mardi 10 juillet 2012

À part ça, chez-vous sont bien?

D'abord il y a Irma, ma chatte errante, qui vient me voir maintenant deux fois par jour pour quêter sa pitance. Nous sommes redevenues amies. Je peux la caresser comme je veux mais je ne peux pas la prendre sur moi. Dès que ses pattes quittent le sol, les griffes sortent. J'en porte d'ailleurs les marques.

Il y a quelques jours, j'ai poussé l'audace jusqu'à lui fabriquer un petit lit, pas aussi beau que le trône de la Reine-Marguerite, mais certainement plus confortable que le ciment de la galerie. Pour la convaincre d'essayer cet objet de luxe pour elle, j'ai usé de ruse en y laissant traîner le jouet que son bébé aimait tant. Elle s'est contentée pendant un moment de s'y frotter frénétiquement et de le saisir entre ses pattes, puis elle a finalement décidé de se coucher sur la couverture. Je l'ai surprise ainsi ce soir en train de profiter d'un repos bien mérité.

Pourquoi je me casse autant la tête? C'est que ma chère Irma est de nouveau enceinte. Eh! oui, cela explique sans doute la raison pour laquelle elle accélérait le processus conduisant à l'autonomie de Mini-Mignon. Elle savait qu'elle n'avait plus beaucoup de temps avant de se retrouver avec d'autres bouches à nourrir. Je suis vraiment déterminée à mettre fin à ce cycle qui n'en n'a pas. Je me retrouve cependant avec une situation pas facile à gérer car qui est prêt à accueillir une Irma avec la bedaine pleine? À part moi, bien sûr, au grand dam de l'Homme qui menace de quitter la maison si je n'arrête pas de nourrir et de chérir tout ce qui se présente à moi avec un air piteux!

Il y a aussi D. que j'ai rencontré pour une deuxième fois sur le pont Alexandra en allant retrouver la Fille hier après mon cours de yoga. Il quête assis sur le pont avec l'ombre seule du parapet pour se protéger du soleil. Ce doit être étouffant. En tout cas, je lui ai fait un brin de causette et j'en ai appris un peu plus sur sa triste situation. À un moment donné, il n'a pas pu s'empêcher de verser quelques larmes en me racontant ses malheurs. Il m'a demandé de l'excuser car il se sent dépressif. On le serait à moins. J'ai tenté de l'encourager en lui disant de ne pas lâcher. Il m'a remerciée et m'a tendu la main. Je l'ai serrée en essayant de ne pas devenir trop émue à mon tour. J'ai poursuivi ma route en me disant que mon bénévolat au dépannage de la paroisse et à la Soupière m'avait apporté quelque chose de vraiment bon, soit la capacité d'aller plus facilement vers les gens démunis. Avant, je ne dirais pas que j'avais peur mais plutôt que j'étais mal à l'aise. Je ne savais jamais quelle attitude adopter. Je ne sais pas encore toujours quoi faire ou quoi dire mais je me sens plus proche d'eux.

Justement, il y a aussi tous les autres que je côtoie depuis le mois d'octobre. Tant à la paroisse qu'à la Soupière, je travaille fort pour faire une différence, pour changer les choses, pour améliorer la situation de ces personnes malheureusement invisibles pour nos gouvernements et la société en général. J'ai souvent l'impression d'aller à contre-courant, de me buter sans cesse à des murs. À cause de ça, je deviens parfois épuisée. Et je voudrais alors tout lâcher. Les besoins sont véritablement immenses et les ressources tellement limitées.

Pour une énième fois depuis que j'ai décidé de prendre le sort du monde sur mes épaules pour mieux le sauver, je faisais part de mes interrogations ce soir à l'Homme pendant le souper. À mes lamentations de défenseure de la veuve, de l'orphelin, de l'affamé et du félin, il n'a pu que répondre : "Si cela te touche autant, tu devrais tout arrêter!"

Ouais. C'était dur à entendre. D'un autre côté, cela m'a donné un choc salutaire. Spontanément, je n'ai pas pu m'empêcher de rétorquer : "C'est quand la misère ne me touchera plus que je vais arrêter!"

Où est mon bâton de pèlerin que je reprenne la route?

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