dimanche 31 juillet 2011

Quand ma jeunesse fout le camp

Blog du soir

Je recommence ce paragraphe que je viens encore une fois de perdre. Eh! oui, je ne lâche pas et je suis avec Zola dehors, dans la cour. Parmi les fleurs. Je veux essayer de bloguer dans la nature. Je ne sais pas, toutefois, si ma patience va être suffisante pour dompter le foutu animal. Déjà, j'ai dû faire appel au Fils, qui se trouvait heureusement encore à la maison, pour arriver à me connecter sur la Toile. Ensuite, j'ai perdu mon texte. J'ai crié. J'ai fulminé. Et j'ai repris le clavier.

Vous savez, si je n'y arrive pas avant le départ pour la France, je fais mon entrée au centre d'accueil et je deviens vieille. Pas âgée, vieille. Ben oui, il y a une différence apparemment. Je l'ai apprise aujourd'hui en faisant le ménage de mes courriels et en lisant un des bulletins envoyés par mon association de retraités du "garnement". Une autre farce plate entendue ad nauseam. Alors, c'est ça, dans l'article on précisait que certains retraités entraient dans leur nouvelle vie pour devenir vieux, et d'autres âgés. Vous aurez sans doute compris que les vieux ce sont ceux qui figent et attendent la mort. Les autres font des projets, relèguent la nostalgie aux amateurs de chaises berçantes et continuent de vivre à plein. Évidemment que je veux faire partie du groupe cool et non pas des croûtons finis. Alors pour ça, va falloir que je m'efforce au moins de me tenir technologiquement à jour. Pour ce qui est des regrets et du temps qui passe trop vite, j'ai bien peur d'avoir tendance à sombrer dans le camp des sépulcres blanchis. Encore là, j'aurai du travail à faire. J'ai beau me faire dire régulièrement que je ne fais pas mon âge, ça ne m'empêche pas d'avoir quelquefois des fils d'araignée qui s'accrochent à mes oreilles. Finalement, ce n'est pas si facile que ça d'entrer dans le monde de la retraite. Je sais, je sais, je vois ça comme une montagne alors qu'il ne s'agit que d'une belle colline ronde. En tout cas, j'aime à penser qu'elle est ronde car je pourrai la gravir plus aisément.

Mais permettez-moi de laisser de côté le manger mou pour quelques instants afin de vous donner des nouvelles des espiègles. Depuis 5 h ce matin qu'ils s'envoient en l'air! Ils se poursuivent inlassablement, frôlent les bords du bassin, se frottent contre les roches. C'est presque gênant de les regarder. Pendant que je vous raconte tout ça, le dos tourné à leurs amours, je les entends frétiller à un point tel que je ne peux résister à l'envie de me lever pour aller encore une fois les espionner. C'est la suite de ce matin. Ils sont infatigables.

Et, autre nouvelle intéressante, la Fille aussi est en l'air puisqu'elle se trouve en ce moment dans un avion qui devrait la ramener au bercail à 7 h demain matin. C'est pas trop tôt! Espérons maintenant qu'elle va réussir à franchir les douanes sans encombre avec toujours un passeport valide entre les mains.

Je vous laisse en vous rappelant que le décompte officiel débute demain. Plus que 16 jours pour décider si je possède les ressources nécessaires pour n'être qu'âgée. Je viens encore d'entendre un plouf de plaisir des espiègles. C'est dans ce bassin sans aucun doute que se trouve la fontaine de Jouvence!

La technologie à bout d'âge

Blog du matin

Tel que vous me lisez, je fais un deuxième essai de mon ultraportable que j'ai finalement décidé de baptiser Zola. Me reste à souhaiter que je sois le plus souvent possible inspirée par cet écrivain que j'aime vraiment beaucoup. D'ailleurs, je viens justement de terminer la lecture d'une de ses nouvelles intitulée L'inondation qui m'a littéralement laissée à bout de souffle. Zola possède une force d'évocation peu commune et quand il décrit une situation, c'est comme si on y était. Je lisais donc ce récit au salon de coiffure pendant que la teinture frayait son chemin pour masquer le blanc qui est maintenant devenu ma couleur naturelle. Les séchoirs bourdonnaient, les conversations allaient bon train, mais moi je n'entendais plus rien. J'étais toute entière absorbée par le drame dont je déchiffrais l'ampleur à mesure que je tournais les pages. L'horreur ne cessait de grandir. J'étais dans la maison, avec cette famille réfugiée dans le grenier, guettant avec ses membres l'eau qui n'en finissait plus de monter. Je pouvais pratiquement sentir l'humidité suinter et voir les débris des fermes des alentours qui se fracassaient contre les murs pour tenter de les abattre. Quand, après une fuite effrénée sur les toits, tous sauf le grand-père meurent noyés emportés par les flots implacables, je suis moi-même écrasée dans ma chaise complètement abattue par la lutte désespérée menée par les personnages de Zola pour tenter d'échapper à leur triste sort. Après cela, la sonnerie de la minuterie annonçant l'heure du rinçage au lavabo m'a littéralement sauvée des eaux!

J'écris donc confortablement ce blog assise dans mon lit avec la Reine-Marguerite à mes pieds, étendue de tout son long comme un béluga échoué sur une plage. La soeur Psy et moi venons de suivre un cours rapido donné par le Fils sur la façon notamment d'ajouter des photos au blog. C'est important car je voudrais être en mesure d'afficher une ou deux photos par jour pour vous permettre de suivre nos pérégrinations dans les Zuropes. L'expert nous a également expliqué comment "skyper", ce à quoi personnellement je n'ai à peu près rien compris. Je me rappelle vaguement qu'il faut acheter des crédits, choisir le pays où on veut appeler, avoir un compte, bref j'ai encore une fois été submergée par la technologie. En vieillissant, il m'arrive de plus en plus fréquemment de penser que je m'achemine inexorablement vers le jour où ma mémoire vive ne pourra plus rien emmagasiner. Et ce jour semble se faire plus proche que je ne le souhaite. Décourageant.

Tenez, entre le début de ce message et maintenant, il s'est écoulé toute une nuit qui m'a permis de retrouver le courage d'utiliser Zola. Tard hier soir, à mesure que je peinais à garder les yeux ouverts, ma frustration augmentait de ne pas maîtriser mon nouvel outil comme il se doit. J'en étais venue à perdre mon curseur, à recommencer sans arrêt les mêmes phrases, à devenir incapable de me relire et tout ça en utilisant seulement l'application du blog. Ouf! c'était à vouloir m'envoyer au recyclage au plus sacrant. En plus, quand j'ai réussi à épuiser mes minces réserves de patience et que j'ai voulu troquer Zola pour un sommeil réparateur, je n'étais même plus capable de trouver le bouton d'arrêt. Et quand je l'ai finalement repéré, je ne pouvais pas encore fermer l'ordi car je devais attendre la fin d'une mise à jour. Je n'en pouvais plus de la lumière de l'écran que je ne pouvais apparemment pas mettre en veille sous peine de voir échouer la première de deux mises à jour que je n'avais jamais demandées et qui s'exécutaient là, devant moi, sans que j'y puisse quoi que ce soit. Totalement exaspérée, j'ai décidé de débrancher l'ordi et j'ai remis l'enfant terrible au Fils, le seul qui possède la patience nécessaire pour en venir à bout. Lui-même aux abords du repos bien mérité m'a accueillie avec un "Qu'est-ce que tu fais là?" réprobateur quand je lui ai pratiquement garroché Zola dans les bras. "Reprends-le," que je lui ai répondu. "Je ne le comprends pas, je suis tannée de me battre avec pour arriver à quelque chose. Je n'en veux plus. Je n'ai pas ce qu'il faut pour en prendre soin." Et j'ai tourné rapidement les talons pour m'éviter le triste spectacle de Zola abandonné sur le bureau du Fils, son écran tourné vers le mur pour que sa lumière ne trouble pas le sommeil des êtres humains.

Mais ce matin je me suis réveillée avec des remords et une forte envie de tout reprendre à zéro. La Reine-Marguerite est toujours couchée à mes pieds. Elle n'a jamais bronché de toute la nuit. Doucement, le plus silencieusement possible, je suis retournée dans la chambre du Fils pour récupérer Zola. Comme je m'en emparais, le Fils a simplement levé la tête de son oreiller pour me lancer un "Qu'est-ce que tu fais là?" complice, nullement surpris de ma volte-face. Après tout, ce n'est pas la première fois, ni la dernière, que je m'emballe trop vite et que mes sens retrouvés, je reprends le collier.

En achevant ce blog, je suis presque réconciliée avec Zola. Je me dis que la meilleure façon de tirer une satisfaction durable de son existence consistera à l'utiliser le plus souvent possible. C'est le temps ou jamais de remettre en vogue les vieux proverbes. Je proclame donc que vingt fois sur le métier, il faut remettre son ouvrage, ou plutôt que vingt fois sur le clavier, il faut récrire son texte (ce que je viens encore de faire après avoir perdu inexplicablement ce dernier paragraphe!). Grrr! Zola, tu m'énerves!!!!

jeudi 28 juillet 2011

Le vin est tiré, il faudra bien le boire

Je vous néglige, fidèle lectorat, mais c'est l'été. Il fait beau et chaud. Les plantes sont assoiffées tous les soirs. Et c'est sans compter les espiègles qui ne cessent de grossir dans le bassin. Ils continuent d'être mignons et de se précipiter (non, le mot n'est pas trop fort) à ma rencontre. Vous allez rire mais j'aimerais les flatter... comme les félines de la maison. Vous aurez compris que tout ce beau monde et cette belle flore prennent énormément de mon temps.

N'empêche. Le décompte avant la retraite débute officiellement lundi. Il ne me restera alors plus que 16 jours de travail. Ouais. Me semble que c'était hier que j'entrais dans la fonction "pubique". Eh! que je l'ai entendu souvent ce brillant jeu de mots au cours des trente-trois dernières années! Que dire de la blague préférée de l'Homme sur les représentants de l'État : "Pourquoi est-ce qu'un fonctionnaire ne regarde jamais par la fenêtre le matin? Pour avoir quelque chose à faire dans l'après-midi." Voilà que moi qui ne me rappelle habituellement jamais les histoires farcesques de l'Homme qu'il m'en vient une autre à l'esprit : "Sais-tu comment faire pour construire un patio vraiment solide? Ajoute deux ou trois fonctionnaires dans le ciment pour la fondation... y travaillera jamais!"

Il faut être prêt à affronter ce genre d'humour quand on est fonctionnaire. Et il faut être prêt aussi à affronter la mauvaise opinion que le public entretient à notre égard. Il paraît qu'on se la coule douce toute la journée, qu'on est trop payé, qu'on a trop de vacances, trop d'avantages sociaux et trop de bonnes conditions de travail. C'était peut-être vrai en partie dans les belles années, c'est-à-dire il y a plus de trente ans. Mais ça fait belle lurette qu'on a appris à faire plus avec moins, à se contenter d'augmentations salariales faméliques et à se faire passer des sapins par les différents gouvernements au pouvoir. Nous sommes d'ailleurs encore en train de mâcher la gomme de l'immense sapin qu'on nous a servi aux dernières négociations : finies les indemnités de départ! Dans mon cas, par exemple, cela représente le versement de trente semaines de salaire. Ce n'est pas rien. Mais c'est fini tout ça. Le bon peuple sera heureux. Oui, car tout le monde sait qu'il n'y a pas plus grand bonheur que de voir souffrir son voisin.

Et le vin? Il a été tiré cet après-midi quand ma retraite prochaine a fait l'objet d'un courriel envoyé aux membres de mon équipe et à d'autres collègues les invitant à venir célébrer avec moi le 25 août prochain. J'ai encore eu un choc. Plus fort qu'à l'épicerie avec mon carton de jus d'orange. C'est tellement vrai maintenant que je ne peux plus reculer. C'est une sensation bizarre car il me semble que, comme chaque année depuis 1977, je me prépare simplement à partir en vacances. Seule différence : je ne reviendrai pas.

Vous ai-je déjà avoué que j'ai aimé et que j'aime toujours mon travail? J'ai bien peur de devoir avaler quelques gorgées de vin de travers avant de quitter le bureau. En même temps, à mesure que le nectar va descendre, j'imagine que la vie à venir va me sembler plus attirante. Et puis, je ne dois pas oublier que le vin, selon la soeur Psy, constitue un excellent remède pour le vague à l'âme.

Allez, pour la route, quelques blagues glanées sur la Toile (qui aurait pensé qu'il existe des sites pour ça??) :

Quelle est la différence entre un fonctionnaire et un chômeur?
Le chômeur a déjà travaillé.


Comment appelle-t-on un fonctionnaire qui travaille une demi-heure par jour?
Un hyperactif.


Pourquoi les fonctionnaires font-ils de meilleurs maris?
Parce qu'ils ne sont pas fatigués quand ils rentrent à la maison et qu'ils ont déjà lu leur journal.


À mes heures, je suis artiste. Sur celles des autres, je suis fonctionnaire.

Comment reconnaît-on un imprimeur?
Il a de l'encre sur ses chaussures.
Comment reconnaît-on un agriculteur?
Il a de la terre sur ses bottes.
Comment reconnaît-on un fonctionnaire?
Il a du café sur ses souliers.


Bon, ben là je commence à avoir un sérieux mal de bloc. Pas vous?

dimanche 24 juillet 2011

Exploration 2 - Initiation 1

Non, il ne s'agit pas ici du score d'une partie enlevée de jambes en l'air! Je sais, je sais. Je déçois encore une fois tous les petits lecteurs cochons qui tapent "Marcheuse nue" sur Google et qui espèrent se rincer l'oeil une fois rendus sur mon blog. Désolée de vous faire perdre votre temps! :)

Permettez-moi maintenant d'expliquer à ceux d'entre vous qui déciderez de vous rendre jusqu'au bout de leur lecture la signification de ce titre qui peut paraître sybillin au départ, mais qui ne l'est tellement pas finalement. C'est que je vous écris en ce moment confortablement assise dans un lit, à Montréal. Oh! Oh! Les pervers qui ne se sont pas encore précipités vers des eaux plus osées viennent de reprendre espoir. Que je vous détrompe de suite. Je suis en fait dans le lit du Fils en train d'utiliser pour la première fois le joujou que je me suis offerte pour souligner ma retraite : un Netbook ou si vous préférez un ultraportable ou encore miniportable pour les amis français que je vais prochainement visiter. Vous devinez sans doute la raison pour laquelle je voulais ainsi m'équiper. Eh! oui, c'est pour être en mesure de garder contact avec mon fidèle lectorat pendant ma folle équipée hexagonale. Je pourrai donc continuer de bloguer et même de vous afficher quelques photos gracieuseté de la soeur Psy. Je serai la Plume, elle sera la soeur Lumière. Voilà pour l'initiation qui se passe, ma foi, relativement bien même si j'appelle le Fils à mon secours aux trois minutes et demie. Pas grave. Je vais y arriver. Bien sûr, ce n'est pas la maîtrise du clavier qui pose problème, mais toutes les fonctions que cet appareil peut réaliser en un simple clic. Encore faut-il savoir où et quand cliquer! Je considère comme un miracle pour l'instant de ne pas avoir perdu mon texte. J'espère seulement que je ne suis pas en train de crier victoire trop vite!

Pendant que je mène dans cet exercice, je vais m'attaquer à la partie exploration de mon propos. Tout d'abord pourquoi le score de 2? Vous pensez peut-être avoir manqué quelque chose? Nenni. C'est que, ce matin, c'était la deuxième fois que j'explorais le nouveau quartier où habite le Fils pour tenter de me tracer un parcours de marche. Son déménagement a fait en sorte que j'ai dû abandonner mon trajet près de la rivière pour me retrouver pas mal plus en zone urbaine. Plus de Route verte mais, par contre, beaucoup de parcs et de pistes cyclables. Ce ne sont toutefois pas ces endroits que j'ai retenus pour user mes espadrilles car je veux adopter un trajet utilisable toute l'année. Je crois y être presque parvenue aujourd'hui en suivant des hommes.

Bon, ça y est. Ça vous reprend de plus belle. Vous vous dites que je joue avec vos sens et que je vais éventuellement traiter de la vraie nature des choses. Hélas, trois fois hélas, je maintiens ma rectitude littéraire pour un temps encore. Ce sont effectivement des hommes qui m'ont accompagnée, mais des hommes décédés dorénavant immortalisés au panthéon urbain montréalais. Ainsi, j'ai d'abord monté Émile Journault, un curé rédemptoriste ayant sévi dans la paroisse Saint-Alphonse où est située son avenue. Avouez que c'était là un début prometteur! Ensuite, je me suis attaquée à André Grasset, un autre prêtre, le premier Canadien de naissance à être béatifié par le pape Pie XI. Je faisais dans la chasuble, y a pas à dire. Ma vertu dûment protégée, j'ai grimpé Jacques Casault, prêtre et éducateur québécois, le premier recteur de l'Université Laval. Puis, j'en ai eu assez et j'ai délaissé l'Église pour le plus grand marin de tous les temps, j'ai nommé Christophe Colomb. Enfin, un aventurier. J'apprends toutefois en consultant Wikipédia qu'il apparaît « comme un homme de grande foi, profondément attaché à ses convictions, pénétré de religiosité, acharné à défendre et à exalter le christianisme partout ». Décidément, ces hommes ne vont pas me permettre de quitter le droit chemin. J'entame donc la fin de mon parcours en compagnie du romantique Chateaubriand. Lui aussi a connu ses heures d'exploration puisque, selon ce qu'en dit Wikipédia, à l'époque de la Révolution française, en 1791, il s’éloigne de la France et s’embarque pour le Nouveau Monde. Il parcourt, écrit-il pendant une année, les forêts de l’Amérique du Nord, vivant avec les Autochtones et ébauchant sur les lieux son poème des Natchez. Écrit qui va bien faire rire les Américains puisqu'il évoque bananiers et singes pour parler des rives du Mississippi. Il trouve dans ces paysages le reflet de son sentiment d’exil et de solitude. Et moi je trouve la fin de mon parcours en revenant sur Saint-Hubert et sur mes racines catholiques. Ici, je vous signale, toujours selon LA source encyclopédique du Net, que Saint-Hubert peut faire référence à un patronyme ou à plusieurs lieux, édifices ou même une race de chiens, souvent nommés d'après Hubert de Liège, saint chrétien, patron des chasseurs et des forestiers. Pour ce qui est de la rue nouvellement habitée par le Fils, il semble que le terrain pour l'ouverture de cette voie ait été cédé par Hubert-Joseph Lacroix (1743-1821) dont la famille s'établit sur cette rue qui sera aménagée officiellement en 1826. Les vastes demeurent construites dans la seconde moitié du XIXe siècle, principalement par l'élite canadienne-française, conservent encore à la rue son caractère résidentiel d'origine. Mais, fait plus intéressant encore, le premier établissement des restaurants Saint-Hubert fut ouvert sur la rue Saint-Hubert (d'où le nom) en 1951.

Même si j'ai apprécié mon exploration, je compte apporter encore des modifications à mon parcours, surtout les jours où j'aurai envie de sortir des soutanes et des sentiers battus!
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Notes filiales : Des nouvelles de la Fille? Toujours en attente d'une nouvelle date de retour au pays. Entre-temps, elle essaie de tirer le meilleur parti possible de sa situation : elle s'est fait couper les cheveux et s'est achetée du mascara. Comme quoi une vraie et grande voyageuse ne reste jamais dépourvue bien longtemps!

vendredi 22 juillet 2011

En espérant l'éclaircie

Vous savez quoi? Ce matin, le ciel ressemblait à un lit d'ouate. Une grosse couette duveteuse avec plein de petits carrés blancs rembourrés. Et, de temps à autre, une strie de bleu. C'était tellement beau. Je crois que je suis restée la tête levée plusieurs minutes, toute absorbée dans ma contemplation. Quand la Nature me donne ainsi la possibilité d'admirer l'une de ses innombrables facettes, je me considère absolument privilégiée et j'aime à croire, bien humblement, que je fais moi aussi partie de cette magnifique verrière.

Ce soir, en arrosant avec le boyau, autre émerveillement. L'eau, qui sortait en un jet fin, semblait littéralement projeter de minuscules morceaux de glace en direction de la plate-bande. On aurait dit une pluie de perles s'éparpillant parmi les fleurs. Encore une fois, je suis restée bouche bée.

Et entre ces deux coups d'éclat, un coup de fil. Ouais. De la Fille. Elle revenait en fin de semaine au bercail. Notez ici l'utilisation à dessein de l'imparfait. Elle s'est encore fait voler. Adieu donc argent, carte de crédit et passeport! Elle semblait pas mal débobinée à son bout du combiné. Et je n'en menais guère plus large, sauf que... heureusement, elle n'a pas été attaquée. Elle est aussi encore accompagnée de ses deux amies. Elle n'est pas seule dans son malheur, ce qui aide sans nul doute à mieux le supporter. En fait, c'est l'Homme qui prend le plus mal cette nouvelle déconfiture de la grande voyageuse devant l'éternel. Je soupçonne que ses grognements de mécontentement ont cependant plus à voir avec l'ennui du père se languissant de l'absence de la Fille qu'avec un réel désappointement devant l'étourderie de sa progéniture. De mon côté, je ne suis pas inquiète, seulement déçue de devoir attendre un peu plus longtemps avant de serrer la Fille dans mes bras. Et mon coeur de mère saigne évidemment devant son désarroi.

Pour le moment, c'est ça la vie par chez nous.

mercredi 20 juillet 2011

À poils et à nageoires

Ah! la, la, qu'il fait chaud! Je crois bien qu'il n'y a que les espiègles de l'étang pour apprécier la hausse du mercure à sa juste valeur. Parlons-en de ceux-là, justement. Ce soir, j'ai cru remarquer que l'un d'entre eux, ou devrais-je dire l'une, avait un gros ventre proéminent qui semblait rempli de quelque chose, comme de belles promesses. Je ne peux pas croire que le bassin va devoir accueillir de nouveaux pensionnaires. Avec les ados de l'automne dernier qui grandissent à vue d'oeil, ça va faire du monde à messe, comme on disait dans le bon vieux temps!

Et autre fait amusant découvert aussi ce soir au sujet de la faune piscicole de mon point d'eau : ses habitants me reconnaissent. Bon, bon, j'entends les rires incrédules. Aux sceptiques qui seront bientôt confondus, je réponds que j'ai fait le test à au moins trois reprises et que toutes les fois j'ai obtenu le même résultat. Qu'est-il? Voilà que je vous titille l'organe de la curiosité "pipelisante". Eh! bien, parce que j'ai l'âme d'une Cousteau et que je ne peux résister à vous transmettre mes découvertes, je vous révèle comme ça, tout de go, que les espiègles se précipitent vers moi dès que j'approche du bassin. C'est tellement mignon! Je sais que cela n'a rien à voir avec mon charme de sirène, mais tout à voir avec mon air de nourrice. N'empêche. J'aime croire qu'avec tous les soins que je leur prodigue inlassablement et presque jamais sans me plaindre, j'ai mérité une certaine forme de gratitude. Savoir reconnaître la main qui te nourrit et la saluer de temps à autre n'est pas un trop gros effort demandé. Que ce dernier soit déployé par des bêtes à nageoires me remplit d'une joie incommensurable. Après tout, me semble que j'ai lu ou vu quelque part que les Japonais, ou serait-ce les Chinois, sont capables d'apprivoiser des poissons et de leur montrer des trucs. Vous verrez bien si je n'arrive pas à faire sauter les espiègles dans un cerceau d'ici la fin de l'été!

Pour vous prouver, comme si j'avais encore à le faire, que j'entretiens un lien particulier avec la faune qui m'entoure, je vais vous parler d'un nouveau petit chat errant adepte de mes plats de nourriture. En fait, il ressemble beaucoup à la maman des chatons de l'année dernière. Je crois d'ailleurs que c'est une femelle elle aussi car son pelage est tricolore. Comme j'ai tenté d'améliorer son ordinaire à quelques reprises en lui donnant du thon, j'ai réussi à établir un début de communication avec elle. Certaines gens mal intentionnés diraient plutôt que j'ai créé un monstre. Ainsi, elle a vite compris que lorsque j'ouvre la porte d'en avant le matin, ce n'est pas seulement pour prendre les journaux. C'est aussi pour mettre les bols sur le balcon. Depuis quelques jours, elle m'attend donc sagement et, dès qu'elle m'aperçoit, elle miaule pour que je la nourrisse. Évidemment, la nourriture sèche n'est désormais plus son premier choix. Vous aurez deviné qu'elle attend le spécial du jour que je cours lui chercher. Je ne peux lui résister car elle est assez maigre. De plus, je crois déceler en elle l'ombre de la possibilité que je puisse éventuellement la flatter. Ce serait merveilleux!

Je ne sais pas pourquoi je suis toujours aussi intéressée à établir un contact avec les animaux : chats, chiens, oiseaux, poissons, écureuils, ratons laveurs, souris. Je me souviens même de m'être attachée au cloporte commun que le Fils avait gardé quelques semaines dans la maison pour mieux observer le quotidien de cet animal déniché dans la cave. Je crois qu'il lui avait donné une pomme de terre pour se nourrir. À un moment donné, j'ai dû me résoudre à faire une mère de mon moi-même et j'ai demandé au Fils de relâcher la bête dans la nature. Vous dire à quel point nous y étions attachés : le cloporte vivait dans la cuisine, son bol stratégiquement placé sur le micro-ondes. Ce fut vraiment un triste jour que celui où Gaston plia bagages pour rejoindre ses congénères.

Avec le recul, je me dis que j'ai peut-être une âme de zoologiste mais doublée d'une couche de sensiblerie telle qu'elle vient affaiblir mon côté scientifique pour laisser toute la place au gaga gougou de l'émerveillée inconditionnelle des bibittes de toutes sortes. Et puis après?

dimanche 17 juillet 2011

Divagations agricoles

C'est drôle quand même comment notre esprit fonctionne. Comment il se met tout d'un coup en branle à cause d'une odeur, d'un son, d'un mot qui éveille un souvenir.

Tenez, l'autre soir, j'expliquais au Fils les rudiments de l'entretien des deux plants de tomates que j'ai semés dans des pots pour qu'il puisse ensuite les mettre sur le balcon de son nouvel appart. Comme je lui parlais de l'importance d'arroser abondamment et régulièrement, surtout pendant les périodes chaudes, j'ai senti poindre comme un début d'incompréhension : "Qu'est-ce que tu veux dire par mettre pas mal d'eau?" N'oublions pas ici que le Fils est ingénieur. Il faut donc lui préciser les choses, lui faire un devis, mieux, lui déposer un projet en bonne et due forme. Je n'avais pas le temps, mais je savais par contre de quel instrument il disposait pour arroser ses plantes : un simple verre à bière en plastique! "Bon, c'est un peu difficile pour moi comme ça, au téléphone, de te donner une idée exacte. Une chose est sûre, ton verre à bière ne te sera pas très utile." "Pas de problème," me répond le Fils sans hésiter, "je vais utiliser ma tasse Bubba". Là, je suis devenue un peu découragée du pouce vert pâle du Fils ing. Pour vous lecteurs qui ne connaissez pas les tasses Bubba, voici une photo :


Ai-je besoin d'en écrire plus? Je sais que le Fils, tout comme ses amis d'ailleurs, vouent une admiration sans bornes à la tasse Bubba. Ne leur a-t-elle pas permis, après tout, de conserver leur rhum au froid pendant qu'ils farnientaient sur la plage lors de leur voyage à Cuba? Je ne nie pas les mérites incontestables ni les propriétés exceptionnelles de ce contenant. Toutefois, la tasse Bubba n'est quand même pas un arrosoir! C'est ce que j'ai essayé d'expliquer au Fils avec un succès très relatif. Pas grave. C'est pas moi qui vais cueillir des tomates séchées sur grappes.

Bon. C'est bien beau l'irrigation, mais ce n'est pas cette partie de la conversation qui a emballé mes méninges. J'ai donc poursuivi mon cours de botanique 101 en faisant remarquer au Fils qu'il allait bientôt avoir de petites tomates. "Comment tu peux savoir ça?", me répond-il d'un ton soupçonneux. "C'est facile," que je rétorque, "les plants sont en fleurs". "Ouais, mais encore?", hasarde-t-il en espérant cette fois une réponse plus scientifique. C'est là que je lui ai automatiquement récité une des vérités instillées par le frère Dubé à ses pupilles du secondaire dans son cours de sciences naturelles : "Fleur, fruit, graine!", qu'il nous criait sans arrêt par la tête. Faut dire que le bon frère était convaincu que la transmission de connaissances à des ados ne pouvait s'opérer qu'avec l'élévation des décibels de son organe vocal à un niveau, ma foi, fort respectable. Je dois avouer que, dans mon cas, c'était efficace. Encore à ce jour, toutes les fois où j'arrive aux étapes du jardinage qui consistent à bien mettre les plants en terre, puis à sarcler régulièrement les plates-bandes, j'entends une voix qui tonne dans ma tête : "Buttez! Luttez! Renchaussez!" Je crois qu'il s'agissait là de mesures à suivre pour la culture des pommes de terre, mais je n'ai jamais osé prendre le risque de ne pas appliquer ces conseils judicieux du frère Dubé. Un jour, peut-être, je vous raconterai de quelle façon il nous "aidait" à retenir les noms des différentes parties du corps humain. Encore là, preuve que sa méthode pouvait donner les résultats escomptés, je n'ai jamais oublié combien d'os compte le squelette humain et je peux encore nommer les principaux d'entre eux. Les méthodes pédagogiques de mon temps n'avaient surtout rien à voir avec l'enfant-roi, mais elles savaient assurément préparer de bons petits valets.

"Maman, es-tu encore là? Je ne comprends rien à ton affaire de graine." Oupse. J'avais presque oublié que je n'avais pas terminé mon cours. "Mais enfin, qu'est-ce que tu ne saisis pas? C'est pourtant évident. D'abord, il y a la fleur. Une fois qu'elle est fanée, le fruit commence à se développer. Quand ce dernier vient à maturité, que contient-il? La graine de la prochaine semence. Et ainsi de suite dans un cycle sans fin." Pendant une minute, le Fils reste muet. Il semble en train d'absorber mon docte savoir. "Je crois que je comprends. Mais moi, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est combien de tomates chaque plant va produire? Est-ce que tu as au moins une idée du rendement de la variété que tu as choisie?"

Voilà où se trouve la différence entre le roi et le valet. Le monarque veut engranger des profits. Le larbin se contente de semer les plants. Mais qui c'est qui va savoir quand tendre la main pour cueillir les tomates? Oui, celui qui possède la seule et unique vérité : Fleur, fruit, graine!

mardi 12 juillet 2011

Meilleure avant le 26 août 2011

L'autre jour, en faisant l'épicerie, j'ai attrapé un carton de jus d'orange et je suis restée bouche bée en contemplant la date de péremption : 31 août 2011. Tout d'un coup, je l'ai eu en pleine face le choc de ma retraite prochaine. Le 31 août, je ne ferai effectivement plus partie de la main-d'oeuvre active de notre si beau pays. Je n'apporterai plus ma contribution inestimable à la santé de notre économie. Non, ce sera fini tout ça. D'un autre côté, je me réjouis (pas tant que ça pour dire la vérité) à l'idée que mon départ va certainement aider le con servateur en chef à atteindre ses objectifs de réduction du déficit puisqu'il n'aura plus à me compter parmi ses fidèles valets.

Mais je reviens au comptoir de réfrigération et à ma grande stupeur. En fait, me retrouver ainsi aussi brutalement devant la trop réelle réalité de mon nouveau statut de rentière m'a pratiquement précipitée dans le panier d'une quidam venue elle aussi faire ses provisions. Non contente de me confondre en excuses, je voulais absolument lui expliquer la raison de ma si désastreuse maladresse : "Vous voyez cette date? Savez-vous ce que cela veut dire pour moi? Le 31 août, je vais déjà être passée date. Oui, je vais être expirée. Non, je n'aurai pas expiré. Je dis que je vais être expirée. Vous ne comprenez pas? Et vous ne voulez pas comprendre? Fort bien, passez votre chemin manante et demeurez dans l'indifférence de mon désarroi!"

J'ai bien été obligée de déposer le carton dans mon panier sans avoir pu exprimer l'ampleur de mon émotion ressentie. J'ai donc cherché l'Homme du regard afin de pouvoir partager avec lui cette foudroyante prise de conscience. Comme d'habitude, il n'était pas à portée de la voix. Quand je l'ai finalement retrouvé, dubitatif devant les boîtes de sardines, j'ai tenté de lui soutirer un peu d'empathie, mais il n'a jamais vraiment compris pour quelle raison une date de péremption pouvait à ce point me troubler. J'ai inspiré un grand coup et expiré.
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Notes fauniques : Trois heures du matin. Je me lève pour vider une vessie vieillissante, donc moins étanche. Je regarde machinalement par la fenêtre pour m'assurer que tout va bien dans la cour lorsque j'entends de drôles de petits cris. On dirait un animal qui pleure. Et ça n'arrête pas. Craignant de retrouver un autre cadavre dans le bassin si je ne fais rien, je décide d'aller y voir de plus près. J'ouvre la porte d'en arrière et j'essaie de distinguer quelque chose dans la pénombre. Et là, je le vois. Un bébé raton en équilibre sur la clôture. Il ne semble pas savoir quoi faire et il se lamente. Je me doute qu'il doit chercher sa mère. "Où est-elle passée celle-là?" me dis-je en n'osant pas trop m'approcher quand même. Un raton, ce n'est pas un chaton. Tout d'un coup, la lumière de l'entrée s'allume. Cela annonce une présence. C'est la maman ratonne, dressée sur ses pattes de derrière, qui cherche sans aucun doute sa progéniture. "Il est passé par là", que je lui dis en pointant du doigt le fond de la cour. En bonne mère dénaturée, elle se dirige plutôt du côté du garage. Ah! la, la, c'est qu'il ne va pas arrêter de pleurer, le pauvre petit. Je l'aperçois d'ailleurs qui brasse les grandes feuilles des hostas et qui fourrage dans les brunneras en continuant de sangloter. Que faire, que faire? Je rentre dans la maison et vais voir sur le balcon d'en avant si un père raton ne ferait pas partie du portrait. Mignonne et la Reine-Marguerite m'accompagnent car elles espèrent un déjeuner servi plus tôt qu'à l'habitude. Elles me connaissent trop bien. Je remplis leurs bols. Non, il n'y a pas de papa raton. Seulement deux chats errants qui ont faim parce que les ratons ont tout vidé. Je remplis les bols. Et je retourne en arrière. Les pleurs se font moins aigus. J'espère de tout coeur que la famille est enfin réunie. Je retrouve mon lit et j'essaie de me rendormir avec la Reine-Marguerite blottie contre moi, sa petite tête appuyée sur mon bras. Elle ronronne à fond. C'est vraiment mieux que des pleurs!

mercredi 6 juillet 2011

De si petites choses...

Ce sont des mots ou des gestes qui, a priori, n'ont l'air de rien, du moins jusqu'à ce qu'ils reviennent vous hanter et même vous troubler. Ça m'arrive des fois. Comme en fin de semaine, à Montréal, où nous sommes allés prêter main forte au Fils qui déménageait. À un moment donné, l'Homme et moi avons pris le métro pour nous rendre au marché afin d'acheter la boustifaille pour le souper. Nous avons rencontré à la station un itinérant et son chien, tous deux assis contre le mur. Nous avons salué le monsieur et échangé quelques mots avec lui avant de laisser des sous dans sa vieille casquette posée par terre. Une fois à l'intérieur de la station, et sans nous être consultés, nous savions que nous essaierions de trouver quelque chose à manger pour ces deux pauvres hères. Malheureusement, nous n'avons pas réussi à dénicher le sandwich ou la boîte de bouffe à chien souhaités. Pas grave. En arrivant près de nos protégés, nous avons de nouveau engagé la conversation et laissé d'autres pièces. Comme je déplorais le fait que nous n'avions rien pour son chien, le maître a rétorqué : "Ne vous en faites pas pour lui. Il y a deux jours, quelqu'un m'a apporté un gros sac de plusieurs kilos de nourriture pour chien. C'est moi qui n'ai plus rien à manger. Il me reste seulement un oignon dans le frigo." Ces paroles ne se sont pas insinuées tout de suite dans ma tête. En fait, j'ai simplement accueilli ce cri du coeur sans même me rendre compte que c'en était un. C'est seulement le lendemain que, subitement, la gravité de ces paroles m'est apparue. Ainsi, nous considérons plus important de nourrir un chien plutôt qu'un homme. Comprenez-moi bien. Je ne suis pas en train de remettre en question le geste posé envers le meilleur ami de l'homme, au contraire. Vous connaissez mon amour inconditionnel des bêtes de tout acabit. C'est juste que j'ai soudainement trouvé la situation carrément intolérable, à en avoir presque la nausée.

Au cours de la même fin de semaine, pendant que je rangeais la vaisselle dans le nouvel appartement du Fils, c'est le début de ma décadence dont j'ai pris plus vivement conscience. Agenouillée par terre pour tenter de rejoindre le fond d'une armoire, je me suis aperçue que ma flexibilité commençait sérieusement à prendre le bord. Je n'avais jamais éprouvé jusqu'à maintenant de réelle difficulté à passer d'une position à l'autre mais là, chaque fois que je me relevais pour rincer ma guenille dans l'évier, je peinais à me remettre à genoux. "Il faudra donc que je travaille plus intelligemment à l'avenir," me suis-je dit pour mieux faire passer la pilule. Mais je n'étais pas au bout de mes peines, ni de mes constats. Quand est venu le temps de laver le haut des armoires, là encore force me fut de constater que je ne pouvais plus, comme autrefois, me lever debout sur le comptoir en m'agrippant sur le bord du lavabo. Je sais, je sais. Si cette pirouette n'était pas prudente dans ma prime jeunesse, elle se transforme en véritable casse-gueule maintenant que je suis décrépite. Malgré tout, je pouvais me rassurer en me répétant qu'on ne déménage pas tous les jours et qu'on n'a donc pas besoin de se transformer régulièrement en alpiniste de l'armoire. Le raisonnement a tenu jusqu'au lundi matin. Cette journée-là, le chauffeur du wagon à bestiaux, plutôt que de nous laisser sur le bord du trottoir, a choisi de nous débarquer dans la rue. Saviez-vous que la hauteur entre la dernière marche de la porte de sortie du wagon et le macadam est suffisamment élevée pour provoquer un malaise dû à l'altitude et à l'air raréfié? Bon, j'exagère peut-être un tantinet. Mais elle l'est assez en tout cas pour que je me transforme en vieille rabougrie qui doit se tenir solidement après le garde-fou pour se garder d'avoir l'air folle en posant le pied sur le sol. Le premier petit pas prudent d'une longue enfilade...