dimanche 11 mars 2018

Juste des arbres

Ben oui, je ne sais pas ce qui m'a pris quand je suis allée arpenter mes trottoirs chéris hier. J'avais apporté ma caméra pensant capter au vol l'arrivée du printemps. Car je le sens. Je sais qu'il est là tout près et je veux être en mesure de saisir les signes de sa venue. Mais voyez donc ci-dessous les photos de mon expédition :



Vous avez bien vu. Juste des arbres. Et qui, pour l'oeil non exercé, ont l'air mort en plus. Pourtant, si on s'y arrête le moindrement, on sait fort bien que ce n'est pas le cas et que chacune de ces branches cache les bourgeons de la vie à venir. Bientôt, ils n'auront plus l'air mort du tout ces arbres. Ils vont verdir et leur feuillage pourra de nouveau abriter oiseaux et autres bibittes sympathiques. Pour le moment, cependant, il faut encore faire acte de foi et croire sans voir. Mais je vais revenir à l'apparence habilement trompeuse des arbres.

Pour le moment je vous propose, si vous trouvez trop subtils les changements visuels de saison, de solliciter vos autres sens. Ainsi, vous pouvez sans problème déjà noter son odeur dans l'air. Vous savez ce subtil mélange de feuilles mortes, de boue et d'eau putride que vous associez à tort à un débordement d'égout, c'est ça l'odeur du printemps. Si la putréfaction vous excite, n'hésitez surtout pas à vous procurer une fiole du parfum en question en demandant à votre conseiller olfactif favori Décomposition avancée après des mois de froid et de neige. Je sais, c'est difficile à retenir. Vous pouvez donc, si vous préférez, simplement exiger le DAADMDFEDN (on dirait le code d'un de ces horribles pesticides). Ça se retient sans effort, non? Alors va pour le nez. L'odeur de l'humus est présente.

Passons maintenant à l'ouie. Effectivement, au cas où vous ne seriez pas assez en contact avec le moment présent, je vous informe que la saison du renouveau s'annonce également avec des bruits aquatiques. Tendez donc l'oreille la prochaine fois que vous mettrez les pieds dehors. Oui c'est possible d'écouter et de marcher. Faut juste s'arrêter des fois pour prendre le temps de soupirer de satisfaction en écoutant l'eau de la fonte des neiges s'écouler dans les caniveaux ou les gouttières. C'est jouissant. L'autre jour, je me suis même souvenue que jeune élève au primaire, j'aimais faire des courses avec mes amis en utilisant justement l'eau qui coulait le long des rues sous les plaques de neige encore présentes. Nous choisissions qui, un morceau de bois, qui, un bâton de popsicle, et nous les jetions à l'eau. Notre plaisir consistait alors à suivre nos esquifs improvisés le plus longtemps possible dans leur parcours, parfois rapide, parfois lent à cause des obstacles rencontrés, jusqu'au terminus soit, le plus souvent, la bouche d'égout la plus proche. J'ai essayé de recréer ce jeu mais, je ne sais pas pour quelle raison, j'ai été incapable de vraiment faire avancer la branchette retenue pour l'occasion. Après réflexion, je crois que c'est parce que la nouvelle saison n'est pas assez entamée. Il faut un courant plus fort. Il faut plus de chaleur pour augmenter le niveau de l'eau.

Je me suis un peu creusée la tête pour le toucher et le goût. Dans ce dernier cas, notamment, je ne vous recommande pas de manger la vieille neige sale encore sur les parterres pour établir que nous avançons vers le printemps. Passe encore le coup de langue sur la neige immaculée du plein hiver mais là, c'est plutôt dégoûtant. Pour le toucher, je l'ai expérimenté moi-même, ce peut être amusant de passer vos doigts sur les stalactites qui se forment sous les bancs de neige en train de fondre. C'est une forme de glace rugueuse mais brune. Que voulez-vous? C'est le printemps après tout et il n'a pas encore fait son grand ménage.

Je me rends bien compte que je viens de faire tout un détour pour éviter de parler de mes fameux arbres. C'est qu'ils me touchent profondément. Ces spécialistes de l'enracinement me fascinent. Leur énergie m'émerveille, et ce, même lorsqu'ils sont en dormance. C'est bien là leur grand secret. Ils ne dorment jamais vraiment. Seulement en apparence. S'ils se dépouillent à l'automne, c'est pour mieux se reposer. Et pendant qu'ils affrontent bras nus les tempêtes de l'hiver, ils refont leur force pour renaître au printemps et vivre pleinement tout l'été.

C'est seulement l'automne dernier que j'ai compris la force de cette leçon. Avant, je détestais voir l'hiver arriver. Je ne voulais pas du froid qui glace, ni des bourrasques de vent. Puis, j'ai lu quelque part que c'était important cette période de repos qui était donnée à la nature... et à nous humains par la même occasion. Ça fait du bien de s'arrêter pour un temps, de se recentrer, de se tourner vers soi. C'est seulement comme ça qu'on peut avoir l'énergie nécessaire pour repartir. Pour une nouvelle saison.