vendredi 10 octobre 2014

Je banalise et je signe

Je connais quelqu'un, malheureusement dans mon entourage immédiat, qui se plaît souvent à répéter que tout a été écrit, que tout a été chanté, que tout a été peint, bref que tout a été fait. Inutile de vous dire qu'avec un semblable état d'esprit, il faut qu'un artiste soit bon en maudit pour arriver à lui titiller un quelconque intérêt. Pire, toujours selon ce tue-la-fibre-créatrice, si tu veux t'essayer à n'importe quel art, il est impératif que tu trouves un angle qui n'a encore jamais été exploité sinon ton message, ton intention, ton désir, il n'en n'a rien à foutre!

Ce soir encore, j'ai dû entendre ce jugement dur et sans appel à la suite cette fois-ci de la prestation d'une artiste coupable, d'après lui, du caractère banal de la banalité de ses propos. Bon, je ne sais pas si c'était la goutte qui a fait déborder le vase, mais là j'ai carrément eu envie de me révolter. Et d'en profiter même pour me confesser. Oui, je l'avoue, à cause de lui et de son intransigeance, des fois, quand je commence un blog, je me demande si j'utilise un angle inusité. Immanquablement, mon cerveau crampe et mes méninges s'immobilisent. Pas étonnant. Quoi de plus mortel en effet pour l'inspiration que de se demander si on est original, intéressant et innovateur au moment où on trouve enfin le courage de s'exprimer, et ce, peu importe le médium choisi!

Je ne nie pas ici l'importance d'apporter quelque chose de neuf à ce qui existe déjà. Je veux seulement revendiquer la possibilité d'être banal si c'est tout ce qu'on a dans les tripes cette journée-là. Nul ne peut aspirer à la perfection chaque fois qu'il lève un pinceau, qu'il appuie sur un déclencheur, qu'il joue du clavier ou qu'il noircit une page. Ce qui compte, c'est la passion qui anime notre désir de créer et le plaisir qu'on éprouve à le faire. Qu'importe que l'on chante dans notre sous-sol ou sous la douche, que l'on écrive des poèmes pour nos fonds de tiroir, que l'on gribouille sur des bouts de papier ou que l'on cuisine les mêmes vieilles recettes, l'important c'est que cela nous fasse plaisir. Si, en plus, on fait plaisir à d'autres, c'est la cerise sur le sundae!

À part ça, c'est pas mal plus facile de critiquer les autres quand on n'ose jamais s'exposer soi-même, ce qui est le cas de la personne dont je vous parle. De mon côté, j'ai un peu compris tout le talent qu'il faut posséder pour bien jouer d'un instrument de musique quand j'ai pris des leçons de piano. Je dis bien "un peu compris" parce que j'étais à des années-lumières de pouvoir rêver d'une carrière dans le domaine musical. Par contre, j'apprécie maintenant davantage les concerts auxquels j'assiste justement parce que je peux imaginer les heures nombreuses que ces artistes doivent consacrer à la perfection de leur art. Et je suis d'une indulgence folle pour les fausses notes!

Enfin, il y a certainement des génies qui ont d'abord commencé par être banals, ordinaires. Ce peut être aussi une qualité de faire surgir l'extraordinaire de l'ordinaire. Le merveilleux du quotidien. La beauté de la banalité. Ça permet de traverser la vie en étant moins blasé, moins coincé. Et ça peut même donner l'envie de créer juste pour créer sans aucune autre prétention que celle d'avoir du plaisir. C'est déjà beaucoup, non? Et comme disait Charlebois dans sa chanson Ordinaire : "je me fous pas mal des critiques, ce sont des ratés sympathiques".

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