mardi 29 janvier 2013

L'art de la retraite

Je n'ai jamais été aussi riche que depuis que je suis à la retraite. Je n'ai jamais autant vécu dans le luxe que depuis que j'ai cessé de travailler. Cela vous étonne? Mais peut-être pas si vous avez seulement une fois déploré le manque de temps qui marque vos vies. Car voilà bien le grand luxe de la retraite : le temps. Il vous appartient totalement et vous l'occupez comme bon vous semble.

Ainsi, aujourd'hui, j'ai décidé d'écrire mon blog à 16 h. Oui. En plein après-midi. Et j'aurais pu commencer plus tôt si je n'avais pas d'abord pris le temps de nourrir les chats de dehors et de dedans, et de me préparer une tisane que je déguste en ce moment en vous vantant mon bien-être. Je me suis même amusée à prendre quelques images histoire de vous mettre en contexte. Pour me plonger dans la zénitude, j'adore contempler ma cour par la fenêtre de la cuisine. Le paysage change au gré des saisons et je ne me lasse pas d'admirer ce tableau vivant :


Bon, j'admets que je ne gagnerai pas un concours de photographie avec ce cliché. Je voulais simplement vous donner une idée de mon environnement. Même chose avec la photo suivante qui vous montre mon endroit préféré dans toute la maison et j'ai nommé la place de droite sur la causeuse du salon. De là, je peux à la fois épier ce qui se passe dans le voisinage, caresser la Reine-Marguerite le plus souvent affalée dans son trône situé à un bras de mon siège et poser ma tasse de tisane ou de café sur le rebord de la fenêtre pendant que je lis mon journal ou que je vous blogue un petit quelque chose :


Des fois, la Reine-Marguerite s'extirpe de son confort douillet pour venir ronronner sur mes genoux. C'est ce qu'elle voulait faire au moment où j'ai immortalisé son déplacement sur pellicule.


Hélas pour elle, j'ai choisi le clavier plutôt que son épaisse fourrure. Ne vous en faites pas. Dépitée, elle est tout de suite retournée se vautrer dans son panier où elle roucoule dans sa couverture en polar.

Alors, c'est ça mon bonheur tout simple de retraitée. Je savoure du mieux que je peux le temps qui passe. J'apprécie particulièrement l'absence de stress inutile. Hier, par exemple, quand je suis allée au yoga et que j'observais les travailleurs dans l'autobus, puis les fonctionnaires dans la foire alimentaire où je m'étais réfugiée pour siroter mon café peinarde avant de retrouver ma gang de yogis, je n'arrêtais pas de me répéter à quel point j'étais chanceuse de ne pas avoir à me dépêcher pour assister à une réunion ou pour remettre un projet quelconque. Non. Moi, tout ce que j'avais sur le programme, c'était d'aller m'étirer longuement en écoutant mes comparses jaser notamment de leurs projets de voyage. La belle vie, quoi! Et quand je suis sortie de mon cours, il neigeait à plein ciel. Finalement, les quelque 15 à 20 centimètres annoncés allaient tomber. Pas grave. J'ai pris mon autobus à midi. Comme j'étais bien loin de l'heure de pointe, j'avais une place assise. C'est sûr que ce n'était pas un express. Qu'à cela ne tienne. Marcher une quinzaine de minutes pour me rendre à la maison m'a tout simplement oxygénée et requinquée. J'ai passé le reste de l'après-midi à farnienter devant la télé. La vraie misère, quoi!

Vous savez par ailleurs que je ne passe pas tant d'heures que ça à la maison. Je bénévole régulièrement, mais là aussi c'est le plaisir parce que j'ai choisi ce que j'avais envie de faire. Quand je pars le matin, je n'ai jamais à me dépêcher pour ne pas rater l'autobus. Et qu'importe si j'arrive à 8 h 15, 8 h 30 ou 9 h, je n'ai pas de patron! Tous les jours, quand je marche pour me rendre à la Soupière, je profite de ma promenade pour observer les oiseaux, regarder le ciel et les nuages, m'arrêter pour respirer l'air frais, jaser avec le brigadier au coin de la rue, saluer les enfants qui se rendent à l'école. Je rends grâce en même temps pour la chance que j'ai d'avoir suffisamment de sous pour ne pas être obligée de travailler et, surtout, d'avoir la santé pour me permettre de bénévoler à mon goût.

Pour le moment, la seule chose que je déplore, c'est le prix à payer pour jouir d'un tel luxe. Paraît qu'il faut avoir l'âge! Je l'ai, ça c'est sûr. Encore là, je ne peux pas vraiment me plaindre puisque j'ai commencé à en profiter beaucoup plus rapidement que d'autres. Il ne me reste donc qu'une seule chose à faire : vous lever ma tasse de tisane!!

dimanche 27 janvier 2013

Heureusement qu'y a le soleil!

Quoi de neuf? Pas grand-chose. Je deuille encore une fois. Après avoir vivement regretté le départ de la soeur Psy qui était venue passer quelques jours à la maison la semaine dernière, voilà que je viens de dire au revoir au Fils qui était arrivé vendredi soir.

Vous allez me dire que je retourne inlassablement dans mes vieux sillons, et vous aurez bien raison. Je ne le cache pas. C'est vraiment extrêmement difficile pour moi de vivre pleinement le moment présent. J'y travaille fort, je peux vous l'assurer. Les résultats ne sont toutefois pas à la hauteur de mes attentes. Pas encore. Ça ne veut pas dire que je n'y arriverai jamais. Je persiste à croire que je peux adoucir cette mélancolie et cette tristesse qui m'habitent souvent. Aujourd'hui, pire encore, j'avais plutôt l'impression d'être une "mer" desséchée. Un vieux pruneau, quoi! Alors, une fois de plus, j'ai enfilé mes chaussures de marche et je suis allée m'aérer l'esprit.

C'était une magnifique journée d'hiver. Et le soleil brillait dans un ciel bleu sans nuage. Comme les jours précédents, je devais quand même faire très attention aux trottoirs à cause de la glace mais je dois dire que les abrasifs étaient efficaces. N'empêche. Je déteste être obligée de me garder le nez au ras des pâquerettes. Cela m'empêche d'admirer le paysage. La dernière fois où j'ai ainsi joué à la curieuse, j'ai glissé et j'ai retrouvé mon orgueil épars autour de moi. Je m'en suis sortie indemne, heureusement.

Mais voici une première photo que j'ai prise au fond du cimetière. Oui, vous avez bien lu. Quand je file un mauvais coton, je vais souvent me réfugier parmi les morts, histoire de me rappeler que je suis vivante. Voyez comme j'ai eu raison :


Pendant que je contemplais la forêt, j'ai entendu de petits coups répétés que j'ai mis tout d'abord sur le compte d'un bricoleur du dimanche. Cela m'étonnait un peu tout de même étant donné le froid mais quand on a le marteau qui démange (là il me semble que ce bout de phrase pourrait être mal interprété), rien ne nous arrête. Je me suis donc approchée des arbres pour constater rapidement qu'il s'agissait plutôt de l'oeuvre d'un pic mineur. J'ai réussi à l'immortaliser mais saurez-vous le repérer?


Et puis, autre coup de foudre pour la tranquille beauté de la nature. Pas un souffle de vent, ou si peu. Pas un bruit, à part le toc toc de mon sympathique bricoleur ailé. À ce propos, je dois dire qu'il n'y allait pas de bec mort puisque les copeaux de bois virevoltaient autour de moi.


Je voulais absolument photographier un ange. J'ai cherché et j'en ai finalement trouvé un petit installé à côté d'une plante artificiellement verte :


Un dernier coup d'oeil sur ce paisible et absolument pas morbide endroit :


Un souvenir en terminant. J'ai eu un oncle prêtre des Missions-Étrangères que j'aimais vraiment beaucoup. Il est décédé un mois de janvier. Une fois son service funéraire terminé, parents, amis et confrères se sont retrouvés autour de sa tombe dans le cimetière de Pont-Viau. Et là, sous les flocons d'une neige qui tombait tout doucement comme pour nous consoler en nous enveloppant de son manteau blanc, ses confrères ont chanté a cappella. C'était simple, apaisant, ressuscitant. Je n'ai jamais oublié cette image. Pour moi, c'était un hymne à la vie qui continuait... mais autrement.

mardi 15 janvier 2013

Savoureux, n'est-il-pas?

Bon, je ne sais pas trop par où commencer ce message dans lequel je veux partager de nouveau avec vous mon quotidien de bénévole acharnée. Mon dilemme, en fait, c'est que je n'arrive pas à décider si je vous parle d'abord du beau ou du laid côté de l'arc-en-ciel.

Allez, trève de tergiversations. Je me lance avec, disons pour rester politiquement correcte, le bizarre côté des choses. Certains se souviendront sûrement que j'ai déjà parlé dans ce blog des denrées parfois invraisemblables que nous recevons de l'organisme chargé d'approvisionner notre service de dépannage toutes les deux semaines. C'était justement jour de réception de la commande ce matin. Quelle surprise (qui n'en n'est plus vraiment une, dois-je avouer) de constater encore une fois que nous ne disposerons d'aucun fruit ou légume frais jusqu'à la la prochaine livraison! Il est vrai, par ailleurs, que nous pourrons remplacer ces aliments pas vraiment nécessaires à une bonne alimentation par des frites congelées. Et pas n'importe lesquelles. Non. Des frites santé faites avec des patates douces. Un instant que je consulte le Guide alimentaire canadien. Il doit bien y avoir dans cette bible du choix judicieux un endroit où l'on explique qu'un plat de frites de patates douces peut remplacer avantageusement une portion de brocoli. Rapidement comme ça, je ne trouve pas le tableau d'équivalences, mais ce n'est pas parce que je ne le trouve pas qu'il n'est pas là quelque part dans la tête d'individus bien-pensants satisfaits de la façon dont ils nourrissent les démunis. Comme si l'ironie n'était pas suffisante, les frites sont emballées dans des sacs beaucoup trop gros pour que nous puissions les offrir à des gens seuls ou même à des familles de deux ou trois personnes.

Laissons-là ce groupe alimentaire négligeable et passons plutôt à des choses plus sérieuses : j'ai nommé la protection de nos enfants contre les vilains rayons du soleil. Nous ne serons assurément pas pris au dépourvu lorsque reviendra le temps chaud puisque nous sommes déjà équipés de plusieurs caisses de crème solaire pour les tout-petits. Et le produit n'est pas expiré pour une fois. Je vous le concède, la crème solaire ne figure pas non plus dans le Guide alimentaire. N'empêche qu'il est toujours essentiel d'avoir une belle peau!

Une dernière anecdote pour en terminer avec l'incongruité qui meuble dorénavant mon quotidien. Sur la table des choses hétéroclites que j'offre chaque semaine à nos bénéficiaires, j'ai trouvé aujourd'hui une boîte de gaufrettes produites par nos cousins français qui recommandent de les savourer en dégustant un délicieux verre de champagne! Rien de moins. J'espère seulement que la personne qui les a prises dispose du nectar approprié dans son cellier.

Décourageant, vous trouvez? Savoureux plutôt. Oui, savoureux de déconcertante naïveté et d'incroyable ignorance.

Et le beau côté promis? Vendredi dernier, à la fin de la journée, un jeune homme est venu livrer une vingtaine de boîtes remplies de denrées non périssables...utiles et utilisables. Comme je lui demandais la raison pour laquelle il avait choisi notre organisme pour exercer sa générosité, il m'a répondu qu'enfant, il venait avec son école y faire du bénévolat pendant les fêtes. Depuis, il vient tous les ans garnir la banque alimentaire. Et, ce matin, mon coiffeur au grand coeur m'a remis tout près de 40 $ pour notre programme Bébé au sec. Ce montant, ajouté à celui que nous avions déjà mis de côté, permettra à la responsable d'acheter des couches dans les grandeurs que nous avons rarement et qui sont évidemment les plus en demande.

Savoureuse peut être la vie quand la lampe reste allumée.

mercredi 9 janvier 2013

Du trou noir à l'apothéose en une seconde et quart

Vous connaissez les montagnes russes? Les rares fois où je suis grimpée dans ce manège, j'ai toujours détesté cette sensation de sentir mon coeur vouloir me sortir par la bouche dans les descentes vertigineuses qui suivent invariablement les lentes ascensions vers les sommets des rails. Je peux vous affirmer que, sur le plan émotif, il n'est guère plus agréable de se sentir triste au point de vouloir tout abandonner pour ensuite être transportée de joie et se retrouver prête à déplacer des montagnes.

Pourtant c'est ce que je vis toutes les semaines en m'occupant du dépannage alimentaire. Aujourd'hui, c'était particulièrement difficile. J'ai senti le contrecoup du temps des fêtes me rentrer dedans à plein. Nous, qui avons eu la chance de vivre de beaux moments entourés de nos familles et de nos amis, oublions trop facilement que d'autres n'ont pas vécu la même chose. J'ai dû rapidement mettre de côté les images de mes rencontres animées et sympathiques pour entrer de plain-pied dans la réalité.

Il y a d'abord eu cet homme qui, pour expliquer la raison pour laquelle il avait besoin d'aide, m'a tout simplement avoué très franchement qu'il avait recommencé à consommer de l'alcool à Noël parce qu'il ne pouvait pas accepter de se retrouver seul sans ses enfants. Et pourtant, me disait-il, il n'avait pas touché à la boisson depuis des mois. Mais là, la pression des réjouissances qui s'en venaient est venue à bout de sa résistance. Je ne peux qu'imaginer à quel point cela doit être douloureux de supporter tout le tralala qui entoure cette période festive quand on sait qu'on va devoir passer à travers ces journées-là tout seul dans son coin. Hélas! D'autres m'ont aussi fait part de leur désarroi de n'avoir pas été visité et de ne même pas avoir pu se payer une bonne bouffe pour l'occasion.

Et, quand je croyais avoir atteint le fond du baril avec un nombre impressionnant de demandes de dépannage qui nécessitera que je prépare une trentaine de sacs demain, voilà que je me fais accoster dans la salle à manger par un monsieur que j'ai dépanné l'année dernière. Son histoire m'a bouleversée. Je vous la résume. Le propriétaire de l'appartement où il habitait a vendu la propriété sans le lui dire lui laissant simplement deux semaines pour se trouver un autre logement. Passé ce délai, il n'avait toujours rien trouvé. Pas de problème pour le propriétaire qui a jeté toutes ses affaires à la rue. C'est ce qu'il a constaté en revenant de son travail ce soir-là. Évidemment, la presque totalité de ses biens avaient été volés lorsqu'il est arrivé. "Il me restait deux verres, quatre assiettes, aucun vêtement pour moi et mes deux enfants. J'ai dû renvoyer les enfants à leur mère, je suis demeuré chez des amis et j'ai même couché dehors avant de me dénicher un autre appartement. Cela m'a pris deux mois. Je suis tellement découragé. Je ne travaille pas en ce moment. Ce n'est pas moi ça," a-t-il continué en pleurant à chaudes larmes et en se pointant du doigt. "J'ai honte. Je suis sale. Je n'ai rien à me mettre sur le dos. L'autre jour, j'avais 12 $ et je suis allé à l'Armée du Salut avec les enfants. J'ai pu acheter pas mal de vêtements pour eux. Mais rien pour moi. Alors je porte toujours le même chandail. J'avais de belles chemises, des pantalons propres, mais on m'a tout pris." Il pleurait tellement que je l'ai amené avec moi dans le bureau pour lui permettre de se ressaisir. Je n'ai aucune formation pour faire face à ce genre de situation. J'avais moi-même toute la misère du monde à ne pas pleurer avec lui. Je l'ai simplement serré dans mes bras. Comme il me parlait avec fierté de ses enfants et de leurs grandes qualités de coeur, j'ai saisi l'occasion pour lui rappeler que sa débrouillardise, sa ténacité et son courage étaient des exemples pour eux et qu'il était responsable en grande partie de leur réussite. Il semblait aller un peu mieux quand il est parti.

Je suis retournée dans la banque alimentaire pour commencer à préparer mes sacs pour demain. Je commençais à avoir ma journée dans le corps et dans l'âme! Soudain, qui vois-je entrer? Deux anges. En fait, il s'agissait plutôt d'un frère et d'une soeur qui avaient reçu de leurs parents à Noël une carte-cadeau d'épicerie qu'ils devaient dépenser pour venir en aide aux démunis. Ils apportaient de la viande. Denrée très rare dans mon environnement de bénévole attitrée au dépannage. Je leur ai fait visiter les lieux et expliqué notre mission. Ils étaient très intéressés, suffisamment en tout cas pour me dire qu'ils allaient garder contact et nous rappeler pour s'enquérir de nos besoins. Tout d'un coup, je me retrouvais au sommet des rails. J'ai senti mon coeur faiblir.

"Les prestations d'aide sociale ont beau avoir été haussées de 2,48 % pour 2013, la situation des plus démunis ne cesse de se détériorer, estime le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Cette indexation est bien inférieure à l'augmentation des prix des produits et services de base pour 2013, signale l'organisme."

"On reçoit des appels de gens qui n'ont plus accès aux banques alimentaires parce que celles-ci ne fournissent pas. Certains nous disent que ça fait plusieurs jours qu'ils jeûnent.(...)"


Le Devoir, le mercredi 9 janvier 2013

mardi 8 janvier 2013

Monsieur Bricole

Je récidive en-dedans de 24 heures. Zola, sors de ce corps!

Autant vous l'avouer tout de suite, c'est la faute de la Nièce littéraire si je remets ça ce soir. Dans un commentaire fort pertinent formulé à la suite de mes divagations d'hier, elle me rappelle que j'avais promis des images dans un message précédent où je mentionnais notamment les talents de bricoleur de l'Homme. Il y était question en fait de la crèche de Noël et de l'abri nucléaire pour les chats, deux créations exclusives de l'Homme.

Pendant les fêtes, j'ai mis sur Facebook une photo du village où trône la crèche, mais je vous en offre une autre qui est, selon moi, mieux réussie :


La construction de cette rustique habitation remonte à plus de trente ans, donc aux débuts de notre mariage. Nous n'avions évidemment pas encore de décorations de saison et nous cherchions un moyen de nous joindre aux festivités sans qu'il nous en coûte un sou autant que possible étant donné notre manque de liquidités. C'est sans doute là que j'ai entendu pour la première fois cette étonnante phrase que l'Homme m'a ensuite répétée ad nauseam au cours des années : "Une crèche? Je peux t'en faire une en bois." Car pour l'Homme, tout, mais alors tout, peut être fabriqué en bois. Parlez-en à la Fille qui s'est retrouvée un jour pour l'un de ses projets avec un instrument de musique fort inusité baptisé le harpiphone, ou encore au Fils qui a travaillé toute une nuit avec son père, là encore dans le cadre d'une activité scolaire, afin que des engrenages s'imbriquent les uns dans les autres. Laissez-moi vous dire que des engrenages en bois, c'est pas facile à mater! Du moins, c'est la conclusion à laquelle j'en suis arrivée en contemplant les mines épuisées des bricoleurs en herbe le lendemain matin.

Par contre, la crèche, je le concède, c'est en soi plus logique qu'elle soit bâtie en bois. Je n'ai donc pas tiqué quand l'Homme a décidé un beau matin de partir dans les champs avoisinants pour ramasser des branches avec lesquelles il a ensuite fabriqué le chalet divin. Le résultat m'a un peu surprise à cause des dimensions finales de l'oeuvre. J'avais rêvé d'une habitation disons, plus modeste. Faut dire que je ne savais pas encore à cette époque que l'Homme, quand il sort ses outils, il ne connaît plus ses limites. Inutile donc de vous dire que mon village n'est pas construit à l'échelle. En fait, aucune proportion n'est respectée. Mais ça ne me dérange pas puisque ça le rend unique.

Passons maintenant à la plus récente création de l'Homme, soit un abri où les bébés chats d'Irma pourraient se réfugier pendant l'hiver. Encore une fois, il n'était pas question pour moi de penser à acheter quoi que ce soit qui aurait pu répondre à ce besoin. Absolument et totalement non, car l'Homme avait encore une fois décrété qu'il allait sortir marteau et scie pour en construire un, je vous le donne en mille, en bois! Il a profité d'une visite rendue à ma soeur pour entreprendre son projet. C'est qu'il aime mieux travailler quand je ne suis pas là pour lui mettre de la pression comme il dit. Il m'a donc accompagnée à l'autobus en me vantant les mérites du futur refuge : "Tu vas voir comme ça va être chaud. Aucune goutte de pluie, aucun flocon de neige ne pourra s'infiltrer dans l'abri. Tes chats vont être au paradis."

Quand j'appelais le soir pour prendre de ses nouvelles, il m'informait de l'avancement des travaux : "J'ai utilisé des panneaux isolants pour les murs et le plancher. J'ai mis du bois par-dessus. J'ai décidé finalement de tout recouvrir avec des restes de bardeaux. Ça va être imperméable au boutte!" Bien sûr, il a été un peu contrarié quand je lui ai demandé de prévoir deux sorties. C'est qu'il avait déjà eu tout le mal du monde à percer un trou dans ses murs à triple épaisseur! "Pourquoi deux?", me lança-t-il, exaspéré et visiblement tanné de bricoler. "Parce que, selon les recherches que j'ai effectuées, les chats ne se sentiront pas en sécurité s'ils ne peuvent pas prendre la poudre d'escampette dans le cas où un intrus indésirable venait à cogner à leur porte," que je lui ai répondu le plus calmement que je le pouvais. J'ai même osé ajouter (j'aime vivre dangereusement) : "Et n'oublie pas de ne pas faire le trou trop près du sol si tu ne veux pas que la neige entre. Par contre, ne le prévois pas trop haut si tu veux que les chats puissent circuler aisément. Ah! oui, il faut aussi que tu installes quelque chose pour couvrir les deux ouvertures. Pense à quelque chose de souple pour que les chats puissent entrer et sortir sans problème." Là, sa vraie nature d'amant des bêtes est revenue à la surface : "Les maudits chats, c'est donc bien compliqué! Ils devront se contenter de ce que je vais leur offrir et s'ils ne sont pas satisfaits ces messieursdames, ils n'auront qu'à geler dehors."

Il a tout de même terminé l'abri nucléaire. J'ai été de nouveau étonnée des dimensions finales. J'avais rêvé d'une maison disons, plus carrée. Je dois cependant admettre qu'elle est effectivement très étanche. Encore une fois, une image vaut mille mots :


Je sais. C'est, comment dire, surprenant, pas trop élégant, mais je peux vous assurer que, jusqu'à maintenant, les croquettes sont restées au sec et les félins aussi.

lundi 7 janvier 2013

Et c'est reparti!

Eh! oui, nous voilà embarqués dans une autre année! Avez-vous vraiment vécu la dernière? Je vous le souhaite ardemment car, de mon côté, je n'ai rien vu, ou si peu. Faut dire qu'à mon âge, le temps file à une vitesse vertigineuse. C'est sans doute la raison pour laquelle je digère si mal la période des fêtes. Me semble qu'après avoir brièvement triomphé de deux ou trois tempêtes de neige, planté quelque dizaines de fleurs, ramassé je ne sais combien de sacs de feuilles mortes, voilà que je me retrouve encore une fois en train d'installer mon petit village, de cuisiner des beignes et, surtout, de me remémorer tous les Noëls passés. Et là, immanquablement, la nostalgie s'empare de moi. Ce n'est pas beau la nostalgie. Et ce n'est pas sain. J'ai déjà pensé que vouloir revivre dans ma tête les bons moments vécus en famille, ça mettait du baume à l'âme. Absolument pas. Ça me rend seulement infiniment triste, particulièrement après avoir eu la chance de fêter entourée de l'Homme, du Fils et de la Fille, de ma famille et de mes amis. Vous ne comprenez pas mon désarroi? C'est que la maison est grande et silencieuse après qu'ont résonné les rires des retrouvailles. Pour moi, une maison c'est fait pour être remplie, et là, elle est uniquement remplie de souvenirs. Ça parle pas fort un souvenir. Ça ne bouge pas trop non plus. Et ça vous reste en travers de la gorge quand il a été agréable.

Alors, fallait que je me secoue. Ça m'a pris trois jours. Peut-être même un peu plus puisque je ne suis pas capable de vous en parler sans verser encore quelques larmes. Enfin, bref, pour me sortir de ma léthargie - provoquée également par le fait que je m'étais littéralement transformée en patate télévisuelle à cause que le Fils nous avait montré comment personnaliser le choix de nos chaînes pendant sa visite de saison - j'ai décidé de reprendre en main mes trottoirs. La première journée, il faisait beau soleil. Une parfaite journée d'hiver, une journée où on pourrait rester dehors pendant des heures tellement l'air est vivifiant, la lumière, resplendissante et le soleil, chaleureux. Seule ombre au tableau : j'étrennais de nouvelles orthèses. Maudit que ça fait matante de dire ça! N'empêche que j'ai dû effectuer mon parcours avec des douleurs assez prononcées dans les hanches et la jambe droite. Là, j'étais prête à creuser moi-même mon trou dans le cimetière où je suis arrêtée pour me prouver que j'étais toujours en vie et non pas en état de décrépitude avancée. Qu'importe. Je suis quand même revenue à la maison dans de meilleures dispositions. La brume commençait à se lever.

Ma deuxième sortie s'est passée sous un paysage féérique. De gros flocons blancs tombaient doucement sur le sol. Le silence m'a complètement enveloppée. Je me suis arrêtée plusieurs fois juste pour l'écouter. C'était savoureux. Et j'avais aussi moins mal aux pieds. Aujourd'hui, le soleil était de nouveau de la partie. La température était plus froide mais elle ne faisait que revigorer davantage la marcheuse en quête de sens. Pour tout vous dire, c'est en côtoyant encore la mort que j'ai réussi à raccrocher. Ce n'était pas au cimetière cette fois mais plutôt dans une église où l'on célébrait des funérailles, celles d'une maman de dix enfants. Une phrase m'est restée : "On cherche toute sa vie un sens à son passage ici-bas jusqu'à ce que l'on comprenne que tout se résume à l'amour. Quand on part, on emporte rien. Seul reste l'amour qu'on a donné."

Comme ça tombe bien. Je recommence justement demain à bénévoler. Je laisse derrière moi la maison et les souvenirs, la nostalgie de mes enfants devenus grands. Et je pars vers les autres pour leur donner tout l'amour que j'ai encore à offrir.