mercredi 23 mai 2012

Rouge Sang

Voici une des raisons pour lesquelles je supporte parfois difficilement mes congénères humains. Intercepté bien involontairement cet après-midi une conversation "de chasse" entre mes deux voisins machos :

- "Ouais, moé je les nourris avec des pommes. C'est comme ça que je les attire."

- "Et ça marche?"

- "J'comprends. J'en ai tué un ce printemps. Y avait la tête penchée en train de manger. Moé je l'attendais accoté sur mon truck. J'lé eu en pleine face!" Phrase suivie du gros rire gras de ces deux spécimens que j'aimerais moi-même des fois pouvoir tirer en pleine face! Peut-être que si je les attirais avec des muffins...

Je ne comprends pas comment on peut être aussi cruel. Moi je n'appelle pas ça de la chasse. Il s'agit plutôt ici de barbarie pure et simple puisqu'on apprivoise un animal sauvage qui en vient à ne plus se méfier. Ensuite, c'est le guet-apens et la mort à coup sûr! J'en ai des frissons. Faut dire que c'est un des voisins qui avait dit à l'Homme que, s'il attrapait celui des chats que je nourrissais qui avait pris la mauvaise habitude de se soulager sur son terrain, il le mettrait dans un sac et l'assommerait en le frappant sur l'asphalte. Édifiant!

Quand je pense que ce matin en ramassant mon journal sur le balcon, j'ai pris la peine de remettre sur ses pattes un barbot qui gigotait désespérément sur le dos. J'ai bien pensé à l'éliminer car je sais que lui et ses acolytes sont la cause de la présence de quelques vers blancs dans ma plate-bande d'en avant. Mais je n'ai pas pu. Je le voyais se débattre avec une telle vigueur pour survivre. Qui suis-je pour détruire une vie, aussi petite soit-elle? De même, je porte aussi régulièrement secours aux bibittes qui viennent invariablement tenter un plongeon dans le bol d'eau que je laisse pour les chats errants. Quand je les vois le matin surnageant de peine et de misère dans ce qui est pour elles un immense lac, je m'empresse de les libérer de leur prison liquide. Je suis sans doute trop sentimentale mais j'ai la joie au coeur quand je constate qu'elles sont encore en mesure de trottiner et de retourner vaquer à leurs occupations. Me semble que ma journée commence bien. J'ai déjà sauvé une vie! La table est mise pour la suite.

Parlant de suite, la crise perdure. Je demeure toujours rouge. Et pour cause. Je vois rouge. Comme tous ceuzécelles qui marchent inlassablement pour dénoncer l'indéfendable loi spéciale. J'étais à Montréal en fin de semaine. En plein centre-ville. Là où ça se passe chaque soir. J'ai pu alors prendre la mesure de ma bravoure et constaté que j'étais une rouge peureuse. Je ne crois pas que je pourrais continuer à manifester entourée de policiers casqués et armés. C'est vraiment impressionnant de les entendre frapper sur leur bouclier et s'avancer en courant. Je ne porte donc que plus d'admiration à ceux et celles qui ont décidé de poursuivre le combat. Nous, on a préféré prendre deux cafés plutôt qu'un et attendre que ça se passe avant d'escorter la soeur Psy à son hôtel situé à cinq minutes du fameux parc Émilie-Gamelin! Nous avions décidé de la raccompagner "croûte que croûte". Et c'est ce que nous avons finalement pu faire vers minuit!

Je vous laisse avec cet extrait de l'article intitulé Regard littéraire sur la crise paru dans Le Devoir d'aujourd'hui. L'auteure Glenda Wagner, détentrice d'un doctorat en littérature, nous présente des extraits de différents ouvrages pour tenter d'expliquer le conflit que nous vivons actuellement. Elle propose entre autres ce passage tiré du Discours de la servitude volontaire où l'auteur Étienne de La Boétie avait désiré « qu’on [lui fisse] comprendre comment il se [pouvait] que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui, que de le contredire. » Et, il conclut : « Telle est pourtant la faiblesse des hommes! »

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