dimanche 27 février 2011

Temps gris avec légers éclaircissements

J'ai traîné mon humeur noire une partie de la journée. Malgré tout, j'ai cuisiné muffins aux dattes et au café, ainsi que pain aux courgettes et aux noix. Et je n'ai rien raté. Même que les muffins, que je n'avais pas faits depuis belle lurette, sont absolument sublimes. J'avais indiqué à côté de la recette que je l'avais essayée la première fois pour la Fête des mères de 1999. Quand j'ai téléphoné au Fils et à la Fille pour les informer que l'Homme-à-la-dent-sucrée ne voulait pas que je leur congèle mes petits gâteaux, le Fils, qui était mon interlocuteur, m'a affirmé qu'il se souvenait parfaitement de la Fête des mères de 1999 et du goût des muffins en question. Vous ai-je déjà dit que le Fils a une mémoire phénoménale? C'est le seul enfant que je connais qui peut remonter aussi loin dans ses souvenirs. Son disque dur est vraiment impressionnant. Des fois j'ai des doutes, mais les détails qu'il donne sur une situation ou un endroit en particulier me laissent le plus souvent bouche bée par leur exactitude.

Avant d'aller marcher ma morosité en fin d'après-midi, je me suis assise au salon avec Mignonne pour compléter les trois grilles de mots croisés que l'Homme avait commencé à remplir à différents intervalles au cours de la semaine. C'est toujours un peu compliqué de reprendre là où il a laissé car l'Homme, ne voulant pas s'avouer vaincu, invente parfois des mots pour répondre aux définitions qu'il ne connaît pas. Il adoptait le même manège quand nous fréquentions l'Église de façon assidue. Cela faisait d'ailleurs bien rire le Fils et la Fille de le voir improviser des paroles pour les prières ou les chants qui lui étaient inconnus. Il prenait quand même la précaution de faire tout ça discrètement. Il marmonnait donc entre ses lèvres les syllabes qui semblaient convenir. Parce que nous connaissions son habitude, nous le regardions parfois à la dérobée pour le surprendre en flagrant délit d'improvisation. Quand il se rendait compte qu'il était découvert, l'Homme éclatait presque de rire et poursuivait son imprécise litanie.

Je reviens donc au salon. Et à Mignonne. Et au silence qui nous entourait jusqu'à ce que j'entende tout d'un coup un bruit en provenance du garde-robe de l'entrée, là où je range, allez savoir pourquoi, les sacs de nourriture de mes félines. Le bruit semblait justement correspondre à un froissement de sac que l'on agite avec vigueur. Immédiatement, Mignonne quitte son divan pour se poster devant la porte du garde-robe. Je n'ose pas ouvrir. Je sais trop bien qui est là. C'est un autre représentant de la gent trotte-menue, c'est sûr! Il semble bien qu'à défaut de jouir de mon parc faunique à l'extérieur, je doive en hiver accepter d'accueillir certains de ses habitants dans mon intérieur. L'Homme veut mettre une trappe. J'hésite. Mais la Fille, à qui je racontais la chose, me faisait remarquer que, la dernière fois où j'ai accepté une cohabitation pacifique avec un rongeur, elle avait retrouvé un amoncellement de garnottes pour chats dans le capuchon de son manteau. En plus, le vêtement puait abominablement. C'est quand même mignon de penser que la petite bête avait choisi de faire son nid dans un capuchon, vous ne trouvez pas? La Fille non plus.
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Notes pédestres : Je suis sortie de la maison avec un serrement en plein milieu de la poitrine. Je vous l'ai dit. Je vais probablement mourir d'une crise de coeur avant de savoir le fin mot de mon histoire totonesque. Bref. Je commence à marcher. Les notes métalliques commencent à faire effet. J'ai choisi As I Lay Dying et All That Remains. C'est en plein ce que je ressens : je suis couchée en train de mourir et c'est tout ce qui me reste à faire. Mais les paroles de leurs chansons me frappent en pleine poitrine et c'est justement suffisant pour me soulager l'âme. J'ai aussi ajouté une incursion au cimetière où j'ai versé quelques larmes sans avoir malheureusement un bout de papier mouchoir pour m'éponger le nez. Pas grave. J'ai reniflé comme mon collègue de bureau du cubicule de droite qui ne me parle plus depuis des mois le fait constamment. Puis j'ai continué de marcher. Et le serrement a disparu en cours de route. Sans doute m'attend-il au détour du chemin. Encore faut-il que je le reprenne.

vendredi 25 février 2011

Pas encore de lumière au bout du tunnel

Depuis presque deux mois maintenant, je me fais croire que je vis mais, si je suis vraiment sincère avec moi-même, je suis obligée d'admettre que je vivote. D'après une définition trouvée rapidement dans la Toile, je vis donc au ralenti. C'est en plein ça.

Au moins, je vis. C'est déjà ça de pris. Je continue à marcher et à yogiser. Ça me calme l'intérieur et me fatigue l'extérieur. Et ça m'aide à dormir. Je vais aussi au travail tous les jours où je suis supposée y être. C'est plate parce que si je n'étais pas en train de vivoter, je finirais d'écouler mes congés de maladie (because la retraite prochaine) et je me ferais plaisir en profitant de belles journées de liberté. Mais, comme je ne sais toujours pas la hauteur du mont totonesque que je devrai gravir, je ne prends aucun risque et je garde mes congés en banque. Je suis sage, non? Je suis surtout plate.

Lire les journaux et continuer de me tenir au fait des coups d'éclat (ah! ah!) des brillants sbires que sont nos élus ne m'améliorent pas du tout le moral. Je suis désabusée. Je cherche l'ombre de l'apparence d'une vision d'une société meilleure et Anne, ma soeur Anne, je ne vois rien venir. Non, rien que les mêmes insanités, les mêmes indifférences, les mêmes insensibilités. C'est pas demain la veille que nous allons entendre la proposition qui va soulever les masses. Peut-être qu'avoir au pouvoir un dictateur pour une décennie ou deux nous amènerait à davantage de conscience et nous secouerait de notre léthargie collective. Je nous vois déjà en train de manifester dans les rues, oui nous qui sommes incapables de lever le petit doigt pour nous indigner de la misère et de la pauvreté vécues par des milliers de nos concitoyens. (Aparté - je viens d'écouter en rafale les deux derniers épisodes de Naufragés des villes. Je n'ai que le goût de m'engager au plus sacrant dans les mouvements de défense des écorchés de la vie et de partager avec eux tout ce que j'ai en trop. Je ne comprends pas que cette série ne soulève pas l'ire des gens. Les faits rapportés sont révoltants. Le portrait dépeint de notre société est absolument navrant. Pas de quoi, là encore, pour soigner une déprime.).

Bref, malgré de réels efforts pour prendre les aléas de la vie d'une façon cool, je dois reconnaître que je n'y arrive pas. Ou plutôt que j'y arrive par miettes. Je suis tellement fatiguée de m'inquiéter. Comble de malheur, quand je m'épanche un tant soit peu sur ma situation totonesque, c'est pour apprendre que mon cas n'est rien. Je n'ai pas de douleur. Je peux encore vaquer à mes occupations tout en vivotant. Ce n'est pas le cas de la personne que j'ai rencontrée qui devra attendre encore deux ans pour une opération à la hanche et qui souffre continuellement, ni celui d'une dame qui, après plusieurs mois de problèmes de digestion et de maux de ventre, vient d'apprendre qu'elle a en fait un cancer de l'utérus, ni celui d'une amie qui attend depuis neuf mois de rencontrer un oncologue après avoir passé un examen de l'intestin où le radiologiste a vu "quelque chose". Bon, ce n'est pas de la médecine de brousse, j'en conviens. Toutefois, je commence sérieusement à me demander s'il ne faudra pas en venir éventuellement à nous diagnostiquer et nous opérer nous-mêmes. De toute évidence, il y a péril en la demeure.

Si nous ajoutons à cela la pénurie de prêtres pour ceux et celles d'entre nous qui les utilisons encore, nous devrons aussi, j'en ai bien peur, nous asperger d'eau bénite par notre nous-même quand viendra le temps de nous mettre six pieds sous terre dans le trou que nous aurons bien entendu creuser de nos propres mains. C'est ce qui s'appelle ne jamais être aussi bien servi que par soi-même!

mardi 22 février 2011

Chat NoiArt

Un chat noir
sachant chasser
les noires idées
j'ai rencontré.
Sur mes genoux,
il est venu longtemps ronronner.
Puis s'en est allé
emportant avec lui des perles d'eau gelée.


C'était sur la Colline du Parlement cet après-midi. Il faisait beau soleil. Qu'y faisais-je? Eh! bien, comme chaque fois que je donne rendez-vous à l'Ami en sortant du bureau, j'avais emprunté le chemin des portageurs pour traverser la frontière ontarienne, celle qui mène au ROC. J'aime ce parcours que je rallonge volontairement pour me rendre à la Maison féline située juste derrière la Maison des débats inutiles et puérils.

J'étais contente. Le chat noir, celui que j'avais sauvé la semaine dernière du banc de neige fondant dans lequel il s'était aventuré imprudemment et sur lequel il miaulait à qui voulait l'entendre qu'il avait les papattes mouillées à ne plus savoir à quel Mistigri se vouer, prenait le frais sur le balcon. Je ne sais pas si c'est l'instinct infaillible de ces bêtes que j'adore ou bedon le simple plaisir égoïste de se payer une jouissance rapide mais, dès qu'il m'a vue, il s'est précipité à ma rencontre. Il s'est immédiatement dirigé vers un banc où il a sauté et m'a invitée à m'asseoir. Ce que j'ai fait comme de bien entendu.

La superbe bête aux yeux verts s'est ensuite installée sur mes genoux pour enclencher le moteur à ronron. Je lui parlais comme je vous parle. Pas tout à fait puisque je lui parlais "chat". Il semblait très bien comprendre tout ce que je lui racontais. Il opinait du bonnet d'ailleurs pour signifier qu'il était à l'écoute. Je ne sais pas pourquoi je lui ai même confié mes inquiétudes totonesques. Il a ronronné plus fort. Ça m'a fait vraiment du bien. J'aurais voulu rester longtemps encore mais l'Ami m'attendait et, pour dire la vérité, je commençais à geler du postérieur sur le banc de bois. J'ai donc repris la route. Le coeur plus léger.

Qu'allais-je faire avec l'Ami? Visionner le documentaire Waste Land, en nomination pour les Oscar, qui raconte le projet de Vik Muniz, un artiste en arts visuels. Ce dernier s'est rendu dans un immense dépotoir du Brésil pour photographier des ramasseurs de déchets. À partir de ces portraits, il a créé des oeuvres faites de déchets avec l'aide des ramasseurs qui lui ont servi de modèles. Il y a fait des rencontres absolument extraordinaires et a assisté à l'éveil de ces hommes et de ces femmes à la recherche d'un peu de dignité. C'est profondément touchant. Comment encore une fois demeurer indifférent à la pauvreté, à l'inégalité, à la misère? Et l'art, qui sert ici d'exutoire, d'élément déclencheur, d'outil de transformation, prend tout son sens. L'art, un simple divertissement? Beaucoup plus que cela.

La démarche de Vik Muniz fait réfléchir. Elle pose des questions importantes. Elle nous interpelle. C'est là le rôle formidable de l'art. Nous brasser les idées reçues, les préjugés, les opinions toutes faites. Nous remuer le coeur et l'âme. Nous donner espoir. Nous bouleverser. Nous faire fondre en larmes.

Un chat noir
sachant chasser
les noires idées
j'ai retrouvé.
Il a cueilli mes larmes pour les sécher.
Puis, s'en est allé.

mercredi 16 février 2011

Lueur d'espoir

Ce soir, pendant que j'attendais mon amie future retraitée pour me rendre à mon cours, j'arpentais l'entrée de la maison en humant le fond de l'air. Il commence à se faire plus doux, le coquin. Mais, surtout, il a maintenant un peu l'odeur du printemps. Je sais, je sais. Je prends mes rêves pour la réalité. Pourtant... il y a des signes qui ne trompent pas.

Ainsi, je remarque que les oiseaux chantent allégrement presque tous les jours maintenant leur bonheur de sentir le soleil leur réchauffer les plumes à une intensité plus élevée. J'entends les corneilles aussi clamer bien fort leur plaisir de voir la chaleur faire ses entrées. Et la lumière. Elle est déjà là quand je quitte la maison le matin. Bon, je vous concède qu'elle se présente davantage sous forme de lueurs bleutées ou rosées, mais elle est là. C'est ça qui compte. Encore mieux. Je la retrouve le soir en sortant du bureau. Elle m'accompagne même quand je marche. N'est-ce pas merveilleux? Impossible de nier, vous l'avouerez, que le beau temps, le printemps guilleret approche.

En respirant profondément cette odeur d'espoir et de renouveau pour m'en imprégner, j'ai revu tout d'un coup mes pots remplis de fleurs, j'ai entendu la fontaine dans l'étang des barracudas (que je crois malheureusement transformés en bâtonnets de poissons), j'ai admiré mon immense érable quand il est habillé de son manteau de feuilles. J'ai même senti sous le banc de neige la vie de mes vivaces en attente de réanimation. Le miracle va se produire encore cette année. Je n'ai pas besoin de me forcer pour y croire. J'en ai été témoin tellement souvent.

J'ai formulé un souhait dans mon coeur en ce bel après-midi tout doux de février. J'ai fait le voeu de pouvoir continuer encore longtemps à jouir des beautés de la nature, si simples et si extraordinaires tout à la fois. Je veux et je dois y croire.

lundi 14 février 2011

Battre en retraite

Ouais... je suis assez silencieuse ces jours-ci. C'est que je suis encore dans l'attente. Cette fois, c'est pour me faire transpercer et aplatir le toton. Comme vous voyez, rien de très réjouissant en perspective. Et toujours l'angoisse comme toile de fond. Avouez que tout ça fait dans le mélodrame de bas étage.

Mais, mais je continue envers et contre toute adversité à préparer ma retraite. Si je ne m'enterre pas moi-même à force de désespoir, je devrais éventuellement jouir d'un repos bien mérité, vous savez celui qui précède le repos éternel. Bon, j'accepte de laisser les idées noires quelques minutes pour vous parler du devoir que je dois faire avant mon prochain cours de pré-retraitée. Il s'agit d'imaginer la journée de retraite idéale et, ensuite, de décrire ce qui pourrait constituer une semaine à la retraite. Vous trouvez que c'est facile? Moi aussi c'est ça que je pensais avant de commencer sérieusement à me pencher sur la question. Permettez-moi donc de remueméninger en votre compagnie.

Premier constat, et il est de taille : il y a beaucoup d'heures dans une journée. Je sais, je sais. Il ne devrait pas y en avoir plus à la retraite qu'il y en a pendant notre vie au travail. Pourtant... me semble quand même qu'elles excèdent la limite permise. Je ne peux toujours pas passer la moitié de la journée à dormir. Encore moins à marcher. Et que dire de dévaliser le frigo aux dix minutes. Je n'ai pas l'intention non plus de devenir une Martha à plein temps et de me mettre à obtenir jouissance en admirant mon plancher propre. Nenni!

Il y a bien mes deux félines préférées que je pourrai caresser davantage. Là encore, je vois que je ne pourrai y consacrer des heures entières. Après une semaine de ce régime, elles seront toutes les deux chauves ou bedon complètement terrifiées et tapies dans le fond de la cave en train d'espérer secrètement un retour rapide à la normale, c'est-à-dire moi au bureau et elles se prélassant au soleil sur le bord de la fenêtre ou ronronnant sous les couvertures de mon lit. Ce qui m'amène à un deuxième constat : mes chattes adorées n'auront jamais besoin de planifier leur retraite puisqu'elles la vivent tous les jours.

Ces observations, bien que fort intéressantes, ne me permettent pas de remplir mon carnet de bal de vacancière à long terme. En réfléchissant sur ce que j'aimerais accomplir quand je serai enfin libre, j'ai décidé entre autres que je me mettrais à l'écriture de façon plus systématique, genre m'asseoir à l'ordinateur une à deux heures par jour. J'ai bien quelques projets en tête que je pourrais mener à terme. Même si ça ne va pas plus loin que de ressentir le plaisir d'avoir créé quelque chose et d'y avoir travaillé jusqu'à son aboutissement, ce sera déjà suffisant pour moi. Cela m'entraîne vers un troisième constat : c'est ben le fun de jouer à l'écrivaine en herbe mais je vais rapidement manquer de jus si je ne m'abreuve pas à la fontaine du vrai monde.

Je suis une fille qui a besoin d'être en relation. L'intériorité. Le calme. La zénitude. Tous des concepts qui m'attirent et que je tente d'apprivoiser pour les faire miens éventuellement. Quand je serai dans mon urne de sable, par exemple. Pour le moment, j'ai encore une folle envie de bouger, de parler, de rire, d'échanger. Cela m'enrichit. Cela m'anime. Cela me garde vivante. Donc, quatrième constat : va falloir que je me trouve une jobine ou que j'agrandisse mon cercle d'amis si je ne veux pas me dessécher comme une vieille plante.

Je vous l'avais dit. C'est pas évident de trouver un équilibre entre les heures passées à flâner, à lire, à profiter du moment sans avoir rien d'autre en tête, et les autres minutes remplies de belles rencontres ou utilisées pour jardiner, marcher, yogiser. Je ne m'avoue pas vaincue aussi vite. Surtout pas avant que la bataille ne commence. Battre en retraite? Très peu pour moi. Battre la retraite, c'est ça mon but!

vendredi 11 février 2011

Pour faire ça court

Brève 1
L'Égypte est en liesse. Le vieux dictateur a enfin compris. Il devait être un peu dur de la feuille, lui qui s'obstinait hier encore à s'accrocher au pouvoir malgré la clameur insistante de la foule. Les citoyens ont finalement pris les grands moyens en se rendant ce matin directement aux portes du palais présidentiel pour lui crier dans l'oreille ce qu'il refusait d'entendre depuis des jours : "Sacre ton camp et va te faire voir ailleurs!"

Je vous confie quelque chose. Je les envie. Pendant que j'écoutais à la radio les réactions des gens sur place et les analyses des experts, je ne pouvais m'empêcher de penser que nous aussi, un jour, nous sommes passés bien près de tourner la page de notre cahier d'histoire pour en entamer une autre, toute neuve. Je sais, je sais. Il ne s'agit pas du même contexte. Et je ne prétends pas ici que nous sommes à la merci de dictateurs décadents, débiles et déconnectés. J'aurais bien aimé quand même participer à la naissance d'un pays correspondant à notre culture francophone. Adieu le ROC! Continue d'exploiter tes sables bitumineux, d'écouter la télé des voisins d'en-dessous pour mieux t'assimiler aux valeurs de l'Oncle Sam et de t'enfoncer dans les préceptes puritains des conservateurs les plus obtus. Nous, on a décidé de parler français partout et tout le temps, de virer au vert et de tirer vers la gauche. Finies les deux solitudes! C'est avec une nation debout que tu devras dorénavant négocier.

Je rêve sans doute, mais je veux garder cet espoir vivant. Tout comme un habitant du Caire à qui on demandait s'il avait cru que le peuple arriverait à vaincre l'oppresseur et qui déclarait avoir toujours conservé dans son coeur la conviction que le changement se produirait un jour. Moi aussi je garde la flamme patriotique allumée. Me semble que ce serait quand même plus valorisant de sortir des milliers dans la rue pour réclamer un pays plutôt qu'un amphithéâtre, non?

Brève 2
Je viens de regarder la troisième partie du documentaire Naufragés des villes dont je vous avais parlé il y a de cela quelques blogs. Je suis toujours aussi touchée. Et, malheureusement, absolument découragée de mon ignorance et de ma naïveté par rapport à la pauvreté. Les statistiques fournies cette semaine au sujet du logement font frémir. Le fait, par exemple, que plein de gens doivent consacrer plus de 60 % de leurs revenus mensuels pour avoir un toit sur la tête relève de l'impossible. Et comme si ce n'était pas assez, ils doivent également faire avec les coquerelles, les souris, les punaises de lit, les moisissures, l'eau coupée, le manque de chauffage, les murs défoncés, les propriétaires véreux, les voisins sur le party ou sur la dope. Avec surprise(!!), nous apprenons également que les gouvernements n'investissent plus dans les HLM. Résultat : des milliers (oui, des milliers) de personnes sont sur des listes d'attente pour obtenir un de ces rares logements. Bienvenue chez nous, terre d'abondance incapable de s'occuper de son monde! Je vous le dis, allez sur TouTV, ça vaut la peine. Tout cela est très bien fait.

Brève 3
Comme je suis toujours dans l'attente de lettres à répondre, j'ai décidé d'occuper mes journées au bureau à rédiger un nouveau CV. Pourquoi, vous demandez-vous sans doute étant donné que je serai bientôt à la porte avec mon beau certificat marquant mes trente années de service sous le bras? Simplement pour être prête à me trouver une petite "jobine" de retraitée. Je me suis donc amusée, et ce n'est pas aussi facile que cela semble l'être, à rendre ce document moins rébarbatif pour un éventuel employeur désireux simplement d'engager quelqu'un pour classer des documents ou répondre au téléphone. Pour m'inspirer, j'ai navigué sur la Toile et je suis tombée entre autres sur un article publié dans le site Monster.ca qui faisait état de pièges à éviter. J'ai bien ri. Je partage donc avec vous les perles les plus "étonnantes". Ai-je besoin de vous préciser qu'il faut proscrire les énoncés suivants du document censé vanter nos mérites :
  • Je risque d'obtenir mon baccalauréat au début de l'année prochaine.
  • Réalisation : J'ai supporté mon superviseur.
  • Je suis un méchant dessinateur.
  • Voici mes compétences. Je vous prie d'y jeter un coup de main.
  • Ne tenez pas compte du CV ci-joint. Il n'est vraiment pas à jour.
  • Gardez ce CV sur le dessus de la pile. Utilisez les autres pour chauffer votre foyer.
C'est sûr que mon CV de fonctionnaire ne contient pas de gaffes de ce genre. En le relisant, cependant, pour déterminer les changements que je souhaitais y apporter, j'ai ri... de sa platitude. J'aime mieux ma nouvelle version. Elle est plus légère et ne contient pas d'additifs.
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Notes pédestres : Ahhhhh! Beau soleil. Pas trop froid. Je me sentais bien. Juste un peu triste. Mais comme le Fils est là pour la fin de semaine, j'ai retrouvé rapidement le sourire.

mercredi 9 février 2011

SOS Retraite

Je me souviens d'un temps où je n'avais qu'une hâte : prendre ma retraite. En fait, pour dire vrai, ce temps a commencé le premier jour où j'ai commencé à travailler. Je sais que je viens là d'en faire titiller quelques-uns. Je n'y peux rien. Je n'ai jamais été une carriériste. J'ai aimé ma vie professionnelle parce que j'ai toujours eu la chance de faire ce pour quoi j'avais étudié et aussi parce que j'ai pu exercer mes talents dans des conditions fort enviables. Mais mon boulot, même intéressant, n'a jamais pris le dessus sur ma famille.

J'aurais ainsi été incapable de laisser mes enfants à la garderie après 16 h pour faire des heures supplémentaires. Tant qu'à voyager dans l'allée des souvenirs (image malhabile qui se veut ici un rappel de l'expression anglaise a trip down memory lane), je me rappelle très bien que, pendant des années, en partant le matin prendre mon autobus, je n'avais de cesse que de revenir au plus vite le soir retrouver le Fils et la Fille. D'ailleurs, si j'avais le malheur de croiser des enfants en faisant des courses le midi, je déprimais pour le reste de la journée. C'est sûr que mon attitude a fait en sorte que j'ai laissé passer quelques promotions et que j'ai parfois refusé de relever de nouveaux défis sous prétexte que j'aurais trop à sacrifier du point de vue maternel. M'en fous. J'avais la chance de partir tous les soirs la tête libre capable d'être présente pour mes deux amours qui, à défaut de me permettre de grimper dans l'échelle sociale, me remplissaient le coeur d'un bonheur incommensurable. Entre vous et moi, j'aime mieux avoir l'indice de bonheur élevé et rester sur le premier barreau de l'échelle de la soi-disant réussite.

Pourquoi je vous parle de ça ce soir? Parce que je reviens du cours de pré-retraite que je suis avec un petit groupe de cinq femmes qui réfléchit sur cet important passage de la vie. Je suis presque maintenant devant le fait accompli. La retraite arrivera cette année, en juin ou en août. Je n'ai pas l'intention de reculer. Et pourtant. Cette période que j'anticipais naguère avec fébrilité me cause en ce moment surtout de l'anxiété. J'avoue cependant que, depuis mes inquiétudes totonesques, je constate qu'il y a des choses plus épeurantes que ça qui peuvent nous arriver. C'est drôle notamment comme les soucis d'argent prennent le bord quand on pense qu'on va passer l'arme à gauche. Tout d'un coup, les REER, les placements, les fonds de pension et autres outils de planification se révèlent sous leur vrai jour : de détestables empêcheurs de tourner en rond! Et si j'oubliais toute cette merde à propos du fric pour me concentrer sur le pur plaisir d'être enfin libre. C'est exaltant! Je veux respirer à pleins poumons l'air frais et cesser une fois pour toutes d'avoir l'air fou.

dimanche 6 février 2011

Schubert, Ian Kelly et Mortör : même combat!

J'ai des goûts musicaux parfois fort éclectiques. Ainsi, cette semaine, je suis passée de la musique classique au métal en faisant une incursion dans le folk. J'ai adoré. C'est drôle parce que, sans l'avoir planifié, j'ai effectué une gradation dans le niveau sonore des spectacles auxquels j'ai assisté. J'ai d'ailleurs encore l'oreille gauche qui bourdonne because la prestation du Pusher hier soir.

Alors, mardi soir, c'était un récital d'Emmanuel Ax au piano au Centre national des Arts. Pour la circonstance, j'avais même décidé d'étrenner mon beau petit veston vert pomme que j'avais acheté avec l'Ami au début de décembre et que je n'avais finalement jamais porté pour les Fêtes. Je faisais "moyennement madame" disons-le franchement. Mais c'était l'accoutrement parfait pour passer dans le monde chic et de bon goût qui fréquente cette très belle salle de spectacle que nos amis au pouvoir aimeraient sans doute ne plus avoir à subventionner. Bref. J'ai donc écouté avec un réel plaisir les oeuvres de Schubert interprétées par M. Ax non sans avoir pris un café d'avant-match avec l'Homme pour avoir le plaisir d'observer la vieille haute société anglaise de l'autre bord de la rivière faire son entrée cahin-caha. Vous l'aurez deviné. La moyenne d'âge est élevée et l'Homme et moi faisons figure de véritables jeunots au sein de cette faune.

Vendredi soir, c'est l'Ami qui m'a invitée à découvrir un chanteur québécois vraiment impressionnant, soit Ian Kelly, un auteur-compositeur-interprète montréalais. Je vous invite à l'écouter sur YouTube. Vous ne serez pas déçus. Là, je dois avouer que je correspondais davantage à la tranche d'âge du public. C'est sûr, il y en avait des plus jeunes que nous mais, de façon générale, je "fittais" comme on dit. J'ai dit à l'Ami que, dorénavant, Ian deviendrait mon Pierre anglais. Les deux n'ont pas du tout le même style. Par contre, ils produisent sur moi un effet intense que j'apprécie particulièrement. Comment pourrais-je vous expliquer? C'est que je sens intimement que je me trouve en présence de véritables créateurs, de personnes habitées par leur passion. Et ils la transmettent de façon exceptionnelle. Ian, c'est donc à suivre pour moi.

En parlant de passionnés, le Pusher et son groupe jouaient hier soir à Ottawa. J'ai convaincu l'Homme de m'accompagner. Vous auriez dû nous voir tous deux habillés de tee-shirts à l'effigie de Mortör. Nous avions l'air de deux vieux métalleux à la date de péremption échue depuis un boutte. Et, justement, si on est pour parler chiffres, imaginez-vous qu'il s'agissait d'un show pour les 19 ans et plus! Comme nous étions dans la puritaine Ontario, un jeune homme demandait aux gens de présenter leur carte d'identité pour entrer. J'avais laissé mon sac à main à la maison. J'ai dit à l'Homme : "Crois-tu qu'ils vont me laisser passer?" Selon l'Homme, je n'avais rien à craindre. Je ne sais pas pourquoi mais je gardais un léger doute. Le gars à l'entrée demande à la fille qui nous précède de lui prouver qu'elle a ce qu'il faut pour entendre les gros mots du métal. C'est notre tour. Étrangement, il ne nous demande rien. Je n'hésite pas une seconde, après tout je veux suivre les règlements, et je lui sussure dans mon plus bel anglais : "Hey! You're not asking for our ID's?". Il me répond : "I trust you guys". Comme je protestais avec véhémence en exigeant d'être "cartée", l'Homme m'entraîne dans les escaliers et nous faisons notre entrée cahin-caha dans la salle. Il me semble avoir remarqué un jeune couple accoudé au bar, avec une bière, qui observait la faune. Et j'ai bien noté que la moyenne d'âge venait d'en prendre un coup avec notre arrivée. Pas grave. C'était cool.
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Notes pédestres : C'est le printemps... presque. Les trottoirs sont pratiquement tous de neige absents. Je peux même courir en montant la pente qui mène à l'église. J'ai aussi laissé les "combines" à la maison parce qu'il faisait trop chaud. Si seulement ça pouvait durer.

vendredi 4 février 2011

Prise au piège dans la Toile

À C. et à D. Merci.

Un seul et unique conseil si vous vous inquiétez pour votre santé : ne naviguez pas sur Internet sous peine d'être irrémédiablement attiré par les maléfiques et redoutables sirènes de cet océan de renseignements. Je suis encore en train d'essayer de récupérer de mon dernier voyage où j'aurais dû, en adaptant la stratégie suivie par Ulysse qui s'était fait attacher au mât de son navire et remplir les oreilles de cire pour ne pas céder aux voix des sirènes, me boucher les yeux pour ne rien lire.

Vous devinez sans doute ce que j'essayais vainement de trouver en entreprenant ce malencontreux périple. Une réassurance, même infime, sur mon état de santé totonique. Hélas! Mal m'en pris. J'ai plutôt parcouru des études scientifiques et statistiques dont je n'étais souvent pas en mesure de comprendre totalement les tenants et aboutissants. Je me suis aussi retrouvée dans les eaux plus agitées des forums où de pauvres éplorées de mon acabit échangeaient sur leurs bonheurs et malheurs respectifs. De temps à autre, une phrase m'encourageait et je reprenais espoir de retrouver bientôt ma vie d'avant. Malheureusement, le prochain rivage me réservait des données inquiétantes m'annonçant rien de moins que l'écueil au prochain tournant.

Ce qui devait arriver, arriva. J'ai perdu contenance et tous mes moyens. J'ai sombré dans une rivière de larmes. Au bureau. Je ne savais plus quoi faire. Je cherchais la bouée. Je pense que j'étais partie sans elle. N'en pouvant plus, j'ai eu le réflexe d'aller me réfugier chez une de mes collègues compatissantes, une des confidentes qui écoute patiemment mes déboires depuis le début de cette sordide aventure. J'ai été consolée. Accueillie. Par elle et par une autre. Seul hic : elle n'a pas de boîte de kleenex. J'ai donc dû renifler et moucher dans des serviettes de papier rugueuses. Il paraît que cela va m'aider et m'endurcir. Je ne sais pas pour l'âme, mais ma peau devra sûrement être réhydratée.

Pour l'heure, j'ai laissé la mer houleuse pour des eaux plus tranquilles. N'est-ce pas là qu'Il veut me mener?

mercredi 2 février 2011

Entre ciel et terre

Eh! bien, la source s'est tarie de nouveau. Ce n'est pas vraiment de ma faute. Je suis dans les limbes. Pour les plus jeunes, je vous précise qu'il s'agit du lieu où résident supposément les âmes des personnes non baptisées. De fait, je devrais plutôt dire "où résidaient" car, si je ne m'abuse, l'Église a fermé il y a quelques années ce refuge de l'entre-deux.

Car c'est bien de cela dont il est question ici. Depuis un mois, depuis la réception de ce coup de téléphone fatidique m'annonçant que mon toton gauche faisait des siennes, ma vie m'a été volée. Je ne me sens presque plus jamais dans la quotidienneté et, évidemment et fort heureusement, pas encore dans le néant. Je me promène donc dans un état second où, parfois, je n'éprouve plus rien. J'imagine que c'est un réflexe de protection du corps ou du mental pour éviter que je ne sombre dans la folie pure et simple. Dans ces moments, je deviens comme un spectateur et je regarde les gens s'agiter autour de moi. J'essaie de m'intéresser à ce qui se passe, de porter attention aux conversations, de continuer à planifier les choses de tous les jours - un repas, une sortie, une liste d'épicerie - mais rien à faire, je n'y arrive pas. La tête n'y est pas et le coeur est triste à mourir.

C'est vraiment une bizarre de sensation. Je ne suis même pas capable de vous dire si j'aime ou je déteste. Aujourd'hui, je me suis mise à penser que je devais peut-être considérer cet endroit comme une zone de repos. Un oasis dans la tempête qui gronde autour de moi. La possibilité de me retirer dans mon trou, comme un animal, pour lécher mes plaies. Tant qu'à y être, j'en suis venue aussi à la conclusion que je devais tirer le meilleur parti de cette période pas très intéressante à traverser en prenant davantage soin de moi. Je mange donc quand j'en ai envie. Je me couche tôt. Je continue à arpenter mes trottoirs, à m'étirer sur mon tapis de yoga et, bientôt, je suivrai deux ateliers de respiration/méditation. Pour me changer les idées et, comme le dit si bien une de mes collègues de bureau, pour arrêter le petit hamster de courir dans ma tête, je vais au cinéma, j'assiste à des spectacles, je sors avec l'Homme ou des amis, ou la Fille peut-être la semaine prochaine.

Mais la plus grande transformation que j'ai notée jusqu'à présent c'est ma moumounerie. J'ai la sensibilité à fleur de peau et les larmes constamment prêtes à couler sur mes joues. J'ai envie de sourire à tout le monde, de leur dire bonjour ou merci, et s'il s'avère qu'un pauvre quidam daigne me prêter la moindre attention chaleureuse, je suis prête à lui décerner une médaille, à l'embrasser sur les deux joues et à l'étreindre dans mes bras. Ce peut être gênant. En même temps, devrais-je me sentir embarrassée d'avoir envie de serrer le monde parce que j'ai si peur de le perdre? Je crois que non.
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Notes pédestres : Parcours inusité aujourd'hui effectué pour me rendre au centre d'examen des totons. Il neigeait encore beaucoup. Les trottoirs étaient affreusement pas déblayés. Mais c'est pas grave parce que j'ai fait un bout du trajet avec l'Homme. Vous savez, ça fait une mèche qu'on marche côte à côte. J'espère qu'il y a encore un long chemin devant nous. (Que vous disais-je? Pure moumounerie!)