramassant les feuilles une bonne partie de l'après-midi. Et nous avions échangé en préparant le repas. Que restait-il à discuter, je vous le demande? Rien. Je vous le dis, pathétique.

Tout à l'heure, j'ai appelé le Fils pour la deuxième fois aujourd'hui. Parce que j'avais encore envie d'entendre sa voix. Il y a environ vingt minutes, c'est l'Homme qui l'a appelé. "Quoi! tu ne lui as pas téléphoné toi aussi", que je lui ai dit avec un semblant d'air de reproche. Mais qui suis-je, vraiment, pour donner des conseils sur les comportements pathétiques des personnes qui sentent le tapis leur glisser sous les pieds?

Pendant ce temps, sur un autre continent, la Fille se dirige vers la Corse :

Demain, c'est donc le départ vers Toulon d'où je prendrai un bateau de nuit vers le port d'Ajaccio. J'y passerai la journée à visiter et mon hôte, une sérigraphe professionnelle, viendra me chercher en après-midi. J'ai vraiment hâte. On m'y a promis de magnifiques paysages, des tas et des tas de randonnées, des plages qui en ce moment sont très peu fréquentées.

Est-ce que "pathétique", ça s'épelle "E N N U I"?

jeudi 21 octobre 2010

La vie (ou la mort) au bureau - Le costume

(troisième épisode du feuilleton clérical le plus enlevant de l'heure - les deux premiers épisodes ont été publiés les 6 et 12 octobre)

Depuis qu'elle avait été portée volontaire pour participer à l'organisation du party de Noël, par Vanessa interposée, elle se trouvait contrainte d'assister à toutes sortes de séances de remue-méninges destinées à trouver des idées amusantes pour animer la soirée. Elle détestait ça. Mais elle ne pouvait y échapper en envoyant son émissaire préférée. Trop risqué. Il fallait malheureusement dans ces rencontres ouvrir la bouche de temps à autre pour au moins faire entendre un semblant d'opinion. Et Vanessa ne savait qu'acquiescer à tout. Ceci expliquait d'ailleurs le bourbier dans lequel elle se trouvait dorénavant enfoncée jusqu'au fameux jour J où elle serait enfin délivrée de cette tâche d'animateur style GO (Gentille Organisatrice).

Le seul côté positif qu'elle voyait à cette situation était qu'elle se trouvait enfin occupée à quelque chose. C'était certes moins intéressant que lire le journal ou suivre les aventures charnelles de la Nana de Zola, mais ça avait au moins le mérite de faire passer une heure ou deux. Ce qui n'est pas rien. Et puis, elle devait quand même faire appel à son imagination et à sa créativité pour planifier une fête qui marquerait l'histoire du bureau par son originalité et, pourquoi pas, sa décadence.

Aujourd'hui, elle devait d'ailleurs présenter aux membres du comité organisateur des idées pour la décoration de la salle. Elle voulait à tout prix éviter les flaflas trop convenus : boules de Noël qui pendent du plafond au bout d'un fil métallique, guirlandes imitant la végétation verte de saison accrochées autour des colonnes ou des cadres de porte, arbres en plastique synthétique ornés de lumières multicolores en forme de bonshommes de neige ou encore boîtes vides enveloppées de papier de Noël pour ressembler à des cadeaux. Non, il fallait arriver avec un concept nouveau.

Pendant que ses neurones de fonctionnaire rarement sollicités tentaient d'ébaucher un quelconque projet, des bruits de voix et des éclats de rires en provenance des cubicules voisins viennent troubler sa laborieuse réflexion. "Mais qu'est-ce qui se passe donc?", s'écrie-t-elle dans son for intérieur. "Me semble que le tintamarre est inhabituel dans ces couloirs de la mort.", ajoute-t-elle à sa première observation. N'y tenant plus, d'autant qu'elle commençait drôlement à angoisser devant le tarissement de la source de ses idées révolutionnaires, elle sort de son antre et se retrouve face à face avec une sorcière dont le visage à verrue lui rappelle vaguement quelqu'un. "Voyons, t'as-tu oublié de te déguiser?", l'interroge brutalement la hideuse créature qui a charge habituellement de toutes les festivités destinées à égayer la vie de bureau au cours d'une année civile et qui lui tient encore rigueur de l'avoir coiffée au poteau de l'activité de Noël. "J'sais ben que tu penses juste à Nôwell ces temps-citte, mais y a l'Halloween là ki faut fêter avant. Hier, j'ai envoyé un message à tout le monde pour k'y apportent leurs costumes. J'croyais que j'avais été clair.", fulmine-t-elle presque. "Oui, oui. C'était d'une limpidité désarmante. Plus limpide que ça, c'est de la boue.", lui répond-elle avec un cynisme qu'elle sait ne jamais être compris. "Bon, ben, d'abord, va te changer et viens manger des bonbons devant le bureau du patron.", lui sussure la mégère maintenant apprivoisée parce que convaincue d'avoir marqué un point. En regardant la créature enfourcher son balai pour emprunter le couloir suivant, elle sent monter en elle une certaine impatience, pour ne pas dire une franche colère.

Elle rentre dans son bureau et sort Vanessa de sa cachette. Du même coup, elle trouve l'idée qu'elle cherchait depuis le matin. "J'ai encore besoin de toi, ma chère comparse aux lèvres pulpeuses. Il faut que tu prennes ma place pour un bout cet après-midi, le temps que j'évite l'orgie de sucre et que j'aille préparer ma présentation pour le comité. Je te revois un peu plus tard."

De retour à 15 h, elle retrouve Vanessa devant un immense bol rempli de bonbons et des dizaines de sacs de croustilles. "Ayoye! Veux-tu bien me dire ce qui s'est passé ici?" Comme à l'habitude, le sourire statique de la poupée ne lui est d'aucun secours. Elle se dirige donc vers l'ordinateur pour prendre connaissance de ses courriels. Le sujet du premier message retient tout de suite son attention :

Party de Noël/Fête de l'Halloween 

En ce qui a trait au party de Noël, nous vous informons que le comité n'a pas retenu votre suggestion de remplir la salle de ballons rouges et de différentes structures gonflables, dont l'une aurait représenté la Mère Noël en sous-vêtements de dentelle rouge et noire.

Nous sommes heureux par contre de vous annoncer que vous avez remporté le prix du plus beau costume dans le cadre du concours de déguisements organisé pour souligner la fête de l'Halloween. Comme il était prévu, le gagnant se méritait cinq livres de bonbons assortis et trois douzaines de sacs de croustilles. Votre prix a déjà été livré à votre bureau.

Nous apprécions votre esprit d'équipe et espérons que vous porterez votre costume lors du party de Noël.

lundi 18 octobre 2010

Un peu de métal avec ça?

Avouez que ça fait longtemps que je ne vous ai pas gâtés de mes impressions pédestres. J'y pensais justement ce soir pendant que j'arpentais mes trottoirs adorés et j'ai décidé de donner suite à mon inspiration.

D'abord, c'est une période de transition pour la Marcheuse ces temps-ci à cause de la température qui donne de plus en plus dans le frais. Je refuse encore et toujours d'enfiler les pantalons de nylon. Je portais donc mes leggings mi-jambe et je dois dire que je n'avais pas froid. J'ai senti cependant qu'il me faudrait bientôt troquer mes espadrilles aérées de l'été pour les chaussures plus chaudes de l'hiver. C'est que les trous d'aération en période de canicule, c'est vraiment formidable. À l'automne, cependant, ça génère des courants d'air pas trop agréables entre les orteils!

Mais le froid n'a pas pour seule conséquence de me forcer à m'habiller autrement. Non, je dois de nouveau composer avec la délicieuse odeur des feux de cheminées, de foyers et de poêles à bois que la frilosité des gens du quartier a déjà commencé à allumer. Pollution! (À lire à haute voix en s'exclamant!) Est-ce qu'on n'entend pas assez parler de l'environnement et de tous les dangers qui nous guettent à refuser de passer au vert une fois pour toutes? Je ne nie pas la beauté de l'âtre et de son bois qui s'y consume, mais ça empeste l'air du dehors! Et puis, fait-il si froid en cette période de l'année pour que l'on soit obligé de se blottir au coin du feu? Mettez-vous un chandail plus chaud, un pyjama en polar et un foulard autour du cou et éteignez-moi tout ça avant que l'on ne voit plus le ciel bleu et que l'on devienne tous victimes d'anosmie (En faisant mes mots croisés au bureau aujourd'hui, j'ai appris que ça voulait dire "perte de l'odorat". J'suis tellement contente de m'instruire à vos frais à tous!!). Fin de mon éditorial.

Vous ne pourrez certainement pas lire une chronique pédestre sans entendre parler aussi de métal. Depuis que le Fils m'a téléchargé les albums plus anciens du groupe As I Lay Dying, je lévite sur cette sublime musique. L'album que j'ai écouté en m'entraînant avait un rythme d'enfer. Je devais marcher très, très rapidement pour suivre la mesure. C'est sans doute pour ça que j'avais autant de courants d'air entre les orteils! En tout cas. Me voilà rendue au pied de mes escaliers. Je suis en train d'écouter An Ocean Between Us :

 
Et là, j'entame les marches. Le batteur est déchaîné. On dirait que le rythme s'accorde à mes pas qui montent et descendent à toute vitesse ou bien c'est le contraire. Je ne sais plus trop mais ça crie dans mes oreilles :
Is this your salvation?
Is this all you can give?
I will not stand in reflection
of someone else's dream

Juste comme je me disais que grimper neuf fois de suite les marches, c'était assez, c'est reparti de plus belle et je me suis rendue à onze fois. Ouf! J'ai repris mon souffle et j'ai poursuivi sur ma lancée. Là, c'est The Sound of Truth avec des passes de guitare géniales qui m'a littéralement fait courir. Et toujours la batterie qui soutient les voix. J'étais dans ma bulle et je ne sentais plus le vide. Lisez et savourez :


Et j'ai fini avec l'apothéose. L'hymne This Is Who We Are a fini de mettre mes battements cardiaques à leur max :  


dimanche 17 octobre 2010

Morosité... quand tu me tiens

Je ne sais pas si j'avais le boa en panne aujourd'hui mais j'avais l'humeur morose. Pourtant la journée a été magnifique. Le soleil brillait. Les feuilles, pour la plupart, continuent de tenir bon et nous illuminent de leurs feux. Les barracudas survivent. Les minettes de la maison ronronnent sur une base régulière. En plus, l'Homme et moi avons eu le temps d'aller au marché où nous avons pris un café allongé sur une petite terrasse. La grosse vie sale, comme la soeur Psy se plaisait à le répéter pendant nos vacances.

Alors pourquoi la morosité? Pour toutes sortes de raisons, plus insignifiantes les unes que les autres. Pour les décorations d'Halloween qui me font penser à l'anniversaire de la Fille. Et aussi à toutes ces années où nous avons imaginé des costumes, rempli des sacs de bonbons et parcouru les rues du quartier en jasant avec les voisins. Oui, morose, de me retrouver seule avec l'Homme dans notre grande maison vide. Savez-vous que si je n'avais pas appelé la soeur Psy et trois fois, oui trois fois, le Fils, nous aurions eu zéro contact avec nos congénères humains pendant toute la fin de semaine!

Mais je ne me sens pas uniquement morose. Non. Je me sens aussi parfaitement inutile sur cette Terre. Peut-être que, tout comme le chef d'orchestre Alexander Shelley n'a pas réussi à susciter notre pitié quand il s'est plaint après le concert de ses maux de dos à 31 ans, je n'arriverai pas non plus à vous faire ressentir même à un degré minime le serrement de coeur d'une mère sans fonction. Destituée. Voilà ce que je suis devenue. Mère à distance. Voilà mon lot. Et je l'exècre.

Désolée pour ce cri du coeur mais j'ai la vocation de la maison pleine. J'ai aussi la vocation du plaisir de cuisiner pour ceux que j'aime. Tenez, ce matin, je prépare une grande assiette de fruits frais pour l'Homme et moi. Comme il m'arrive toujours depuis que le nid a été abandonné, j'en fais trop. En regardant la montagne formée par les tranches de melon d'eau et de cantaloup, je me suis revue en train de nourrir les amis du Fils pendant les LAN qu'il organisait régulièrement. J'ai dit à l'Homme, qui trouvait que je sombrais dans l'exagération culinaire : "Si le sous-sol était rempli de bouches affamées, comme dans le bon vieux temps, cette assiette disparaîtrait avant que je ne sorte les muffins du four!"

Je sais, je sais. Je dois tourner la page. Mais j'aime pas vraiment la suite de l'histoire... pour le moment du moins. Je vous entends. "Écris-là, ton histoire. Elle t'appartient après tout". L'angoisse de la page blanche, vous connaissez?

samedi 16 octobre 2010

Vous avez dit souple comme le boa?

Tout dernièrement, Wajdi Mouawad, directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts, écrivait une lettre aux abonnés les invitant à demeurer des boas constrictors. L'Ami, impressionné par les propos de Wajdi, m'a remis une copie de la missive en question. Je l'en remercie vivement car, comme à l'habitude, les idées exprimées par cet extraordinaire créateur sont toujours d'un grand intérêt. Je me souviens encore de la lettre ouverte qu'il avait adressée à notre bon premier ministre quand celui-ci a sabré avec violence dans les budgets de plusieurs programmes touchant les arts et la culture. C'était un vibrant plaidoyer pour expliquer à un ignare et à un barbare toute l'importance des artistes et des artisans dans la vie d'un peuple. Cet appel ne fut évidemment jamais entendu.

Mais laissez-moi revenir à cette image du boa que Wajdi utilise pour faire comprendre aux frileux de ce monde la nécessité de se faire brasser de temps à autre. Il dit : "Avez-vous déjà contemplé un boa constrictor sur sa branche? La relation entre les deux peut, sous un certain angle, relever du sublime. Avec un brin de patience, on peut observer les mouvements du boa. On le verra, par moments, s'étirer de tout son long et, à d'autres moments, se nouer en un entrelacement pour dessiner, en juxtaposant les motifs qui ornent sa peau, des courbes multiples en des figures sinusoïdales des plus complexes. Or, si le boa peut afficher une telle flexibilité c'est avant tout grâce à la rigidité de sa branche." Il poursuit : "Où je veux en venir? À notre tendance à confondre, dans notre quotidien, ce qui relève du rigide avec ce qui relève du flexible, ainsi qu'à cette frayeur qui nous envahit parfois devant le flexible que nous cherchons souvent à rigidifier." Et il affirme que cette tendance que nous avons à favoriser le rigide au détriment de la souplesse provient de la peur, du confort et de la peur de perdre le confort.

Il insiste sur le plaisir de se laisser étonner, déstabiliser et remis en question. Du même souffle, il nous exhorte à nous engager envers nous-même tout en acceptant d'ouvrir notre pensée et nos horizons : "C'est plus inconfortable, c'est moins commode, c'est plus dangereux, mais c'est plus beau."

J'ai été une personne rigide. J'ose espérer que cette période est définitivement derrière moi. Pour la partie de ma vie où j'ai été plus souvent juge qu'arbitre, je peux sans doute m'attribuer l'excuse de la jeunesse qui nous porte parfois à voir seulement en noir et blanc. Et pour expliquer ma plus grande facilité à tourner les coins ronds plutôt qu'en angles pointus, je peux invoquer la vieillesse qui nous permet d'ajouter des nuances à nos pensées et à nos idées. Mais ceci n'est pas uniquement la raison de cela.

La rigidité me rendait profondément malheureuse. Les jugements durs que je prononçais pour les autres, je les appliquais aussi à mon propre cas. Je n'avais guère de pitié pour moi. En même temps, j'avais peur de la créativité qu'il y avait en moi car je la voyais comme quelque chose de négatif parce qu'impossible à maîtriser, à solidifier. La force inspiratrice ne voulait pas être contenue dans un barrage. C'était un torrent. Elle m'envahissait totalement. Je la détestais parce qu'elle refusait encore et toujours d'entrer dans le moule. Et quand j'ai continué à vouloir à tout prix l'ensevelir au plus profond de moi, elle s'est manifestée puissamment. Panique. Anxiété. Dépression. Elle n'a eu de cesse que lorsque j'ai accepté de la regarder en face. De la reconnaître. De lui laisser sa place. Sa juste place. Et le miracle s'est produit. Elle ne voulait pas me détruire. Elle voulait exister. Ce qui est bien différent.

Je me remercie pour cet engagement envers moi-même. Il est arrivé assez tôt dans ma vie pour que je puisse laisser mes enfants s'enrouler autour de la branche comme le boa. J'ai pu ainsi me laisser étonner, surprendre, émerveiller. Et c'est encore ce qui se passe aujourd'hui. Je suis moi aussi dans l'arbre et je m'amuse comme une folle sur ma branche. Je sais que je peux expérimenter de nouvelles figures à tout moment. Et ça m'anime. Et ça entretient ma passion. Mon souffle créateur.

Je laisse le mot de la fin à Wajdi : "Demeurez des boas constrictors. Dans les objets, dans la langue, dans le regard. Dévorez tout cru les oeuvres qui s'avancent vers vous. Ne laissez personne ni rien regarder à votre place à travers vos propres yeux. Vos yeux sont à vous."

Comme lui, je vous embrasse. XXX

vendredi 15 octobre 2010

Jongler avec les chiffres

Habituellement, je déteste les mathématiques. En fait, je les déteste de façon viscérale. Je n'aime pas calculer, c'est tout. J'ai toujours l'impression que je suis en manque de quelque chose. J'oublie facilement les retenues. Je suis allergique aux formules, surtout les toutes faites. J'ai la logique en panne permanente. Je finis par m'arracher les cheveux quand j'essaie d'y comprendre quelque chose et, à cause de ma vieillesse de plus en plus présente, je pense même parfois que je suis en train de perdre la raison. Car tout se bouscule dans mon ciboulot lorsqu'il essaie d'adopter un mode qui n'est pas le sien.

Que voulez-vous, moi, ça toujours été par le coeur que ça passe. Maintenant, parce que je suis devenue plus sage ou parce que j'ai compris que tête et cerveau pouvaient aussi fonctionner ensemble sans nécessairement que l'un annihile l'autre, j'arrive à trouver les opérations moins indigestes. Ces temps-ci, je mets véritablement de gros, gros, gros efforts à m'intéresser notamment aux chiffres qui entourent le passage à la retraite, nécessité oblige. Vous dire à quel point je vais contre ma nature profonde, vous n'en n'avez pas le soupçon d'une idée.

Alors, je lis les articles qui parlent de fonds de retraite, de placements, de REER, d'indemnités de départ, de rentes, et j'en passe. Ce qui me choque le plus, c'est que je me sente obligée de m'intéresser à ce baratin qui permet apparemment de mettre du beurre sur notre pain. Ai-je donc le choix de faire autrement? Pas vraiment. Si je veux avoir un entretien plus intelligent que celui que j'ai eu la dernière fois avec un conseiller financier, faut bien que je me prépare un peu. À quoi? C'est ça que je ne sais pas!!!

C'est comme notre conseillère en pensions aux ressources humaines. Je l'appelle pour prendre rendez-vous avec elle afin de connaître les démarches à suivre pour quitter mon boulot pour de bon. Au bout du fil, je sens une impatience, une exaspération, bref une écoeurantite aiguë. Elle ne veut pas me rencontrer, ça s'entend. "Écoute", me dit-elle finalement de sa voix d'experte qui se pense plus fine que les autres, "le mieux c'est que tu m'envoies un courriel avec tes questions et je vais tenter d'y répondre." Je suis interloquée. Elle ne voit pas ma bouche ouverte de poisson mort (image que je devrais sans doute éviter car elle me rappelle trop mes pauvres barracudas échoués sur le bord du bassin) qui demande urgemment la respiration artificielle. "Mes questions? C'est que je ne les connais pas moi, mes questions. C'est la première fois que je prends ma retraite. Comment suis-je censée savoir les questions que je dois poser?", que je lui ai spontanément et désespérément répondu. En fait, j'en ai juste une question : "Comment cé kon fait pour crisser son camp d'icitte?". Elle a raccroché.

Finalement, ça pourrait être plus difficile que je pense de quitter la sacro-sainte profession de fonctionnaire. Nonobstant l'embûche que constitue la bête experte mentionnée au paragraphe précédent, j'ai néanmoins procédé aujourd'hui au seul calcul qui compte véritablement pour moi, soit la date de mon départ. De fait, je suis tellement devenue de mon moi-même une experte - j'pense que j'ai pas trop trop le choix là - que je me suis calculée deux dates.

Le 23 juin 2011 officieusement. Le 11 juillet 2011 officiellement. C'est t'y pas des beaux chiffres ça!

mercredi 13 octobre 2010

Le courage de ne pas lâcher

Avoir foi en l'humanité. Croire dans la solidarité. C'est la leçon que je tire aujourd'hui du sauvetage des trente-trois mineurs chiliens emprisonnés depuis 69 jours! En même temps que j'écris ce blog, je regarde toujours en direct la remontée des cinq sauveteurs qui se trouvent encore au fond de la mine.

J'ai été touchée dès le début par le drame vécu par ces travailleurs. Tout d'abord une période interminable de dix-sept jours où ils n'étaient même par certains qu'on les retrouverait vivants. Et puis, l'organisation d'une opération de sauvetage absolument extraordinaire. Je ne peux imaginer comment on arrive à passer au travers d'une épreuve semblable. Mais où trouve-t-on la force de vivre des moments aussi difficiles? C'est une question qui me hante.

Comme je n'arrive pas à trouver de réponse, je me tourne vers mon héritage chrétien. Et dans le cas présent, la foi représente assurément un élément central de la survie de ces courageux mineurs. Je me souviens avoir lu que Dieu nous envoie uniquement les épreuves que nous sommes capables de traverser. Je trouve que c'est facile à dire quand on ne nage pas en plein drame. Mais c'est là sans doute qu'intervient le miracle de la foi : se sentir transformé par une expérience traumatisante et en sortir grandi. J'arrête là. Tout ça est tellement personnel et intime.

Décidément, ma journée a été placée sous le signe du courage. Depuis la fin de semaine, je lis les reportages de Patrick Lagacé sur le cancer dans le journal La Presse. Ce matin, il abordait une question fort épineuse, soit le fait que des malades soient acculés à la ruine financière parce qu'ils ne disposent pas de régime de santé collectif. C'est bien simple. Si vous n'avez pas de régime d'assurance-invalidité, vous avez uniquement droit aux quinze semaines de congé de maladie octroyées par le Régime d'assurance-emploi. Après, c'est le BS. Une survivante, Marie-Hélène Dubé, a décidé de faire changer les choses. Son arme : une pétition dans laquelle elle réclame que la Loi sur l'assurance-emploi soit modifiée pour accorder un an de prestations aux personnes atteintes d'une maladie grave afin qu'elles puissent se soigner. Jusqu'à maintenant, elle a recueilli plus de 400 000 signatures et se fixe comme prochain objectif la cible de 500 000 signatures. Elle a aussi obtenu l'appui de M. Fin Donnelly, député du NPD, qui a déposé un projet de loi privé demandant au Parlement la modification de la Loi.

Je suis allée sur le site de Marie-Hélène en pensant signer la pétition en ligne. Ce n'est pas possible parce que, pour être reconnue par la Chambre des communes, la pétition doit être imprimée sur du papier. J'ai donc téléchargé la pétition et décidé, tant qu'à y être, de solliciter l'appui de mes collègues. J'ai rempli ma feuille et obtenu vingt-trois signatures. J'ai poussé l'initiative plus loin et j'ai imprimé d'autres feuilles que j'ai laissé sur la table dans notre cuisine commune. Une de mes collègues a aussi proposé d'apporter la pétition au gym. Ce sont les petits gestes de solidarité qui comptent.

Et si Marie-Hélène, après trois récidives, est encore sur la ligne de front, comment pouvons-nous ne pas l'accompagner dans son combat? Voici le lien si ça vous intéresse de joindre les rangs : http://petitionassuranceemploi.com/

Le dernier sauveteur vient d'être remonté. Le monde s'endort plus beau ce soir.

mardi 12 octobre 2010

La vie (ou la mort) au bureau - La réunion

(Suite du blog du 6 octobre)

Depuis que Vanessa occupe son bureau une bonne partie de la journée, sa vie au boulot s'est considérablement améliorée. Libérée de l'obligation de faire acte de présence à son corps défendant, elle profite de son temps libre pour aller lire à la bibliothèque ou prendre un café prolongé dans un boui-boui du coin. Qu'importe la qualité de la boisson ou des lieux où on la sert si on peut étirer la pause et parcourir le journal dans son entier, mots croisés y compris.

Elle tient quand même à conserver une certaine conscience professionnelle et ouvre ses courriels tous les matins pour s'assurer qu'il n'y a pas un dossier sur lequel elle devrait travailler avant de laisser la place à son amie gonflée. Ce jour-là, après avoir déplacé son bouton aimanté sur le grand tableau des assidus de l'oisiveté et ouvert l'ordi, elle laisse échapper un solide juron en parcourant le premier message. Elle est convoquée, elle et ses infortunés collègues, à assister tout l'avant-midi à l'une de ces réunions où l'on débite lieux communs après voeux pieux et où l'on s'enfarge dans les fleurs du tapis deux fois plutôt qu'une. "C'est pas vrai. J'peux pas croire que je vais être obligée de me farcir ces âneries. Et moi qui me faisais une joie d'entamer une autre aventure des Rougon-Macquart," se lamentait-elle devant les grands yeux inexpressifs de sa compagne en latex. Elle avait en effet pris la décision de s'attaquer aux vingt romans de cette série écrite par Émile Zola. Après tout, pensait-elle, l'Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire vaut certainement autant que l'Histoire longue et pénible d'une fonctionnaire sous l'empire de l'État léthargique.

Tout d'un coup, en regardant de plus près le visage figé de sa chère compagne, une idée lui vient : "Vanessa ma vieille, je crois que tu peux t'acquitter de cette mission et ce faisant me rendre un fier service. Il te manque un seul accessoire pour être en mesure de me remplacer à cette activité passionnante : tu dois être capable de te transformer en béni-oui-oui." Elle se met alors à fouiller frénétiquement dans la boîte de rangement de la poupée. "Voyons, je suis certaine que les instructions faisaient mention de cette fonction qui permet à ton propriétaire d'obtenir de ta part un acquiescement constant et indéfectible. Ah! voilà, c'est ça. Permets-moi ici de  remplacer ton cou actuel beaucoup trop raide par un autre d'une telle flexibilité qu'il te fait opiner constamment du bonnet. C'est parfait. Nous avons tout juste le temps d'aller t'installer dans la salle de conférence avant que les autres s'y pointent."

Ce qui fut fait prestement. Elle partit ensuite, son livre sous le bras, le sourire aux lèvres, sifflotant presque. À la fin de la journée, elle récupéra Vanessa restée seule dans la salle. "Est-ce que tu t'es ennuyée?", osa-t-elle lui demander connaissant d'avance la réponse de sa compagne muette à l'acquiescement sans fin. "Bon, allez, je te ramène à notre cubicule. Tu as bien travaillé et tu mérites assurément d'aller faire dodo dans ton lit de carton".

Le lendemain, en prenant connaissance de son premier courriel, elle poussa deux solides jurons et se tourna, furieuse, vers une Vanessa plus béate que jamais : "Est-ce que j'ai bien lu? Tu t'es portée volontaire pour organiser le party de Noël?" Mais la réponse, elle la connaissait déjà, non?

lundi 11 octobre 2010

Il a fait beau, non?

Fin de semaine en dents de scie. L'Action de grâces ne m'a réussi qu'en partie. C'est qu'avec un long congé de quatre jours dans mon cas, j'ai eu le temps d'éplucher Le Devoir et La Presse en long et en large. Crise d'anxiété assurée. Trop de renseignements, c'est comme pas assez. Ça me tue. Des fois, je me demande vraiment si c'est une bonne idée que je veuille autant me tenir au fait de ce qui se passe ici et ailleurs. Je l'ai déjà dit dans ce blog, l'innocence et l'ignorance ne peuvent qu'engendrer l'insouciance qui, elle, est source de bonheur béat. Un état auquel j'aspire car, bien évidemment, je suis loin de nager dans la béatitude zen.

Je n'en finis plus de m'indigner devant le manque de vision de nos dirigeants politiques. Je n'en reviens pas de l'indifférence qu'ils démontrent tous, les uns autant que les autres, envers la santé, l'environnement et l'éducation. Je désespère de voir un jour surgir de l'ombre un projet de société intéressant qui ferait fi des intérêts à court terme de nos despérados du pouvoir et des longues tentacules des grosses compagnies assoiffées d'argent. C'est pas demain la veille, ça s'est sûr. Il faudrait pour ça un revirement complet de la situation et il n'y a aucune volonté de faire en sorte que le rêve se réalise.

Alors, alors, j'ai essayé de vivre pleinement les moments qui me restent sans que j'aie à avoir recours à un quelconque spécialiste médical, financier ou environnemental. J'ai profité du soleil pour me mettre le nez dehors en masse. J'ai beaucoup fréquenté ma cour que j'adore aussi en automne, peut-être même encore plus que l'été parce que les couleurs sont tellement extraordinaires. Et malgré l'absence des bébés chats, il y a encore de la vie tout autour de moi. Les barracudas semblent avoir retrouvé la bonne forme et j'ai découvert qu'ils avaient donné naissance à une progéniture plus abondante que ce que j'avais observé. Aujourd'hui, le Fils et moi avons compté au moins cinq bébés!

Les mésanges et les cardinaux fréquentent les mangeoires assidûment et ils prennent encore leur bain dans l'étang. Les pigeons viennent aussi faire leur tour et ils tentent maladroitement de se percher sur le bord des petites maisons remplies de graines destinées à plus petits qu'eux. Les écureuils s'activent à faire des provisions et je leur ai donné un coup de main en après-midi en leur jetant des arachides en écales. Je sais que je vais avoir des trous partout mais l'hiver arrive...

Et puis mon vague à l'âme tient aussi à l'absence de la Fille. Les dernières nouvelles sont bonnes. Elle cueille le raisin à tire-larigot et semble très satisfaite de sa situation de travailleuse agricole. Tant mieux. Ça ne règle en rien mon ennui mais ça rassérène mon coeur de mère. Je ne dois pas être injuste cependant puisque j'ai joui de la présence du Fils toute la fin de semaine. Je suis donc prête à retourner au boulot demain matin. Et c'est tout pour l'instant.

vendredi 8 octobre 2010

Branle-bas de combat

Et dire qu'en revenant du travail hier soir, je pensais avoir uniquement à expier mon péché de gourmandise du midi, soit un paquet de six gros biscuits au chocolat. Pour me faire pardonner, Mon Père, et avant que vous ne m'infligeassiez ma pénitence, permettez-moi de préciser que j'en ai avalé seulement trois. Je sais, je sais. J'ai encore les os un peu trop enveloppés pour prétendre à mon poids santé et à la liberté de gavage que cela m'octroierait. Trois, j'insiste quand même sur ce point, ce sont des calories superflues ingurgitées pour cause d'inactivité de mes neurones. Si je ne peux penser, je peux encore au moins digérer!

Bon là j'espère que la Nière littéraire est aux aguets car j'ai employé deux verbes dans le paragraphe précédent à des temps et mode dont je ne suis pas du tout certaine de l'emploi. Mais comme d'habitude, je m'éloigne de mon propos.

Retour en arrière. On est hier soir. Il est environ 16 h 45. Je déambule sur le trottoir en direction de la maison où m'attend l'Homme qui était en congé pour la journée. Je traverse la rue et me dirige vers le balcon laissant ma douce moitié poursuivre sa conversation avec le voisin d'en face. Mais le voilà qui m'arrête net en me demandant de me rendre au garage. "Viens voir", me dit-il tout fier, "j'ai réussi à capturer les deux Dupont(d). Ils sont dans la cage que nous utilisons pour amener nos chats chez le vétérinaire." Mon sang n'a fait qu'un tour. C'est qu'il avait raison. Les minets, piteux, étaient couchés l'un contre l'autre et semblaient regretter amèrement la gourmandise - toujours ce vilain péché auquel on succombe par trop facilement - qui les avait entraînés vers le plat de nourriture habilement placé dans la cage par l'Homme tendeur de piège.

Je caresse mes deux bébés noirs à travers les barreaux et me transforme immédiatement en Madeleine. L'Homme ne comprend plus rien. "Je pensais que tu serais contente. Est-ce que ce n'est pas ce que tu voulais, les attraper tous les deux en même temps, pour ensuite aller les confier à la SPCA?" "Oui, oui, bien sûr", que je réponds en sanglotant. "Mais je croyais avoir encore du temps avec eux." Pendant que je m'entendais parler ainsi, je ne pouvais m'empêcher d'admettre en mon for intérieur que l'Homme venait de me rendre un immense service. "Pars tout de suite, je ne suis plus capable de les regarder." Il s'est emparé de la cargaison féline et moi je suis allée bien vite enfiler mes habits de Marcheuse. Je me suis branchée sur le métal comme jamais. Quand je suis revenue à la maison, mon aventure avec la famille Tournesol était chose du passé.

Comme si je n'avais pas eu assez d'émotions avec cette séparation, j'ai dû procéder in extremis au sauvetage de trois de mes barracudas ce matin. Heureusement, j'étais en congé. Je finissais de déjeuner en compagnie de l'Homme à qui j'avais demandé s'il pouvait m'aider, avant de quitter pour le travail, à retirer le filet placé sur l'étang pour empêcher les feuilles de s'y ramasser. Il en était tombé beaucoup et  le filet s'enfonçait dangereusement dans l'eau. En allant porter ma tasse de café dans la cuisine, je jette un coup d'oeil par la fenêtre afin d'évaluer l'état des lieux. Stupeur et tremblements!! J'aperçois un de mes koïs dans la partie peu profonde en train de chercher visiblement son air. Je sors dehors à toute vitesse. Je vois qu'il y en a un autre plus loin qui fait la même chose. Je suis désespérée.

Je rentre en trombe dans la maison et je crie à l'Homme, qui est toujours en pyjama : "Vite, vite, dépêche-toi à t'habiller et viens m'aider. Les poissons sont en train de mourir!" Et je ressors aussi rapidement que j'étais entrée. Je me précipite sur le bord de l'étang et, ne faisant ni une ni deux, je retire toute seule le filet. Et là, horreur, j'en trouve un troisième qui est pris sous les feuilles et qui cherche lui aussi à respirer. Comment vous décrire ce spectacle désolant? C'est qu'ils sont gros mes barracudas. Et je ne les avais jamais vus d'aussi près. Ils étaient presque échoués en fait. J'aurais pu leur tenir les nageoires comme on tient la main à un mourant. Je ne savais plus quoi faire.

Je retourne dans la maison. L'Homme n'a pas encore enfilé ses pantalons. "Où est la pompe? Où as-tu mis la pompe?", que je lui crie en courant comme une folle dans les escaliers menant au sous-sol. Finalement il arrive, s'empare de la pompe et me suit dehors car je suis déjà ressortie au pas de course. La pompe est branchée. Les bulles se multiplient à la surface de l'eau. Et moi je peine à regarder mes poissons chercher leur air à la surface en priant pour que l'arrivée d'oxygène soit suffisante pour les sauver. Comme je ne peux rien faire d'autre, je prends le filet et commence un nettoyage en profondeur. J'enlève férocement toutes les feuilles qui flottent et toutes les feuilles qui ont trouvé refuge dans le bassin mais qui se trouvent encore à ma portée.

L'Homme doit partir travailler. Moi j'entreprends de veiller mes poissons. Je reste dehors tout l'après-midi. Je remplis cinq immenses sacs avec les feuilles qui jonchent le terrain. Mais j'effectue surtout un va-et-vient constant entre mes tas de feuilles et le bassin. J'en profite pour retirer la moindre petite feuille qui ose se déposer sur l'eau. Finalement, il me semble que les poissons semblent bouger davantage. L'un d'entre eux s'est même aventuré vers la partie plus profonde en nageant de façon normale. Après une éternité pour moi, et sans doute pour eux aussi, les deux barracudas qui jouaient à la baleine échouée sur le rivage retournent dans la partie creuse. Plus tard, je verrai même la troupe presque au complet en train de nager autour de la pompe. Je crois que le pire est passé.

Me reste maintenant à m'informer comme il se doit avant que l'hiver arrive pour de bon. Je me suis jointe à un forum qui regroupe des amateurs de bassins. Leurs conseils sont judicieux. Je vais me doter d'un bulleur. Et faire des tests d'eau aussi. Et replacer le filet en faisant plus attention à la façon de l'installer pour que les poissons ne se retrouvent plus en aussi fâcheuse position. Mais, malgré tout, j'ai un doute. C'est vraiment froid l'hiver. Et trois pieds, c'est pas si profond que ça. Juste assez pour devenir une tombe.

mercredi 6 octobre 2010

La vie (ou la mort) au bureau - Une nouvelle venue

Tous les jours, elle arrive au bureau et accomplit la même routine. Elle se rend d'abord au tableau des présences pour y bouger le petit bouton noir aimanté en face de son nom afin de le mettre dans la case "In". Puis, elle retourne à son cubicule et accroche sa veste au porte-manteau. Elle ouvre ensuite son ordinateur et son imprimante. Une fois branchée, elle regarde rapidement ses courriels. Comme d'habitude, depuis environ un an, il n'y a pas de nouveau message sauf les nouvelles inénarrables envoyées régulièrement par l'administration. "Sans intérêt", se dit-elle encore une fois en poussant un soupir d'ennui. Il est seulement 7 h 30.

Elle se lève pour aller porter son lunch à la cuisine. Elle en profite pour faire son café. Fort, le café. C'est indispensable si elle veut se rendre jusqu'à l'heure du dîner. Elle emplit sa tasse sur laquelle est inscrit le nom de son organisme accompagné du slogan : "Le milieu de travail par excellence." C'est vrai que ça fait une mèche qu'elle possède cette tasse. Dix ans, quinze peut-être. Elle ne sait plus. Une chose est sûre, cependant, c'était avant que le vide de son panier devienne une constante.

Avant de retourner s'asseoir devant son écran, elle va faire un brin de causette avec des collègues, histoire de pouvoir se dire qu'elle a fréquenté quelques humains pendant sa journée. Voilà une autre demi-heure d'écoulée. Il est à peine 8 h 30.

Une fois installée sur sa belle chaise ergonomique conçue pour lui éviter toute maladie professionnelle, elle retourne consulter ses courriels. Toujours rien. Le panier est vide comme un grand trou noir. Elle se tourne vers la table située en face de la fenêtre et ouvre son journal : "Voyons voir ce qui se passe dans le vrai monde, celui où l'on vit pas celui où on ne fait qu'attendre un Godot qui ne vient évidemment jamais", pense-t-elle ce matin-là, l'humeur sombre comme une semaine de pluie.

Midi. Elle a réussi l'exploit de s'y rendre sans trop savoir comment. Elle n'a vu personne. N'a plus parlé à personne depuis son café du matin. Elle a travaillé dix minutes sur un dossier. Il semble bien que ce sera sa charge de travail pour la journée. Il reste encore près de quatre heures à tuer. Elle n'en peut plus. Aujourd'hui, c'est la fin.

Contrairement à ses habitudes, elle mange rapidement et sort de l'immeuble pour se dégourdir les jambes et la tête. "Ça n'a pas de bon sens. Si ça continue, je vais devenir folle à rester là à contempler le plafond", marmonne-t-elle en faisant claquer ses talons sur le trottoir. Sans trop s'en rendre compte, elle se retrouve devant la vitrine de la boutique érotique située en face du bureau. Et là, une idée germe dans son cerveau malade de fonctionnaire inoccupée. Elle entre dans le magasin et en ressort un peu plus tard avec une grosse boîte.

De retour à son cubicule, elle ouvre la boîte et en tire un quelque chose en plastique qu'elle déplie et installe sur sa chaise. Puis, elle quitte pour le reste de l'après-midi. Elle reviendra à la fin de la journée pour déplacer son bouton noir, fermer son ordi et ranger "Vanessa", la poupée gonflable qui prendra dorénavant sa place pendant la journée. Suffisait seulement d'y penser!

mardi 5 octobre 2010

Salmigondis

Lu aujourd'hui que le rire permet de vivre plus longtemps

C'est drôle parce que cette conclusion, qu'on a déjà entendu, provient cette fois d'une étude réalisée à partir des photos de 230 joueurs de baseball dont la carrière a débuté avant les années 50. On a classé les rieurs et les moroses puis on a consulté les avis de décès. Les fendus jusqu'aux oreilles ont vécu en moyenne six ans et des poussières de plus que les sans façons.

Me suis rappelée avoir aussi lu ceci sur le même sujet... ou presque

Après avoir croisé les résultats de trente-trois études effectuées auprès de 50 000 personnes sur une période d'une quarantaine d'années, des chercheurs ont pu déterminer que la force d'une poignée de main et le dynamisme démontré pour se lever d'une chaise, bouger et lever sa jambe en disent long sur l'état de santé d'une personne.

Ai fait un lien avec mon cours de yoga

Voilà pourquoi notre prof nous rappelle constamment qu'il ne faut pas oublier de sourire à notre nous-même, à plus forte raison lorsque l'étirement nous entraîne plutôt vers la grimace. Pour l'avoir essayé, je peux confirmer que le sourire transforme presque instantanément notre état intérieur. Cela nous rend indulgent envers notre modeste personne et c'est très bien ainsi.

Ne vous ai pas encore annoncé ma nouvelle maternité

On ne panique pas. Je parle ici de la découverte d'une nouvelle vie dans l'étang, découverte faite par l'Homme dimanche pendant que nous procédions à notre première hivernisation. Armé du filet, l'Homme tentait de retirer le plus grand nombre possible de feuilles d'érable du bassin quand, soudain, il s'est exclamé : "Regarde là, il y a un petit poisson qui gigote." Et croyez non ou le, comme le dit toujours l'Homme, ce n'était pas un membre de la tribu des barracudas. En fait oui, c'était un membre, mais un nouveau membre. Nous l'avons remis à l'eau et croisons les doigts pour qu'il survive lui aussi à la froide saison.

M'inquiète de plus en plus du sort des deux Dupont(d)

De ce temps-là, ils se présentent toujours ensemble pour réclamer leur bouffe. De vrais petits jumeaux. J'arrive encore à prendre Dupont, qui est malheureusement tout cotonné. Son frère continue d'avoir peur et de s'éloigner quand je m'approche. Ces deux-là, il va falloir que je les prenne ensemble. Je ne peux imaginer en laisser un tout seul dehors.

Suis fatiguée et vous souhaite une bonne nuit! N'oubliez pas de sourire en vous endormant.

lundi 4 octobre 2010

La ligne du temps

Savez-vous comment on prend vraiment conscience de sa finitude ici-bas? C'est quand on lit des articles dans les journaux, peu importe les sujets traités, et qu'on se rend compte tout d'un coup que les dates mentionnées par exemple pour l'avènement d'un phénomène ou d'une découverte quelconque sont suffisamment éloignées pour nous permettre de conclure hors de tout doute qu'on ne vivra pas jusque là.

Ainsi, on discutait dans Le Devoir d'aujourd'hui de la Crise d'octobre 70 et on y soulignait notamment l'importance de se remémorer notre histoire. La journaliste notait entre autres que des faits nous échappent toujours sur ces événements parce que nous n'avons pas accès à tous les documents de l'époque. Il faudra s'armer de patience cependant étant donné que l'ensemble de la documentation réunie par le centre de renseignements formé par Robert Bourassa ne pourra être consultée qu'en 2070! "C'est dommage," que me je suis dit, "si ces archives renferment des révélations foudroyantes, je n'en saurai rien." Et je me suis sentie flouée. Me semble que le droit à l'information devrait transcender la mort!

Plus jeune, je ne me souviens pas de m'être arrêtée sur une date en me disant : "Wow! je ne serai certainement plus là pour voir ça." Non, dans ce temps-là, je trouvais surtout que les dates étaient fort éloignées mais je ne m'en inquiétais pas outre-mesure puisqu'un rapide calcul établissait que j'aurais, je ne sais pas moi, 54 ou 62 ans lorsque l'échéance arriverait. Nul besoin de m'en faire donc.

Ce n'est plus le cas maintenant. Depuis un ou deux ans environ, je m'arrête de plus en plus souvent aux dates. Pourquoi ce foutu hôpital ne pourrait-il être prêt avant que je sois mûre pour le centre d'accueil et les clowns? Pourquoi ce projet de Rapibus, promis depuis des décades (j'exagère à peine), en est-il encore à ses balbutiements? C'est sûr et certain que je ne pourrai pas utiliser ce nouveau mode de transport rapide et moderne avant de prendre ma retraite. C'est donc avec canne et marchette, si je suis encore capable de circuler de façon suffisamment autonome, que j'embarquerai à bord de l'autobus du futur! Et ces remèdes miracles sur lesquels des chercheurs bûchent depuis des années? Seront-ils au point avant que je crève? Une fois encore, les pronostics sont plutôt sombres.

C'est donc le constat auquel je dois arriver. Admettre qu'un jour je ne serai plus là. Que le monde va continuer de tourner mais sans moi. Et que ce jour se rapproche constamment.

Vous savez, aujourd'hui, c'était le premier jour du reste de ma vie de fonctionnaire.
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Notes métalliques : Je vous invite à prendre connaissance des commentaires éclairés du Pusher à la suite de mon blog intitulé As I lay... dying and hard of hearing. Vous constaterez que l'on se rejoint quand même sur certains points. Moi je retiens que l'oeil, et surtout l'oreille, d'un "professionnel" fournissent un recul fort intéressant. À lire absolument donc... c'est un ordre! :))