samedi 13 décembre 2014

Le jour N

Et puis? Je vous la pose la fameuse question, celle qui brûle les lèvres de ceux zé de celles qui aiment tellement parader dans leurs habits de lutin : Êtes-vous prêts pour Noël?

Je ne sais pas pour vous mais moi je ne suis jamais prête pour Noël. Encore cette semaine, je disais justement à l'Homme que j'aimerais m'endormir drette-là et me réveiller le 7 janvier. Beau dommage! C'est que c'est titanesque ce qu'on nous demande de faire en cette heureuse période des fêtes : cuisiner, magasiner, envelopper, décorer, et tout ça en un temps record sous les notes des quatre mêmes chansons de saison reprises chaque année ad nauseam dans un style soi-disant différent.

On pourrait croire que je n'aime pas Noël. Rien n'est plus faux et rien n'est plus vrai. Je déteste la commercialisation de la fête, cette obligation soudaine de donner des cadeaux à tout le monde. Pourquoi là, le 25 décembre? Pourquoi pas le 25 juillet? Et, en fait, pourquoi pas pantoute? Depuis que nous avons décidé de ne plus suivre la parade, j'aime beaucoup Noël. Juste à savoir que je n'ai pas à subir l'expédition vers le pôle commercial, je jubile. Je ne sais pas si ça me coûte vraiment moins cher parce que je donne autrement mais je sais par contre que ça me fait davantage plaisir. Beaucoup plus plaisir.

Si c'était à refaire, je crois que j'aurais habitué le Fils et à la Fille à ouvrir un seul cadeau à Noël, et ce, dès leur plus jeune âge. D'abord, je me cassais la tête tous les ans pour trouver quoi acheter. Et je m'en voulais toujours parce que je n'avais pas le budget nécessaire pour les gâter comme je l'aurais voulu ou, plutôt, comme les commerçants me faisaient croire que je devais le faire. Je comptais et recomptais le nombre de cadeaux pour m'assurer que chacun recevait des jouets d'à peu près égale valeur. Je ne savais plus où cacher les boîtes quand les enfants grandissaient. Je ne trouvais plus un moment pour emballer parce qu'ils se couchaient de plus en plus tard et que moi je me couchais de plus en plus tôt. Malgré toute notre bonne volonté, ça coûtait cher Noël et ça n'a pas pris de temps que l'Homme et moi avons décidé de passer notre tour. On se disait pour se consoler qu'on n'avait déjà tout et on était, sans le savoir et sans le réaliser pleinement, plus près de la vérité qu'on le pensait alors. Dans le temps, on essayait de se faire croire qu'on n'avait pas besoin de cadeaux pour accepter l'idée qu'on ne pouvait tout simplement pas s'en payer. Aujourd'hui, on sait qu'on n'a besoin de rien. De rien de matériel s'entend.

J'écoutais justement un reportage l'autre jour sur des personnes qui vivent Noël autrement. Et c'était beau et bon de les entendre raconter qu'ils posaient des gestes envers les autres plutôt que des boucles sur des boîtes. Ils donnaient d'eux-mêmes. Ils partageaient leur talent, leur disponibilité, leur créativité pour les mettre au service des autres. Non seulement ils faisaient plaisir mais ils en retiraient du même coup un sentiment d'accomplissement, de fierté et de satisfaction profonde. C'est vite développé un cadeau et souvent vite mis de côté. C'est plus long à savourer le plat spécial qu'on n'a pas cuisiné ou le service qu'on n'a pas sollicité mais qui nous a tellement aidé.

Un jour, la Fille m'a dit : "Maman, pourquoi tu te fais de la peine avec Noël? On est pas obligé d'avoir des cadeaux. On peut juste fêter ensemble." Alors, c'est quoi mes plus beaux souvenirs? Les beignes usinés en famille avec l'Homme à la cuisson, le Fils à la taille de la pâte, la Fille à la décoration et moi au rouleau. La Guignolée, avec l'Homme comme chauffeur, le Fils en Père Noël, la Fille avec les pieds gelés distribuant les cannes aux enfants et moi avec la boîte pour recueillir les denrées. Notre repas du 25, toujours le même depuis des années, de la fondue chinoise, avec l'Homme qui veut faire cuire trop d'aliments à la fois sur sa fourchette, le Fils qui ne veut pas embrasser sa soeur parce qu'il a échappé son champignon dans le bouillon (une autre tradition inspirée celle-là d'un album d'Astérix), la Fille qui prend la peine de placer artistiquement la viande dans les assiettes et moi qui mange trop de sauce à la moutarde. Les brunchs organisés à l'intention des personnes moins bien nanties de notre communauté par notre conseiller municipal de l'époque dans le sous-sol de l'église avec l'Homme à la cuisson des crêpes, le Fils à la distribution du jus, la Fille aux desserts et moi au beurrage des toasts. Le Réveillon de la solidarité de l'année dernière avec l'Homme à l'accordéon, le Fils à la prise des photos, la Fille au service du repas et moi qui pleure avec R., tellement heureux de recevoir un petit toutou, et H. qui me parle de ses enfants avec qui elle n'est pas.

Oui, tu avais raison ma Co. On peut juste fêter ensemble. Partager. S'aimer. Être reconnaissants. Et recréer ainsi le vrai sens de Noël.

dimanche 30 novembre 2014

Anecdotes de vieux

C'est très insidieux. On se sent encore jeune mais on est devenu vieux. C'est rarement dans le coeur ou dans l'âme que ça paraît. Non, c'est plutôt dans le physique. Les petites douleurs qu'on ne connaissait pas. Cette lenteur à se lever le matin qui nous pousse à y aller mollo avant de se rendre aux toilettes. C'est sûr qu'il y a aussi les taches brunes qui apparaissent partout. Les rides? On essaie de ne pas trop les voir. Comme on essaie de nier que notre peau plisse plus qu'elle ne le faisait avant. Bref, sans trop s'en rendre compte, on avance en âge.

L'Homme et moi nous prenons ça en riant la plupart du temps. En fait, de plus en plus souvent puisque nous ne pouvons rien faire pour changer la réalité. Alors, aussi bien s'en moquer un peu. L'autre jour, alors qu'on revenait pour une deuxième fois chez l'optométriste pour faire ajuster mes lunettes neuves, on s'est présenté au comptoir en clamant : "Ben oui, c'est encore nous. On était tannés de se bercer et on a décidé de venir vous jaser ça un peu!" Sur le coup, j'ai trouvé ça drôle de faire rire la réceptionniste et la technicienne de laboratoire avec notre bonhomie de vieux débris. Par après, je me suis dit que c'était presque de la fiction que de constater que nous en étions rendus là déjà. Ouais. À faire des blagues sur notre statut de personnes en décrépitude. Heureusement pas encore trop avancée.

J'ai eu une réaction semblable lorsque j'ai commencé à suivre mes cours de yoga au Centre des aînés l'année dernière. Au début, je trouvais que c'était lent, que la prof prenait trop de temps pour lire sa théorie sur les chakras et que, décidément, proposer deux relaxations pendant une heure et demie de cours relevait du pur délire. J'avais l'impression que j'étais maintenant placée dans un centre de jour semblable à celui où ma belle-mère a vécu ses dernières années. Ne manquait que la chanteuse d'airs anciens de Fernand Gignac et le tableau était complet. Dois-je vous avouer qu'après une première session, j'étais conquise? Comme c'est bon de prendre son temps. Et quel bonheur de savourer la lenteur! Et puis, tant qu'à passer aux aveux, je vous confesse que je me suis rapidement aperçue que mes compagnons et compagnes de classe étaient très en forme et encore très flexibles merci... pour des personnes de leur âge.

Ce que j'observe aussi dans l'art de vieillir, c'est la différence des points de repère selon qu'on est jeune ou considéré comme un vieux fou. Ainsi, cette après-midi, l'Homme et moi nous rendons chez le disquaire pour acheter le dernier album d'Adamo qui chante Bécaud. La critique était dithyrambique dans Le Devoir. En entrant dans le magasin, je dis naïvement à l'Homme que le CD doit se trouver dans la section des nouveautés puisqu'il vient tout juste de sortir. Nous voyant pantois devant le présentoir, un commis-vendeur s'approche et demande si nous avons besoin d'aide. Nous l'informons que nous sommes à la recherche du plus récent album d'Adamo. Il nous regarde comme si nous venions de prononcer une infamie mais se dirige tout de même vers son ordi. Là, il commence à pitonner et se tourne finalement vers nous pour nous demander comment ça s'écrit "Adamo". Sidérés devant son ignorance mais compréhensifs à cause de son jeune âge, nous entreprenons d'épeler le nom du chanteur qui a bercé notre adolescence. C'est là qu'un autre commis-vendeur se pointe pour prêter main-forte à son collègue. Nous semblons approcher du but puisque ce dernier nous déclare : "Adamo, oui, me semble que ça me dit quelque chose." Voilà que nous avions de plus en plus l'impression d'être des hommes du Néenderthal avec notre demande. Pourtant, selon nos souvenirs de personnes pas encore atteintes d'Alzeihmer, Adamo a connu, et connaît toujours, une fructueuse carrière. En tout cas, nous arrivons au bout de nos peines. Celui qui a sans doute suivi un cours d'histoire de la musique se dirige vers les rayons où il trouve sans trop de problème, sous la lettre "A", le CD que nous cherchions. Inutile de vous dire qu'il s'agissait du seul et unique exemplaire en magasin. Mais c'est sans doute parce que tous les autres avaient déjà été vendus!

mercredi 29 octobre 2014

Se faire violence

Bon, ben, on en apprend à tout âge. Je viens d'avoir 59 ans et je commence seulement à réaliser que la première qualité d'une mère (je vais me limiter ici à mon sexe afin de ne pas indûment englober les pères), ce n'est pas son grand coeur, ni son éternelle disponibilité, encore moins son amour inconditionnel, non, absolument pas. Aussi nobles que soient ces qualités, ce ne sont pas celles qui aident une mère à s'acquitter de son rôle d'éleveuse de progéniture. Non. Ce qu'il faut à une mère, c'est une armure. Quelque chose qui l'empêche d'avoir peur, qui retient ses larmes, qui la protège. Et j'ai nommé la capacité de se faire violence.

Maintenant que je réalise qu'il faut absolument posséder ce bouclier pour survivre à la maternité, je sens les souvenirs remonter à ma conscience. Je me rappelle ce dimanche où je revenais de la messe avec le Fils. J'avais décidé de passer dans le parc de l'école afin de permettre à mon petit garçon de 5 ans de s'amuser dans les balançoires. À un moment donné, voilà que je le retrouve en haut d'une structure d'où il prétend pouvoir sauter sans aide. Je mesure rapidement la distance qui le sépare du sol. Je trouve que c'est quand même haut pour mon bout de chou. Comme je lui fais part de mon inquiétude, il me répond qu'il a déjà sauté de cet endroit en compagnie des amis de la garderie. À ce moment-là, je me fais violence. Je me dis que je dois lui faire confiance et surtout ne pas lui transmettre ma crainte. Alors je l'encourage. Il saute. Et il se mord la langue en atterrissant dans le sable. Rien de bien sérieux. Plus de peur et de sang que de mal. Plus de peine pour maman que pour fiston. Même avec le recul, je ne regrette pas ma décision. Parce que c'est important dans la vie de se sentir capable de se lancer dans le vide.

Me faire violence. Combien de fois je me suis retenue de ne pas décourager inutilement, de ne pas demander à ce que des règles soient suivies juste parce que moi je les avais suivies, de ne pas exiger l'obéissance aveugle ou le respect non mérité. Faut dire que j'avais tous les pourquoi de la Fille pour m'empêcher de sombrer dans la traditionnelle réponse : "Parce que je te le demande". J'étais aussi bien d'avoir de bonnes raisons pour exiger des choses qui lui semblaient futiles et un peu trop convenues. C'est comme ça que je me suis retrouvée sans argument valable pour lui interdire de partir cueillir des cerises dans la Vallée de l'Okanagan l'été de ses 18 ans. Elle a pris l'autobus pour s'y rendre. Elle a cogné aux portes des fermes pour se trouver du travail. Elle a campé dans les champs pendant deux mois et demi. Comme elle n'avait ni ordi, ni cellulaire et que les cabines téléphoniques se font plutôt rares en rase campagne, elle donnait des nouvelles à intervalles très irréguliers. Je me suis rongée les sangs tout l'été. Je l'ai imaginée se faisant violer, battre et tuer. J'ai dû lâcher prise car j'étais en train de devenir folle. Elle est finalement revenue avec toute une expérience de vie dans ses bagages. Je suis certaine que le voyage n'a pas toujours été facile et qu'elle ne m'a pas tout raconté. Et c'est bien comme ça.

Le Fils, lui, il ne perdait pas de temps avec les pourquoi. Avec sa force tranquille, il suivait simplement son chemin. Depuis le secondaire, il parlait de l'École de technologie supérieure à Montréal et de son désir d'étudier en informatique. C'est là qu'il est allé suivre sa formation pour devenir ingénieur. Je me suis encore faite violence. Que de larmes j'ai versées en parcourant mes trottoirs chéris en pensant au prochain départ du Fils pour la grande ville! Mais je ne pouvais pas l'empêcher de réaliser son rêve même si, après 7 ans, je m'ennuie toujours autant de sa présence dans la maison.

Me faire violence pour ne pas dire que je me trouve inutile. Me faire violence pour accepter que mes enfants peuvent être heureux sans moi. Me faire violence pour ne pas leur demander constamment des preuves qu'ils m'aiment encore.

Demain, la Fille va avoir 25 ans. Mais, pour elle qui se trouve actuellement à Hong Kong, c'était aujourd'hui. L'Homme et moi avons skypé avec elle tout à l'heure. Nous avions acheté son dessert préféré, une tartelette aux fruits, sur laquelle nous avions mis une bougie. L'Homme avait sorti son harmonica et avait pratiqué "Ma chère Coco c'est à ton tour de te laisser parler d'amour" avec moi qui chantais tout faux. Dès que l'ordi a indiqué qu'elle était en ligne, nous avons allumé la bougie et répondu à son appel en entamant notre chanson. Quand nous avons terminé, nous lui avons demandé de souffler la bougie en n'oubliant pas de faire un voeu. C'était beau. Je pense qu'elle était contente. Et nous avons eu un peu l'impression de pouvoir fêter avec elle.

J'ai été capable de ne pas pleurer devant elle. De ne pas lui dire à quel point j'aurais voulu l'embrasser et la serrer dans mes bras. De ne pas parler de l'ennui que j'ai d'elle. Parce que, comme mère, je dois me faire violence pour lui permettre de profiter pleinement de son aventure en Chine. Pour lui permettre de grandir encore un peu plus.

samedi 18 octobre 2014

Des images et des maux

Comme j'ai les pensées qui s'agitent dans tous les sens ces temps-ci, j'ai décidé d'exprimer mes frustrations et mes émois à partir d'images prises au cours de cette période éprouvante de tumulte intérieur.

À tout félin, tout honneur!


Comme elle a l'air bien ma Mignonne, au chaud, dans mon lit, la bedaine exposée à tous vents. Elle ne sait pas toutefois, ou peut-être qu'elle ne le sait que trop justement, à quel point elle est chanceuse d'avoir été recueillie alors qu'elle avait été abandonnée bébé et qu'elle errait seule dans la nature. Les habitués de ce blog, s'il en reste encore quelques-uns, se rappelleront sûrement le récit de son sauvetage par bibi. Hélas, hélas, je continue régulièrement de rencontrer de pauvres chats errants et je n'en peux plus de tant de misère. Encore aujourd'hui, sur le sentier menant au Rapibus, j'ai croisé une féline bariolée genre chatte d'Espagne qui miaulait tristement. Ses pauvres flancs maigres m'ont tiré les larmes. Je devais poursuivre ma route car je rencontrais quelqu'un à Ottawa mais j'espérais secrètement la retrouver au retour. Ce qui n'a pas été le cas.

Je ne comprends toujours pas comment on peut maltraiter ainsi des animaux. Ce soir, en marchant avec l'Homme, je passe devant l'animalerie située près de chez nous. Ledit commerce opère sous une nouvelle administration mais pas avec de nouvelles façons de faire cependant. Dans deux cages beaucoup trop petites se trouvaient quatre jeunes chiots Labrador entassés au travers de leurs bols de nourriture renversés. En plus, les cages étant dans la vitrine, cela incite n'importe quel épais de passage (et il y en a malheureusement beaucoup trop) à cogner ou à faire du bruit pour s'amuser à réveiller ou à exciter les bêtes qui y sont exposées. J'ai peut-être le jugement tout faux mais il me semble que, si on est pas capable de prendre soin correctement d'un animal, on peut difficilement montrer de la compassion pour un être humain. Et des fois je me demande si tous ces animaux qui sont maltraités, abusés, rejetés, voire martyrisés ne sont tout simplement pas l'exact reflet de la dureté de la société actuelle qui se caractérise notamment par notre indifférence crasse envers les plus pauvres et plus démunis.

C'est comme si plus rien n'avait d'importance. C'est comme si on ne pouvait plus prendre aucune responsabilité. D'abord que notre petit moi est satisfait et contenté, tant pis pour le reste. Pourquoi est-ce que je dépenserais de l'argent en frais de vétérinaire pour un chat ou un chien dont je me débarrasserai à la première occasion venue dès qu'il cessera de répondre à mes caprices? Dans le même ordre d'idées, pourquoi est-ce que je ferais des efforts pour m'engager envers un conjoint auquel je cesserai de m'intéresser dès qu'il sera trop vieux, trop gros, trop plate ou trop malade? Et pourquoi est-ce que je voudrais réussir ma vie de parent pour un enfant que je délaisserai parce qu'il aura des difficultés à l'école, parce qu'il sera différent, parce qu'il me rappellera juste trop l'ex que je ne peux plus blairer? Tant qu'à faire, pourquoi est-ce que je m'indignerais de l'exploitation des sables bitumineux, des forages pour trouver du pétrole sale, de l'augmentation des gaz à effet de serre, des coupures du gouvernement dans des programmes qui viennent en aide aux plus vulnérables, des milliers de morts en Afrique, des Kurdes qui essaient de sauver leur territoire de l'État islamiste, oui, pourquoi est-ce que je m'occuperais de tout ça moi qui ai une bonne job, un toit sur la tête et de l'argent dans mes poches? Si je suis chanceux, la fin du monde va arriver après ma propre fin. Alors, tant pis pour les autres.

Et la voici, la fin.


Quand je fais trop d'anxiété, je vais me promener dans le cimetière. Jusqu'à tout dernièrement, je croyais que j'y allais parce que je trouvais que les morts étaient plus vivants que moi. C'était avant qu'un ami me fasse remarquer que c'était sans doute davantage parce qu'ils étaient plus calmes. Et c'est vrai. Contempler toutes ces pierres tombales bien alignées m'apaise le dedans. C'est qu'à force de s'insurger et de ramer à contre-courant, on vient qu'à s'épuiser. Je crois que c'est ce qui m'arrive à intervalles plus ou moins réguliers. J'ai beau me répéter que je ne peux pas tout changer, j'ai beau m'efforcer de me limiter à ce que je peux changer, je me retrouve invariablement embarquée dans une réalité plus vaste. Et c'est là que tout se met à bouillonner en-dedans. Faut que je reprenne le gouvernail avant la dérive complète.

En plus de me rebrancher sur la zénitude, ma dernière visite m'a aussi beaucoup réjouie puisque j'ai trouvé des tombes qui sortent des rangs. Si vous regardez la photo attentivement, vous constaterez que la pierre tombale est croche. Cela m'enchante totalement car cela me convainc que l'on peut continuer d'être rebelle même dans l'au-delà. Je ne connaîtrai peut-être jamais le repos éternel finalement!

vendredi 10 octobre 2014

Je banalise et je signe

Je connais quelqu'un, malheureusement dans mon entourage immédiat, qui se plaît souvent à répéter que tout a été écrit, que tout a été chanté, que tout a été peint, bref que tout a été fait. Inutile de vous dire qu'avec un semblable état d'esprit, il faut qu'un artiste soit bon en maudit pour arriver à lui titiller un quelconque intérêt. Pire, toujours selon ce tue-la-fibre-créatrice, si tu veux t'essayer à n'importe quel art, il est impératif que tu trouves un angle qui n'a encore jamais été exploité sinon ton message, ton intention, ton désir, il n'en n'a rien à foutre!

Ce soir encore, j'ai dû entendre ce jugement dur et sans appel à la suite cette fois-ci de la prestation d'une artiste coupable, d'après lui, du caractère banal de la banalité de ses propos. Bon, je ne sais pas si c'était la goutte qui a fait déborder le vase, mais là j'ai carrément eu envie de me révolter. Et d'en profiter même pour me confesser. Oui, je l'avoue, à cause de lui et de son intransigeance, des fois, quand je commence un blog, je me demande si j'utilise un angle inusité. Immanquablement, mon cerveau crampe et mes méninges s'immobilisent. Pas étonnant. Quoi de plus mortel en effet pour l'inspiration que de se demander si on est original, intéressant et innovateur au moment où on trouve enfin le courage de s'exprimer, et ce, peu importe le médium choisi!

Je ne nie pas ici l'importance d'apporter quelque chose de neuf à ce qui existe déjà. Je veux seulement revendiquer la possibilité d'être banal si c'est tout ce qu'on a dans les tripes cette journée-là. Nul ne peut aspirer à la perfection chaque fois qu'il lève un pinceau, qu'il appuie sur un déclencheur, qu'il joue du clavier ou qu'il noircit une page. Ce qui compte, c'est la passion qui anime notre désir de créer et le plaisir qu'on éprouve à le faire. Qu'importe que l'on chante dans notre sous-sol ou sous la douche, que l'on écrive des poèmes pour nos fonds de tiroir, que l'on gribouille sur des bouts de papier ou que l'on cuisine les mêmes vieilles recettes, l'important c'est que cela nous fasse plaisir. Si, en plus, on fait plaisir à d'autres, c'est la cerise sur le sundae!

À part ça, c'est pas mal plus facile de critiquer les autres quand on n'ose jamais s'exposer soi-même, ce qui est le cas de la personne dont je vous parle. De mon côté, j'ai un peu compris tout le talent qu'il faut posséder pour bien jouer d'un instrument de musique quand j'ai pris des leçons de piano. Je dis bien "un peu compris" parce que j'étais à des années-lumières de pouvoir rêver d'une carrière dans le domaine musical. Par contre, j'apprécie maintenant davantage les concerts auxquels j'assiste justement parce que je peux imaginer les heures nombreuses que ces artistes doivent consacrer à la perfection de leur art. Et je suis d'une indulgence folle pour les fausses notes!

Enfin, il y a certainement des génies qui ont d'abord commencé par être banals, ordinaires. Ce peut être aussi une qualité de faire surgir l'extraordinaire de l'ordinaire. Le merveilleux du quotidien. La beauté de la banalité. Ça permet de traverser la vie en étant moins blasé, moins coincé. Et ça peut même donner l'envie de créer juste pour créer sans aucune autre prétention que celle d'avoir du plaisir. C'est déjà beaucoup, non? Et comme disait Charlebois dans sa chanson Ordinaire : "je me fous pas mal des critiques, ce sont des ratés sympathiques".

samedi 20 septembre 2014

Angoisse matinale

Cinq heures du matin. Je suis réveillée à cause d'un mal-être diffus. La gorge un peu nouée. L'estomac serré. Les intestins en mode alerte. Je déteste. Mais comme je n'arrive pas à retrouver le sommeil, j'ai décidé de me réconforter en buvant une camomille. C'est ma boisson ces temps-ci. Finie la vinothérapie. Place à la nervothéraphie.

Ouais. J'ai toutes sortes de malaises digestifs depuis quelques semaines. Je suis convaincue que c'est grave. La soeur Psy dit que c'est dans ma tête. Qu'on se comprenne bien ici : oui, j'ai des symptômes physiques très réels mais ils seraient dû à mon attitude indomptable d'anxieuse finie. Bon, c'est possible après tout.

Alors, voyons. Qu'est-ce qui pourrait m'énerver à ce point? La Fille est maintenant à Hong Kong où tout semble se passer comme sur des baguettes pour le moment. Nous skypons de temps en temps. Cela me permet de la voir et de me rappeler qu'elle existe toujours mais à des milliers de milliers de kilomètres de moi. Oups. Voilà que je vois mon écran moins clairement. Et y a une petite boule là qui remonte. La Reine-Marguerite a sans doute ressenti mon malaise depuis son trône dans le salon car elle vient tout juste de s'installer à côté de moi dans le lit. Je fais place à la félinothérapie.

Quelle date sommes-nous déjà? Ah! oui, le 20. C'est la veille du départ du Fils pour sa Corée natale. La Fille va revenir à la mi-janvier. Le Fils, lui, dans un mois. C'est moins long. Mais ça fait aussi mal. Autant je me réjouis de les voir tous deux retourner aux sources, autant j'angoisse à l'idée de les perdre. Il y a bien sûr toutes les embûches du voyage lui-même. Pour une anxieuse comme moi, elles peuvent être nombreuses. S'il fallait qu'ils se fassent voler, attaquer, voire même tuer! S'il fallait que leur avion éprouve des ennuis mécaniques, qu'il reçoive la visite de pirates de l'air ou, pire, qu'il explose en plein vol! S'il fallait surtout que mes enfants adorés trouvent qu'ils sont beaucoup mieux sur le plancher asiatique des vaches plutôt que sur celui du fleurdelisé! Pourtant, dès qu'ils nous ont été confiés à l'Homme et à moi, j'ai eu pour désir qu'ils se retrempent un jour dans leurs racines. Ce jour est maintenant arrivé. Et c'est quand même extraordinaire qu'ils puissent la même année vivre ce moment privilégié qu'ils pourront partager. Une fois de plus, la vie me conseille de lâcher prise. Et je m'entête à ne pas trop couper le cordon quand même. Juste un petit coup de ciseau. Pas assez pour qu'il se détache. Juste ce qu'il faut pour qu'il pende. C'est d'une élégance. Je vais finir par m'enfarger et marcher dessus. Tant mieux. Après tout, même coupé, il va nous laisser une cicatrice à tous les trois. Un signe qui nous rappellera notre existence en vase clos avant le grand saut en bas du nid.

Mais y a pas que les pérégrinations du Fils et de la Fille que je digère mal. Y a aussi la situation de la Soupière qui ne s'améliore pas vraiment. J'ai pris un petit congé pendant l'été pour me remettre des émotions qui ont entouré sa fermeture. Après six semaines, je n'en pouvais plus d'ennui. Je rencontrais souvent des usagers et des bénévoles au gré de mes déplacements dans le quartier. C'est ainsi que j'avais des nouvelles de mon monde. Puis, au début du mois d'août, j'ai repris la louche. Je suis partie rejoindre les vaillants qui avaient réussi à offrir le service des repas pendant tout l'été. Là, je ne peux pas vous décrire à quel point j'étais heureuse de retrouver ces personnes que j'aime tellement. Vous expliquer ce qu'elles m'apportent par leur courage, leur résilience, leur combat quotidien pour assurer leur survie, ça me prendrait plusieurs messages comme celui-ci. J'y reviendrai sans doute.

Pour le moment, ce qui me dérange et me fait mal, c'est la suite des choses. L'incertitude. La difficulté de repartir sur de nouvelles bases. Je n'arrive tout simplement pas à imaginer que je pourrais être privée de l'immense plaisir que j'éprouve chaque jour à côtoyer ces gens extraordinaires qui me permettent d'en apprendre toujours plus sur moi et sur la vie. Là, c'est simple, je ne veux pas couper le cordon. Pas même l'effleurer. Pourtant. Ai-je vraiment le choix? C'est dur parce que ce cordon, il n'existait pas au départ. J'ai commencé à le tricoter de mon bord. Et mes amis de la Soupière ont tricoté le leur. Après quelque temps d'apprivoisement, les bouts de cordon se sont joints. Ça c'est quelque chose. Il est magané, il a des trous par endroits, mais il nous relie. Heureusement, je pense qu'il est aussi extensible. Cela nous permettra peut-être de continuer à nous aimer à distance si le pire devait survenir.

Ma tisane est presque froide. La Reine-Marguerite est partie. Je ne peux pas dire que je me sens vraiment mieux. Mais j'ai écrit et ça faisait longtemps que j'avais envie de le faire. Ne serait-ce que pour ça, je bénis mon angoisse matinale. Allez, faut reprendre la route. N'est-ce pas là la mission de la Marcheuse?

vendredi 13 juin 2014

Pourquoi faut-il qu'une bonne chose ait une fin?

J'ai décidé de regarder la cuisine une dernière fois. Je ne voulais pas retourner dans la banque alimentaire désormais vide. Ça faisait trop mal.

Je me suis donc plantée juste derrière la fameuse ligne jaune qu'il était interdit de franchir sans avoir un chapeau ou un filet sur la tête sous peine d'entendre la voix tonitruante de J. nous rappeler à l'ordre. Alors, quand j'avais besoin d'un plat, d'un couteau, d'un bac ou d'une planche à découper, c'est là que je m'installais et que j'attendais de capter l'attention d'un membre de la brigade momentanément inoccupé pour formuler ma requête du ton le plus doucereux que je pouvais adopter. Car je savais que je dérangeais. En même temps, je savais aussi que je trouverais toujours quelqu'un qui prendrait la peine de me donner ce dont j'avais besoin, et avec le sourire en plus.

Même en sachant que la cuisine serait désormais inutilisée, je n'ai pas osé franchir la frontière délimitée sur le plancher. J'ai croisé les bras derrière mon dos, j'ai plissé un peu les yeux et, pendant un instant, j'ai revu S. en train de s'activer derrière ses fourneaux et la parfois bouillante mais ô combien attachante J. que nous avons perdue beaucoup trop tôt en décembre dernier. Ce sont ces deux-là qui ont accueilli la verte bénévole que j'étais quand je suis arrivée il y a trois ans déjà. Je ne suis toutefois pas restée longtemps en cuisine. Disons que je n'étais pas trop habile avec les couteaux et que j'aimais trop jaser avec les bénéficiaires quand j'étais au service.

C'est finalement dans le sous-sol que je me suis retrouvée. C'est là que je passais la plus grande partie des quatre journées que je consacrais chaque semaine à ma Soupière bien-aimée. Avec mon cher M., j'en ai classé des boîtes de conserve! Heureusement qu'il était là en plus pour garder les clés, retrouver ma bouteille d'eau, mes feuilles, mes crayons et, parfois, ma tête! C'était rendu que je n'avais même plus besoin de lui demander où était ma gourde, car il me connaissait tellement qu'il savait exactement quand je m'inquiéterais de sa disparition. Juste à l'instant où je me préparais à formuler ma question, voilà que la gourde était à portée de main. C'était mon chevalier servant. Et il m'a outrageusement gâtée. Il savait que j'avais mal au dos et il me sermonnait chaque fois que je ne l'attendais pas pour lever quelque chose de pesant. Mais lui aussi il avait mal au dos. On se surveillait donc mutuellement nous reprochant chacun à notre tour de ne pas faire attention. Un vieux couple, quoi! Sans M., il y a plein de choses que je n'aurais pas pu faire. Par exemple, personne ne savait comme lui faire le ménage des congélateurs. Combien de fois il a fallu qu'il jette, qu'il classe ou qu'il "rotationne"! Pouvez-vous seulement imaginer à quel point c'est profond un congélateur commercial? On peut s'y perdre littéralement. En tout cas, nous avons commencé à gérer un congélateur et nous avons fini avec quatre!

Ce que j'aimais particulièrement de M. c'est qu'il était toujours prêt à embarquer dans mes projets les plus fous, et ce, même à son détriment. Nous avons donc commencé à tenir le Petit Marché du vendredi et le Petit Déjeuner Express. J'aurais dû l'écouter davantage cependant quand il me disait que nous en faisions trop. Il avait sans doute raison mais je voulais tellement offrir le plus possible à notre clientèle.

Vous comprenez maintenant pourquoi je n'ai pas été capable de retourner dans le sous-sol ce midi quand il a fallu quitter définitivement notre maison. Déjà qu'hier j'avais peine à retenir mes larmes en terminant de mettre dans des boîtes les dernières conserves que nous avons envoyées à un autre organisme. Je ne me sentais pas la force de revoir l'endroit où M.-P., Y., D., M. et moi avons travaillé si fort pour trier les fruits et les légumes, couper les gâteaux congelés (Y. était le roi du couteau!), mettre dans des sacs le riz, la farine, le jus en poudre, le gruau, le café, le thé et que sais-je encore.

Il a bien fallu que je sorte de la cuisine. Je me suis dirigée vers les bureaux pour ramasser mon sac. N. était à son poste, comme d'habitude. M'asseoir sur la chaise située à côté de son bureau à la fin de la journée, principalement quand elle avait été usante à souhait, constituait pour moi la récompense ultime d'une bénévole éreintée. J'adorais jaser avec elle, lui demander conseil, me défouler des frustrations accumulées, rêver à un avenir meilleur pour les gens qu'on aidait. J'ai tellement grandi grâce à elle, grâce à son positivisme à tout crin, grâce à son indomptable courage. Et quand elle acceptait que j'entre un petit peu dans sa bulle, alors là, c'était le nirvana!

Jamais je n'aurais pensé que je m'attacherais autant à cette grande famille de la Soupière de l'Amitié. Ce soir, je suis en deuil. J'ai perdu ma mission. J'ai perdu des amis. Mais ce n'est pas moi qui perd le plus. Ce sont tous ces gens qui ont besoin d'un repas, d'un dépannage alimentaire, de couches pour leur bébé, mais surtout d'un sourire, d'une accolade, d'une parole encourageante. Je vous ai découvert et je ne veux plus jamais vous perdre. Je ne sais pas ce que l'avenir réserve. Je sais seulement que les besoins ne disparaissent pas parce qu'on ferme une porte.

Souvenirs de jours heureux :







dimanche 25 mai 2014

On peut pas tous les sauver!

Voilà qui résume bien le bilan de ma journée passée à jardiner dans ma cour. Comme ce sera aussi un blog-photos, permettez-moi d'abord de vous ouvrir la porte :


Avouez que ça paraît bien. Mais exprimer ma vantardise paysagère à tout clavier n'était pas mon but principal. J'y reviens donc. Tout a commencé au moment où j'ai pénétré dans le garage pour y récupérer les nombreux pots que je m'échine à remplir depuis que le beau temps a pris la décision de nous gratifier enfin de sa présence. Après m'être étirée en masse pour attraper des pots en terre cuite sur la dernière tablette de l'étagère, voilà que mon nez fin s'agite. "Pouah! Ça pue la charogne!", me suis-je exclamée intérieurement puisque j'étais seule dans mon Eden. C'est pas pour rien que mon détecteur olfactif s'indignait, il y avait un petit mulot mort au fond d'un des pots. Moi qui déteste les cadavres. Surtout ceux dont il faut se débarrasser soi-même faute de complice pour s'acquitter de la détestable tâche. C'est semble-t-il toujours dans les moments cruciaux que l'Homme s'évade dans le boulot. Prenant mon courage à deux mains et l'urne funéraire dans les deux autres, je me dirige vers le bac à compost. Me semble que c'est l'endroit idéal pour le dernier repos de cet infortuné membre de la gent trotte-menu. Hélas, mille fois hélas pour mon dédain des tâches liées aux pompes funèbres, la dépouille est collée au fond du pot. J'en suis donc quitte pour taper quand même assez violemment sur la paroi pour venir à bout de mener le rongeur à son dernier repos. Me réjouissant de pouvoir retourner à mes fleurs et à mes sacs de terre, je suis interrompue cette fois par des bruits provenant d'une des chaudières blanches en plastique que j'utilise pour jeter les débris de mon désherbage. Intriguée, mais méfiante quand même à cause de mon expérience funéraire récente, je m'approche doucement pour apercevoir une minuscule souris apeurée qui tente désespérément de se sortir du pétrin dans lequel elle s'est innocemment précipitée. Là je me dis qu'une dépouille par jour suffit. En plus, elle est drôlement mignonne. Je m'empare doucement du contenant et je me dirige vers une des plates-bandes pour relâcher la pauvre prisonnière qui s'enfuit sans demander son dû. Je la regarde partir en lui souhaitant toutefois de ne pas rencontrer la chère Irma, l'indomptable chasseresse de ma réserve faunique.

Cela appelle une deuxième photo  :


Et même une troisième, pourquoi pas?


Justement, là, vous apercevez les espiègles. Et vous pensez qu'ils se dorent au soleil en faisant la farniente. Eh! bien, détrompez-vous. Ils ne farnientent pas, ils forniquent. Oui, oui, ils s'envoient en l'air dans les roches toute la journée. Flap, flap par-ci, flop, flop par-là, ça n'en finit plus. Et ils sont encore plus jouisseurs depuis que je leur ai acheté une jacinthe d'eau. Ils semblent littéralement sous l'emprise des phéromones émises par les racines de cette plante. Ils les grignotent. Ils tirent dessus à deux ou trois. Ils s'y frottent. Mais voyez plutôt :


Comme vous le constatez, ils sont très près du bord de l'étang. Et ce qui devait arriver, arriva. Lors de l'une de mes nombreuses sorties du garage avec un sac de paillis à bout de bras, je remarque que ma féline d'extérieur a beaucoup de plaisir avec ce que je crois être le bec du boyau d'arrosage. Je n'en fais pas de cas et me réjouis de la voir s'amuser avec pas grand-chose finalement. Je continue à vaquer pendant qu'elle se désintéresse finalement de son jouet. En effectuant un autre aller-retour du garage à la cour, je passe près du boyau et constate qu'Irma avait en fait attrapé pas un, mais deux espiègles! Je suis sous le choc. Avec deux autres cadavres sous les yeux. Je suis partagée entre mon amour envers la très féline Irma et mon désir de la faire dégriffer sur-le-champ. L'amour l'emporte parce que l'instinct animal, je comprends que c'est pas facile à dompter. N'empêche. L'Homme devra installer l'effaroucheur ce soir, ça presse. En attendant, je dois de nouveau jouer au fossoyeur. Je décide encore une fois d'enrichir le bac à compost. Je prends le premier poisson dans une petite pelle et je l'envoie rejoindre trotte-menu. Puis, comme je viens pour faire la même chose avec la deuxième victime, je constate que celle-ci respire encore. Les mouches sont déjà sur sa dépouille qui n'est en fait pas une vraie dépouille puisque je vois les ouies bouger. Je retourne bien vite dans le garage chercher une chaudière blanche pour l'emplir avec l'eau du bassin. Dans ma tête, je n'arrête pas de me dire que mon pauvre espiègle ne va pas mourir comme ça couché sur le gazon. S'il doit trépasser, il le fera dans son élément naturel. J'enfile des gants en caoutchouc pour le saisir délicatement et le mettre dans le seau. Étonnamment, l'eau semble le revigorer. Comme il est tout couvert de terre et de débris, je tente doucement de le nettoyer. Il se laisse faire. Je le vois recracher de la terre par sa bouche. Après une dizaine de minutes, je constate qu'il nage quand même pas pire. Et là, je décide qu'il doit retourner dans l'étang avec ses amis. Ce sera pour y vivre son agonie ou ressusciter miraculeusement. C'est le miracle qui s'est produit. Il s'est remis à nager et, surtout, à forniquer! Que disais-je donc au sujet de l'instinct animal? Ouais, c'est pas mal difficile à dompter.

Parlant d'instinct, je termine avec cette photo d'un tamias rayé au caractère fort irascible. Quand il arrive pour utiliser la mangeoire des oiseaux, il hurle son arrivée pendant plusieurs minutes. Et, même tout petit, il crie comme un grand :


Je vous laisse avec cette image de mon papyrus royal :


Et je ferme la porte en me consolant à l'idée que j'ai une moyenne de 500 en sauvetage extrême!


samedi 1 février 2014

J'ai pas vu janvier

C'est vrai. Hier, je fêtais Noël. Demain, j'entaille les érables. Je n'en reviens pas comme le temps passe vite. Et je n'en reviens pas comme je viens d'énoncer un lieu commun. En plus, comme je suis retraitée, c'est une phrase que je ne peux prononcer sans qu'on me la relance en pleine face : "Tous les retraités répètent qu'ils ne savent pas où passe leur temps." Je ne sais pas pour les autres, mais je sais que moi je le passe en grande partie dans un sous-sol avec des boîtes de conserve!

Avec tout ça, février s'annonce et je n'ai pas eu le temps de prendre des résolutions pour la nouvelle année. Je cesse donc de procrastiner et je passe à l'action derechef. Vous me permettrez quand même de rire sous cape puisque je ne crois absolument pas aux résolutions sauf si on les prend avec la ferme intention de ne pas les tenir.

Alors, voyons, que pourrais-je bien décider de faire en 2014 que je n'ai pas encore réussi à faire depuis des décennies? Je sais. Je vais me décider enfin à porter les nouveaux soutiens-gorge que j'ai achetés en compagnie de la soeur Psy. Après tout, c'est un de mes beaux souvenirs de 2013 que cette escapade dans le pays des dentelles et des falbalas. Et quelle guide nous avons eue pour nous accompagner dans cette avalanche de dessous affriolants! Une femme entre deux âges qui ne pouvait nous en mettre plein la vue avec la sienne de poitrine mais qui avait le don des formules qu'on n'oublie pas de sitôt. Ainsi, nous avons eu droit à cette déclaration destinée à nous convaincre d'acheter un support à totons de plus de 100 $ : "Cela vous rajeunit la silhouette et vous évite d'exhiber un buste vieillissant à la face du monde." Fort bien. Je ne voudrais surtout pas avoir déjà l'air d'un fossile et que l'on entame des recherches archéologiques sur mon corps avant qu'il ne repose dans son urne de sable. J'ai acheté mais je ne porte toujours pas. Qu'importe. Il me reste encore 11 mois!

Voilà une bonne chose de réglée. Je ne peux cependant pas avoir une seule résolution pour toute l'année. Je sais. Je vais devenir plus assidue dans mon rôle de Martha, la reine du plumeau. Je pensais bien me transformer en ménagère exemplaire lorsque j'ai pris ma retraite. Hélas, c'était là bien mal me connaître que d'imaginer que je ne vivrais plus que pour l'élimination de la poussière et le lavage du bol de toilette! Aussi bien vous l'avouer, je consacre à peu près zéro temps à la vadrouille et à la serpillère. Je préfère de loin, les rares fois où je suis à la maison comme l'Homme aime le répéter dans un reproche à peine déguisé, mitonner de bons petits plats. Comme on n'est pas supposé prendre comme résolution quelque chose que l'on aime faire, je devrai donc me résoudre à épousseter plus qu'une fois par année! Bon, bon, j'exagère un tantinet puisque j'ai joué du torchon en décembre avant que la visite arrive. La poussière des festivités de saison étant à l'heure qu'il est définitivement tombée, je promets de m'y attaquer dès que j'aurai une minute!

Au fond, tout cela n'est que vain babillage. Ma seule et unique résolution, celle pour laquelle je ferai de véritables efforts pour la respecter, c'est de profiter au max de l'instant présent. D'apprendre à le savourer pleinement car il part aussi vite qu'il arrive. Si je ne prends pas conscience de sa présence et de ce que je suis en train de vivre, je manque tout. Ainsi, je me désole parfois à la fin d'une journée de ne pas avoir écouté aussi attentivement que je l'aurais voulu les merveilleuses personnes que je rencontre à la Soupière. Je veux apprendre à les accueillir comme elles le méritent sans laisser mon esprit vagabonder et s'inquiéter notamment des boîtes qui restent à ranger dans la banque alimentaire. Quelques paroles échangées, un sourire offert, une tape sur l'épaule en restant dans le "ici et maintenant" peuvent faire une réelle différence. Et garder de cette façon ma capacité d'émerveillement devant la vie qui passe si vite... que j'ai pas vu janvier!