mardi 24 juillet 2012

"On a le droit madame!"

7 h 30 ce matin. Je sors dans la cour pour nettoyer le filtre de la pompe de l'étang. Il fait beau. Il vente un peu. C'est beaucoup moins chaud que les deux derniers jours. Ça sent bon l'été.

En revenant du garage avec la nourriture des espiègles, j'entends des coups de marteau et des bruits de scie à chaîne. Je me rappelle que le voisin d'en arrière a vendu sa maison et que des ouvriers ont commencé hier à refaire la galerie. Les malheureux n'ont d'ailleurs pas pu travailler très longtemps à cause de l'orage et de la grêle. Normal donc qu'ils se remettent à l'oeuvre aujourd'hui.

Je continue tranquillement à vaquer à mes occupations de jardinière quand, tout d'un coup, ma bulle éclate. La radio joue à tue-tête et je dois maintenant composer avec des rythmes effrénés de disco en sus du tintamarre de la rénovation. Je sais, je sais. J'aime la musique métal. Je ne devrais pas m'offusquer de quelques décibels tonitruants. Et pourtant si. Il n'est pas encore 8 h. Je viens à peine de me lever. Je voudrais profiter de la beauté simple de cette journée sans avoir à me faire crier dans les oreilles. J'ose une première intervention : "Je m'excuse. Mais il est encore tôt. Pouvez-vous baisser un peu la musique?" Bien évidemment, pas de réponse. C'est sûr que les deux machos en bedaine ne m'entendent pas. Je prends une grande respiration et je fonce de nouveau : "Pardon, mais pourriez-vous baisser le son?" Finalement, un des gros bras se réveille et il dit à son copain : "Hé! j'entends comme une petite voix." C'est ma chance. Je ravale ma timidité féminine devant les hormones mâles et je réitère ma demande en prenant la peine cette fois de me présenter. Et la réponse ne tarde pas. Elle est directe et absolument conforme à la société dans laquelle nous vivons actuellement : "On a le droit madame de mettre de la musique!"

Eh! oui, tout le monde a des droits, personne n'a de responsabilités. Quel monde parfait! Et égoïste en plus! Je suis tellement écoeurée de cette attitude désinvolte et irrespectueuse. J'en ai plus qu'assez de me battre contre des moulins à vents, de jouer à la Don Quichotte des temps modernes.

Je suis rentrée dans la maison. J'ai fermé les fenêtre d'en arrière. Et j'ai gardé dans ma tête la maudite réplique de ces hommes des cavernes pendant une trop grande partie de l'avant-midi : "On a le droit madame!" Non, mais, quand est-ce que ça va être mon tour d'avoir le droit de quelque chose?

C'est là qu'une image s'est rappelée à mon souvenir. Celle de toutes les pelouses jaunes que j'ai croisées en marchant dimanche matin. Un spectacle désolant, presque lunaire. Les seules taches vertes qui se découpent dorénavant sur les gazons morts proviennent, je vous le donne en mille, des mauvaises herbes. Oui, elles, elles ne semblent pas souffrir outre-mesure du manque chronique d'eau qui nous afflige depuis plusieurs semaines. C'est plutôt le triomphe dans leur cas. Elles s'étalent de tout leur long. Elles s'étirent à l'infini pour envahir le territoire habituellement défendu. De là à en tirer une leçon de vie, il n'y a qu'un pas que je franchis allégrement.

Plus t'es dur et impitoyable, plus t'as de chance de survie! Je ne donne pas cher de ma peau...

jeudi 19 juillet 2012

La vie, la mort, et quoi encore?

Je ne vais écrire que des lieux communs, je le sens, mais ça fait un bout que je n'ai pas touché du clavier et je m'ennuie. De toute façon, j'ai quand même une nouvelle à vous apprendre : ma chère Irma a accouché de nouveau.

Eh! oui, je l'avais un peu perdue de vue depuis les deux derniers jours. Résultat : mon inquiétude avait monté d'un cran car, lors de ses dernières visites, Irma avait démontré des signes évidents de fatigue. Il faut dire que se promener avec un gros ventre ballottant pendant la canicule n'est pas du plus grand confort. La plupart du temps, la pauvre essayait de se trouver une place à l'ombre pour s'étendre de tout son long, la bedaine bien en évidence. Disons que les endroits frais se faisaient rares. En tout cas, l'Homme m'avait informée qu'il l'avait nourrie hier matin. Aujourd'hui, cependant, pas de signe de la parturiente.

Comme je me préparais à rentrer le bol de nourriture avant de monter me coucher, qui est-ce que je vois en train de se sustenter? Irma, taille de guêpe! Plus de bedon rond, plus de bosses latérales. Juste une petite chatte mignonne et affamée. Elle a englouti deux boîtes de pâté dans le temps de dire "miaou". Elle semblait quand même en forme, avec le poil luisant et la truffe humide. J'imagine que tout s'est bien passé. Pour le moment, je ne sais pas si les rejetons ont survécu quoique mon instinct félin me dit qu'elle en a réchappé au moins un si je me fie à son comportement après son repas pris à la sauvette. Même si elle semblait contente que je la caresse, je sentais qu'elle n'avait pas de temps à perdre. Elle a quitté assez rapidement le balcon et s'est dirigée le long du garage. Je parie qu'elle a mis bas au même endroit que la dernière fois. Faut maintenant que je patiente jusqu'à ce que les Mini-Irma soient présentables!

Alors, la vie est une roue qui tourne. C'est l'éternel recommencement. On naît, on meurt. Après trois mois d'attente, j'ai finalement reçu cette semaine le résultat de mon dernier écrasement de toton. L'épée de Damoclès ne s'est pas abattue sur ma tête. Mais j'ai deux amis qui combattent en ce moment. Je les admire tellement car le traitement type "remède de cheval" n'est justement pas si bien adapté que ça au système humain. Il détruit tout sur son passage, le bon comme le mauvais. Et puis, qu'est-ce qu'on fait quand on apprend qu'on doit partir en guerre pour sauver sa vie? Mes deux amis ont tout simplement choisi de vivre une journée à la fois et de profiter du moment présent. Comme nous devrions tous le faire d'ailleurs.

Le soleil couchant hier éclairait les arbres d'une lumière tamisée qui recréait presque les couleurs de l'automne sur les feuilles. C'était beau à admirer. Et j'ai vu un couple de chardonnerets venir s'abreuver dans le bain d'oiseaux en fin de journée. Ils étaient tout près de moi. J'aurais voulu les toucher. Comme lorsque j'ai écarté une feuille de nénuphar pendant que je nettoyais le filtre de la pompe et que j'ai surpris un membre de la gang des G qui me fixait bien tranquillement. Je me suis arrêtée et j'ai savouré.

mercredi 11 juillet 2012

Pour faire court

En attendant ça :
"La vieillesse n'est vraie que si nous sommes totalement embrasés par la défection du squelette."

Et pour éviter ça :
"Allora, l'ennui l'a prise. Ce maudit ennui des maisons closes sur elles-mêmes et leurs occupants. Ce baptême d'ennui morbide qui vous arrache le coeur et ne vous le rend pas. Cet horrible ennui qui vous donne le désabusement et le sens de l'inutilité. Quand la vie vous offre ce cadeau empoisonné, il ne faut jamais l'ouvrir." (paroles sans complaisance de Denise Boucher dans Au beau milieu, la fin)

C'est donc dans l'attente de la déchéance et dans le souci de l'évitement du maudit ennui que je bénévole aussi activement. Et, ce soir, pour ajouter un peu de piment à ma journée et me prouver que je suis encore capable de me retourner sur un dix cents, je suis repartie de la maison quelques minutes seulement après y être entrée afin d'aller retrouver l'Ami pour entendre un concert de Violon Heavy Metal. Accompagné par Rachel Barton Pine au violon, le groupe Earthen Grave nous a offert une performance fort intéressante dans une église heureusement désacralisée.

Je dis heureusement car j'avoue qu'entendre du métal dans une église ayant perdu sa vocation première mais pas ses statues ni ses crucifix revêtait un caractère assez spécial. Écouter les musiciens, tout de noir vêtus comme de bien entendu, hurler leurs notes vibrantes sous le regard d'angelots grassouillets et d'un Christ toujours en croix tenait pratiquement du sacrilège. En même temps, le spectacle ne manquait pas d'atmosphère. Et puis je suis certaine que le Christ, s'il revenait aujourd'hui, n'hésiterait pas à adopter le métal pour diffuser son message de paix et d'amour.

Long Live Metal Music!

mardi 10 juillet 2012

À part ça, chez-vous sont bien?

D'abord il y a Irma, ma chatte errante, qui vient me voir maintenant deux fois par jour pour quêter sa pitance. Nous sommes redevenues amies. Je peux la caresser comme je veux mais je ne peux pas la prendre sur moi. Dès que ses pattes quittent le sol, les griffes sortent. J'en porte d'ailleurs les marques.

Il y a quelques jours, j'ai poussé l'audace jusqu'à lui fabriquer un petit lit, pas aussi beau que le trône de la Reine-Marguerite, mais certainement plus confortable que le ciment de la galerie. Pour la convaincre d'essayer cet objet de luxe pour elle, j'ai usé de ruse en y laissant traîner le jouet que son bébé aimait tant. Elle s'est contentée pendant un moment de s'y frotter frénétiquement et de le saisir entre ses pattes, puis elle a finalement décidé de se coucher sur la couverture. Je l'ai surprise ainsi ce soir en train de profiter d'un repos bien mérité.

Pourquoi je me casse autant la tête? C'est que ma chère Irma est de nouveau enceinte. Eh! oui, cela explique sans doute la raison pour laquelle elle accélérait le processus conduisant à l'autonomie de Mini-Mignon. Elle savait qu'elle n'avait plus beaucoup de temps avant de se retrouver avec d'autres bouches à nourrir. Je suis vraiment déterminée à mettre fin à ce cycle qui n'en n'a pas. Je me retrouve cependant avec une situation pas facile à gérer car qui est prêt à accueillir une Irma avec la bedaine pleine? À part moi, bien sûr, au grand dam de l'Homme qui menace de quitter la maison si je n'arrête pas de nourrir et de chérir tout ce qui se présente à moi avec un air piteux!

Il y a aussi D. que j'ai rencontré pour une deuxième fois sur le pont Alexandra en allant retrouver la Fille hier après mon cours de yoga. Il quête assis sur le pont avec l'ombre seule du parapet pour se protéger du soleil. Ce doit être étouffant. En tout cas, je lui ai fait un brin de causette et j'en ai appris un peu plus sur sa triste situation. À un moment donné, il n'a pas pu s'empêcher de verser quelques larmes en me racontant ses malheurs. Il m'a demandé de l'excuser car il se sent dépressif. On le serait à moins. J'ai tenté de l'encourager en lui disant de ne pas lâcher. Il m'a remerciée et m'a tendu la main. Je l'ai serrée en essayant de ne pas devenir trop émue à mon tour. J'ai poursuivi ma route en me disant que mon bénévolat au dépannage de la paroisse et à la Soupière m'avait apporté quelque chose de vraiment bon, soit la capacité d'aller plus facilement vers les gens démunis. Avant, je ne dirais pas que j'avais peur mais plutôt que j'étais mal à l'aise. Je ne savais jamais quelle attitude adopter. Je ne sais pas encore toujours quoi faire ou quoi dire mais je me sens plus proche d'eux.

Justement, il y a aussi tous les autres que je côtoie depuis le mois d'octobre. Tant à la paroisse qu'à la Soupière, je travaille fort pour faire une différence, pour changer les choses, pour améliorer la situation de ces personnes malheureusement invisibles pour nos gouvernements et la société en général. J'ai souvent l'impression d'aller à contre-courant, de me buter sans cesse à des murs. À cause de ça, je deviens parfois épuisée. Et je voudrais alors tout lâcher. Les besoins sont véritablement immenses et les ressources tellement limitées.

Pour une énième fois depuis que j'ai décidé de prendre le sort du monde sur mes épaules pour mieux le sauver, je faisais part de mes interrogations ce soir à l'Homme pendant le souper. À mes lamentations de défenseure de la veuve, de l'orphelin, de l'affamé et du félin, il n'a pu que répondre : "Si cela te touche autant, tu devrais tout arrêter!"

Ouais. C'était dur à entendre. D'un autre côté, cela m'a donné un choc salutaire. Spontanément, je n'ai pas pu m'empêcher de rétorquer : "C'est quand la misère ne me touchera plus que je vais arrêter!"

Où est mon bâton de pèlerin que je reprenne la route?

jeudi 5 juillet 2012

Des fois, faut plus que des mots

Depuis le temps que je vous parle de mes travaux de jardinage, je vous livre enfin des images de l'étang, version été 2012. Cette photo a malheureusement été prise avant que je puisse jouir de l'éclosion de ma première fleur de nénuphar, mais elle donne quand même une bonne idée de l'état des lieux. Me semble qu'on peut en ressentir la zénitude juste en la contemplant :


Comme je vous le mentionnais à l'instant, j'ai maintenant une magnifique fleur rose au travers de mes feuilles de nénuphars et, tenez-vous bien, j'ai repéré un autre bouton. C'est l'abondance. Merci Dame Nature et Monsieur Soleil!

Passons à la prochaine image qui vous permet cette fois d'admirer un membre de la famille des G :


Vous ai-je dit que mes batraciens s'aventurent maintenant dans la pelouse? C'est surtout vers la fin de la journée qu'ils entreprennent leur incursion sur la terre ferme. Je crois qu'ils sont à la poursuite d'insectes. En tout cas, c'est bien pratique d'avoir trois ou quatre grenouilles autour de soi lorsqu'on est assis dehors à la brunante. Tout d'un coup, les maringouins prennent la poudre d'escampette.

Et je continue le tour du propriétaire en vous présentant une vision plus générale de l'entrée de la cour. Notez en face de l'étang la petite plage aménagée grâce aux bons soins de l'Homme. C'est là que je m'installe tous les matins pour admirer les espiègles qui se pourchassent à qui mieux mieux :


Voici toujours la plage vue de plus près :


Enfin, je ne peux terminer ce bref tour d'horizon de mon havre de paix sans que vous ne puissiez dire un petit bonjour aux seigneurs de la place. Je parle bien sûr de mes adorables espiègles :


Je vous le concède, l'eau pourrait être plus claire. J'ai toujours des problèmes avec les algues. J'ai consulté en fin de semaine à ce sujet. On m'a proposé d'acheter une espèce de poisson carnassier mangeur de plantes, un monstre absolument laid et dégueulasse qui pouvait même, sans préavis aucun, décider d'engouffrer une grenouille pour déjeuner. J'ai dit "Halte-là! C'est ici que la folie de l'eau pure s'arrête." Après tout, si je peux endurer les moutons de poussière rouler sur mon plancher, je peux certainement m'accommoder de quelques algues vertes accrochées négligemment sur les parois de mon bassin. À trop vouloir chercher la perfection, ne risque-t-on pas de passer à côté de la vraie beauté?

dimanche 1 juillet 2012

La cour est ouverte!

Enfin! J'ai terminé d'étendre mes derniers sacs de paillis aujourd'hui et je suis toujours debout. Bravo pour moi! Il me reste maintenant le plaisir intense de profiter pleinement de ma cour fleurie. Bon, c'est sûr, j'ai encore du travail devant moi puisqu'il me faut dorénavant entretenir tout ça. J'ai à cet égard déjà remarqué que certaines plantes constituaient le repas principal d'insectes encore à identifier. Je crois que ce sont des araignées mais je n'en suis pas certaine. Va falloir que je sorte ma loupe et mes yeux de jardinière avertie, ainsi que ma trousse écologique et pas très efficace d'exterminatrice. Je dois avouer que je ne suis pas douée dans cet aspect des travaux de la terre. Les bêtes dévoreuses gagnent pratiquement à tous les coups. Je sais que je devrais m'attaquer plus sérieusement à la question surtout en raison des efforts démesurés investis dans mon aménagement paysager. Cependant, comme je persiste à demeurer verte envers et contre toute bibitte, je n'obtiens pas de résultats probants dans ma lutte qui tient davantage de l'arrosage vivifiant de produits pratiquement inoffensifs plutôt que de l'orage violent accompagné de rafales de gaz mortels.

Mais passons à un autre appel si vous le voulez bien. Imaginez-vous que je vais peut-être assister à une première dans mon bassin cet été. Oui, oui, j'ai repéré pas un, mais deux boutons de fleurs dans mes nénuphars! Je ne tiens plus en place. Je les examine plusieurs fois par jour bien qu'il m'arrive d'avoir quelque peu de difficulté à scruter leurs poussées de croissance lorsqu'un membre du groupe des G décide de relaxer dans le pot. Pour le moment, je constate que la présence intermittente de batraciens dans l'habitat des nénuphars ne semble pas affecter leur bien-être. À toute chose, malheur est bon. Je crois que c'est la disparition du bras de mon géant qui me permet de vivre cette nouvelle expérience horticole. C'est que mon bassin profite dorénavant d'un plus grand nombre d'heures d'ensoleillement. Voici ce qui explique cela.

Allez, mes travaux m'ont tombé dans le dos. Je ne veux pas me coucher trop tard même si c'est la fête du côté du ROC (Rest of Canada). Je vous laisse donc en vous signalant que j'ai aperçu un raton tout à l'heure pendant que je sirotais mon café sur le balcon d'en avant. J'ai voulu le saluer en lui adressant un bonjour amical. Je n'ai réussi qu'à lui faire rebrousser chemin dans l'arbre de la voisine. J'avais presque envie de ressortir les bols de nourriture mais j'essaie de limiter mes instincts de gardienne de la faune ces temps-ci. Juste au cas où l'envie de jouer au Petit Prince me reprendrait encore.