samedi 26 mai 2012

Un géant blessé

Hier, pendant l'orage qui a frappé la région en soirée, j'étais dans ma chambre, au deuxième, plutôt inquiète de voir mes immenses cèdres tournoyer dans tous les sens. Je me suis croisé les doigts pour qu'ils tiennent le coup. J'ai été exaucée.

Une fois la tempête apaisée, je suis descendue à la cuisine pour me préparer une tisane. "Comme il fait noir," me suis-je dit, en constatant que la lumière n'entrait pas de la façon habituelle par les fenêtres d'en arrière. Et pour cause. Le roi de ma cour, mon érable que j'adore, avait été atteint. Gravement. Une des branches principales de son tronc se trouvait maintenant accotée en partie sur le toit du garage, en partie sur la corde à linge et en partie sur le toit de la maison. Je ne pouvais même pas sortir pour l'examiner de plus près car je craignais que la branche touche peut-être des fils électriques. Paniquée, j'ai rapidement composé le 411 pour me rendre compte que je m'adressais au service d'assistance-annuaire. Je n'arrivais plus à me rappeler du fameux numéro d'urgence de la ville. Finalement, les neurones se sont connectés. C'est le 311. J'y étais... à un chiffre près. Désespérée d'entendre le message m'informant que toutes les lignes étaient occupées, j'ai décidé de couper court et de contacter les pompiers au 911. Comme je ne pouvais signaler ni flammèche, ni fumée, j'en fus quitte pour me remettre dans la file d'attente du précédent numéro. Quand j'ai finalement réussi à parler à quelqu'un, ce fut pour apprendre que la ville ne pouvait absolument rien pour moi. "Étant donné que l'arbre est dans votre cour, les employés ne sont pas autorisés à y entrer. Ils ne sont pas assurés s'il arrive quelque chose," m'a expliqué une préposée indifférente à mon malheur. "Fort bien," que je lui ai répondu, "mais si je me retrouve écrasée sous l'arbre, allez-vous venir me chercher?" "Madame, je vous le répète, nous ne pouvons rien faire. Communiquez avec votre assureur," a-t-elle conclu notre conversation.

Mon assureur. C'est vrai ça. Nous ne payons pas ces primes depuis des années pour rien. Seul hic : c'est l'Homme qui s'occupe de ces questions. Je sais, je sais. Ce n'est pas parce que ces choses m'horripilent que je devrais m'en désintéresser. La preuve. Me voilà donc plus paniquée que jamais en train de chercher dans le classeur le dossier "Assurance-habitation". Je dois ensuite me retrouver dans le fouillis laissé par l'Homme. Évidemment, le contrat de cette année ne figure pas sur le dessus de la pile mais bien quelque part au milieu. Je repère le numéro d'urgence et je le compose dans la cuisine, devant la fenêtre, en essayant de ne pas pleurer. De voir mon géant ainsi blessé me crève littéralement le coeur. Et puis, je ne veux même pas imaginer la possibilité qu'il puisse mourir.

Après m'avoir demandé de lui expliquer ma situation d'urgence, l'assureur s'enquiert si je ne connais pas quelqu'un qui possède une scie à chaîne et qui pourrait venir couper une partie des branches pour limiter les dégâts possibles sur les bâtiments. J'ai pensé à mon voisin d'en face, le macho fini. Évidemment qu'il est armé d'une scie à chaîne. Mais j'ai trop peur qu'il décide d'abattre mon géant purement et simplement dans le but d'en récupérer le bois. "Non," que je m'écrie, "je ne connais personne de ce genre. Moi je veux que ce soit un émondeur, un professionnel qui vienne secourir mon arbre." J'essaie alors de lui d'expliquer qu'il s'agit d'un très gros arbre, un géant, et que ce n'est pas la trousse de premiers soins dont il a besoin, mais bien du bloc opératoire et au plus vite! Heureusement, j'avais aussi entre deux appels laissé un message à l'émondeur qui avait déjà soigné mon géant. Je ne pensais pas qu'il offrait un service d'urgence. Je me trompais. Il m'a rappelé pour m'annoncer sa visite pour ce matin. Entre-temps, je n'avais pas le choix, selon lui, de faire appel à un maniaque de la tronçonneuse pour sécuriser les lieux. L'assureur m'a envoyé son homme. Un jeune homme en fait. Il était gentil et... téméraire. Grimpé sur une échelle, il maniait la scie en essayant tant bien que mal de retenir les branches qu'il coupait, une manoeuvre qui s'est avérée très dangereuse lorsqu'il s'est attaqué à une section plus grosse de la branche blessée. Il s'est ainsi retrouvé en déséquilibre tentant de rester sur l'échelle sans perdre la scie ni la branche qu'il venait de sectionner. Selon l'Homme, la façon dont notre jeune homme a réussi à s'en sortir relève du Cirque du Soleil!

Ce matin, pendant que j'attendais l'expert arboriste, je suis allée au chevet de mon géant. Je lui ai tenu la branche malade comme si je lui tenais la main. Je lui ai fait la promesse de tout faire pour le sauver. Et j'ai ajouté en le serrant plus fort : "Et toi, je te demande de ne pas m'abandonner après toutes ces années où tu m'as servi de confident. J'ai besoin de ton énergie puisée au creux de la Terre et de ta majesté sublime cueillie au faîte du firmament."

Le spécialiste est arrivé. Il avait l'air découragé en faisant le tour du géant. Il prenait plein de notes sur un calepin. Il m'a expliqué que mon ami avait été infiltré par des insectes à l'endroit de son ancienne blessure. C'est pour ça que la branche avait cédé. Il m'a dit que c'était grave, très grave, mais qu'on pouvait le sauver : "Il va être handicapé, mais bien en vie." C'est tout ce que je voulais entendre.

mercredi 23 mai 2012

Rouge Sang

Voici une des raisons pour lesquelles je supporte parfois difficilement mes congénères humains. Intercepté bien involontairement cet après-midi une conversation "de chasse" entre mes deux voisins machos :

- "Ouais, moé je les nourris avec des pommes. C'est comme ça que je les attire."

- "Et ça marche?"

- "J'comprends. J'en ai tué un ce printemps. Y avait la tête penchée en train de manger. Moé je l'attendais accoté sur mon truck. J'lé eu en pleine face!" Phrase suivie du gros rire gras de ces deux spécimens que j'aimerais moi-même des fois pouvoir tirer en pleine face! Peut-être que si je les attirais avec des muffins...

Je ne comprends pas comment on peut être aussi cruel. Moi je n'appelle pas ça de la chasse. Il s'agit plutôt ici de barbarie pure et simple puisqu'on apprivoise un animal sauvage qui en vient à ne plus se méfier. Ensuite, c'est le guet-apens et la mort à coup sûr! J'en ai des frissons. Faut dire que c'est un des voisins qui avait dit à l'Homme que, s'il attrapait celui des chats que je nourrissais qui avait pris la mauvaise habitude de se soulager sur son terrain, il le mettrait dans un sac et l'assommerait en le frappant sur l'asphalte. Édifiant!

Quand je pense que ce matin en ramassant mon journal sur le balcon, j'ai pris la peine de remettre sur ses pattes un barbot qui gigotait désespérément sur le dos. J'ai bien pensé à l'éliminer car je sais que lui et ses acolytes sont la cause de la présence de quelques vers blancs dans ma plate-bande d'en avant. Mais je n'ai pas pu. Je le voyais se débattre avec une telle vigueur pour survivre. Qui suis-je pour détruire une vie, aussi petite soit-elle? De même, je porte aussi régulièrement secours aux bibittes qui viennent invariablement tenter un plongeon dans le bol d'eau que je laisse pour les chats errants. Quand je les vois le matin surnageant de peine et de misère dans ce qui est pour elles un immense lac, je m'empresse de les libérer de leur prison liquide. Je suis sans doute trop sentimentale mais j'ai la joie au coeur quand je constate qu'elles sont encore en mesure de trottiner et de retourner vaquer à leurs occupations. Me semble que ma journée commence bien. J'ai déjà sauvé une vie! La table est mise pour la suite.

Parlant de suite, la crise perdure. Je demeure toujours rouge. Et pour cause. Je vois rouge. Comme tous ceuzécelles qui marchent inlassablement pour dénoncer l'indéfendable loi spéciale. J'étais à Montréal en fin de semaine. En plein centre-ville. Là où ça se passe chaque soir. J'ai pu alors prendre la mesure de ma bravoure et constaté que j'étais une rouge peureuse. Je ne crois pas que je pourrais continuer à manifester entourée de policiers casqués et armés. C'est vraiment impressionnant de les entendre frapper sur leur bouclier et s'avancer en courant. Je ne porte donc que plus d'admiration à ceux et celles qui ont décidé de poursuivre le combat. Nous, on a préféré prendre deux cafés plutôt qu'un et attendre que ça se passe avant d'escorter la soeur Psy à son hôtel situé à cinq minutes du fameux parc Émilie-Gamelin! Nous avions décidé de la raccompagner "croûte que croûte". Et c'est ce que nous avons finalement pu faire vers minuit!

Je vous laisse avec cet extrait de l'article intitulé Regard littéraire sur la crise paru dans Le Devoir d'aujourd'hui. L'auteure Glenda Wagner, détentrice d'un doctorat en littérature, nous présente des extraits de différents ouvrages pour tenter d'expliquer le conflit que nous vivons actuellement. Elle propose entre autres ce passage tiré du Discours de la servitude volontaire où l'auteur Étienne de La Boétie avait désiré « qu’on [lui fisse] comprendre comment il se [pouvait] que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui, que de le contredire. » Et, il conclut : « Telle est pourtant la faiblesse des hommes! »

jeudi 17 mai 2012

Je persiste et je signe

Des fois j'ai envie de faire comme les animaux blessés : me terrer dans un coin et attendre. Disons que cette semaine la race humaine me pèse particulièrement. Des réflexions blessantes, des jugements rapides, des manques de délicatesse et d'écoute. J'ai un peu honte, mais je suis surtout beaucoup triste quand je dois me taper tout ça. Alors, je voudrais juste me retirer et flatter Mignonne.

Je m'assois aussi sur le bord de l'étang. Les espiègles sont si heureux d'avoir retrouvé leur jet d'eau et les nénuphars que j'ai repêchés des profondeurs. Évidemment, ils sont constamment dans les pots en train de fouiller au travers des roches. L'autre matin, c'est une grenouille qui avait trouvé refuge sur le dessus d'une feuille. Vous ai-je dit que mon quintette était devenu un sextuor? Eh! oui, une autre amie batracienne est venue se joindre à la gang des G. L'Homme et moi commençons à être à court d'imagination pour baptiser nos nymphettes de la cuisse. Celle-ci s'appellera Gisèle en l'honneur de ma mère. Je ne suis pas certaine que cette dernière aurait apprécié que l'on donne son nom à une grenouille mais l'Homme a dit que c'est comme si elle venait nous rendre visite. Et puis, elle aimait l'eau et rire un bon coup. Je crois qu'elle va être gâtée avec ce groupe de baigneuses.

Entre mes séances de zoothéraphie féline et aquatique, j'ai côtoyé des gens qui en arrachaient pas mal. J'ai recueilli les larmes d'hommes et de femmes qui vivaient des choses difficiles. Vous êtes-vous déjà retrouvé en face de quelqu'un qui pleure parce qu'il a faim et qu'il ne sait plus où aller pour trouver de la bouffe? Il a d'abord essayé de rester fort et de ne pas vous montrer à quel point il est découragé, totalement désemparé, au bout de sa corde. Puis, les émotions ont pris le dessus. Il n'a plus rien à donner à ses enfants. Il a vendu des bouteilles la veille pour leur acheter des miettes de nourriture. Lui-même saute pratiquement tous les repas pour ménager les quelques aliments qui restent. Et là, selon les règles, vous devriez lui dire non. Lui dire qu'il ne fait pas partie du territoire desservi. Lui dire que le prochain dépannage, c'est seulement la semaine prochaine. Lui dire que vous ne pouvez l'aider qu'une seule fois. Lui dire que nous n'avez jamais de viande à mettre dans les paniers. Peut-être que vous, vous arriveriez à le faire. Moi pas. Et toutes les personnes avec qui je travaille non plus. On essaie donc de faire des miracles. De multiplier les pains et les poissons. On accepte de faire cinq autres sacs parce que, encore une fois, c'est une situation plus déchirante que la précédente qui nous est jetée dans la face.

Pendant ce temps, dans le monde des extraterrestres qui nous gouvernent, je lis dans Le Devoir de ce matin que les conservateurs réservent "un accueil vitriolique au rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, qui critique sévèrement le Canada pour avoir laissé l'insécurité alimentaire prendre du terrain. Ottawa estime que l'ONU gaspille ses ressources à s'attaquer à un pays riche et démocratique qui n'a de leçons à recevoir de personne." Hum. Puis-je ici lever la main et vous inviter, chers élus, à vous rendre à la banque alimentaire la plus près de chez vous? Puis-je vous demander d'essayer de survivre avec les quelques denrées grapillées ici et là pour tenter de compléter les maigres achats que vous pouvez faire avec les prestations généreuses que vous accordez aux plus démunis? Je voudrais tellement que vous reveniez sur Terre.

Voici ce qui fait tiquer le gouvernement. Le rapporteur signale que le Canada "est un pays où les inégalités augmentent, où les 10 % les plus riches ont 10 fois plus de richesses que les 10 % les plus pauvres. C'est un pays où les impôts et les programmes réduisent moins les inégalités que dans la plupart des autres pays et aujourd'hui, nous avons un grand nombre de Canadiens qui vivent dans une pauvreté inacceptable ne leur permettant pas de se nourrir." Vraiment pas de quoi pavoiser.

Mon voisin m'a dit qu'il avait vu ma mère ratonne se traîner sur trois pattes l'autre soir : "Elle doit être blessée. À cause de toi et de tes plats de nourriture, elle continue à rôder dans le coin. Tu l'attires, elle et les chats errants. À cause de toi, ils restent en santé et continuent à se multiplier. Il faut se débarrasser de toute cette vermine."

Ouais. J'ai enlevé les plats de la galerie. Je les ai mis dans un meilleur endroit. Un endroit où on ne les voit pas de la rue. Je constate que maman ratonne, et les chats, ont repéré leur nouveau poste de nourriture. Comment puis-je dire non? J'ai vu Rita avec ses trois bébés. Et Irma, ma chatte d'Espagne errante qui a déjà eu deux portées, s'est faite attraper par le gros matou gris dimanche après-midi. L'insécurité alimentaire se trouve partout. La bonté, faut la chercher.

vendredi 11 mai 2012

Fête des mères : quelques réflexions

Hé! ça me fait drôle. Je suis en train d'écrire une chronique sur le sujet de l'heure dans le salon du Fils et de la Fille. C'est quand même bien de pouvoir parler de cette journée entourée de sa progéniture. Comme vous le savez, le nid est maintenant vide. Je me trouve donc très chanceuse d'avoir retrouvé mes oisillons pour le temps d'une fin de semaine.

Comme vous vous en doutez sûrement, le journal d'aujourd'hui avait déjà commencé à étaler ses bons sentiments à l'égard des mamans. Par exemple, Josée Blanchette, dans Le Devoir, adressait une lettre aux nouvelles mères. Mais ce n'est pas ce qui a retenu mon attention. Ce sont plutôt les citations qui se trouvaient à gauche de son texte, dont celle-ci qui m'a touchée plus particulièrement : "Les enfants petits marchent sur la robe de leur mère, grands ils marchent sur son coeur." (Proverbe danois) À leur décharge, je ne crois pas que la plupart d'entre eux le fassent volontairement. C'est juste que le coeur d'une mère se laisse facilement atteindre. Une seule petite attention et le voilà qui bat à tout rompre. Une parole malencontreuse et il se retrouve au bord de l'infarctus. C'est comme ça. C'est tout. C'est à la maman d'apprendre à gérer les réactions de son muscle cardiaque pour s'éviter de trop souffrir.

Ces temps-ci, comme je le mentionnais plus tôt cette semaine, mon coeur de mère souffre surtout de voir le traitement réservé aux étudiants. Tous des jeunes dans lesquels je reconnais les miens, bien sûr, et pour lesquels je tremble toutes les fois qu'il y a affrontement avec les policiers. Et les politiciens aussi, tant qu'à y être, puisque ces derniers ont le jugement facile et la condamnation rapide. J'ai donc été réconfortée par l'article de Lise Payette, toujours dans Le Devoir d'aujourd'hui, sur le conflit qui perdure.

Mme Payette commence ainsi sa chronique : "Pour célébrer cette fête des mères, si vous avez des enfants dans la rue, racontez-leur l'histoire de la gratuité scolaire en leur expliquant qu'elle fait partie d'une réflexion qui s'est amorcée à la fin des années 50 au Québec." Elle parle ensuite du rapport Parent sur l'éducation qui a vraiment repris la question de la gratuité scolaire jusqu'à l'Université. Je dois dire qu'au début de cette véhémente protestation estudiantine, je revendiquais moi aussi l'annulation de la hausse décrétée par le gouvernement, principalement présentée sous le fallacieux prétexte que les étudiants devaient faire leur juste part. Puis, les semaines ont passé. Et les arguments invoqués pour promouvoir la gratuité scolaire ont fait leur chemin. J'en suis donc rendue, tout comme les militants de la CLASSE, à vouloir une réflexion collective sur l'importance accordée à l'éducation et sur la richesse d'une société dont le plus grand nombre possible de membres ont eu la possibilité d'user leurs culottes pendant plusieurs années sur les bancs de l'école.

Et Mme Payette poursuit : "C'est, comme l'était la Révolution tranquille, un projet de société que nous avons devant nous. Pas un caprice d'enfants gâtés, pas une folle dépense comme certains le disent, mais un choix de société." Je vous entends : "Mais où on va trouver les sous? On est tannés de payer. On est les plus taxés au Canada." Je vous propose la conclusion de l'article en réponse à vos égoïstes commentaires : "On pourrait épargner de l'argent dans l'arrêt des subventions aux écoles privées, la fin des dépassements des coûts des contrats gouvernementaux, l'arrêt du gaspillage érigé en système, de meilleurs contrôles des dépenses des entreprises d'État (Hydro-Québec, Loto-Québec, SAQ et autres babioles). Rangez-vous du côté de vos enfants. Ils savent ce qu'ils font."

Bonne fête des mères.

mardi 8 mai 2012

Faut que le méchant sorte

Permettez-moi donc, encore une fois, de me vider le coeur. D'abord au sujet de l'absence quasi-totale de sens civique que je ne cesse d'observer autour de moi. Je vous passe sous silence (parce que j'en ai déjà trop souvent parlé) le désir irrépressible des gens de faire partager leur choix musical. J'adore le métal. Est-ce que j'impose pour autant ma passion à mon entourage? Que nenni!

Si je vous fais fi de mon indignation à devoir supporter la zizique des autres dans ma cour, je peux toutefois vous fournir d'autres exemples de la merveilleuse société égocentrique dans laquelle nous baignons trop souvent. Ainsi, je demeure encore et toujours estomaquée de voir les fumeurs jeter négligemment cendres et mégots par les vitres de leur voiture en marche. Est-ce que la Terre serait devenue un immense dépotoir? Malheureusement, il semble bien que oui.

Autre preuve d'inconsidération : trois de mes voisins ont tondu leur pelouse dans les derniers jours et aucun n'a eu la force de ramasser l'herbe coupée qui recouvre maintenant le trottoir d'un tapis vert. Pire encore. Mon voisin de droite, dont la pelouse jouxte notre entrée, n'a même pas jugé bon d'au moins balayer les résidus qui sont tombés de notre bord. Faut dire que c'est aussi celui qui met la musique au boutte quand il entre dans son spa extérieur à deux heures du matin!

Mais mon indignation de ce jour, et de tous les autres jours depuis un peu plus de douze semaines en fait, demeure l'attitude méprisante du premier ministre et de sa ministre de l'Éducation à l'égard des étudiants. Pour moi qui suis la mère de deux enfants, cette attitude m'horripile au plus haut point. Je suis véritablement outrée de constater à quel point les jeunes sont, depuis le début, étiquetés comme des non-citoyens. Si tous les parents éduquaient leurs enfants en refusant d'écouter leurs demandes, en n'essayant pas de comprendre leurs besoins, en exigeant toujours mais sans jamais rien concéder, je n'ose imaginer dans quel genre de monde nous serions appelés à vivre. Vraiment, je considère ces deux personnages comme le parfait exemple de très mauvais parents. En plus, ils cautionnent les mesures beaucoup trop drastiques prises par les autorités policières. Ils ne sont donc pas seulement des parents inaptes, mais ils sont aussi des parents violents.

Et là, pour ajouter l'insulte à l'injure, ils concoctent un semblant d'entente dans laquelle les dés sont pipés d'avance. Non seulement les étudiants, qui seront en minorité dans le comité provisoire éventuellement créé pour tenter de trouver des économies dans les budgets des universités, seront incapables de convaincre les quatorze autres interlocuteurs de la nécessité de réduire leurs propres avantages, mais ils doivent retourner auprès de leurs associations avec aucune concession réelle du gouvernement par rapport à l'augmentation des frais de scolarité. Pas étonnant que celles-ci rejettent l'une après l'autre cette entente de dupes!

Croyez-vous entre-temps que nos parents malveillants mettent un peu d'eau dans leur vin? Pas du tout. Le père a choisi de pavoiser, se vantant sans vergogne de les avoir eus à l'usure ces garnements récalcitrants à qui il voulait donner une bonne leçon. Et la mère, elle, tente maladroitement de faire croire que le texte de l'entente n'a pas été modifié après les négociations, et reconnaît du bout de ses lèvres pointus qu'il y a peut-être possibilité de préciser ou de clarifier certains points. Ah! oui, lesquels? Ceux que vous avez délibérément enrobés du langage bureaucratique dont vos sbires ont le secret?

Je suis sans doute trop naïve, ou trop idéaliste, mais maudit que j'aimerais ça que les étudiants tiennent leur bout et que nous, les adultes, leur emboîtions le pas. Le mépris n'a qu'un temps!

dimanche 6 mai 2012

Un peu plus et ça y était ou chronique horticole 2

Aujourd'hui, mon livre sur la méditation m'invitait à accueillir les choses immobiles. Les objets, quoi... Oui, ces affaires que l'on peut frapper sans qu'elles ne ripostent. Évidemment, il ne s'agissait pas ici de se défouler en fessant partout, mais bien d'observer les objets qui nous entourent et que nous ne voyons plus. Ils ont en effet beaucoup à nous apprendre, ne serait-ce que sur le secret de la longévité puisqu'un grand nombre d'entre eux nous survivront après la mort. N'avons-nous pas tous par exemple de ces objets que nous traînons d'un déménagement à l'autre parce que ce sont des souvenirs. Attention à la tasse ébréchée de grand-mère ou à la longue et menaçante épingle à chapeau de tantine! Dans mon cas, j'ai plusieurs choses qui appartenaient à ma mère et, chaque fois que je les utilise, je pense à elle et aux bons moments que nous avons vécus ensemble. Il m'arrive même de m'attendrir en songeant qu'elle a touché à ce bol à salade ou, mieux encore, qu'elle a porté cette paire de boucles d'oreille. Pour les objets-souvenirs, ça peut paraître plus simple de trouver un semblant de sens à partir de leur contemplation. Pour les autres, faut juste les regarder et se remplir de leur tranquille existence. Vous vous doutez bien que je n'en suis pas encore là. De toute façon, je reste toujours sur le même chapitre au moins une semaine histoire d'être certaine d'en garder quelque chose. Je pourrai poursuivre la pratique.

Je ne me suis donc pas attardée tant que ça à l'immobilité finalement étant donné que j'avais décidé de réquisitionner une fois de plus les muscles de l'Homme pour les travaux de jardinage. J'avais comme toujours de grandes ambitions et c'est la raison pour laquelle je m'activais comme une poule pas d'tête. J'aurais voulu tout faire en même temps : nettoyer l'étang avec l'aspirateur, introduire des plantes aquatiques dans le bassin non sans les avoir préalablement transplantées et engraissées, couper les tiges mortes autour des iris à l'aide de mon nouveau-ciseau-de-la-fête-des-mères (j'ai dit à l'Homme que c'est ce que je voulais par-dessus tout et il a gentiment acquiescé à mon désir), retracer les plates-bandes, gratter la pelouse et j'en passe. J'oubliais entre autres le vidage partiel du bassin et son remplissage avec de la nouvelle eau, ainsi que l'installation de la nouvelle pompe. Ouf!

Alors, alors, me voilà à un moment donné en équilibre précaire le long du garage, donc sur le bord très étroit de l'étang, en train d'arracher des hémérocalles envahissantes qui étouffaient une plante dont j'oublie le nom. Faut que je vous explique que, pour me rendre à cet endroit, je dois prendre appui sur les roches plus ou moins grosses qui retiennent la toile de ce côté de l'étang. À un moment donné, la roche sur laquelle j'avais posé mon pied gauche s'est mise à bouger dangereusement. Craignant qu'elle ne glisse dans l'eau et moi avec, j'ai tenté de reprendre mon équilibre pendant que j'étais toujours penchée en avant avec la main droite agrippée à une frêle tige d'hémérocalle vraiment pas secourable. Je n'avais rien pour me retenir sinon la paroi lisse du garage. J'ai vraiment pensé que je faisais le plongeon tuant par le fait même cinq ou six des espiègles. Heureusement, l'Homme n'était pas loin et il est venu à mon secours. En m'agrippant à son bras, j'ai réussi à regagner la terre plus ferme. Sur le coup, j'ai cru que je m'étais foulé le pouce ou même la main tellement j'avais mal. Répondant à mes cris de douleur, l'Homme s'est alors précipité dans la maison pour chercher de la glace. Pendant ce temps, comme je demeurais frustrée de ne pas avoir pu finir ma job de désherbage et que ma main somme toute ne semblait pas vouloir enfler, j'ai décidé de ne faire ni une ni deux, et je suis retournée sur les roches pour arracher les hémérocalles qui restaient. "Veux-tu bien me dire ce que tu fais encore là", me lance l'Homme. "J'imagine que tu n'as plus mal à la main et que je peux retourner serrer la glace", poursuit-il l'air contrarié. "Oui, oui," que je lui rétorque sans même le regarder trop absorbée que je suis dans ma mission. "Apporte-moi plutôt du compost pour que je puisse en mettre autour du plant." J'ai réussi finalement à nettoyer comme je le voulais au grand plaisir des grenouilles et des poissons qui commençaient à avoir hâte que je quitte les lieux.

Vous ai-je dit que mon trio de batraciens est devenu un quintette? Eh! oui, la gang des G était au complet cet après-midi : Gertrude, Georgette, Graziella, Gaston et Gustave. Et j'ai pu flatter Gertrude trois fois sans qu'elle ne coasse d'impatience. J'avais d'ailleurs lu sur Internet que ce type de grenouille est plutôt impassible, donc assez facile d'approche. Sauf quand on menace de les écrapoutir!
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Notes métalliques :
Le Pusher m'a fait découvrir un nouveau groupe vendredi dans sa caverne : Totem. C'est une fille qui chante. J'ai découvert que j'aime vraiment ça les filles qui "growlent". On s'attend à ça des gars, mais quand ce sont des filles, et toutes menues à part ça, c'est vraiment époustouflant. Si ça vous intéresse, y a un lien sur ma page Facebook.

mardi 1 mai 2012

Hymne au printemps ou chronique horticole 1

Au mois de mai, après le dur hiver, je sortirai, bras nus, dans la lumière et lui dirai le salut de la terre... Vois, les fleurs ont recommencé, dans l'étable crient les nouveaux-nés, viens voir la vieille barrière rouillée endimanchée de toiles d'araignée. Les bourgeons sortent de la mort, papillons ont des manteaux d'or, près du ruisseau sont alignées les fées et les crapauds (dans mon cas, les grenouilles) chantent la liberté.

Vous avez reconnu? Une célèbre chanson de notre poète national, Félix Leclerc. C'est à son hymne que je pensais cet après-midi pendant que je travaillais dans les plates-bandes d'en avant. Je voudrais essayer de vous décrire l'odeur qui flottait dans l'air que je n'y arriverais pas. Comme c'était nuageux et qu'il y avait eu de la pluie plus tôt dans la journée, il restait des effluves de bord de mer, d'algues et... de compost. J'ai adoré. Tiens, ça m'a rappelé le thé pu'er que j'aime tant. Me semble qu'il faut avoir les deux pieds bien ancrés pour apprécier le travail à la bêche et cette sorte de thé.

En tout cas, comme première vraie sortie de jardinage, je me suis donnée à fond. C'est merveilleux de pouvoir travailler dehors en plein milieu de la journée quand tout le monde a délaissé le quartier. Pas de bruit autre que celui de la nature. Avec l'Homme, j'ai gratté la pelouse et effectué quelques transplantations, notamment de mon fameux immense pavot que j'avais donné à la voisine à la fin de la saison l'été dernier. Comme mon compagnon se plaît à le répéter, "la nature est généreuse". Le pavot est donc revenu... en double. J'ai décidé de garder les bébés tenaces et je les ai simplement déplacés pour les mettre à un endroit où ils pourront se déployer à leur pleine mesure sans trop nuire aux autres plantes. Ensuite, j'ai surtout débarrassé les vivaces des feuilles et des tiges fanées. J'ai aussi ajouté du compost et j'ai retracé le contour des plates-bandes. À la fin, je ne me sentais plus le dos. Heureusement que demain je vais à la Soupière. Un petit repos avant la poursuite des travaux. Comme me le faisait remarquer ma voisine en venant observer les travaux, "faut vraiment aimer ça le jardinage parce que c'est dur". C'est vrai que c'est exigeant physiquement. Par contre, pour le moral, tu parles d'un remontant. Rien ne vaut le contact avec la terre.
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Notes Facebookiennes :
Je vous parle de Félix, mais je dois vous confesser que j'écoute du métal pendant que j'écris ce blog. C'est que, voyez-vous, autre avantage de ma récente entrée dans le monde de Facebook, c'est le retour du Pusher de métal. Je peux dorénavant recevoir ses suggestions en direct. C'est comme avoir son DJ privé. Est-ce que ce n'est pas là le luxe des luxes?