dimanche 17 juillet 2011

Divagations agricoles

C'est drôle quand même comment notre esprit fonctionne. Comment il se met tout d'un coup en branle à cause d'une odeur, d'un son, d'un mot qui éveille un souvenir.

Tenez, l'autre soir, j'expliquais au Fils les rudiments de l'entretien des deux plants de tomates que j'ai semés dans des pots pour qu'il puisse ensuite les mettre sur le balcon de son nouvel appart. Comme je lui parlais de l'importance d'arroser abondamment et régulièrement, surtout pendant les périodes chaudes, j'ai senti poindre comme un début d'incompréhension : "Qu'est-ce que tu veux dire par mettre pas mal d'eau?" N'oublions pas ici que le Fils est ingénieur. Il faut donc lui préciser les choses, lui faire un devis, mieux, lui déposer un projet en bonne et due forme. Je n'avais pas le temps, mais je savais par contre de quel instrument il disposait pour arroser ses plantes : un simple verre à bière en plastique! "Bon, c'est un peu difficile pour moi comme ça, au téléphone, de te donner une idée exacte. Une chose est sûre, ton verre à bière ne te sera pas très utile." "Pas de problème," me répond le Fils sans hésiter, "je vais utiliser ma tasse Bubba". Là, je suis devenue un peu découragée du pouce vert pâle du Fils ing. Pour vous lecteurs qui ne connaissez pas les tasses Bubba, voici une photo :


Ai-je besoin d'en écrire plus? Je sais que le Fils, tout comme ses amis d'ailleurs, vouent une admiration sans bornes à la tasse Bubba. Ne leur a-t-elle pas permis, après tout, de conserver leur rhum au froid pendant qu'ils farnientaient sur la plage lors de leur voyage à Cuba? Je ne nie pas les mérites incontestables ni les propriétés exceptionnelles de ce contenant. Toutefois, la tasse Bubba n'est quand même pas un arrosoir! C'est ce que j'ai essayé d'expliquer au Fils avec un succès très relatif. Pas grave. C'est pas moi qui vais cueillir des tomates séchées sur grappes.

Bon. C'est bien beau l'irrigation, mais ce n'est pas cette partie de la conversation qui a emballé mes méninges. J'ai donc poursuivi mon cours de botanique 101 en faisant remarquer au Fils qu'il allait bientôt avoir de petites tomates. "Comment tu peux savoir ça?", me répond-il d'un ton soupçonneux. "C'est facile," que je rétorque, "les plants sont en fleurs". "Ouais, mais encore?", hasarde-t-il en espérant cette fois une réponse plus scientifique. C'est là que je lui ai automatiquement récité une des vérités instillées par le frère Dubé à ses pupilles du secondaire dans son cours de sciences naturelles : "Fleur, fruit, graine!", qu'il nous criait sans arrêt par la tête. Faut dire que le bon frère était convaincu que la transmission de connaissances à des ados ne pouvait s'opérer qu'avec l'élévation des décibels de son organe vocal à un niveau, ma foi, fort respectable. Je dois avouer que, dans mon cas, c'était efficace. Encore à ce jour, toutes les fois où j'arrive aux étapes du jardinage qui consistent à bien mettre les plants en terre, puis à sarcler régulièrement les plates-bandes, j'entends une voix qui tonne dans ma tête : "Buttez! Luttez! Renchaussez!" Je crois qu'il s'agissait là de mesures à suivre pour la culture des pommes de terre, mais je n'ai jamais osé prendre le risque de ne pas appliquer ces conseils judicieux du frère Dubé. Un jour, peut-être, je vous raconterai de quelle façon il nous "aidait" à retenir les noms des différentes parties du corps humain. Encore là, preuve que sa méthode pouvait donner les résultats escomptés, je n'ai jamais oublié combien d'os compte le squelette humain et je peux encore nommer les principaux d'entre eux. Les méthodes pédagogiques de mon temps n'avaient surtout rien à voir avec l'enfant-roi, mais elles savaient assurément préparer de bons petits valets.

"Maman, es-tu encore là? Je ne comprends rien à ton affaire de graine." Oupse. J'avais presque oublié que je n'avais pas terminé mon cours. "Mais enfin, qu'est-ce que tu ne saisis pas? C'est pourtant évident. D'abord, il y a la fleur. Une fois qu'elle est fanée, le fruit commence à se développer. Quand ce dernier vient à maturité, que contient-il? La graine de la prochaine semence. Et ainsi de suite dans un cycle sans fin." Pendant une minute, le Fils reste muet. Il semble en train d'absorber mon docte savoir. "Je crois que je comprends. Mais moi, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est combien de tomates chaque plant va produire? Est-ce que tu as au moins une idée du rendement de la variété que tu as choisie?"

Voilà où se trouve la différence entre le roi et le valet. Le monarque veut engranger des profits. Le larbin se contente de semer les plants. Mais qui c'est qui va savoir quand tendre la main pour cueillir les tomates? Oui, celui qui possède la seule et unique vérité : Fleur, fruit, graine!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire