mercredi 26 octobre 2011

J'ai trouvé ma niche

Et je m'y trouve comme un poisson dans l'eau! Amusant, non, comme image?

Qu'est-ce que c'est que j'ai donc fait de si agréable? Du bénévolat pour la Soupière de l'Amitié. J'ai commencé ce matin à 8 h tapant. Dans la cuisine. Mon nouveau patron, c'est le chef Serge. Gentil comme tout. Taciturne sur les bords, il n'a pas l'air de surveiller mais pourtant il voit tout. Et il y en a des comptoirs avec des bénévoles!

Qu'est-ce que c'est que j'ai donc fait de si passionnant? J'ai principalement coupé du chou-fleur. Deux boîtes. En tout petits morceaux. J'ai aussi aidé au service quand est venu le moment du dîner. J'ai servi de la soupe. J'ai donné de la salade de fruits. Et j'ai dit "Bon appétit!" un nombre incalculable de fois. Avec le sourire, bien sûr.

Qu'est-ce que c'est que j'ai tant aimé? Ne pas avoir à penser. C'était tellement reposant. Je coupais et je remplissais d'immenses bols en inox. Comme trame sonore, la radio qui jouait. De temps en temps, un bénévole chantait. J'entendais aussi des conversations sans vraiment comprendre les propos, et je souriais lorsque des éclats de rire fusaient. Appelée à partager ma poubelle, je suis vite devenue amie avec Lucie qui écalait les oeufs et Ronald qui coupait les piments.

Voyons, quoi d'autre? Ah! oui, j'ai aimé aussi prendre une pause de quinze minutes en dégustant un thé préparé dans une grosse machine en métal et un muffin au banane frais sorti du four. Là, j'ai plus écouté que jasé. Comme ça faisait du bien. Les bénévoles se taquinaient beaucoup. L'atmosphère était bon enfant. Les clients de la Soupière commençaient déjà à arriver. Il fallait retourner à nos chaudrons.

C'est là que j'ai été envoyée au service : "Bonjour. Allez-vous prendre de la soupe? Les biscuits soda? Un hot-dog sans la salade. D'accord. Et comme dessert, voulez-vous le pouding au chocolat et la salade de fruits? Bon appétit." J'ai vu des vieux, des jeunes, des hommes, des femmes et même une petite fille. Pour la plupart, ils étaient contents d'être là et appréciaient le repas chaud. J'ai même été invitée par un jeune avec qui j'avais déjà jasé au service de dépannage à me rendre à la manifestation organisée ce soir par les militants du mouvement "Occupons Ottawa" dans le parc de la Confédération. Et j'ai retrouvé une jeune fille, rencontrée elle aussi au service de dépannage, avec qui j'ai encore une fois échangé sur nos lectures préférées.

Bilan de ma première journée : une assiette renversée sur le bord du comptoir et un pouce lacéré sur le tranchant de la grosse boîte de Saran Wrap. Ayoye! C'est Serge qui m'a soignée. Il m'a donné mon après-midi. Très drôle.

Je retourne demain. C'est sûr.

mardi 25 octobre 2011

Gardez vos lampes allumées

Oui, je vous conseille de ne pas souffler la chandelle car vous ne savez ni l'heure, ni le jour où vous pourriez vous retrouver pauvre comme Job. Je ne vous souhaite pas toutefois de devoir partager à un moment de votre vie le sort de ce pauvre hère. Je m'explique.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant à quel point il est important d'être conscient de notre bonne fortune et, surtout, d'en être reconnaissant. Je dois avouer que cette attitude devient encore plus facile à adopter quand on revient d'un séjour au service de dépannage alimentaire de la paroisse.

Aujourd'hui, je suis carrément outrée et je dénonce. J'horripile cette société égocentriste qui n'a de cesse de s'admirer le nombril sans jamais relever la tête pour voir plus loin que son petit nez en l'air. Oui, je clame haut et fort que nous sommes tous devenus des champions de l'indifférence cantonnés dans notre confort de bourgeois arrivistes.

J'exagère? Vous voulez des preuves. En voici. Nous avons reçu ce matin la commande livrée par la banque d'alimentation, pauvre organisme tributaire de ses "généreux" donateurs. Je vous donne ci-dessous la liste de certains des articles que nous avions à distribuer aujourd'hui :

Des boîtes de biscuits amochées
Je vous le concède, cela n'enlève rien à la qualité du produit. Nous nous sommes même réjouis en constatant qu'on nous donnait déjà des biscuits des fêtes... de l'année dernière. Ouais, c'est ça. Les fêtes de 2010! Merci Père Noël!

Des cannettes de la boisson gazeuse brune (marque générique, bien sûr!)
Une denrée qui a sans doute été ajoutée récemment au Guide alimentaire canadien. Comme si ce n'était pas suffisant, certaines des cannettes étaient tellement gonflées qu'on aurait pu les utiliser comme cocktails Molotov! Des envies de passer à l'action? Pour les adresses, j'ai des suggestions.

Une tonne d'enveloppes de poudre
Pas de la poudre blanche qui permettrait d'oublier, non. Plutôt toutes ces sortes de préparations chimiques à la liste d'ingrédients aussi longue qu'une litanie de déclarations libérales vides portant sur la nécessité de démasquer la corruption. Je parle ici de ces "supposés" expédients de la vraie cuisine conçus pour aider le chef de la maison à préparer par exemple des sauces dauphinoises pour les pommes de terre, des sauces au fromage orangé pour les nouilles et des sauces brunes pour la viande faisandée. Sans oublier ce classique des mets nourrissants : le sachet "Ramen" pour ne pas le nommer. Mettez-y de l'eau bouillante et le tour est joué. Ramenez-en, on est capable d'en prendre.

Des fruits et des légumes "frais"
Là encore, si vous êtes pauvre, on considère que vous n'avez pas droit à la variété. Que diriez-vous de belles clémentines reçues il y a maintenant plus de deux semaines dans un état frôlant le compostage? Eh! bien, nous en avons encore et nous n'avons rien d'autre à offrir de ce côté. Pour ce qui est des légumes, vous pourrez vous jeter sur le sac de carottes parce que les piments, hum, sont atteints de tavelure avancée. Peut-être qu'en enlevant les parties pas belles vous arriverez à sauver deux ou trois lanières pour une trempette. Attendez. Je crois justement avoir vu une enveloppe pour préparer... du guacamole! C'est aussi ça, être pauvre. Vous n'avez pas le choix. Vous devez vous contenter de ce qui est là, privé du plaisir de manger ce dont vous avez vraiment envie.

Des articles "hétéroclites"
Il y en a toujours. Des affaires qui ne se vendent pas et qui sont donc envoyées aux banques d'alimentation. Nous avons en ce moment un tube de frangipane, des boîtes cabossées remplies d'une sauce blanche dont j'oublie le nom, un nécessaire pour douche vaginale. Oui, vous avez bien lu. Il y a de tout, mais surtout du rien, de l'inutile, du passé date, du pas bon et du pas toujours frais.

C'est donc seulement ça que les démunis méritent selon notre bonne société : les restants. J'ai tellement honte. J'arrête là, mais j'y reviendrai. J'aurai toujours un restant d'indignation pour monter aux barricades. Et vous?

samedi 22 octobre 2011

Un après-midi à Gatineau-les-bains

Encore une fois, je suis debout de bon matin. C'est sûr que les félines y sont pour quelque chose car, affamées et prêtes à retourner aux sources de leur instinct carnivore pour obtenir satisfaction, elles ont miaulé on ne peut plus clairement leur désir de voir leurs gamelles remplies drette-là. J'ai évidemment obtempéré.

Faut dire aussi que je me suis couchée passablement tôt hier soir, fatiguée d'une journée ma foi fort remplie. Je n'avais pas réussi à m'exorciser pour me débarrasser de Ricardo et de Clodine. J'ai donc cuisiné une douzaine de muffins aux pommes et à l'érable, deux pains aux courgettes et un potage au brocoli. Après avoir terminé la montagne de vaisselle, j'ai senti un souffle froid me parcourir l'échine et j'ai vu des olives vertes s'envoler. J'ai compris que j'étais libérée.

Comme tous les jours depuis je ne sais combien de temps maintenant, il faisait sombre mais j'avais trop envie d'air pur pour rester confinée à l'intérieur. Je suis donc sortie, en compagnie de la Reine-Marguerite qui réclamait elle aussi son droit à la bolée d'air, pour ramasser mes fameuses feuilles. Il ne faisait pas froid et ça sentait bon l'humus. J'ai commencé par nettoyer le bassin qui en avait bien besoin. Les espiègles étaient contents. Ils sont tous venus à la surface pour me saluer. Je l'ai déjà dit et j'en suis toujours convaincue : ils me reconnaissent. En tout cas, ils semblaient drôlement contents de retrouver un semblant de jet d'eau pour s'amuser un peu.

Puis, je me suis attelée à la tâche, ou plutôt au plaisir, de ramasser les feuilles. Oui, j'aime être dehors, toute seule, en plein milieu de l'après-midi, à travailler sur mon terrain. Printemps, été et automne confondus. Tous travaux inclus. Grâce à mon immense érable, j'ai l'impression d'être enveloppée comme dans un cocon. Encore hier, il m'a permis de demeurer dans mon petit monde. Malgré une fine pluie, j'ai pu continuer à oeuvrer parce que ses branches pas complètement dénudées me protégeaient. Bon, c'est sûr que la Reine-Marguerite, moins bucolique que moi, a exigé de retourner dans son confort douillet dès qu'elle a senti une gouttelette lui chatouiller le nez. Peureuse, va!

Moi j'ai perdu la notion du temps. Je sais seulement que je raclais lentement en respirant consciemment l'odeur de la terre mouillée. J'entendais les enfants en récré qui s'amusaient dans la cour d'école au bout de la rue. J'ai réussi à ne pas trop sombrer dans la nostalgie en me rappelant les gros tas de feuilles que l'Homme et moi nous amusions à faire pour que le Fils et la Fille puissent ensuite s'y précipiter avec de grands cris de joie. J'ai finalement rempli cinq sacs sans trop m'en rendre compte. Parfois je m'arrêtais uniquement pour apprécier le moment présent, pour rendre grâce d'avoir le bonheur de vivre en toute liberté.

Plaisir indescriptible que j'ai tenté de partager. Pour tout saisir, il faut beaucoup lire entre les lignes.

jeudi 20 octobre 2011

Il pleut, il mouille, il pleut, il mouille

Avertissement 1 : Estomacs sensibles, digérez avant de lire
Avertissement 2 : Dépressifs saisonniers, passez à un autre appel

Je me suis finalement secouée les puces et suis allée marcher aujourd'hui. Entre deux averses. Je vous dis qu'il faut être faite forte pour supporter ce temps d'automne sombre et pluvieux, et s'adapter parallèlement à la vie de retraitée en gardant le moral.

Je suis fière de moi. Je n'ai pas encore sombré. Pourtant, ce n'est pas l'eau qui manque. Les espiègles pataugent maintenant dans un étang au liquide de plus en plus noir orangé à cause de l'accumulation de feuilles d'érable en fin de vie. Ce sera parfait pour l'Halloween. J'essaie bien, lors des pauses de Dame Nature éplorée, de retirer les cadavres, mais c'est une bataille perdue d'avance. En plus, la pompe me fait faux bond. Elle refuse de lancer son jet comme il se doit et elle n'offre maintenant qu'un pauvre bloup bloup fort inefficace. Là aussi j'ai tenté, pendant un arrêt de travail des courants humides qui occupent illégalement le ciel, de remédier à la situation. Je n'ai réussi qu'à me faire arroser copieusement sans obtenir de résultat probant. Les grenouilles, elles, ont complètement disparu. Je ne sais pas si elles ont déjà décidé d'aller se cacher dans la vase jusqu'au printemps prochain n'en pouvant plus de dégouliner sur le bord caoutchouté du bassin. Si c'est ça, je les comprends parfaitement.

Ouais. Moi aussi je m'enfouirais la tête dans la vase si je le pouvais. Je prédis que c'est une semaine à oublier. D'abord, je me suis faite écraser le toton mardi matin. C'est une suite de l'aventure totonesque qui refuse de se faire complètement oublier. Eh! Va donc voir chez les grenouilles si j'y suis et fous-moi la paix!

Ensuite, comme si ce n'était pas suffisant d'avoir le toton aplati, voilà que mes boyaux décident de se vider de façon anarchique et imprévue. Toute une journée à faire l'aller-retour entre le bol blanc et le petit écran. Vraiment. Et vous savez quelles sont les émissions présentées le plus souvent aux désoeuvrées de ce monde pendant la journée? Ouais. En plein dans le mille. Une saga de Ricardo et de Clodine qui n'en finissent plus de se mettre les mains dans les plats. J'ai eu la chance notamment d'observer de fins connaisseurs se prêter à une dégustation d'olives, dont certaines étaient fourrées au citron, au piment fort et au fromage de chèvre. Je venais juste de réprimer un rot acide découlant de mon repas de la veille. Je me suis sentie devenir aussi verte que les olives. Ouache.

Et, finalement, il y a eu cette éclaircie bienheureuse qui m'a sans doute sauvée de la camisole de force. Au moment où je vous écris, je pense à mon plan de match (s'cusez le vocabulaire sportif, ce doit être à cause de l'Homme qui écoute son hockey) pour demain. Je crois que je vais... cuisiner. Je sais, je sais. Clodine, Ricardo, sortez de ce corps!

dimanche 16 octobre 2011

Citoyens, levez-vous!

De 11 h à 17 h. C'est le temps que l'Homme et moi avons passé aujourd'hui assis sur une chaise dans une salle de classe pas de fenêtre de la polyvalente située en haut de la côte. Pourquoi ce masochisme voulu? Pour participer à une assemblée citoyenne organisée par le Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) qui portait sur la langue et la culture. Faut aimer son pays, non?

Mais nous n'étions pas les seuls amoureux présents au rendez-vous. Je dirais que nous étions environ une soixantaine d'irréductibles indépendantistes venus échanger sur le déclin de notre pauvre langue française que nous laissons malmener par les anglophones, les nouveaux arrivants et notre nous-même individuel. Nous avons eu la chance d'entendre entre autres Gérald Larose, président du Conseil de la Souveraineté du Québec, Pierre Curzi, député indépendant de Borduas, Charles Castonguay, professeur à l'Université d'Ottawa et chercheur en démographie linguistique, et Jocelyn Desjardins, porte-parole du NMQ. Et nous avons aussi profité des nombreuses interventions au micro des personnes présentes.

Pourquoi je vous parle de ça? Parce que depuis la défaite crève-coeur du Bloc Québécois le 2 mai dernier et à cause des chicanes qui n'en finissent plus au sein du Parti Québécois, j'ai peu perdu le Nord, et ce, malgré le Plan de Charest! Je sais toujours que je veux un pays, mais je ne sais plus trop avec qui m'associer pour arriver à mes fins. À cet égard, le NMQ offre un forum intéressant pour tenter de regrouper les forces vives du mouvement indépendantiste. Comme le disait son porte-parole M. Desjardins, si nous arrivons à nous entendre sur un certain nombre de points, nous devrions ensuite être en mesure de pouvoir travailler ensemble à la réalisation de notre rêve à tous.

J'ai surtout aimé l'importance accordée à la société civile et au rôle que nous pouvons tous jouer comme partie intégrante de ladite société. Comme le faisait remarquer à juste titre Édith Gendron, présidente du groupe Le Québec, Un pays!, "quand les citoyens bougent, le politique bouge." C'est donc chargés d'une mission que nous sommes sortis de la rencontre, soit celle qui consiste à remettre sur la place publique le débat sur l'indépendance.

Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver. - Gaston Miron

vendredi 14 octobre 2011

Retour en arrière

Avant d'aller bénévoler hier après-midi, j'ai fait un détour par mon ex-bureau pour saluer mes toujours amies et collègues. J'ai pris l'autobus pour m'y rendre comme je l'ai fait deux fois par jour pendant beaucoup, beaucoup d'années. C'était étrange, cependant, de suivre ce trajet à 14 h plutôt qu'à 7 h. Assise dans mon cher wagon à bestiaux, je me sentais presque nostalgique, mais ce n'est pas l'émotion qui dominait. Non. Ça avait un autre goût.

J'ai lu jusqu'à destination. Un roman de Maupassant que je ne finis plus de finir. Pas grave. Je n'ai pas envie tant que ça d'arriver à la dernière page. Plongée dans le Paris du XIXe siècle, je savoure encore plus mon plaisir parce que je peux maintenant voir dans ma tête certains des quartiers décrits par l'auteur car moi, la marcheuse urbaine, j'ai déambulé sur les pavés de la Ville-Lumière. De temps en temps, je quittais tout de même mon livre pour regarder par la fenêtre le paysage si familier. Je me sentais bien. Mieux en fait que je m'étais sentie de toute la semaine. J'avais envie de sourire. J'avais le coeur léger.

Quand j'ai parcouru la rue qui mène à mon ex-adresse de travail, j'ai eu l'impression que la nostalgie revenait. Les boutiques, les restos, les chantiers de construction que je ne voyais même plus parce que je les voyais trop me semblaient différents. Je remarquais ici une nouvelle pancarte dans la vitrine, là une clôture qui avait disparu. Subitement, je voyais tout. Je suis finalement arrivée devant l'immeuble. En gravissant les quelques marches qui mènent à la porte principale, je me suis revue par les matins d'hiver me dépêchant d'entrer pour me réchauffer tout en pestant contre le fait que l'escalier n'avait pas été déblayé convenablement et que je me retrouvais de la neige plein les bottes. Je me suis rappelée les canicules et la chaleur étouffante de l'été qui me faisaient désespérer de retrouver la fraîcheur bienfaisante de la climatisation dès que je franchissais la porte. Puis, en empruntant l'escalier roulant qui conduit à l'étage de l'ascenseur, j'ai éprouvé un regret mais d'une fraction de seconde seulement. Ouais. Je me suis rendue compte que, malheureusement, les souvenirs pénibles des deux dernières années ont pour le moment pris toute la place. Et je me suis redit pour la énième fois que j'avais pris la bonne décision en quittant.

Mes collègues m'ont réservé un accueil absolument chaleureux. Et moi, j'étais tellement contente de les revoir que je les ai tous embrassés. Je n'en finissais plus de répondre à leurs questions au sujet de mon voyage et de la façon dont je m'adapte à ma nouvelle vie. J'aurais voulu avoir le temps de faire le tour et de saluer tout le monde, mais j'étais attendue au Marché de solidarité. Il ne fallait tout de même pas que j'arrive en retard et que je sois renvoyée la première journée!

Quand je suis sortie de l'immeuble, j'ai poussé un long soupir. De contentement. Je me trouvais chanceuse de m'en aller faire une activité que j'avais choisie parce que j'avais réellement envie de la faire. Je me trouvais privilégiée d'avoir le temps de parcourir les trottoirs lentement en admirant les beautés de l'automne et en respirant l'air mouillé des gouttelettes fines qui tombaient. Et c'est là que j'ai mis le doigt sur l'émotion qui m'habitait. Je suis libre.

mercredi 12 octobre 2011

Matinalement vôtre

Pour les lecteurs à l'acuité visuelle non exercée, je signale qu'en tournant légèrement votre regard à gauche, vous apercevrez une image du derrière de mon moi-même tourné en direction d'un horizon indéfini. Si vous cliquez dessus, vous pourrez lire mon tout nouveau blog sur la retraite. Fin de la publicité virtuelle.

5 h 30 ce matin. C'est l'heure à laquelle je me suis réveillée. Ouache. C'était l'heure à laquelle je me réveillais avant. Quand je faisais encore partie de la vaillante cohorte des travailleurs. Pourquoi diable mon horloge interne m'a-t-elle fait ce coup? Vieux réflexe, j'imagine.

Je n'avais pas envie de lire. J'ai allumé la télé... en me rappelant des consignes données par le Fils lors de mon cours accéléré de maniement de la manette, cours que je n'ai réussi qu'en partie puisque, tout comme l'Homme, j'ai échoué lamentablement à l'examen pratique. Ce dernier, particulièrement difficile, consistait à retrouver le mode télé après que le Fils eut volontairement cliqué sur tous les boutons inimaginables de la télécommande. Nous voir nous dépatouiller en tentant de nous rappeler qu'il fallait ouvrir le câble et la télé tout en n'oubliant pas de peser chaque fois sur "Power" mais sans jamais vraiment arriver à obtenir le résultat souhaité a sans nul doute constitué le haut fait de la fin de semaine du Fils. Je suis certaine qu'il est reparti en se promettant de commencer à visiter les centres d'accueil pour vieilles badernes technologiquement désemparées.

Bref, la télé. J'ai d'abord pris connaissance des prévisions météo pour constater que le beau temps prenait fin aujourd'hui. Pour les prochains jours, c'est l'ondée. Me semble que j'aurais dû à ce moment retourner me plonger dans les bras de Morphée. Non. Le sommeil a continué de me bouder. Je me suis donc tapée une émission sur TV5 qui parlait de l'art d'être branché. Ça m'a presque donné le goût de me mettre à l'heure de Facebook. Ce n'est pas le temps qui me manquerait, j'imagine, pour tenter de comprendre cet outil et me mettre au goût du jour. Mais je résiste encore étant donné que j'alimente déjà deux blogs, que je me fais un devoir de consulter mon courriel plusieurs fois par jour et que je tiens à vivre plus souvent dans le monde réel que dans la Toile. Voilà.

À 7 h, j'ai abandonné la partie et je me suis levée. Les félines étaient contentes parce qu'elles avaient très envie de leur petit déjeuner. En regardant machinalement par la fenêtre de la cuisine pour m'assurer que les espiègles se portaient bien, j'ai malheureusement constaté que le bassin avait eu de la visite pendant la nuit. De toute évidence, les bêtes indésirables sont intelligentes. Elles ont désormais compris qu'en longeant le garage, l'effaroucheur ne pouvait pas les atteindre. Le papyrus git donc lamentablement au milieu de l'étang. Bon, je devais le rentrer dans la maison de toute façon. J'aurais aimé cependant avoir la possibilité de décider quand je m'attellerais à cette tâche. En plus, comme j'ai un rendez-vous à 10 h, alors je ne sais pas si je vais avoir le temps de patauger avant de quitter la maison. Surtout que j'avais l'intention de mettre drette là une brassée sur la corde à linge toute nouvelle que mon des-fois-bricoleur de mari a réussi à installer fin seul hier après-midi.

Non mais que de préoccupations obsédantes, problèmes insurmontables et tâches titanesques une retraitée doit affronter tous les jours! C'est à vous dégoûter de n'avoir rien à faire.

lundi 10 octobre 2011

Parlez plus fort... j'entends rien!

Deformatory, Fuck the Facts, Mortör, Napalm Death. Non, il ne s'agit pas ici d'une incantation satanique, mais bien de la liste des groupes que l'Homme, le Fils et moi sommes allés entendre hier soir. Vous aurez sans nul doute reconnu dans l'énumération le groupe métal du Pusher. C'était la principale raison de notre présence.

Le spectacle se donnait au même endroit où l'Homme et moi avions été entendre Mortör la dernière fois. Nous avions détesté la salle et l'acoustique. Mais après avoir obtenu confirmation du Pusher que "la salle du bas est vraiment meilleure", nous avons décidé de récidiver. Nous avons ressorti nos chandails à l'effigie de notre groupe préféré et avons pris soin de choisir les couleurs sombres qui conviennent pour le reste de notre accoutrement. Vous auriez dû nous voir tous les trois avec le même chandail sur le dos : moi avec un gaminet un tantinet trop moulant, le Fils avec un gaminet un tantinet trop grand et l'Homme avec un gaminet, ma foi, ajusté juste comme il faut. Pendant un moment, j'ai pensé que je me retrouvais dans l'histoire de Boucle d'or et des trois ours!

Nous revoici donc dans l'antre métallique. Nous n'avons pas à faire le trottoir pour attendre d'entrer puisque le premier groupe est déjà sur scène. Tant mieux. Cela évite les formalités embarrassantes comme celle d'avoir à sortir un carte d'identité pour prouver que nous avons l'âge requis pour assister au spectacle ou l'âge vénérable pour retourner nous coucher au plus vite au centre d'accueil d'où nous nous sommes vraisemblablement échappés! Nous ne pouvons éviter toutefois l'estampillage de notre poignet intérieur droit. Je ne suis jamais arrivée à lire l'inscription qui s'étalait sur deux lignes. J'imagine que c'était quelque chose comme "À consommer à vos risques et périls" ou, comme nous étions de l'autre côté de la rivière dans le ROC, ce devait être plutôt "Listen and Die". 

Tout se passe bien avec les deux premiers groupes, dont celui du Pusher qui présentait hier soir seulement les nouvelles tounes du prochain CD. Je dois quand même en profiter pour vous dire que le Pusher est une véritable bête de scène. Il démontre une telle aisance et une telle présence qu'on dirait qu'il se produit tous les jours. Fin de la parenthèse groupie. Alors, l'intensité des décibels se supportait. L'Homme et le Fils se vantaient d'ailleurs de n'avoir pas besoin de bouchons et se moquait un peu de moi qui n'avait pas voulu prendre le risque de devenir sourde avant l'âge.

Ça c'était jusqu'à ce qu'arrivent les deux principaux groupes de la soirée, soit Fuck the Facts et Napalm Death qui font tous deux dans le grindcore ou, comme me l'expliquait le Pusher, la musique extrême. À ce jour, mes pauvres oreilles portent la stigmate de mes abus de vieille retraitée. Malgré le port de bouchons, j'entends un sifflement constant et j'ai l'impression d'être sous l'eau. Mais l'expérience en valait la peine (c'est le cas de le dire et j'insiste sur "peine"). Je n'avais jamais entendu de grind et j'ai été vraiment époustouflée par la performance de la chanteuse de Fuck the Facts, une jeune femme toute menue avec une voix de "death grunt" assez impressionnante. Même si j'avais l'impression qu'elle hurlait des syllabes plutôt que des paroles (ce qui était peut-être le cas en fin de compte d'après ce que j'ai lu sur le genre de métal en question), j'en ai retiré beaucoup de plaisir allant même jusqu'à "headbangner" avec les fans.

Malgré tout, ce matin, quand j'entends ma voix me résonner dans la tête toutes les fois que j'ouvre la bouche, je me dis que je devrai peut-être, je dis bien peut-être (je me laisse une petite marge de manoeuvre au cas où l'ouïe me reviendrait), accrocher mes oreilles. Mais seulement pour les spectacles, s'entend, car le métal continuera encore et toujours d'accompagner les pas de la Marcheuse urbaine.
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Notes pédestres : J'ai marché "au naturel" ce matin, puisque sans ma musique préférée. J'ai décidé en effet de donner une pause salutaire et curative à mes oreilles. Il faisait encore tellement beau que j'ai pu sortir vers 8 h 30 sans avoir besoin d'une petite laine. Ça faisait changement de marcher en entendant mes pas sur le trottoir (oui, je les entendais) et, surtout, en écoutant les oiseaux, les chiens et les enfants.  J'ai croisé beaucoup de retraités sur ma route, un indice de ce qui m'attend pour les années à venir. Pour le moment, je marche encore sans bâton de vieillesse. Je suis seulement un peu dure de la feuille!

Notes félines : Vous auriez dû voir la Reine-Marguerite combattre les feuilles mortes dans la cour cet après-midi. Elle s'était trouvée un coin au soleil pour se dorer la couenne mais comme le coin en question se trouvait sous l'érable, elle recevait régulièrement une feuille sur le bout du nez ou sur son immense arrière-train. Toutes les fois, elle prenait un air vraiment dégoûté et regardait autour d'elle pour savoir d'où venait l'ennemi. Sans jamais le trouver, évidemment. Alors, elle se levait et se déplaçait de quelques centimètres pour déjouer la chute végétale. Comme elle n'avait pas pleinement confiance dans sa stratégie, elle dormait juste d'un oeil en surveillant de l'autre une potentielle FVNI (feuille volante non identifiée). Franchement écoeurée, elle a finalement abandonné sa "folle" bataille pour se réfugier sous la haie de cèdres où, même sagement couchée, elle a réussi à donner une syncope à un écureuil qui passait par là. Que d'action, chers lecteurs, que d'action!

samedi 8 octobre 2011

Coup d'éclat automnal

J'ai retrouvé mes trottoirs cet après-midi. Et sous quel soleil! Quel plaisir, même si j'en connais trop bien la courte durée, de sentir la chaleur sur mes épaules nues! Je me sentais toute enveloppée dans ce beau cocon coloré qui me permettait d'admirer une nature littéralement enflammée. C'était non pas l'action, mais l'état de grâce.

Encore une fois, mes pauvres mots peuvent difficilement vous transmettre mon expérience. Pourtant, tout le temps que je marchais et que je savourais chacune des minutes qui s'écoulaient, je composais un texte dans ma tête avec l'intention bien arrêté de vous faire partager ce que je ressentais. N'ayez crainte, les neurones en branle ne m'empêchaient en rien d'apprécier le spectacle qui s'offrait à moi. Faut croire que j'ai vibré à plein et que j'ai totalement habité ma bulle parce que les phrases se sont envolées. Il reste heureusement le merveilleux sentiment de bien-être qui continue de meubler mon intérieur.

Je dois ajouter que le programme musical que j'avais choisi s'accordait pleinement à ma démarche pédestre. De ce temps-là, je tripe sur un nouveau groupe métal que le Pusher m'a fait découvrir. Il s'agit de Times of Grace. Avouez que juste le nom, c'est inspirant. La musique du groupe me brasse tellement que, par bout, j'avais envie de m'agenouiller et de pleurer pour justement rendre grâce pour l'intense joie, gratitude, reconnaissance - je ne sais plus trop ce qui convient le mieux ici - qui m'envahissait. Je me suis même dit à un moment donné que c'est le genre de parcours qu'il faudrait faire à genoux et à pied, comme à l'Oratoire. À vous je peux bien l'avouer, j'avais parfois la petite larme à l'oeil quand je faisais corps avec la musique qui éclatait, le doux vent qui me caressait la peau, l'odeur d'humus pas encore trop prononcé qui venait à mes narines, la flamboyance du décor qui m'entourait et, bien sûr, les pieds qui gardaient la cadence. Comme cela m'arrive à l'occasion quand je suis vraiment "dedans", je me prenais pour le chanteur et j'osais crier avec lui : "One Love, One Truth, One Destiny."  Vous dire à quel point ça fait sortir le méchant... Et comme je garde intact l'espoir de vous intéresser un tantinet au métal, je vous laisse sur les mots de Times of Grace tirés de la chanson Strength in Numbers :

As we live in these dark days filled with violence, opposition and hate.
There lies a place of saving grace
Protected in the hearts of the humble
The faithful, the ones who choose the path of resistance to protest
Protect, save, proclaim our lives lived not in vain.
In flesh, in spirit eternal
One love, One truth, One destiny

Arise and be triumphant
No rest until all is fulfilled
Our roots must balance our branches
Be vigilant in truth and love


There is a strength in numbers we must unite mankind
There is a strength in numbers, our faith lies deep inside
 We struggle, we suffer, so we must come together
We struggle, we suffer, but we will live forever

May the sun shine upon you and bless your inner light
and may you find true peace


C'est la grâce que je ne nous souhaite à tous.

vendredi 7 octobre 2011

Vendre ma salade

Je suis loin d'être un as de l'informatique. Vous en parlerez au Fils qui devra de nouveau en fin de semaine me donner un cours sur la nouvelle télécommande accompagnant notre passage à la télé numérique. Mon problème est bien simple, ou devrais-je plutôt dire simpliste : j'arrive à me connecter au petit écran, mais ça s'arrête là. Choisir un poste est devenu un véritable parcours du combattant. D'abord tous les numéros ont changé. C'était trop facile de conserver les mêmes. Dans le fond, je devrais voir cela d'un bon oeil, et apprécier l'occasion qui m'est ainsi donnée d'exercer mes neurones de vieille retraitée. Me semble que j'aurais d'autre chose à faire, cependant, que de me rentrer dans la tête encore d'autres numéros. Comme si je n'étais pas déjà surchargée avec les innombrables mots de passe qu'il faut retenir pour tout et pour rien. M'enfin. Ce n'était pas là le but de mon propos.

Je voulais effectivement parler d'informatique, mais sous un aspect plus humain. Je voulais partager avec vous un extrait d'un discours de Steve Jobs donné à des étudiants de l'Université Stanford, en 2005. Qui est Steve Jobs? Le demander, c'est avouer votre crasse ignorance du monde virtuel ou de la plus récente actualité. M. Jobs était le cofondateur d'Apple. Il est décédé cette semaine à l'âge de 56 ans des suites d'un cancer qu'il combattait depuis quelques années. Ce grand visionnaire et prolifique créateur a donné au monde l'ordinateur personnel iMac, l'iPod, l'iPhone et l'iPad, toutes inventions, mis à part l'ordinateur personnel et encore, dont je ne sais trop ce qu'elles ont l'air ni à quoi elles servent. J'en ai entendu parler et j'imagine que, sans m'en rendre compte, j'ai déjà croisé des utilisateurs. Je vous l'ai dit, je ne connais pas grand-chose du monde virtuel à part les quelques bribes de renseignements que le Fils accepte parfois de me livrer sur cet univers parallèle qui demeure toujours mystérieux pour moi.

Comme la mort de M. Jobs a fait la une des journaux pendant deux jours, force m'a été de m'intéresser un peu au personnage. Et c'en était un. Qualifié parfois d'excentrique, M. Jobs semblait avoir une maudite bonne tête sur les épaules si j'en juge par les succès accumulés et la fortune amassée. Même devenu plusieurs fois milliardaire, il ne changeait pas sa vision : "Être l'homme le plus riche du cimetière, ça ne veut rien dire pour moi. Me coucher le soir en me disant que nous avons fait quelque chose de merveilleux... voilà ce qui a de la valeur à mes yeux."

Et je reviens au discours où il a notamment déclaré : "Votre temps est limité, alors ne le gaspillez pas à vivre la vie de quelqu'un d'autre. Ne laissez pas le bruit des opinions des autres avoir le dessus sur votre voix intérieure. Et, le plus important, ayez le courage de suivre votre coeur et votre intuition. Tout le reste est secondaire." Allez savoir pourquoi, ces paroles sont souvent revenues me hanter au cours des derniers jours. S'il y en a une qui a maintenant le temps limité, c'est bien votre toujours anxieuse marcheuse qui ne cesse de se répéter depuis son entrée dans le Bel Âge : "C'est le temps ou jamais de faire ce que tu as vraiment envie de faire." Comme je ne veux pas manquer le bateau (il a déjà largué quelques amarres, alors vous pensez que ça presse pour moi), je me cherche une mission.

Je m'ouvrais de ce questionnement à mon amie J. cette semaine et celle-ci m'a répondu que ce type de torture mentale relevait de la nature féminine, vous savez celle qui veut tout sauver, tout ramasser, tout réformer, tout récupérer. J'ai trouvé cet argument intéressant et j'en ai parlé à l'Homme qui m'a simplement dit : "Tu te poses trop de questions. Tu es à la retraite, fais rien et profites-en." Si je peux ici lever la main pour tenter une timide intervention : "C'est que si je reste à la maison et que je ne fais rien, je vais capoter!" Fin de l'intervention et du dialogue.

Plus tard, nous sommes allés au Marché By. En jasant avec l'une de mes jardinières/agricultrices préférées, j'ai reçu cette offre : "Laisse-moi tes coordonnées pour que je t'appelle au printemps. Tu pourrais te joindre à nous quelques jours par semaine pour vendre des fruits et des légumes." "D'accord," que j'ai répondu, "mais seulement si je peux vendre ma salade!" 

mardi 4 octobre 2011

Cendrillon aux grands pieds

Je viens tout juste de revenir dans mon pays ce n'est pas un pays c'est l'hiver que je me fais insulter les pieds! Oui, les pieds de la marcheuse urbaine, ceux par qui les kilomètres défilent et les aventures foisonnent. Que je vous explique.

J'ai besoin de nouvelles espadrilles pour la saison froide. Mes premières recherches effectuées dans une grande surface expertement sportive ont été infructueuses. Comme mes pas m'amenaient aujourd'hui près d'une petite surface véritablement expertement sportive mais qui ne s'en vante pas dans son intitulé, j'ai décidé de retenter ma chance. En entrant, j'annonce clairement mes besoins : "Brave commerçant, je sollicite vos conseils car je veux équiper mes pieds pour le froid et la neige qui seront des nôtres prochainement. Vous comprendrez donc qu'il me faut des chaussures qui puissent à la fois faire preuve de souplesse et sachent vaincre les intempéries. Mon portrait, quoi! Mais je digresse. Avez-vous dans votre boutique le produit qui saura rendre mes petits petons heureux et performants?"

L'expert non affiché me demande la permission de mesurer mon pied afin de pouvoir me présenter les modèles convenant le mieux à ma situation de sportive invétérée. Je dépose à peine ma plante sur le froid métal qu'il me déclare tout de go : "Vous avez le pied vraiment très large et court. Juste à le voir comme ça, je peux déjà vous affirmer qu'il ne sera pas aisé de le chausser." Il détermine finalement que je suis un 7 de long, mais un E (oui, vous avez bien lu) de large. Évidemment, avec un tel handicap, je ne peux espérer enfiler aucun des modèles en magasin. Dépitée et me sentant, comment dire, un peu comme un animal de cirque, j'ose cette troublante question : "Est-ce que ça veut dire que je dois cesser de m'entraîner?" Et j'ajoute : "Pourtant, je marche depuis quatre hivers au moins, chaussée d'espadrilles de la marque que vous avez là (et je pointe du doigt le soulier de Cendrillon), sans éprouver la moindre difficulté pédestre." Et je continue pour mon moi-même intérieur : "Mon pied aurait-il élargi de façon exponentielle pour correspondre à l'immense sentiment de liberté qui m'habite depuis que je suis seule maîtresse à bord?"

Remarquant mon désarroi, le commerçant expert que nul défi ne rebute m'explique d'abord que j'ai probablement sacrifié le confort de la largeur en prenant des chaussures plus grandes. Ce qu'il ne faut jamais faire apparemment. Il me propose ensuite de regarder dans son catalogue pour tenter de me dénicher des espadrilles de sept lieues. Il en profite pour me rassurer un tantinet : "Ne vous en faites pas, avant d'en arriver à l'amputation pure et simple, nous allons prendre tous les moyens pour trouver chaussure à votre pied." Fort bien. Je respire presque. Il ne voit que deux modèles possibles pour mes pieds hors norme. Le premier est épuisé. Évidemment. Par contre, il peut commander l'autre qui arrivera de Tombouctou d'ici les premières gelées.

Me reste à espérer que ce soit LE modèle pour Cendrillon aux grands pieds, car devenir cul-de-jatte ne figurait décidément pas au nombre des défis que je voulais relever dans ma nouvelle vie de retraitée.
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Notes hexagonales : Pour les fidèles lecteurs du blog de voyage, je vous informe que vous pouvez y lire une nouvelle entrée ajoutée ce soir à titre posthume.