dimanche 26 décembre 2010

Entre-deux

C'est drôle. J'ai réalisé aujourd'hui que nous étions dans un entre-deux. Entre la fin d'une année et le début d'une autre. Entre le réveillon du 24 veille de Noël et le réveillon du 31 veille du Jour de l'An. Entre deux partys. Pour certains, entre deux brosses. Pour d'autres, entre deux magasins. Entre un écoeurement de trop plein de bouffe et une anticipation des festins encore à venir.

Je n'aime pas particulièrement le fait d'être assise entre deux chaises. De ne plus savoir sur quel pied danser ou à quel saint me vouer. De même ignorer quelle journée on est. Ça me fait un effet bizarre en dedans. Je ne sais plus si je suis fatiguée ou si j'ai pris du temps pour me reposer. Je ne sais plus si je dois rire ou si je dois encore des larmes verser. Faut que je vous dise pour expliquer ce dernier entre deux émotions que j'ai eu des nouvelles de la Fille hier. Elle était toujours à Madrid. Me semble. En tout cas, ce qui m'a surtout dérangée c'est qu'elle ne se sentait pas bien. Elle avait sa voix de petite fille malade. Elle faisait de la fièvre. Bref, elle filait un mauvais coton. Et moi qui suis à des kilomètres et des kilomètres et qui ne peux rien faire pour prendre soin d'elle. Je suis maternellement préoccupée. L'Homme dit qu'il est indifférent (ce qui n'est absolument pas vrai!). Alors j'oscille entre l'inquiétude lancinante et l'espérance folle. Je voudrais qu'elle revienne tout de suite et je souhaite qu'elle puisse terminer son aventure comme elle a décidé de la vivre. C'est vraiment épuisant ce jeu de yoyo intérieur.

Tant qu'à être dans le mode confidence, j'ai le goût de vous dire que j'ai vécu la plus belle Messe de Minuit depuis longtemps. Dans ce domaine-là aussi, c'est le règne de l'entre-deux. Est-ce qu'on continue à croire dans l'Église ou est-ce qu'on privilégie le Message? Est-ce qu'on a envie de préserver des valeurs spirituelles dans notre vie ou est-ce qu'on jette tout par-dessus bord? En tout cas, dans la cathédrale où je suis allée, des gens semblaient avoir pris position. Plein, plein de gens. Je n'avais pas vu une telle affluence dans une église depuis belle lurette, toutes messes de Noël confondues. Des familles, des enfants, des ados, des jeunes, des vieux. Ils étaient partout. Dans les jubés, derrière l'autel, dans le choeur et, bien évidemment, dans la partie centrale. Il faut dire que le célébrant est un prêtre extraordinaire que nous avons connu quand le Fils et la Fille étaient au primaire. Nous allions alors dans sa paroisse uniquement pour garder notre progéniture intéressée par la chose religieuse.

Je vous disais donc que la messe a été dite par un homme de passion. Un homme vrai. Un homme franc. Un homme qui proclame le Message de façon magistrale. Un homme qui vit intensément et ça se sent. Un homme qui a déjà averti ses ouailles qu'il ne fallait pas venir à la messe pour lui mais plutôt pour Lui. Ce qui est bien différent, c'est vrai. Mais, en même temps, lui est tellement Lui qu'on a juste envie de le suivre, de les suivre en fait. Il a encore une fois réussi à me brasser l'entre-deux religieux. Il m'a donné le goût de me rapprocher de Lui pour partager davantage, pour être assoiffée de justice, pour devenir un artisan de paix, pour cultiver la bonté et l'amour. Il nous a laissé comme message principal : "Garder du sacré dans votre vie".

Ça fait deux jours. Et je suis encore remplie de la joie intense que j'ai ressentie à me retrouver en communauté, à écouter ce pasteur formidable, à chanter du gospel pour mieux prier. Dans mon âme, au moins, il n'y a plus d'entre-deux. J'ai choisi Lui et j'ai laissé au Diable les autres!
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Notes pédestres : J'ai quand même trouvé le temps avec la soeur Psy d'aller m'entraîner deux fois dans cet entre-deux. Les trottoirs sont absolument pas bien déblayés mais la température est absolument agréable pour marcher. Et, vraiment, entre deux abus, prendre l'air ne peut qu'être bénéfique.

mardi 21 décembre 2010

Réveillez-moi après minuit

Par où commencer? Où est le fil conducteur de cette satanée troisième journée avant le fameux réveillon du 24? Je ne sais trop. Je sais seulement que le mal de cou que je traîne depuis le départ de la Fille en septembre ne s'est pas amélioré aujourd'hui.

La Fille. Parlons-en justement. Elle a téléphoné ce matin à la maison. C'est le Fils qui a répondu. Elle lui a appris qu'elle avait été volée. Son passeport. Son portable. Sa carte de crédit. Elle va bien cependant. Elle était à l'ambassade du Canada à Madrid où elle tentait de récupérer son identité. Évidemment, je redeviens utile dans ce genre de situation. Qui c'est qui a fouillé pour retrouver les originaux des papiers dont elle a besoin pour régler les formalités administratives découlant de sa mésaventure? Oui, c'est bibi. Et qui c'est qui va faire la file demain au bureau des passeports pour présenter les papiers en question, fournir le numéro de télécopieur où envoyer les renseignements demandés et donner l'adresse de courriel de l'agente responsable du dossier de la Fille en Espagne? Oui, qui? Je vous le demande. C'est encore bibi. Pas grave. Je dois bien ça à la partie de ma progéniture qui choisit de fêter Noël loin de la famille. Sentez-vous mon désarroi? Ma peine. Ma légère irritation. En tout cas, mon cou les sent ces émotions et ça fait vraiment mal.

Je n'ai pas hésité, malheureusement pour eux, à partager ma frustration maternelle avec l'Homme et le Fils qui tentaient vainement tous deux de me faire voir le bon côté des choses. Après avoir rempli un seau de larmes, j'ai repris courage et je suis retournée popoter avec le Fils qui avait commencé la confection des raviolis chinois. C'est Noël après tout! Et l'Homme, pour me faire plaisir, décide d'aller dehors pour déplacer légèrement vers la droite le projecteur qui éclaire le Petit renne au nez rouge installé près de l'étang et un pot de plantes avec des poinsettias en plastique. Eh! oui, je ne suis pas contente de l'installation depuis ses débuts. Je veux à la fois voir le cervidé et l'étang. L'Homme s'empare d'une espèce de pieu en métal qu'il compte enfoncer dans le sol pour pouvoir ensuite y planter le fameux projecteur. En même temps, il prend une de mes casseroles qu'il remplit d'eau chaude pour faire fondre la glace qui se forme constamment autour du fameux bulleur destiné à oxygéner les participants d'Occupoisson Double, version hivernale sous-marine.

Le bulleur. Parlons-en justement. Vendredi dernier, il a complètement cessé de fonctionner. Panique dans la demeure. J'étais seule à la maison. Désespérée, j'ai installé deux casseroles pour m'assurer que les barracudas auraient un trou assez grand pour respirer pendant que je m'activais sur la Toile pour tenter de savoir quoi faire avec un bulleur récalcitrant. Devinez quoi? J'apprends que le tube de plastique qui constitue l'arrivée d'air peut être victime de condensation. Vraiment? Ce minuscule tube qui court sous la neige peut étouffer sous les gouttelettes? Vous m'en direz tant. J'ai donc tout défait et rentré le vilain appareil au chaud. Le soir, quand l'Homme a tout remis en place, les bulles ont repris de plus belle et les barracudas ont organisé un party d'avant Noël.

Alors, l'Homme et sa casserole. L'Homme et son pieu. Ils sont dehors pendant que le Fils et moi replions notre soixante-quatrième ravioli et que les carrés aux dattes ayant fait l'objet d'une demande spéciale de la soeur Psy sont au four. Nous trouvons que l'absence de l'Homme se prolonge un peu mais voit-on vraiment le temps passer quand on remplit des ronds de pâte? Finalement, l'Homme rentre, l'air piteux. Il nous regarde et brandit un pieu de métal maintenant sectionné en deux parties. "Le sol était gelé en profondeur. Je pensais que le pieu serait plus solide. Je n'ai même pas réussi à bouger le projecteur", qu'il nous dit. "Voyons, c'est pas grave", que je lui réponds, magnanime. "Tu regarderas ça demain, à la clarté du jour." Je vois bien que ma compréhension de la situation ne semble pas lui apporter de soulagement. "C'est que j'ai eu un autre problème", qu'il nous dit. "J'avais laissé la casserole sur la glace pendant que je tentais de déplacer le projecteur et quand je me suis retourné pour voir si la glace avait fondu, j'ai vu que la casserole était en train de couler à pic dans le bassin. J'ai juste eu le temps de la récupérer mais j'ai perdu le couvercle dans le fond de l'eau. J'ai essayé de le rattraper mais j'ai seulement réussi à mouiller complètement mes gants et à me geler les mains." Effectivement, ses mains étaient rougies par le froid et elles tenaient une casserole dorénavant privée de son chapeau.

Les barracudas vont être contents. Depuis le temps qu'ils rêvaient d'une batterie Lagostina. Ils ont maintenant le premier morceau!

dimanche 19 décembre 2010

Le Noël des femmes

Vous connaissez Denise Bombardier? Journaliste, écrivaine et grande admiratrice de notre Celine "pas d'accent aigu" nationale. Elle tient chronique dans le journal La Presse la fin de semaine. Je la trouve pédante, hautaine, prétentieuse. Elle semble toujours vouloir abreuver de ses connaissances et de son savoir infini le pauvre peuple, c'est-à-dire nous, ignorants lecteurs. Je n'aime pas particulièrement son attitude d'intellectuelle "après moi le déluge". Voilà pourquoi je ne la lis pas régulièrement.

Hier, toutefois, je suis pour une fois tombée d'accord avec une partie de sa réflexion sur la fête de Noël. Denise prétendait donc que la naissance de l'Enfant et, surtout, toutes les célébrations et les ripailles qui l'entourent, tombent inévitablement sous la responsabilité des femmes. Ce sont elles qui prennent charge des rencontres de familles, de celles qui réussissent comme de celles qui échouent lamentablement. Ce sont elles encore qui se passent le flambeau de grands-mères à mères, de mères à filles, avec les recettes qui viennent avec l'art de recevoir.

Quand j'ai lu ça, il y a eu comme un déclic dans ma tête. Je me suis dit : "C'est drôlement vrai que c'est à nous, les femmes, qu'incombe de rendre ce temps de l'année féérique et magique." Toute une responsabilité. Et nous la prenons sur nos épaules sans trop nous en apercevoir. Au début, on aide simplement notre mère. On participe à la confection des recettes, au service à la table, à la décoration de la maison, à l'envoi des cartes de Noêl, à l'emballage des cadeaux. Puis, un jour, on fait tout ça et on s'occupe en plus de choisir les recettes, d'acheter les ingrédients, de cuisiner les plats, de décider du contenu et du nombre de cadeaux à acheter, de renouveler l'art d'envelopper les présents et de jouer à Houdini pour les cacher des enfants jusqu'à la Grande Nuit, d'organiser le réveillon, de lancer les invitations, de planifier la disposition des places autour de la table jamais assez grande, de penser à offrir un petit quelque chose à tous ceux pour qui on devrait le faire en vertu de conventions qu'on ne connaît pas mais qu'on apprend à maîtriser sur le tas, de choisir les vêtements que toute la famille va porter pendant les festivités et de magasiner au besoin pour remplacer le pantalon propre devenu trop petit ou la paire de souliers trop usés, d'assister aux spectacles des enfants à la garderie et à l'école, aux récitals de piano ou de danse, de préparer la maison pour recevoir les invités, et de faire bien plus encore sans jamais avoir trop le droit de se plaindre et d'être fatiguée.

"Un instant!", s'est insurgé l'Homme quand j'ai commencé ma litanie, "ce n'est pas vrai que tu fais ça toute seule. Je t'aide continuellement." C'est vrai, je le reconnais. Et c'est justement de ça dont je m'ennuie parfois. Simplement aider. Comme je le faisais avec ma mère quand c'est elle qui voyait à tout. Mais comme je ne me rendais pas compte à ce moment-là des innombrables détails entourant la logistique de cette grande fête! Cela semblait si facile. Un coup de baguette magique de la fée de la maison et ça y était : le sapin brillait et trônait tel un pacha au-dessus d'une montagne de cadeaux enrubannés, et tout le monde s'amusait en se bourrant la face dans la bonne bouffe de saison.

Je ne peux tout de même pas briser la tradition. Aujourd'hui, j'ai ajouté une douzaine de muffins aux bleuets avec garniture streusel aux amandes, cinquante biscuits aux deux chocolats et une quarantaine de bouchées au fromage au boeuf bourguignon, aux carrés au citron et aux fèves au lard déjà dans le congélo. J'ai eu l'aide de l'Homme pour la vaisselle... et pour la dégustation des desserts. Après tout, il ne faudrait pas empoisonner un invité. Et, à partir de demain, je m'adjoins l'aide du Fils qui va confectionner avec moi les raviolis chinois. Je demeure en charge des manoeuvres mais, au moins, j'ai du renfort!
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Notes pédestres : Il faisait ce temps d'hiver où on pourrait rester dehors indéfiniment. Tout naturellement, les gens s'attardaient d'ailleurs à échanger plus longuement que le simple bonjour rapide des périodes froides de la saison. Les trottoirs n'étaient cependant pas dégagés et la sloche rendait les pas plus ardus. D'un autre côté, l'entraînement n'était que plus méritoire.

samedi 18 décembre 2010

Une production signée Corée-Chine-Québec

En plus de me plonger dans le temps des fêtes, le mois de décembre me fait couler dans mes souvenirs. 1987. 1990. Deux années qui ne vous disent peut-être rien. Pour moi, elles ont marqué mon coeur car elles m'ont permis de devenir une maman.

Le 12 décembre 1987. Lieu : l'aéroport de Dorval. Présents : papa nerveux, maman qui ne se peut plus, grands-parents paternels en émoi, couple d'amis sur le bord des larmes. Finalement le voici, le Fils tant attendu. Il dort dans son petit pyjama à rayures blanches et bleues. Il est tout ce que nous voulions, tout ce que nous espérions. Nous le prenons dans nos bras comme un trésor précieux, nous l'embrassons en essayant de ne pas l'effaroucher. Mais rien n'ébranle le calme de notre angelot. Nous ne savions pas encore que nous venions d'hériter de l'incarnation du calme Bouddha.

En arrivant dans notre maison, l'Homme a d'abord pris le Fils pour lui faire visiter les lieux. Il lui nommait chacune des pièces, lui expliquait à quoi elles servaient et ce qu'on y trouvait. Les yeux grand ouvert, aussi grand que ses petits yeux bridés le lui permettaient, le Fils regardait partout sans dire un mot. Il observait. Il n'a pas changé. Il a gardé la curiosité de savoir comment tout fonctionne. Dans quelques mois, il sera ingénieur. Mais, mieux encore, il est surtout un homme accompli, un frère protecteur et présent, un fils aimant et respectueux. Merci la Corée!

Le 18 décembre 1990. Lieu : l'aéroport de Dorval. Présents : Fils énervé de voir le bébé-soeur promis, grands-parents paternels en émoi, amis sur le bord des larmes, soeur Psy qui a bravé la tempête de neige. Finalement nous voici, avec la Fille tant attendue. Elle est bien réveillée. Elle regarde tout le monde. Elle tend ses petites mains vers le Fils qui lui touche doucement le visage. Je pleure. Je suis fatiguée de ce long voyage mais si heureuse d'avoir ma famille autour de moi.

Deux jours après son arrivée, la Fille, cette battante, livre un autre combat. Elle entre à l'hôpital où elle sera éventuellement opérée. Heureusement, c'est une histoire qui finit bien. Elle sort le jour de Noël. Il y a quelques flocons qui tombent. Je respire car je la sais maintenant hors de danger et prête à commencer, cette fois pour de bon, sa nouvelle vie.

La Fille aussi n'a guère changé. Elle est encore déterminée et décidée. Dans son cas, c'est de la fougue du Dragon dont nous avons hérité. De sa combativité aussi puisque la Fille n'a de cesse de vouloir réaliser ses projets envers et contre tout et tous. C'est un pigeon voyageur qui, pour l'instant, ne se pose jamais longtemps. Mais, mieux encore, c'est une femme brillante et créatrice, une soeur admirative et complice, une fille enjôleuse et pleine de surprises. Merci la Chine!

mercredi 15 décembre 2010

Fascination pédestre

J'aime tellement mes pieds. Ils m'amènent partout. Ils me permettent de ne dépendre d'aucun véhicule à moteur quand je dois me déplacer dans un rayon raisonnable. Et puisque je suis de plus en plus en forme, ce rayon s'étend constamment.

Aujourd'hui, comme je m'en étais fais la promesse hier soir, je me suis ainsi rendue partout grâce à mes extraordinaires pieds! J'ai marché environ une heure et demie pour me présenter à l'hôpital pour l'écrasement annuel de mes excroissances mammaires. Au moins, j'avais eu le temps d'emmagasiner suffisamment d'oxygène pour être en mesure de retenir mon souffle six fois pendant que le plateau transformait mes bonnets D en minuscules A moins. Ouf!

J'ai tout détesté de mon bref séjour à l'hôpital. De la construction qui fait en sorte que l'on doit passer par les urgences pour se rendre à la radiologie, à la jaquette bleue pâle avec des motifs que j'ai décidé d'associer à des étoiles pour m'encourager et faire plus de saison, jusqu'à la présence honnie du quotidien de PKP dont j'ai détourné mon regard même lorsque j'ai constaté que ce vil représentant d'une victoire patronale abjecte représentait la seule lecture disponible. En tout cas, je suis bonne pour une autre année. Je me croise juste les doigts dans l'attente des résultats qui, je l'espère, auront été établis par un radiologiste fiable. Je vous dis que la vie d'une hypocondriaque n'est pas facile par les temps qui courent. Quand je pense que je ne peux même plus être rassurée par un diagnostic favorable. Et s'il s'agissait d'une erreur d'interprétation? Des heures d'angoisse en perspective...

Bon, j'ai quand même réussi à retrouver la sortie, le soleil, l'air frais de cette magnifique journée d'hiver. Un autre vingt minutes de marche pour aller rencontrer l'Homme pour le lunch. Ce dernier ne pouvait évidemment s'éterniser à notre petit resto préféré, mais moi oui. J'ai donc pris un deuxième café et j'ai lu pendant presque une heure. C'était tellement relaxant d'avoir le temps. Ça m'a fait rêver à la retraite. Je suis certaine que je pourrais facilement adopter ce rythme. Plus lent.

Je n'y suis toutefois pas encore. J'avais prévu faire aussi des courses au centre commercial. Une autre demi-heure de marche (merci mes pieds mignons!) et j'y étais. Je ne sais pas si je dois attribuer ma déconcertante facilité à trouver ce dont j'avais besoin au bien-être ressenti par mon corps revigoré par le plein air, mais j'aime à le croire. En une heure et demie à peine, j'avais complété mes achats. J'ai même eu le temps de me trouver des pantalons et de les faire ajuster. Pas mal bien, non?

À 16 h 30, je quittais les lieux pour me diriger vers le magasin où l'Homme travaille. Une autre demi-heure de jouissance à regarder mes adorables pieds, littéralement infatigables, me transporter jusqu'à mon point d'arrivée. J'avais quitté la maison ce matin sous un soleil resplendissant. Il faisait maintenant noir. Tu parles d'une sacrée belle journée!

mardi 14 décembre 2010

Moyen transport!

Que du quotidien et rien d'autre. Aujourd'hui, le voyage de retour dans le wagon à bestiaux tenait du pur exploit. Vingt minutes de retard dès le point de départ. Avouez que ça commençait mal. Et un trafic à vous donner envie de marcher jusqu'à la maison, même si mort s'ensuit. Car tout était bloqué. Partout.

Seul bonheur dans mon sombre horizon : j'étais assise. Ce coin de ciel bleu fut cependant de courte durée. En effet, le chauffeur, prévoyant sans doute la randonnée qui s'éternise, avait décidé de garder ses bestiaux au frais. J'avais les pieds gelés. À l'imprudence (ou devrais-je plutôt dire ici l'impudence) que j'avais eue d'enlever mon chapeau, j'ai dû bien vite remédier avant que mon cerveau ne prenne en glace.

Comble de malheur, je suis tombée de façon évidemment involontaire sur un autobus rempli de bibliothécaires! Un silence de mort régnait. Pour une fois que j'avais envie d'entendre les potins insignifiants, mais parfois juteux, du wagon, personne ne soufflait mot. À côté de moi, une étudiante ou une fonctionnaire zélée noircissait une tablette lignée. Elle était jeune. Ça faisait drôlement longtemps que je n'avais pas vu un spécimen de cette génération avec un crayon à la main. D'habitude, ce sont plutôt tous les bidules électroniques que ces moins de trente ans manipulent allégrement.

Alors, rien d'intéressant à babord. Voyons ce qui se passe à tribord. Zut! Un gros endormi. Ce n'est pas ce soir que je vais agrandir le cercle de mes amis. Que faire? Que faire! Je ne voulais pas me brancher moi-même étant donné que je prévoyais aller marcher en arrivant à la maison et que je ne voulais pas souffrir d'une surdose de métal. En plus, ma batterie était pratiquement à plat. J'ai tout de même tenté d'écouter la radio. Oui, j'ai découvert il y a quelques jours, et cela par totale inadvertance, que mon lecteur mp3 était muni de la radio. Du moins, c'est ce que je crois mais je n'ai aucune preuve à l'appui puisque je n'ai pas réussi à écouter quoi que ce soit. Je pense avoir réussi à programmer un poste, sans plus. Tout ce que j'entendais, c'était des grichements. J'avais espéré au moins apprendre la raison pour laquelle nous nous retrouvions ainsi enlisés en plein coeur de la ville.

J'ai dû prendre mon mal en patience. Comme tout semblait vouloir se liguer contre moi, je n'éprouvais pour faire exprès aucune envie de tomber, même pour pas longtemps, dans les bras de Morphée. Faut dire que la pauvre avait déjà un lourd fardeau. Ça parle peut-être pas des bibliothécaires, mais ça somnole en masse et en groupe.

Plus d'une demi-heure après mon entrée dans le tombeau roulant, je constate que nous avançons un peu plus normalement. On dirait que le trafic se dégage sur l'autoroute. C'est pas trop tôt. Je me préparais à réveiller tout le monde et à caller un set carré. Et swing la baquaise dans l'fond d'la boîte à bois! Je ne sais pas si j'aurais eu du succès mais j'aurais eu le mérite, au moins, de proposer une activité de saison.

Finalement, une heure et des poussières plus tard, je mets le pied sur le trottoir familier. Il fait noir. Il fait froid. Ce n'est à peu près pas déblayé. Je suis écoeurée. J'éprouve beaucoup de difficulté ces temps-ci à me motiver pour m'entraîner le soir justement à cause de ces voyages épuisants en transport commun. Depuis plusieurs semaines, à cause des zones sinistrées du boulevard, nous n'en finissons plus d'effectuer un retour bien mérité dans notre "maison sucrée maison" (une expression de l'Homme qui s'amuse à traduire les dictons de l'autre solitude - vous aurez reconnu ici "Home Sweet Home"). J'ai donc sauté dans mon pyjama plutôt que dans mes espadrilles. Heureusement qu'il y avait yoga ce midi. D'ailleurs, je suis certaine que vous aviez déjà noté la zénitude qui m'habitait tout au long de ce trajet vers l'abattoir.

Demain je suis en congé. Je fais tout à pied. Je ne veux même pas voir l'ombre de l'apparence d'un quelconque véhicule à moteur.

dimanche 12 décembre 2010

C'est Noël :) C'est Noël :(

J'hésite à vous entretenir de mes émois des derniers jours. C'est que j'ai vécu des moments en dents de scie, des moments plus ou moins intéressants et, pour qui suit le blog un peu régulièrement, des moments où j'ai de nouveau brassé de vieilles affaires.

Ces temps-ci, j'aime imputer mes états d'âme à mon identité de baderne. À mon âge avancé, les hormones ne jouent pas toujours aussi bien leur rôle. Parlez-en à l'Homme qui endure depuis deux jours des crises de larme, des démonstrations d'euphorie et des déclarations d'amour intempestives. Il ne sait plus à quel saint (remarquez bien ici, jeunes produits de la réforme, l'orthographe du mot précédent. Il a un homonyme. Ce n'est pas de celui-là dont je parle.) se vouer. S'il essaie de comprendre, je le rabroue. S'il ne parle pas, je pleure. S'il tente de me raisonner, je tente de l'assassiner. Bref, un véritable test pour le couple. Je vous annonce que nous avons survécu jusqu'à maintenant. L'Homme écoute un film de James Bond et... je blogue.

Pourquoi tant d'énervement de ma part? À cause de Noël, bien évidemment. Cette foutue période de l'année qui fait ressortir le meilleur et le pire de mon moi anxieux. Je suis constamment partagée entre la volonté de vivre de belles fêtes au présent et l'incapacité de faire fi des souvenirs. Je me hais quand je ne peux pas sortir une boule de la boîte des décorations de saison sans revoir le Fils et la Fille en train de nous aider à transformer la maison en royaume du kitsch de Noël. Pas grave. C'était beau parce que c'était fait en famille.

Tenez, cet après-midi, je cherchais si, par hasard, la gommette n'avait pas été malencontreusement placée dans le banc de piano quand je suis tombée sur un dessin que la Fille m'avait offert à un Noël ancien. On y voyait par une fenêtre le traîneau du père Noël, un enfant en train de patiner et, bien sûr, un chat se promenant sur un banc de neige. À l'endos, un poème intitulé Je t'aime. Sans doute que la Fille ne s'en souvient peut-être même plus mais, dans le temps, elle disait aimer cuisiner avec moi, voir des spectacles ensemble, jouer du piano en duo. J'ai oublié instantanément mes résolutions de mère cool qui est contente de voir son enfant s'épanouir à l'étranger et j'ai éclaté en sanglots. Les chattes m'ont regardée et Mignonne a fait "Rourou". J'ai pleuré plus fort.

C'est pas tout ça, j'ai une crèche et un village à installer. Je suis d'ailleurs heureuse de signaler que j'ai réussi cette année à ne pas égarer Saint-Joseph qui pourra occuper la place qui lui revient à côté de sa Vierge chérie. Pour ceux et celles intrigués par cette phrase, je vous encourage à lire le message du 18 décembre de l'année dernière, Ne crèche pas qui veut dans mon salon, afin de constater les dégâts parfois occasionnés par l'écoute du métal. Alors, alors. Je sors les petites maisons, les personnages, le papier imitation roches grises et les lumières. Je m'installe dans le fauteuil pour visser les ampoules de ce jeu de lumières qui ne sont pas de l'ère moderne et que je serai sans doute incapable de remplacer lorsqu'elles décideront de s'éteindre. L'Homme dort dans le divan d'à côté. Il est venu là pour me tenir compagnie m'a-t-il dit. C'est vrai. Il ne fait rien mais il est dans la même pièce que moi. Que disais-je? Ah! oui, les lumières. Un souvenir refait brusquement surface. Encore un. Je pense au Fils dont c'était toujours la tâche, quand on faisait l'arbre, de tester les fameuses ampoules. Il les vissait toutes, puis il les branchait sur la prise de la cuisinière (qui nous venait de mes parents et qui était munie d'une prise sur le devant en plein milieu des boutons servant à allumer les ronds placés judicieusement à hauteur de la taille... un véritable danger pour des enfants mais cela ne posait pas problème autrefois. C'était avant qu'on bouche les prises électriques avec des couvercles de plastique, qu'on installe des dispositifs pour empêcher l'ouverture des portes d'armoire et qu'on écoute avec un moniteur les signes vitaux de nos angelots.). Le Fils remplaçait donc les douilles qui étaient brûlées avant de donner les jeux à l'Homme qui avait, lui, la responsabilité de les mettre dans l'arbre. Les chutes du Niagara coulent à flots dans ma face. Je réveille l'Homme avec mes hoquets. Il ne comprend plus rien... encore une fois. Qui saurait l'en blâmer? Je ne me comprends plus moi-même!

En tout cas, nous avons réussi à terminer les décorations intérieures et extérieures. Il pleuvait à scieaux dehors mais l'Homme a vaincu les éléments en furie. Il pleuvait à scieaux dans mon coeur mais la crèche est belle entourée de son petit village illuminé. Et tous ces personnages qui lui font prendre vie. Tout à gauche, la maison rouge avec une mangeoire d'oiseaux en arrière, c'est la nôtre, celle qui représente notre famille. Sur un banc, l'Homme et moi prenons en café en regardant le Fils et la Fille qui s'amusent à faire un bonhomme de neige.

S'cusez-moi... j'dois aller me moucher.

vendredi 10 décembre 2010

Noël est pas pareil partout

Omar Khadr, qui n'a finalement jamais été jugé comme un enfant-soldat, a signé une entente absolument inconcevable pour espérer retrouver éventuellement la possibilité de revenir au Canada. Savez-vous qu'il renonce notamment à poursuivre le gouvernement américain pour les torts subis pendant sa capture, sa détention et son procès? Croyez-vous qu'il s'engage à verser au gouvernement canadien toutes les sommes qu'il pourrait gagner en vendant les droits à son histoire ou en donnant des conférences sur ce qu'il a vécu à Guantanamo? N'est-ce pas, comme le titre le journal La Presse, un pacte signé directement avec le Diable? Je savais qu'Omar avait été blessé lorsqu'on l'a capturé et j'avais appris aussi qu'il avait perdu un oeil. Ce que j'ignorais, cependant, c'est qu'il est en train de perdre petit à petit l'usage de son autre oeil. Je ne sais pas comment on arrive à se relever d'autant d'épreuves. Je ne sais pas, surtout, comment on continue à faire confiance à la vie, malgré tout.

"Samedi 11 et dimanche 12 décembre, 2 jours seulement de rabais dans les succursales de la SAQ."

Une jeune hondurienne a été kidnappée avec son ami par des hommes armés membres d'une gang de rue pendant qu'elle vivait encore dans son pays. Son ami a été torturé et décapité devant elle. Après, elle a été victime d'un viol collectif. Elle a été secourue de justesse par des personnes âgées qui l'ont trouvée inconsciente dans un champ. Elle s'est finalement réfugiée ici, au Canada. Cependant, ce lundi 6 décembre, les autorités responsables de l'immigration viennent de lui ordonner de faire ses valises et de retourner d'où elle vient. Apparemment, son histoire n'est pas crédible, et ce, même si on ne lui a pas permis de la raconter au complet. Il y aurait eu entre autres confusion dans les dates. Une fois, elle a dit que ça s'était passé le 9 février et, une autre fois, le 10. En fait, c'est arrivé dans la nuit du 9 au 10! Les autorités trouvent également bizarre qu'elle n'ait pas porté plainte à la police. Ah! oui. Vraiment. Même au Canada, les victimes hésitent à renvoyer ces crimes devant les tribunaux à cause de la honte et de la peur des représailles. Ses avocats ont écrit deux fois à Jason Kenney, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ils n'ont reçu aucune réponse à ce jour. Pendant ce temps, une femme est terrorisée à l'idée de rentrer chez elle.

"Le temps presse pour les cadeaux de cuisine. Ne manquez pas notre cahier spécial cartes-cadeaux."

Un rapport accablant de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, une organisation non gouvernementale, nous apprend que, du supplice de la baignoire à la bastonnade sur la plante des pieds, la torture est une pratique endémique et régulière dans le monde.

Pendant ce temps, on attend toujours les documents promis par le gouvernement canadien sur le sort réservé aux prisonniers remis par le Canada aux autorités afghanes. Un an s'est écoulé depuis la formation forcée d'un comité chargé d'étudier les documents en question. C'est à venir en janvier, paraît-il.

"Les soldes compte à rebours des fêtes sont en cours. Plus que 15 jours de magasinage."

De nouvelles manifestations postélectorales ont fait un mort hier à Port-au-Prince où le Conseil électoral haïtien a annoncé qu'il allait revérifier les résultats du premier tour de la présidentielle que contestent de nombreux candidats.

L'épidémie de choléra a fait plus de 2000 morts en Haïti depuis la mi-octobre.

"Rabais exceptionnels pour le temps des fêtes. Payez en 36 versements sans intérêt."

Et c'est aujourd'hui que j'étais au service de dépannage de la paroisse remplissant des sacs de plastique de deux tasses de riz ou de dix sachets de thé, coupant en deux les douzaines d'oeuf, séparant les paquets de pouding en format individuel, divisant les sacs de pommes de terre pour les mettre dans des contenants plus petits. Et c'est aujourd'hui que j'accueillais des gens comme vous et moi, seulement plus malchanceux, qui venaient chercher leurs provisions pour Noël. Je reconnaissais des visages de l'année dernière. Une maman était même accompagnée de sa petite fille d'environ 10 ans. Une autre jeune femme nous a annoncé simplement qu'elle était enceinte. Elle a eu droit à une douzaine d'oeuf en plus de la moitié de l'autre qui était déjà dans sa boîte. Maintenant le local est plus petit. L'église a été vendue. Le dépannage a dû déménager. Il faut distribuer les paniers sur quatre jours au lieu d'un. Seulement hier, la responsable a reçu 10 autres appels pour des paniers. Nous en avons distribué plus de trente cet après-midi. Le même nombre hier. Et ça se poursuit jeudi et vendredi prochains.

Je ne sais pas pourquoi je pleure ou, plutôt, je ne le sais que trop bien. Des fois, je me sens tellement impuissante, tellement inutile. La goutte d'eau dans l'océan. Est-ce que tout ça fait vraiment une différence? Ironiquement et bien que je ne bénévole pas pour cette raison, je n'ai pas réussi à soulager même un peu mon sentiment de culpabilité de personne trop choyée, trop nourrie, trop aimée. Non. Je me sens encore plus interpelée à partager, à conscientiser, à oeuvrer pour le bien commun, à souhaiter qu'un jour, mais je ne serai pas là pour le voir c'est sûr, le monde vive sous le règne de la générosité, de l'égalité, de l'ouverture des coeurs. Peut-être qu'à ce moment-là, nous aurons réussi à changer la couleur de l'océan grâce aux innombrables gouttes d'espoir que nous y aurons verser.

mercredi 8 décembre 2010

Des jeux sans pain

Je n'ai pas le temps de faire long. Je fais marcher mes neurones sur les trottoirs des circonvolutions de mon cerveau. J'ai trouvé un site de jeux d'entraînement cérébral. Je trouve ça capotant même si c'est frustrant un peu car je suis nulle... ou presque.

Il y a cinq jeux différents. J'en ai essayé trois jusqu'à maintenant. Celui que je préfère consiste à retrouver une liste de vingt mots dont les syllabes ont été séparées. Les mots portent tous sur le même thème. Et le joueur peut à sa guise modifier différents paramètres, par exemple le temps imparti, le nombre de syllabes, le niveau de difficulté. Comme c'est un site français de France, je suis pas mal poche quand il s'agit de trouver des noms de villes ou d'auteurs. Mais je dois avouer que je n'ai guère fait mieux avec les minéraux, la musique, le théâtre et les jouets.

Mon problème se situe en fait à deux niveaux, soit la vitesse et la vision. Deux mots qui commencent par la même syllabe pour décrire mon manque de VIvacité. Alors, voilà ce qui m'arrive. Je ne repère pas assez VIte les syllabes qui sont éVIdemment toutes mélangées et pas dans l'ordre alphabétique. De plus, comme les lettres sont placées dans de toutes petites cases, au bout d'un certain temps, je n'y vois plus rien! Plus je cherche et moins je trouve. M'enfin, c'est pour s'amuser, non?

Ce qui est drôle justement c'est qu'il faut avant de débuter le jeu indiquer notre sexe, les études que nous avons terminées et notre date de naissance. Il paraît que c'est essentiel pour permettre au programme de faire les ajustements nécessaires pour stimuler les neurones correspondant à notre âge. J'ai été heureuse de constater que, malgré mon état de baderne avancée, il y avait quand même des exercices pour m'empêcher de sécher de la boîte crânienne.

Vous savez, ça fait peur quand on vieillit, de penser qu'un jour on ne se souviendra peut-être plus de rien. Ou pire encore, qu'on ne reconnaîtra plus personne. Je vois trop bien les ravages de cette épreuve quand je rends visite à Belle-Maman. C'est d'une infinie tristesse.

Pour me consoler, je m'imagine qu'en entraînant mes neurones, je vais pouvoir éviter ou retarder l'inéluctable. Au moins, je pourrai dire que je me suis amusée avant de perdre les pédales. Quand je regarde mes pauvres résultats, cependant, je me demande si je ne devrais pas déjà m'inquiéter. Allez, je vous donne l'adresse si ça vous dit de tenter l'expérience :

http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/sciences/Jeux-d-entrainement-cerebral-HAPPYneuron/p-11202-Jeux-d-entrainement-cerebral-HAPPYneuron.htm

mardi 7 décembre 2010

Des conseils pour en faire ce que vous voulez

Alors, alors. Comme je n'ai pas d'anecdotes palpitantes ou croustillantes à vous mettre sous les yeux, je vais vous parler de nouveau de l'émission de radio que j'ai écoutée vendredi dernier. Je n'ai pas souvent l'oreille tendue au poste, c'est vrai. Cependant, quand ça m'arrive, ça compte pour toutes les autres fois où j'oublie que ce média existe toujours.

L'une des chroniques visait à fournir aux auditeurs des conseils "zen" pour passer au travers des fêtes sans y laisser leur peau. Il y en avait cinq que je n'ai évidemment pas tous retenus. J'imagine que ma mémoire a fait la sélection de ce dont j'avais le plus besoin. Je vous les partage.

Conseil numéro 1 - Acceptez moins d'activités, de fêtes, de retrouvailles et autres rencontres de saison mais soyez pleinement présent à celles auxquelles vous répondrez par l'affirmative.

Que voilà une sage recommandation! C'est bien beau de vouloir saluer tout un chacun et de se faire voir partout où il y a un père Noël, une fée des étoiles ou un sapin vert roi des forêts, mais qu'arrive-t-il quand, à force de courir comme des poules sans tête, on se retrouve la langue à terre et la face dans le bol à punch? Ça nous fait une belle jambe! Il est donc préférable de choisir judicieusement nos apparitions en société et même, pourquoi pas, en famille afin d'être en mesure de profiter pleinement des gens que nous allons côtoyer.

C'est ça la clé : les gens. Pas les cadeaux. Pas les bouteilles. Pas tout ce qui brille. Non. C'est le moment privilégié de pratiquer notre empathie envers les autres, de les écouter pour vrai. Malgré le fait qu'on est très loin des tête-à-tête, il faut prendre le temps de parler avec la plupart des gens qui fêtent avec nous. Qui sait quand se représentera l'occasion de jaser avec l'oncle Gaston de son plus récent remplacement de hanche, ou avec la tante Gertrude de sa recette de ragoût de pattes, ou avec le neveu Alex de sa nouvelle blonde Vanessa qui vous rappelle vaguement quelqu'un? Bref, de bons moments qu'il ne faut surtout pas laisser passer.

Conseil numéro deux - Quand c'est fini, c'est terminé.

Ici, on parle des quelques éclats de voix, vives frustrations ou carrément règlements de compte qui ponctuent parfois les réunions de saison. Il faut apprendre à laisser aller. Est-ce bien utile de rappeler continuellement au patron qu'il a fait un fou de lui-même en dansant sur la table du resto l'année dernière avec deux boules de Noël pendues à sa ceinture? Pas les boules à Noël. Je parle de boules de Noël. Vous me suivez, j'espère.

Dans mon cas, j'ai décidé d'appliquer ce conseil à la nostalgie qui m'envahit quand je pense à tous mes Noëls vécus. Ça commence à en faire pas mal et, comme je suis encore capable de m'en rappeler, ça vient occuper un peu trop de place dans ma tête où j'essaie de faire le ménage. Je peux bien me souvenir des beaux et moins beaux Noëls mais il reste que le plus important, c'est celui qui vient. Être présent. Vivre le moment présent. Ça marche. Ça m'aide au moins à mieux accepter l'absence de mon pigeon voyageur de Fille.

Conseil numéro trois - Dire et répéter : "Merci, je n'ai besoin de rien. J'ai tout ce qu'il me faut".

Et éviter ainsi le piège de la surconsommation. Nous devons apprendre à simplement être reconnaissant pour tout ce que nous avons et cesser de nous créer sans cesse d'autres besoins. Arrêtons-nous un instant. Écoutons les appels qui sont lancés à notre générosité pour permettre à d'autres gens moins fortunés, moins chanceux, de vivre eux aussi un beau Noël. Nous en avons toujours trop. Nous mangeons (et nous buvons) toujours trop. Nous achetons toujours trop.

Depuis que, grâce à la Fille, nous avons éliminé la course aux cadeaux, j'aime le temps des fêtes. Je n'ai plus besoin d'aller me joindre à la cohorte des consommateurs énervés et fatigués. Et comme j'ai plus d'énergie, je peux donner de mon temps au service de dépannage de la paroisse. C'est ce vendredi. J'ai hâte. Je suis certaine qu'après ma journée, je n'aurai aucune difficulté à dire que j'ai assurément TOUT ce qu'il me faut.

dimanche 5 décembre 2010

Trois petits tours et puis s'en vont

Cette semaine, dans l'une de ses chroniques, Pierre Foglia de La Presse posait à ses lecteurs la question suivante : Si vous pouviez supprimer à tout jamais trois mots du dictionnaire, quels seraient-ils? J'ai trouvé l'exercice amusant. Voici le fruit de mes réflexions.

Spontanément, j'ai pensé au mot "raisonnable". Me semble que ça ferait du bien de ne plus entendre de phrases du genre : "Voyons, c'est pas si pire que ça. Sois raisonnable." Ou encore "Il faut que tu te montres raisonnable." Ou même "Qu'est-ce que c'est que cette façon de réagir? Tu dois être raisonnable." Ou celle-ci qui me hérisse chaque fois : "Mais qu'est-ce que tu fais là? Ce n'est pas raisonnable." Avec ou sans "pas" devant, ce mot semble vouloir constamment faire mal. Vous remarquez que c'est l'adjectif que je veux éliminer et non le substantif. Pour moi, la raison pourrait conserver son droit d'exister. C'est plutôt cette obligation que l'on impose parfois aux gens d'êtres raisonnables, particulièrement dans des situations qui les dérangent, eux, mais qui nous arrangeraient bien, nous, qui m'indispose.

L'autre mot auquel j'en veux, encore un adjectif, c'est "impossible". Je le déteste au plus haut point quand il m'est donné comme réponse à une demande qui me semble parfaitement justifiée. Exemples à l'appui : "Vous voudriez être en mesure de toujours avoir une place assise dans le wagon à bestiaux parce que vous déboursez 95 $ par mois et que vous trouvez que c'est bien cher payé pour vous accrocher à un poteau sans même pouvoir danser autour? Impossible!". "Vous aimeriez ne pas avoir à poireauter une heure au téléphone en recomposant ad nauseam le numéro de la clinique pour prendre un rendez-vous annuel avec votre médecin, rendez-vous que vous obtiendrez pour trois mois plus tard? Impossible!" À remarquer ici le point d'exclamation qui accompagne cette fin de non recevoir. Une insistance désagréable ajoutée à une réponse déjà parfaitement indigeste.

Le troisième mot a été le plus difficile à trouver. J'ai finalement arrêté mon choix sur un substantif, soit "peur". Sans elle, il reste uniquement le courage. La bravoure. Le désir d'oser. De foncer. De se jeter en avant et d'arrêter de regarder en arrière. Dans mon cas, c'est l'histoire de toute une vie. Tant qu'à faire, j'éliminerais bien aussi ses soeurs néfastes, j'ai nommé la crainte, l'anxiété, la panique. Un règlement de compte avec la famille au complet. Et pourquoi pas?

Un dictionnaire allégé de trois mots qui me titillent la paix intérieure. Cela s'inscrit tout à fait dans mon mode de pensée actuel qui consiste à m'embarrasser le moins possible de tout ce qui ne m'appartient pas ou qui m'empêche d'avancer. Ne plus avoir peur? Impossible? Et pourtant, je trouve totalement raisonnable de le croire.
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Notes pianistiques : J'avais laissé ouverte sur le piano la partition travaillée par la Fille avant son départ. Je sais, je sais, ça fait pathétique. Mais ce n'est pas là le but de mon propos. Je voulais juste vous laisser savoir que je me suis risquée à chercher un des morceaux que j'avais appris quand moi-même j'osais toucher le clavier. Un morceau de saison. J'ai trouvé "Deck the Halls". J'ai pioché un peu et j'y suis arrivée. Hum... Le goût de me remettre au piano est revenu. Que vais-je en faire???

Notes aquatiques : Les barracudas étaient sous la glace ce matin sauf pour le trou créé par le bulleur. Quand je suis sortie pour m'entraîner, j'ai enlevé un peu de leur plafond givré et, qu'ai-je vu bien distinctement? Je vous le donne en mille. Les bébés!!!

Notes pédestres et métalliques : Une petite neige qui tombait doucement. C'était froid. C'était l'hiver. C'était beau parce qu'avant les fêtes. Ce temps d'attente privilégié. Tout doux. Et, dans les oreilles, la livraison métal choisie en collaboration avec le Pusher. De la musique qui défonce. Je suis prête à affronter le début de la semaine...

vendredi 3 décembre 2010

Radio blog

J'étais en congé aujourd'hui. Pendant que je commençais les préparatifs pour cuisiner mon boeuf bourguignon annuel de saison, j'ai décidé de mettre la radio. C'est plate parce que, même si j'aime beaucoup écouter la radio, j'ai rarement le temps de le faire. Je me souviens quand l'Homme travaillait toutes les fins de semaine et que je n'avais pas encore le Fils et la Fille, je passais tous mes samedis après-midis à popoter et à faire le ménage en écoutant Pierre Bourgault et Marie-France Bazzo à la radio de Radio-Canada. J'adorais. J'apprenais plein de choses sans m'en apercevoir. Et, en plus, je me sentais moins seule. Bourgault était extraordinaire. Il était tellement cultivé et intéressant. Il pouvait parler de tout. Et sa complice le complétait très bien. Bref, de beaux moments de radio.

C'était bien aussi cet après-midi. Je suis tombée sur une émission de Dominique Poirier qui traite de culture et d'information. J'y ai appris notamment qu'il y avait une grande rencontre de femmes blogueuses à Montréal demain. L'activité s'appelle Belles à bloguer. Je suis un peu frustrée. Je n'ai pas été invitée. Je ne figure pas non plus sur la liste des 25 blogs de filles à découvrir publiée par le magazine Coup de pouce sur son site Web. Et pourtant. Je trouve que je gagne à être découverte.

Par curiosité et pour satisfaire mon ego, je suis allée jeter un coup d'oeil sur deux des blogs recommandés. C'était intéressant mais très loin de ma réalité. Les mamans bloguent beaucoup de nos jours. Il semble qu'elles aient un besoin insatiable de faire partager à l'humanité entière leurs idées de recettes, leurs photos de famille, leurs trucs d'élevage de bébés, leurs frustrations et/ou leurs bonheurs de mères à la maison en congé de maternité. D'après la journaliste qui parlait du phénomène à la radio, cela permet de briser l'isolement entraîné par le fait que les grands-mamans n'habitent plus nécessairement la porte d'à côté, que les soeurs et amies travaillent probablement à l'extérieur de la maison et que les voisines sont des inconnues. On notait également que les filles écrivent rarement sur des sujets qui sont loin d'elles. Elles s'attardent davantage à leurs états d'âme. Ça, je peux comprendre. Je m'étends moi-même très souvent sur les replis de mon être et les débats existentiels qui meublent mon quotidien. Toutefois, je parle aussi de musique métal et de défoulement sur les trottoirs urbains. C'est un peu différent, non?

Je crois de plus en plus que si mon blog est encore seulement la pointe d'un iceberg, c'est que je manque de connaissances techno et que je me refuse à y mettre la moindre publicité. Ce qui n'était pas le cas dans les blogs que j'ai visités. De toute évidence, ces filles, qui sont beaucoup plus jeunes que moi, savent ce qu'elles font. Leur interface est remplie de gadgets/widgets de toutes sortes : sondages, bannières, onglets, photos, et j'en passe parce que je ne sais même pas comment ça s'appelle ni comment on s'en sert. Absolument rien à voir donc avec le côté drab de mon blog. Ces filles sont aussi toutes branchées sur FaceBook et semblent avoir plein, plein d'amies. Vous voyez le vert me monter au visage? Moi aussi.

Alors, j'arrête. À la retraite, je prendrai peut-être le temps de joindre la blogosphère pour vrai. Vous verrez. Moi aussi je peux devenir belle à bloguer!
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Notes pédestres : Un peu plus et je sacrifiais mon entraînement parce que trop occupée par mes tâches de ménagère habituellement non accomplie. Il était minuit moins une (plutôt 15 h dans les faits) quand j'ai finalement abandonné veau, vache, cochon et couvée pour chausser les espadrilles. Bien m'en pris. Il faisait beau. Je suis revenue avec le visage tout rose. C'était pas mal plus santé que mon teint verdâtre du départ!

Notes aquatiques : Tout "bulle" dans l'huile dans le bassin. Les barracudas semblent s'être habitués à l'intrus. Je suis cependant consternée car, malgré une observation attentive et répétée de la vie sous-marine dans Occupoisson Double, je n'ai pas réussi à apercevoir le moindre bébé. Ont-ils déjà été sacrifiés pour le bien de la communauté ou sont-ils simplement cachés dans un coin quelque part? À suivre.

jeudi 2 décembre 2010

Voyage au bout de l'enfer

Ça va mieux. Ça va même beaucoup mieux. Finie la pluie. Finies les larmes. Place aux trottoirs et au métal. Et pourtant... pourtant, j'ai hésité quand même un peu à chausser les espadrilles. Je l'ai déjà dit. Le voyage de retour en wagon à bestiaux après la journée de travail me rentre dedans. Même quand je suis assise, comme ce soir, entre un militaire dans son habit de camouflage vert et une femme d'un certain âge vêtue de cuir de pied en cap.

Justement, d'où est venu le danger selon vous? De l'armée canadienne ou de Ilsa la louve des SS? Je vous le donne en mille. C'est la cuirette qui est venue titiller le côté hypocondriaque de mon moi-même. Alors, je suis là, serrée comme une sardine entre un soldat sans peur et sans reproche et une maîtresse de donjon à qui il ne manque que le fouet et les menottes. J'essaie tant bien que mal de ne pas trop me frotter contre les cuisses de l'un et de l'autre. C'est difficile. Surtout que l'ardent défenseur de notre feuille d'érable, comme la plupart des représentants de son sexe, a les jambes bien écartées pour mieux reposer les bijoux de la Reine dont il est le protecteur. M'enfin. J'y arrive.

J'ai un peu chaud, cependant, du côté de la cuisse qui côtoie le pantalon en peau. C'est que ça respire pas vraiment bien le cuir. Je crois, en fait, que ça respire pas pantoute. Je décolle lentement ma jambe en essayant de ne pas arracher un morceau du vêtement de Ilsa à cause de la succion qui s'est exercée entre nos deux pantalons. Tout d'un coup, son cellulaire sonne. Je crois reconnaître l'hymne national soviétique. Ne riez pas. Je me rappelle de l'air qui était joué lors des grandes séries de hockey opposant le Canada à la Russie. Ça donne une idée de mon âge et ça explique l'éclair dans mon cerveau. "Ouais, chus dans l'autobus en ce moment," répond l'espionne du KGB. "J'devrais être là d'ici une demi-heure (aparté : elle est optimiste, moi j'aurais dit une heure). Je dois passer à la pharmacie avant d'aller à la maison. Chus retournée voir le docteur. J'ai besoin de nouveaux antibiotiques. Ceux que j'ai pris ne fonctionnent pas. Ouais, je sais que ça fait plusieurs. Je pense que c'est le cinquième qu'il essaie. Mais je n'ai pas le choix. Il a fait une culture de la bactérie et il dit qu'il faut que je change de médicaments." Je n'ai pas entendu le reste de la conversation. J'étais dégoûtée. Ouache. Du cuir contaminé? Du cuir contaminé qui me touche? Du cuir contaminé qui me touche et dont je ne peux m'éloigner à moins de rester debout parce qu'il n'y a plus de place dans l'autobus?

J'aurais voulu débarquer tout de suite. J'aurais voulu que Ilsa débarque tout de suite. Ou le militaire camouflé. Comme ça, j'aurais pu me tasser du côté opposé au microbe ambulant. Là, j'ai carrément laissé la gêne de côté et j'ai collé ma cuisse gauche sur le pantalon kaki. J'étais une réfugiée afghane. L'armée devait me protéger.

J'ai réussi à ne pas me lancer dans des suppositions horribles sur la bactérie affligeant Ilsa que j'espérais ne pas être la dévoreuse de chair. Cela aurait expliqué, toutefois, le port du cuir. C'est plus résistant. Et certainement plus difficile à croquer. Mais j'imagine que si cela avait été le cas, Ilsa aurait été trop malade pour aller travailler. À moins que... à moins que ce soit un complot pour infecter le plus grand nombre de personnes possible. Ça se peut ça, non?

Ah! enfin, c'est son arrêt. Je respire. J'ai hâte d'arriver à la maison pour procéder à la fumigation de mes vêtements. Avec toutes ces émotions, je ne comprends pas pourquoi j'hésitais encore à prendre l'air. À la minute où j'ai mis les pieds sur le trottoir, j'ai senti que j'étais à ma place. Le calme est revenu en dedans. J'ai respiré à fond l'air pendant qu'il était frais et non pollué par la fumée des poêles à bois de ceux qui, à l'instar de notre gouvernement, refusent de protéger l'environnement. Et j'ai marché. Et c'était parfait. Des trottoirs secs. Une température agréable. De l'énergie à dépenser. Et le métal de Dark Tranquillity. "Don't bring your misery down on me," que je chantais, toute émue parce que si bien dans ma peau.

Eh! j'ai presque oublié l'absence de la Fille. Presque.
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Notes aquatiques : Le bulleur est enfin installé grâce à l'Homme qui a lu les instructions à tête reposée. Ça bubulle doucement dans le bassin et, comme prévu, les barracudas se baladent autour de leur nouvelle bébelle. Si ça peut leur permettre de passer l'hiver, ils peuvent bien regarder tout leur soûl.

mercredi 1 décembre 2010

She won't be home for Christmas

Bon, la pluie continue. Et mes larmes aussi. Ce midi, je suis allée emballer des cadeaux pour Nuage de rêves, une initiative de notre ministère qui consiste à offrir un Noël plus joyeux à des enfants démunis de la région. Pour ce faire, nous distribuons des étoiles sur lesquelles sont inscrites le nom, l'âge et le sexe d'un enfant et, s'il en a, ses suggestions pour un cadeau. Cette année, j'ai participé de plus près à ce projet et je suis complètement émerveillée par le dévouement exemplaire des organisateurs et la grande générosité des donateurs. Ensemble, nous réussissons à distribuer 500 cadeaux! C'est incroyable, non?

Vous pouvez imaginer sans peine l'ampleur de la machine en place pour assurer le bon déroulement de toute l'opération. Il faut notamment installer des kiosques à des endroits stratégiques pour remettre d'abord les étoiles et recueillir ensuite les cadeaux. Ça prend du monde pour assurer une permanence à ces kiosques tous les jours de la semaine, de 11 h 30 à 13 h 30. C'est une des tâches que j'ai faites. J'ai adoré. Les gens sont tellement désireux d'aider que ce n'est pas difficile tant que ça de les convaincre de prendre une étoile.

Quand les cadeaux reviennent, ils doivent être emballés. C'est une autre des choses que j'ai décidé de faire. C'est impressionnant quand on entre dans le local. On dirait presque un atelier du Père Noël lorsqu'on aperçoit tous les jouets, et les grandes tables avec les papiers, les rubans, les boîtes et les sacs multicolores qui serviront à les envelopper. J'y étais donc avec une collègue et nous accomplissions notre tâche de lutin en écoutant, bien évidemment, de la musique de Nowell, quand les souvenirs ont remonté à la surface.

Je n'ai jamais aimé tant que ça le moment où il fallait que j'emballe les cadeaux du Fils et de la Fille. C'était difficile parce que je devais le faire quand ils dormaient pour qu'ils ne se rendent compte de rien. Souvent, je me réfugiais dans notre sous-sol pas fini et j'emballais avec l'aide des chats qui avaient le don de s'écraser sur le papier que je venais de dérouler ou qui s'enfuyaient avec un chou collé sur le dos. Tout cela en respirant l'odeur non pas du sapin vert mais bien du bac à litière.

Je me souviens aussi de ces temps des fêtes où nous avions réussi à joindre les deux bouts, mais avec un trou dans le milieu. Mais ce n'était jamais parce que nous avions trop dépensé pour les cadeaux. Non. C'était seulement que nous faisions partie du niveau inférieur de la classe moyenne. Pour cela, nous avons dû habituer très jeunes le Fils et la Fille à se montrer raisonnables dans leurs attentes. En un sens, cela nous a aidés à mieux apprécier ce que nous avions, à avoir envie davantage de partager avec les autres quand nous avions un peu plus de "lousse" et, surtout, de ne jamais tenir pour acquis l'immense richesse que nous avions de former une famille.

En faisant friser le ruban d'un cadeau, ce midi, j'ai repensé à tout ça. Je me suis revue dans mon sous-sol pas fini avec la fournaise qui part à intervalles réguliers pendant que les chats jouent avec les rubans autour de moi et que je me démène pour emballer une boîte aux angles incongrus. C'est là que les larmes ont coulé. Sur un temps révolu. Sur les années qui ont passé trop vite. Sur ce foutu Noël qui refuse de jouer au jour de la marmotte.

S'il peut arrêter de pleuvoir que je puisse aller me défouler sur les trottoirs!

mardi 30 novembre 2010

Les mots interdits

Ouais, il pleuvait ce soir en sortant du bureau. J'ai décidé de ne pas marcher. De toute façon, je me sentais encore pleine de l'énergie de mon cours de yoga du midi. J'en ai donc profité pour cuisiner. Me semblait que c'était un temps pour ça. J'avais trouvé une recette de carrés aux framboises et aux pommes sur la Toile. Je confirme que les étoiles accordées en guise d'appréciation étaient toutes méritées. Ils sont absolument délicieux.

Comme beaucoup de gens, cuisiner me réconforte. Vous auriez dû respirer l'odeur du gâteau dans le four. C'était exquis. Le bonheur par les voies olfactives. Et comme il y avait des pommes dans la recette, ça sentait l'automne, les jours plus froids et l'envie de s'enfermer dans la maison comme dans un cocon. J'ai presque réussi à me réchauffer complètement l'intérieur. C'est que, depuis ce matin, j'ai le coeur un peu gros.

Je vous explique. La Fille poursuit toujours son périple à l'extérieur du pays et, par le fait même, à l'extérieur de nos vies. Je vous résume le trajet suivi par cette voyageuse devant l'éternel jusqu'à maintenant, soit depuis trois mois : Paris, Milan, Bologne, Padoue, Venise, Beychevelle (pour les vendanges), Bordeaux, Toulouse, Carcassonne, Sète, Marseille, Toulon, Ajaccio et Bastia (Corse), Livourne, Pise, Rome, Naples, Amalfi, Palerme, Catane, et, ce matin, Tunis. Je suis contente. Elle m'apprenait dans son courriel qu'elle s'était bien rendue et que son cyberhôte (traduction de couchsurfer selon ce que je viens d'apprendre) était super sympathique. Elle me demandait de lui envoyer des nouvelles.

Pendant que j'écrivais mes petits riens quotidiens qui, je crois, lui permettent de garder un lien avec nous, je retenais des mots et des phrases. Encore une fois, j'ai gardé en moi l'envie de lui dire à quel point je m'ennuie d'elle, à quel point me manquent sa folie, son amour fou de la nouveauté, son désir de tout apprendre, de tout voir, de tout expérimenter. Je n'ai pas dit que je me languis de son absolue liberté de faire ce que bon lui semble, de ses délires créatifs, de sa gourmandise qui la pousse parfois à regretter d'avoir trop mangé avant de bien sûr recommencer, de son énergie inépuisable qui la pousse à en prendre trop et à ne rien céder, de sa détermination, malgré ses multiples occupations, à garder contact avec tous ses amis quitte à se priver de sommeil, de sa touchante naïveté dans sa façon de vouloir régler certaines situations ou d'aborder certains problèmes. Non, je ne peux pas écrire ça. Je ne veux pas qu'elle culpabilise, si tant est qu'elle serait capable de le faire, parce que sa mère a le coeur en morceaux.

Alors, en tapant encore une fois ces mots "Je pense à toi. Surtout profite bien de ton voyage. Prends soin de toi.", j'ai pleuré en dedans. J'ai presque réussi à me faire croire que je n'avais pas le droit d'être triste, que je ne pouvais pas trouver ça difficile qu'elle ne soit pas là pour Noël. Après tout, qu'est-ce que Noël? Une journée comme les autres. Cette année, en tout cas, ce sera une journée comme les autres. Il va me manquer un morceau. Une partie de moi que l'Homme et moi sommes allés chercher à l'autre bout du monde il y aura vingt ans le 18 décembre prochain. Une merveilleuse petite fille de treize mois, apeurée, qui me scrutait de ses grands yeux. Quel chemin parcouru! Quand je songe qu'elle se prépare à retourner, toute seule, dans son pays pour y reprendre contact avec ses racines, j'en ai le souffle coupé.

Heureusement, il me reste le Fils, mon autre cadeau du ciel, arrivé celui-là le 12 décembre 1987. Le Sage. Le Raisonnable. Le Patient. Le Doux. Celui qui console mon coeur de mère lorsqu'il déborde. Celui qui me répète : "Ne pleure pas. La Fille vient juste de partir. Tu vas te faire de la peine pour rien, trop longtemps." J'imagine que je n'ai pas le choix. À cause de lui, Noël ne sera pas une journée comme les autres. Et, en attendant que notre quatuor infernal soit de nouveau au complet, je vais simplement continuer de terminer mes courriels à la Fille par ces mots "Je t'aime, maman XXXXX".

lundi 29 novembre 2010

Le meilleur est à la fin

Il est 16 h 15. Pour une fois, je suis assise dans le wagon à bestiaux. Je suis fatiguée. C'est pourquoi je ne tiens plus en place à l'idée que je vais bientôt pouvoir arpenter mes trottoirs chéris et respirer à fond l'oxygène qui me fait toujours cruellement défaut à la fin de la journée. Mais en attendant de pouvoir m'évader, je dois me taper la presque heure de trajet de retour et surtout supporter l'odeur répugnante de mon voisin de banc. Dans son cas, l'eau de Cologne et la lotion après-rasage du matin sont choses du passé, si passé il y a eu. Il trempe maintenant dans un curieux mélange de popcorn et de croustilles au fromage, je dirais genre Doritos. C'est vraiment indigeste.

S'il n'y avait que ça. Je suis également entourée de bonnes femmes qui tiennent à tout prix à ce que l'ensemble du bétail partage leur foin quotidien. C'est d'un intérêt nul et d'un ennui mortel. Qu'en ai-je à foutre moi que l'une voit ses enfants une semaine sur deux, que l'autre se tape tous les tournois de hockey de son fils avec le manque de sommeil et de temps libre que cela suppose, qu'une troisième reçoive un appel de son chum lui annonçant qu'il ne peut aller chercher le bambin à la garderie et que cela la mette tellement en rogne que nous devons ensuite faire les frais d'une conversation qui relève du domaine privé?

Je ferme les yeux. Je crois que je vais arriver à sommeiller un peu. Mal m'en prend. Le chauffeur prend un tournant trop brusquement et je me ramasse pratiquement dans l'allée. Heureusement, j'ai le réflexe d'agripper le poteau en face de moi. J'ai sauvé la face et mon derrière!

Enfin, je débarque. Je me dépêche de m'occuper des chattes qui attendent impatiemment derrière la porte l'arrivée de la main qui les nourrit. Me voilà sur le trottoir. Il ne fait pas froid. C'est merveilleux... ou presque. Je constate, à mon grand désarroi, que c'est déjà le retour de la marche d'hiver. L'entraînement prend alors un tout autre sens, particulièrement sur des trottoirs souvent mal nettoyés et par le fait même glissants. C'est le cas ce soir. Je me raidis pas mal au début parce que j'ai peur de tomber. L'analogie peut paraître ridicule mais les conditions climatiques nécessitent un ajustement semblable à celui de la conduite d'une voiture en hiver. Je ralentis donc le pas afin de mieux évaluer la situation. Il y a de la glace noire par endroits. Je devrai donc redoubler de prudence. C'est plate parce que cela veut dire aussi que je ne pourrai pas marcher aussi rapidement qu'à l'habitude. Bon, rien ne sert de se lamenter, il faut partir à pied.

La glace n'a finalement pas été le seul obstacle que j'ai dû affronter. Il y a eu aussi tous les automobilistes furieux d'être pris dans le trafic à cause des travaux toujours en cours sur le boulevard. Pour se dépêtrer du bouchon, certains ont décidé d'emprunter les rues secondaires de mon parcours mais à une vitesse... Je les entendais arriver même en étant branchée sur mon métal. C'est vous dire à quel point ils avaient la pédale au fond et la rage au coeur. Et j'ai aussi suffoqué à plusieurs reprises grâce aux extraordinaires poêles à bois si respectueux de l'environnement et de l'air pur. Entre vous et moi, il faisait 1 degré. Est-ce que cela nécessitait vraiment l'allumage d'un bûcher digne de Jeanne d'Arc? Je ne crois pas.

Je termine avec deux anecdotes qui ont eu le mérite de ramener vers le haut l'étirement des commissures de mes lèvres. Espérons qu'elles auront le même résultat sur les vôtres. Je commence donc avec mon collègue Pompon Brodeur à qui je racontais mes récentes aventures concernant l'hibernation de mes barracudas. Je lui mentionnais que j'allais installer le bulleur cette semaine et je me demandais si mes poissons seraient intrigués par ce nouveau dispositif. Nous nous sommes alors mis à déconner sur ce que peuvent bien faire les poissons dans le fond du bassin pendant les temps froids et nous avons pensé que nous pourrions installer une caméra pour mieux les espionner. Nous venions de créer un concept inédit de télé-réalité : Occupoisson Double!

Et l'autre histoire vient de l'Homme qui m'a permis de vous en parler. C'est qu'il m'a révélé ce soir que la victoire des Alouettes de Montréal au Championnat de la Coupe Grey dépendait en partie de son lui-même. Je n'ai pas suivi la partie mais l'Homme, si. Et il semble qu'à un moment donné nos oiseaux battaient dangereusement de l'aile. C'est là que l'Homme a eu l'idée de s'emparer de sa revue sur le Frère/Saint André et d'invoquer le portier nouvellement promu afin qu'il favorise l'équipe de sa province natale. Il paraît que l'Homme fournissait à mesure les instructions que le Frère/Saint coopératif s'empressait d'exécuter. Il a ainsi neutralisé le quart arrière adverse et fait perdre du terrain à l'équipe honnie. Vous connaissez la suite. Les Alouettes ont gagné. Ça parle au diable!

vendredi 26 novembre 2010

Gare au garage

J'ai vécu une première aujourd'hui : je suis allée au garage avec la voiture. Je suis consciente que c'est ma situation de femme avec homme qui m'avait évité à ce jour d'entrer dans ce lieu masculin par excellence. Tout comme Canadian Tire, le garage fait partie des endroits qui ne m'attirent pas. Je trouve qu'ils puent. Dès que tu y pénètres, tu es assailli par des odeurs de caoutchouc et d'essence. Je n'avais donc pas plus envie de vivre cette expérience que d'effectuer un saut en bungee au-dessus d'un marécage habité par des crocodiles aux mâchoires béantes prêtes à m'avaler. Mais je n'avais pas le choix. Il fallait mettre les pneus d'hiver. J'étais en congé et l'Homme travaillait.

Heureusement, je n'ai pas eu à m'expliquer avec le garagiste. L'Homme avait déjà tout organisé, pris le rendez-vous et négocié le prix. J'avais seulement à laisser la voiture devant la porte. Même ça, je ne trouvais pas ça évident. "Où, exactement, dois-je la mettre? Il y a deux garages au bout de la rue. C'est lequel celui où tu vas toujours?", que j'interroge l'Homme avec insistance. Il m'explique pour la énième fois ce que je dois faire. "Alors, si j'ai bien compris, je laisse la voiture et je m'en vais. C'est simple. J'aime ça.", que je continue un peu rassurée. "Non, tu dois aussi laisser les clés. S'il n'y a personne qui est arrivée, tu peux les déposer dans le trou percé dans la porte pour laisser passer les gaz d'échappement quand les mécaniciens travaillent sur les voitures.", que l'Homme me répond patiemment. "Je savais que ce serait compliqué. Un trou? Où ça un trou? Est-ce que c'est gros? Et où les clés vont-elles tomber?", que je commence à paniquer. L'Homme semble regretter de m'avoir embarquée dans cette galère : "Écoute, c'est facile. Tu es capable de le faire. J'ai confiance en toi. Et cesse de faire toute une histoire avec ça." Je sens bien que son ton n'admet plus de réplique. Je soupire et je me résigne.

Je laisse d'abord l'Homme au travail et me dirige ensuite vers le maudit garage. Évidemment, à cette heure-là, il n'y a pas mécano qui vive. Je stationne la voiture devant la porte comme l'Homme me l'a répété à n'en plus finir. Je sors de l'auto à la recherche du fameux trou. L'Homme a dit qu'il se trouvait en bas, à droite de la porte. Je vois une ouverture d'un diamètre correspondant à celui d'un tuyau d'échappement. J'imagine que c'est là. Je me penche pour y déposer les clés. Impossible de les faire pénétrer à l'intérieur. C'est bloqué. Les clés pendent sur le bord, à peine accrochées à ce semblant de trou. Tant pis que je me dis. Je vire les talons et me sauve presque à la maison.

Mon calvaire n'est pas fini. Je dois maintenant attendre l'appel du garagiste pour aller récupérer la voiture. Misère. Là encore, les instructions de l'Homme n'avaient pas été très claires. "Tu entres, tu paies et tu pars.", m'avait-il énoncé, exaspéré. Quand je dois me présenter pour exécuter dans l'ordre les trois étapes décrétées par l'Homme, je me trouve tout de suite devant une impasse. Il y a deux bureaux. Lequel est le bon? J'entends des bruits en provenance du garage mais je n'ai pas envie d'y entrer. Je choisis une porte et je pénètre. Personne. C'est un bureau de garage comme je l'imagine. Laid. Gris. Plein de poussière. Et ça pue. Il n'y a pas de sonnette pour annoncer notre présence. J'attends. Rien ne se passe. Je sors en espérant croiser un autre client. Peine perdue. Je rentre de nouveau. Sans succès. Je crois bien que je n'aurai pas le choix. Je soupire, sort, et, à reculons, je me dirige vers l'autre porte, celle qui semble mener au garage lui-même.

Là, il y a mécano qui vive. Il est derrière un comptoir brun, laid, et qui pue. "Bonjour, je viens chercher la voiture de l'Homme", que je lui déclare le plus gentiment possible afin de le mettre de mon bord. Je ne veux surtout pas qu'il me pose la moindre question sur l'auto. Je ne connais rien sur ses entrailles et je ne veux pas avoir l'air d'une imbécile, même si j'en suis une. Je me répète : Tu entres, tu paies, tu sors. Je suis entrée. Je suis rendue à la deuxième étape. "Combien vous dois-je mon brave? L'Homme m'a dit 50 $. Les voici.", que je dis rapidement en déposant les billets sur le comptoir, brun, laid, et qui pue. "Est-ce que vous voulez une facture?", que le mécano me demande. Bon, l'Homme ne m'a rien dit à ce sujet. Vite, je dois trouver une réponse : "Euh! qu'est-ce que l'Homme fait habituellement?" Je suis impressionnée ici par mon autonomie de femme libérée. La réponse du mécano finit de m'achever : "Ça dépend." Ça dépend? Que dois-je en déduire? Y a-t-il des tractations que j'ignore entre l'Homme et son mécano? Aurais-je dû remettre les billets dans une enveloppe brune? C'est ça. Le fait que j'aie ainsi déposé l'argent crûment sur le comptoir a dû l'indisposer. Je récupère les billets subrepticement et les glisse sous le comptoir en regardant le plafond, l'air de rien. Le mécano me fait un clin d'oeil et me remet les clés. Je tourne la tête vers l'arrière de la cour et je lui dis : "Elle est là?". Il opine du bonnet.

Je contourne la bâtisse et me dirige vers l'auto. J'ouvre le coffre arrière. Ils sont là. Les pneus dans leur sac de plastique. Et dans les sacs, la marchandise, intacte. Ouf! Le mécano est honnête. Il a laissé les graines de tournesol que les écureuils qui squattent notre garage y ont accumulées tout l'hiver dernier.
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Notes touristiques : Je suis à Montréal pour la fin de semaine. C'est pas évident de taper un blog sur l'ordi portable du Fils. Je suis contente. J'ai réussi avant que la pile n'ait plus de jus.

jeudi 25 novembre 2010

Comme des ongles sur un tableau

Je n'ai qu'un sujet en tête depuis le début de la journée. Je n'ai donc pas le choix de vous en parler sinon je vais rester frustrée. Les irritants. Voilà, c'est dit. Je commence par les petits. Tenez, par exemple, en marchant pour me rendre au bureau ce matin, qu'est-ce que j'entends? Le sifflement que laisse échapper un gars pendant qu'il décharge un camion. Il n'y a rien qui m'énerve plus que d'entendre un gars siffler. C'est quoi le problème? C'est que le sifflement ne rime à rien la majorité du temps. Ce n'est pas la reproduction affreuse d'une ritournelle quelconque. Ce n'est pas un signal donné pour annoncer un danger imminent. Ce n'est pas non plus l'imitation du joli chant d'un oiseau. Non! C'est juste un bruit insignifiant qui ne veut rien dire. Bon, je le concède. Dans certains cas exceptionnels, je crois que cela peut être interprété comme un signe de joie de vivre. Pour le siffleur. Certainement pas pour celui qui subit cet horrible bruit qui combine l'utilisation des lèvres, de la langue et des dents. J'hypothèse que la jalousie explique en partie mon aversion pour ce comportement puisque je n'ai jamais vraiment réussi à apprendre à siffler. Sans doute parce que je savais trop bien que c'était une compétence qui ne me servirait aucunement. Je dois avouer, par contre, pour clore ce paragraphe avant qu'il devienne lui aussi un irritant, que je porte une certaine admiration à ceux qui sont capables de siffler très fort avec leurs doigts dans la bouche. Alors, là, chapeau. Maintenant, allez siffler plus loin.

Hier, dans le wagon à bestiaux, j'ai eu à subir un autre irritant, soit celui du gars qui joue avec la monnaie dans sa poche. Pendant une heure, j'ai dû l'entendre tripoter ses cennes sans arrêt. J'avais juste envie de les lui faire avaler une par une en espérant, en prime, qu'il s'étouffe. Tout cela m'a fait penser à l'irritant des irritants pour l'Ami, c'est-à-dire l'accordéon musette. L'Ami prétend que, si on le forçait à écouter cet instrument même pour une courte période de temps, il serait prêt à avouer n'importe quoi... y compris des crimes qu'il n'a pas commis.

Il y a d'autres choses qui m'irritent. Ainsi, je suis toujours enragée d'avoir mal aux pieds, ou au cou, ou aux jambes, alouette. J'ai beau faire de l'exercice, voir le physio et prendre du repos quand ça fait trop mal, rien ne semble y faire. J'imagine que c'est l'âge... un autre irritant.

Ron... Ron... Ron... Ron... Ron... Ron...Zzzz... Zzzzz... Zzzz...

Mais que font ces onomatopées en plein milieu de mon discours? Elles illustrent que j'ai dû interrompre mon écriture pour ma nuit de sommeil. Je dormais littéralement sur mon clavier. Quelques heures de repos ont-elle réussi à calmer mon irritation? Non.

Je poursuis donc sur ma lancée en vous parlant de mon bulleur, appareil censé permettre à mes barracudas de survivre à l'hiver en leur fournissant l'oxygène dont ils ont besoin et, surtout, en empêchant l'eau de geler complètement. Nous en avons acheté un. Nous lisons les instructions pour nous apercevoir qu'il nous manque un morceau, une sorte de valve pour éviter le reflux d'eau. Nous remisons le tout dans la boîte. Nous appelons le magasin pour commander la pièce manquante. Nous devons attendre environ deux semaines. Entre-temps, je me tape le nettoyage du filtre de la pompe actuelle tous les jours. Il fait froid. J'ai les mains gelées. Mais je ne veux pas que mes barracudas chéris se transforment en poissons HighLiner. Depuis quelques jours, il se forme de la glace à la surface du bassin. J'ajoute donc à mes tâches celle de briseuse d'eau gelée. J'ai les doigts tellement engourdis que je songe sérieusement à l'amputation. Pas grave. Les barracudas bougent toujours. Qu'apprends-je à la suite d'un message laissé sur ma boîte vocale? La pièce ne se fait plus. Belle affaire! Je panique. L'Homme reste de glace (avouez que c'est une image qui fait corps avec mon sujet!): "Cesse de t'énerver. Le médecin va être obligé de doubler encore une fois ta dose de médicaments pour ton hypertension. Nous allons trouver une solution." Selon moi, cependant, il ne fait rien. Je décide alors d'effectuer une recherche sur la Toile. Bénie soit-elle cette autoroute de l'information sur laquelle s'entrecroisent des avenues menant à des banlieues pas trop recommandables et des chemins conduisant à de hauts lieux du savoir! Je trouve finalement un site où l'on explique de long en large la façon d'installer un bulleur. Je constate ainsi que, si je pose la pompe à un niveau plus élevé que le bassin, je n'ai pas nécessairement besoin d'une valve. Selon le Fils, à qui j'ai exposé avec enthousiasme mes découvertes, c'est un principe de physique évident que j'aurais dû, d'après ce que j'ai déduit de son ton moqueur, connaître depuis longtemps. C'est pas de ma faute. J'en ai pas fait de cours de physique, ni au secondaire, ni au cégep. Je ne m'en portais pas plus mal d'ailleurs jusqu'à ce que je me lance dans l'hibernation de barracudas. Conclusion : va falloir installer le bulleur au plus vite parce que, ce matin (n'oubliez pas que nous sommes maintenant vendredi étant donné que j'ai dormi entre les paragraphes de cette chronique), la glace était revenue dans la partie profonde où toute ma faune piscivore s'est réfugiée.

Je termine, car il faut bien que je mette un point final à mon éruption, avec l'irritant qui a le plus alimenté ma frustration, soit le fait que je ne suis pas toujours en mesure d'écrire au moment où l'inspiration jaillit. Je portais cette chronique et son sujet depuis le début de la journée d'hier (donc jeudi, car nous sommes maintenant vendredi). J'avais plein d'idées qui me venaient. J'vous dis que des irritants, j'en voyais partout. J'ai été marché après le travail. Comme d'habitude, l'exercice a contribué à stimuler mes neurones. J'avais pratiquement écrit l'entièreté de ma chronique dans ma tête quand je suis arrivée à la maison. Impossible, pourtant, de me jeter sur le clavier. Fallait préparer le souper, puis faire la vaisselle, et un peu de lavage parce que nous allons à Montréal en fin de semaine, commencer les bagages et écouter les délires de Marc Labrèche dans 3600 secondes d'extase. Bref, à 22 h, j'étais prête à écrire... et trop fatiguée pour le faire. Ça m'enrage. Mon texte est bon, mais il était pas mal mieux dans ma tête.

Morale de cette chronique : Si de ton inspiration tu fais fi, c'est adieu que tu lui dis!

mardi 23 novembre 2010

Des nouvelles... si on veut

Court blog sur le mode télégraphique

Revu - Stop - Le petit chat gris d'hier soir. Trop triste encore de l'entendre miauler. Trop dur de le voir se promener entre mes jambes. De toute évidence, il est abandonné. Faudra encore que je fasse quelque chose pour venir en aide à la faune en péril dans mon quartier peuplé d'irresponsables.

Relaxé, vraiment - Stop - À mon cours de yoga donné ce midi par un nouveau prof. C'était tout en douceur. Une façon de bouger qui nous amène dans les postures sans que notre corps proteste d'aucune façon. Une atmosphère de plénitude et d'équilibre que l'on veut emprisonner à l'intérieur de soi pour toujours.

Rué dans les brancards - Stop - Après avoir pris connaissance d'un courriel envoyé par nos dirigeants syndicaux pour nous convaincre de ratifier l'entente de cul qu'ils ont conclue avec l'employeur. J'ai envoyé en représailles mes commentaires vindicatifs aux soi-disant représentants de nos intérêts (mon oeil!). Je n'ai évidemment reçu aucune réponse mais je vais m'assurer d'aller voter NON haut et fort demain midi.

Marché encore avec As I Lay - Stop - Mais j'ai changé de toune. J'avais moins d'énergie qu'hier à dépenser. Il faisait beau. J'ai contourné de peine et de misère le véritable champ de bataille qu'est notre rue devenue depuis plus d'un mois à cause du remplacement du système d'aqueduc. Ce soir, en plus des clôtures, pépines, immenses blocs de ciment, innombrables tuyaux pour l'alimentation d'eau qui serpentent un peu partout, se sont ajoutés des camions qui déversaient du sable ou de la terre ou je ne sais trop quoi dans le trou immense et béant qui ne semble pas vouloir se refermer.

Procrastiné sans fin - Stop - Pour la préparation de ma liste d'épicerie. Tellement que je m'endors là et que je n'arriverai sans doute pas à la faire comme prévu. Dire que je m'impatiente et m'énerve parce que je dois prendre le temps d'écrire sur une feuille la liste des articles à acheter pour remplir mon frigo à ras bords pendant que trop de monde sur la planète crève de faim. Ferme-toi, la Marcheuse, et fais ce que dois.

lundi 22 novembre 2010

Thérapie Métal

Ce soir, je suis allée marcher ce qui me restait de tout croche en-dedans de moi. J'avais réussi hier après-midi à enlever le poing qui m'entrait dans la poitrine. Je ne sentais plus physiquement l'abîme, cet immense vide qui m'habite parfois et qui semble creuser un trou béant dans mes entrailles. En parcourant mes trottoirs, j'avais réussi à comprendre, après les larmes versées, que je portais encore en moi le chagrin de mon adolescence. Dès que je l'ai reconnu, j'ai commencé à me sentir un peu mieux. Il me restait à faire le grand ménage.

Le pire, c'est que j'ai presque décidé de ne pas chausser les espadrilles de la Marcheuse. Il ne faisait pas très beau. Mon voyage debout dans le wagon à bestiaux avait presque eu raison de ma motivation. Et, évidemment, il faisait déjà noir. Heureusement, j'ai croisé l'Homme en arrivant à la maison. Il soupait avant de repartir travailler pour la soirée. En espérant qu'il me fournisse une excuse, je lui ai carrément posé la question : "Donne-moi une bonne raison pour laquelle je ne devrais pas aller marcher." Il m'a répondu aussi carrément : "Je n'en vois aucune." J'ai enfilé mes vêtements de fille des rues et je suis sortie.

Je me suis branchée sur As I Lay Dying. Je suis revenue au CD que je ne cessais d'écouter avant d'aller les entendre en concert avec le Fils. J'avais un bon pas. J'avais de l'énergie à dépenser. Je ne voyais pratiquement rien à cause de la bruine dans mes lunettes et, pourtant, je ne m'appelle pas Ginette (blague pour initiés de ma génération). En tout cas, l'expérience aidant, j'ai senti tout de suite que j'allais me donner à fond.

Les premières chansons ont joué. J'avais le rythme de mes bons jours. Puis, les premières notes de la toune The Blinding of False Light résonnent dans mes oreilles. Et les mots... I see now... I see through the veil of expectation. I see now... I see that conformity is betrayal. Je suis envoûtée. La musique vibre dans ma tête. Je suis dans ma bulle. Tellement que je dois faire attention à ne pas fermer les yeux parce que je veux me centrer sur la voix du chanteur qui crie ce que je sens... Unless followed by transformation, it is pointless to be given sight. Without the hope of our reaction, we overlook the purpose of our eyes. Et là, tout fait un à l'intérieur de moi. Je suis connectée au métal qui explose et le métal, par sa puissance, balaie les vieilles interférences du passé. Je me sens forte soudainement. Je me sens capable d'affronter les fantômes... I see now... I see that conformity is betrayal. With empty eyes I looked ahead, with clarity I now look back.

Je ne sais pas si un observateur extérieur pourrait remarquer un changement dans ma démarche quand je suis ainsi en pleine thérapie métal. Moi je sais que j'accélère beaucoup le pas, que je bouge davantage les bras et que, des fois, je crie fort les paroles, comme ce soir. C'est également toute mon attitude intérieure qui se transforme à mesure que j'intègre les décibels de la batterie, des guitares et des voix. Moi aussi j'existe. Moi aussi je veux être totalement moi... I admit my failure. Opacity has dulled my senses. Conformity controlled by lifeless vices. But now it ends.. But now it ends... But now it ends... C'est le bout où j'ai chanté vraiment fort en tendant mon corps et mes bras en avant. Finalement, ça se peut qu'un observateur extérieur puisse noter l'étrangeté de mon comportement d'athlète des rues. Pas grave... But now it ends, not with defeat but determination... We are freed...

J'ai dû écouter la toune cinq ou six fois. Je voulais que le message entre. Et qu'il s'imprime. Pour enlever la bruine de mes lunettes même si je m'appelle pas Ginette.
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Notes félines : Vous savez comme la nature a horreur du vide... surtout près de mes bols de nourriture pour chats de dehors. J'ai donc fait la connaissance ce soir d'un tout petit chat gris, très affectueux, qui miaulait à fendre l'âme tant il avait l'air de ne pas savoir ce qu'il faisait là. J'espère qu'il ne s'agissait pour lui que d'un égarement temporaire.

dimanche 21 novembre 2010

Coup de poing

Avis : Ce texte pourrait choquer. Tant pis.

Hier après-midi, j'ai fait quelque chose de vraiment le fun. Quelque chose qui m'a aussi bouleversée. Je vais essayer de vous expliquer.

J'ai passé deux heures dans le sous-sol du Pusher à écouter de la musique métal. Un pur délice! J'en suis ressortie avec une nouvelle marchandise choisie, pour la première fois, en collaboration. Le Pusher, il est tellement cool. J'avais été acheté six bières, un sac de chips au jalapeno (c'est sa sorte) et des crottes de fromage (sur lesquelles j'ai manqué m'étouffer pour de bon... mourir bleue sur des notes de métal, y a pire!). Assise sur son divan à l'écouter me parler de chacun des groupes qu'il me faisait jouer, à me faire remarquer les changements de rythme, à s'extasier sur les performances vocales de certains des chanteurs, je n'avais plus 55 ans... 15 ou 16 tout au plus.

J'aurais tellement voulu savoir à cet âge-là que le musique un peu fuckée de mon temps ne comportait pas plus de danger que les ritournelles de Robert Demontigny ou de Michel Louvain. J'aurais voulu savoir que les jeunes qui aimaient cette musique n'étaient pas tous des drogués, des maniaques sexuels, des drop-out finis, des bums. J'aurais voulu faire confiance à des gars qui ressemblent au Pusher avec de longs cheveux jusqu'au milieu du dos, une barbichette à la Viking, un perçage vous ne saurez pas où et un tatouage sur la jambe. Mais non. Comme bien d'autres jeunes de mon époque, j'ai été élevée dans la peur. Et pour ceux et celles d'entre nous qui étaient le moindrement impressionnables, les effets, pervers, ont été désastreux.

Tous les préjugés véhiculés contre ce qui allait à l'encontre de l'ordre établi, de la religion surtout, faisaient que mes congénères et moi passions à côté de nos vies. Quand je pense à certains partys où je ne suis pas allée uniquement dans la crainte qu'il y ait un semblant de fumée suspecte! Quand je pense au nombre de verres refusés juste au cas où je commencerais à être feeling et à avoir du fun! Le fun... c'était défendu. Parce qu'avec le fun, venait la perte de contrôle. Avec le fun, venait le péché. Et il fallait rester pure... je ne sais plus trop pourquoi... ah! oui, pour les bondieuseries.

Et les gars. Et mon côté rebelle. Je l'ai toujours eu, même à cette époque. Mais comme je l'ai refoulé. Comme je l'ai nié. Comme je me suis fait croire qu'il n'avait pas besoin d'exister. Je sais que c'est dur à imaginer mais, du dehors, j'avais l'air d'une fille pas déniaisée. Vous avez pas idée, par contre, comme ça bouillonnait en-dedans. J'écrivais des poèmes... osés. Voyez plutôt ces vers rédigés en 1972 (j'avais dix-sept ans et le cul brûlant de toute évidence) :

J'aime qu'on m'aime
mais personne ne m'aime
J'aime qu'on me caresse
mais aucun n'a assez de tendresse
Pour répondre à mes désirs,
pour répondre à mon plaisir

Je désespérais de satisfaire mes hormones. Entourée d'une couche de graisse que je m'étais fabriquée pour mieux éloigner les quelques rares représentants masculins qui auraient pu être tentés de découvrir ma vraie nature, je m'étonnais de ne pas avoir de chum. Me restait l'écriture. Et mes pulsions :

Quand pourras-tu te rassasier
De mon corps qui ne demande qu'à te satisfaire
Quand pourras-tu me désirer
Sans craindre les représailles qu'on a l'habitude de faire

Étonnamment, au cégep, un gars que je considérais comme vraiment cool, m'invitait régulièrement à aller le rejoindre avec ses amis pour prendre une bière dans une brasserie du coin. Qu'est-ce que je trouvais cool en lui? Son air nonchalant. Sa façon de répondre aux profs. Son attitude de je-m'en-foutisme assumé. Son sourire narquois qui semblait saisir en moi ce que moi-même je me refusais de voir. Bref, je n'ai jamais répondu à ses invitations. Trop peur que la boisson nous enivre et nous entraîne dans la débauche la plus sordide. J'exagère à peine. 

Quelques années plus tard, à l'université, qui c'est qui frappe à la porte de ma chambre à la résidence étudiante? Mon gars cool. Il s'intéresse encore à moi. Étrange, mais pas désagréable du tout car je le trouve encore cool. Un soir, on se donne rendez-vous à la discothèque. On danse. Enfin, c'est un slow. Il me colle pas mal. Et là, me semble que je sens quelque chose de dur qui s'appuie contre mon pelvis. Ayoye! Qu'est-ce qui me revient en mémoire? Pas mes vers cochons et mes hormones au plafond. Non. Le message de ma mère : "Avec les gars, faut toujours s'assurer de ne pas se rendre au point de non retour." Ce fameux point, qui était peut-être le point G finalement, je n'avais pas la moindre idée de l'endroit où il se situait. Je sais seulement que ma mère m'avait répété à des milliers de reprises qu'une fois rendu à ce point, plus moyen de faire comprendre au gars qu'on ne voulait pas aller plus loin. On devenait automatiquement entraîné dans la spirale du désir. Et là, on sait bien ce qui arrivait. On devenait enceinte et on accouchait d'un bébé qu'on élèverait toute seule parce que le gars avait depuis longtemps foutu le camp heureux de s'être rassasié sans responsabilité. Alors, j'ai fait la seule chose que je savais faire : rester pure. Je l'ai donc flanqué là, sur la piste de danse. Sans aucune explication. Je n'ai plus jamais entendu parler de lui.

Faut dire à ma décharge de fille stuck up que, dans le temps, la pilule commençait tout juste à entrer dans les moeurs. Et, justement en parlant de moeurs, il était alors bien vu de dire et de  penser que si une fille demandait à prendre la pilule, c'est qu'elle prévoyait mener une vie de dévergondée et s'envoyer en l'air avec tout ce qui bougeait. Fallait avoir une tête solide, libre de toute interférence, pour s'aventurer sur cette voie. Je ne l'avais pas.

C'est ça qui me trotte dans la tête depuis hier. Il y a les regrets, bien sûr, qui ne servent cependant à rien. Plus important, il y a maintenant la révélation que le côté obscur n'est pas nécessairement celui que l'on croyait. Reste à savoir comment on vit la révélation à partir du moment où elle nous est jetée en pleine face.

vendredi 19 novembre 2010

Simplicité involontaire

Je reviens de chez le coiffeur. Ça m'a fait du bien. Nouvelle couleur. Jasette avec les habituées. Ça m'a surtout remonté le moral. Ouais, parce qu'à 9 h ce matin, j'avais décidé que mon intellect était fort limité et cela m'avait foutu la déprime. Qu'avais-je déjà vécu si tôt dans la journée pour ainsi faire sombrer le navire de ma confiance en moi? J'avais d'abord lu la chronique de Josée Blanchette dans Le Devoir qui traitait du livre écrit par le chef Philippe Laloux, intitulé Le Bonheur de cuire. Je n'en revenais pas du vocabulaire utilisé pour décrire les saveurs, les arômes, les épices, les textures, bref, je me sentais comme une parfaite nouille dans cette casserole raffinée de l'art de bien manger et, surtout, de l'art des fourneaux exprimé de façon aussi dithyrambique. Et que dire des mets suggérés aux papilles des lecteurs et relevés par l'épicurienne chroniqueuse dans trois autres livres de recettes sur lesquels elle dissertait : chappatis au caviar de cannelle et de caloupilé, sabayon de molée en curry, espuma gelé au curry de mangue, cassoulet de haricots borlotti frais, schnitzel d'aubergines au sumac. Snobisme de gens nantis et repus? Peut-être. En tout cas, je ne savais plus trop quoi penser après ma lecture pour le plein bénéfice de laquelle j'aurais eu besoin d'ouvrir un ou deux dictionnaires. Pourtant, le sujet m'intéressait car j'aime cuisiner. Mais, je vous l'ai déjà dit, faut que ce soit simple. C'est tout moi ça. Simple. De là à ce que mon cerveau associe simple à faible d'esprit, il n'y avait qu'un pas que j'ai évidemment allégrement franchi.

Ensuite, j'ai eu une conversation avec l'Ami au sujet d'un concert de musique classique auquel il avait assisté la veille et dont il m'a abondamment fait la critique. Me voilà une fois de plus confrontée aux limites de mon intellect. J'aime bien la musique classique. Pas autant que le métal, c'est évident. Cela n'empêche que je suis toujours heureuse d'accompagner l'Homme au Centre national des Arts. Bien que je puisse me laisser emporter par une oeuvre, je suis cependant incapable d'entendre les fausses notes (à moins qu'elles soient totalement criardes), de relever les passages joués trop vite ou pas assez, tout comme je ne me rends pas nécessairement compte que le soliste n'est pas à son meilleur ce soir-là et qu'il précipite son jeu. Non, moi l'inculte, je profite seulement de mon plaisir d'être là et j'écoute et je prends ce qui fait mon affaire. Mais j'aimerais bien, à l'instar de l'Ami, être en mesure de décortiquer davantage mon plaisir ou mon déplaisir. Hélas! Pour moi, tout est question de feeling. Avouez que ça fait simple, non?

Et, finalement, j'ai eu aussi à admettre que la révision d'une thèse de maîtrise avec ce que cela comportait de détails sur le mode d'emploi de la chose ne serait sans doute pas un travail que je voudrai me taper. Ça aussi, ça a été dur pour mon ego. Je voudrais, à ma retraite, faire de la pige. J'avais là une occasion de tenter une première expérience. La tâche me rebute. Je n'ai pas envie d'uniformiser, de formater, de procéder à des renvois de notes. Je suis devenue découragée en constatant mon manque d'enthousiasme, d'ambition, de désir de m'accomplir en améliorant le travail d'un autre.

Puis, j'en suis venue à la conclusion suivante : j'ai l'âme d'une artiste. Je sens les choses. Je ne les explique pas. Je les vis. Je ne les décortique pas. Je ne veux même pas vraiment les comprendre. Je veux juste le feeling dans mes tripes. Expérimenter à fond. En pleine conscience. C'est simple, non?

mercredi 17 novembre 2010

Des plumes font leur Devoir

Je voudrais vous parler du numéro d'aujourd'hui du journal Le Devoir. Pour souligner l'ouverture du Salon du livre de Montréal, il a été rédigé par trente-trois écrivains. Le résultat est fort intéressant. Je ne pensais pas "lire" une grosse différence puisque la qualité d'écriture des journalistes de ce quotidien se situe déjà, selon moi, à un niveau bien supérieur à celui que l'on retrouve notamment dans les canards de PKP. Mais j'ai quand même noté un petit quelque chose dans la façon dont les écrivains manient la plume. Bien qu'ils commentent l'actualité, ils ne le font pas comme les journalistes. L'information est là, les faits sont exposés, la nouvelle est présentée, mais avec disons... plus de panache. Je crois que c'est ça.

Je trouve notamment que leurs premières phrases sont plus percutantes. Prenez Robert Soulières qui traite d'une exposition d'oeuvres d'art consacrée au jeu vidéo Assassin's Creed. Il débute ainsi : "Écrire le mot "assassin" en anglais ou en français, c'est déjà un exploit en soi, surtout pour les enfants de la réforme : asaçin, assasaint ou hasassceint? Enfin, je vous épargne les multiples appellations incontrôlées pour vous parler d'une exposition d'oeuvres d'art liées au troisième opus de la série Assassin's Creed produite par Ubisoft-Montréal." Avouez que c'est joliment tourné.

Voici un autre exemple, fourni cette fois par Jean-Claude Germain qui discute de l'échangeur Turcot : "Au Québec, un viaduc peut vous tomber inopinément sur la caboche. C'est arrivé! D'ailleurs, on s'y préparait depuis longtemps. Dans ma jeunesse, chaque fois qu'une voiture s'approchait d'un pont qui enjambait une route, on s'empressait de demander aux enfants de baisser la tête et de ne la relever qu'une fois la zone dangereuse franchie." C'est rafraîchissant. Ça se lit comme on entre dans une histoire. Et ce n'est pas étonnant. Après tout, n'est-ce pas ce que les écrivains font tous les jours... raconter des histoires?

Je retiens plus particulièrement le commentaire de Christian Nadeau, intitulé Harper, les écrivains et le monde, où il déplore le fait que notre premier ministre n'a, de toute évidence, jamais suivi les conseils de lecture de Yann Martel. Cela lui aurait permis, à lui et à ses acolytes, d'avoir une vision un peu plus large du monde. Comme le fait très justement remarquer M. Nadeau en citant moult ouvrages rédigés par des écrivains de différents pays, rien ne vaut de prendre connaissance d'une situation à partir des propos des acteurs se trouvant directement sur le terrain. Cela évite de porter des jugements trop rapides ou mal étayés ou encore de prendre des décisions sans vraiment comprendre toutes les facettes d'une problématique. Rien n'est aussi noir et blanc que notre gouvernement veut souvent nous le laisser croire. Conclusion de M. Nadeau : "Des idées et des valeurs, les conservateurs n'en manquent pas. Ce qui leur manque, c'est d'être confrontés à celles des autres." Et j'ajouterais que c'est aussi d'être prêts à les remettre en question et même, ô horreur pour ces biens-pensants, à les changer quand elles n'ont plus de sens.

Je termine ce trop long message sur "l'éclat" de Wajdi Mouawad à propos des "estis d'intellectuels" où il nous enjoint entre autres de nous libérer de la dictature du bruit, celle qui nous fait dire en entrant dans une librairie : "Wow! Tous ces livres que je n'ai pas encore lus!" Et voilà le vent de panique qui nous emporte dans une course effrénée à l'assimilation du plus grand nombre de bouquins possible dans le but pas toujours conscient de pouvoir nous apposer enfin l'étiquette d'intellectuel! L'important ici n'est pas le nombre de livres qu'on lit, mais la conscience qu'on met dans l'acte de lire.

La conscience... faut jamais la perdre de vue si on ne veut pas perdre LA vue.