vendredi 1 novembre 2013

C'était ça ma journée!

Voilà pourquoi je n'écris plus aussi souvent. Il est 23 h 30. J'ai ma journée dans le corps, ou plutôt dans les jambes pour être plus précise. C'est comme ça toutes les semaines. Le mardi, je range la banque alimentaire après avoir reçu la commande de Moisson Outaouais. Le mercredi, je prends les appels pour le dépannage alimentaire d'urgence et je commence le tri des fruits et des légumes pour le Petit Marché du vendredi. Le jeudi, je prépare et donne les sacs de dépannage, et je continue de préparer les paniers pour le marché. Alors, après trois jours de station debout et de marchage intensif sur le plancher de béton, j'ai le bas du dos en compote et je me demande comment je vais réussir à tenir une journée de plus. Qu'à cela ne tienne, c'est quand même mille fois plus agréable que de passer la journée assise au bureau comme cela a été mon lot pendant tant d'années. En fait, je devrais dire que c'est mille fois plus nourrissant. Je sais, c'est drôle d'utiliser un adjectif alimentaire alors que je m'occupe essentiellement d'assouvir la faim. Mais c'est le qualificatif qui me semble le plus juste pour décrire le sentiment de plénitude que je ressens à bénévoler à ma chère Soupière.

Vous imaginez bien que je n'accomplis pas cette besogne toute fin seule. J'ai une équipe... qui fluctue continuellement. Sauf M. qui lui est là quatre jours comme moi. Nous sommes devenus inséparables. Nous nous complétons. Mes faiblesses sont ses forces et vice-versa. Même si nous réussissons à accomplir une tâche phénoménale avec nos deux paires de bras et de jambes, nous sommes obligés de recruter si nous voulons survivre. Certains de nos acolytes "surnuméraires" reviennent, d'autres pas. D'aucuns sont fiables, d'autres comme pas pantoute. C'est ça la vie. C'est pour ça que, depuis au moins un an maintenant, devant l'ampleur du travail à abattre et l'anxiété de ne pouvoir le réaliser, je prie tous les matins en me rendant à pied au lieu de ma mission. Je Lui dis : "Bon, là, si tu veux que je continue, va falloir que tu t'arranges pour que nous ayons de l'aide. M. et moi, on peut pas tout faire. Et, tant qu'à y être, donne-moi donc la patience, l'empathie, la capacité d'accueil et toutes ces qualités dont j'aurais bien besoin quand je vais rencontrer les gens aujourd'hui. Fais en sorte que je n'oublie jamais que les personnes sont plus importantes que les boîtes de conserve." Évidemment, Il m'écoute. Je suis donc obligée de continuer. Aussi bien tout vous avouer, je L'ai même mis à l'épreuve. C'était une de ces semaines de fou où je ne pensais pas m'en sortir. Mon équipe était décimée par la maladie, les boîtes de conserve semblaient se multiplier, et les fruits et les légumes entraient plus vite que je n'arrivais à les empaqueter. Il me fallait un miracle. C'est donc ça que je Lui ai demandé ce matin-là. Encore une fois, Il a eu l'oreille attentive puisque j'ai réussi à tout compléter à temps.

Depuis, je Lui demande un miracle par jour. Et je suis toujours exaucée. Mes miracles se présentent sous différentes facettes. Parfois, ce sont les bras dont j'ai tellement besoin pour vider mes poubelles pleines. Mais ce sont aussi, et je crois que ce sont ceux que je préfère, les paroles réconfortantes et les rencontres exceptionnelles parce que totalement inattendues. Justement, aujourd'hui, j'ai eu droit à une de ces rencontres bouleversantes.

Je l'avais remarqué depuis quelques jours. Un petit nouveau. Jeune, l'air perdu. Sympathique par exemple et désireux de donner au suivant. Il a travaillé avec une autre équipe que la mienne jusqu'à cet après-midi où il m'a demandé si j'avais besoin d'aide. J'ai dit oui en ne sachant pas trop à quoi m'attendre comme d'habitude. Il était travaillant. Et, pendant qu'il triait consciencieusement des fruits avec M. et moi dans le sous-sol, il nous a parlé de sa vie. De sa vie d'enfant passée dans un centre juvénile parce que ses parents trop poqués ne pouvaient pas s'occuper de lui. De sa vie de jeune adulte passée dans le monde de la prostitution, de l'itinérance et de la violence. À un moment donné, je ne voyais plus mes raisins au travers de mes larmes. Ça me faisait tellement chier que quelqu'un d'aussi jeune ait vécu des choses aussi dures. Je ne sais pas trop ce qui m'a pris mais j'ai eu envie de le serrer dans mes bras. Et il a accepté mon geste. J'aurais voulu le bercer pour toutes les fois où il aurait dû l'être, lui parler d'amour pour effacer toutes les paroles blessantes qu'il a entendues, l'embrasser pour lui faire comprendre à quel point il est important et qu'il a droit à sa place au soleil comme tout le monde. Il m'a dit qu'il reviendrait m'aider. Je l'espère vraiment.

Il est maintenant passé minuit. Faut que j'aille dormir si je veux être en forme pour le Petit Marché demain matin. Même s'il est tard et que je vais probablement regretter mes heures de sommeil coupées, je devais partager ça pour le sortir de mon système. Y des miracles qui marquent plus que d'autres. Mais ce sont les plus beaux.

lundi 28 octobre 2013

Signes du temps

Non je ne suis pas morte. Ma plume ne s'est pas éteinte à jamais. Mon désir d'écrire non plus. Je ne compte plus les fois où, depuis mon dernier message du mois de mai, j'ai voulu m'asseoir à l'ordi pour partager avec vous un moment de ma vie. Ce n'est donc pas parce qu'il ne m'arrive rien que je n'écris plus.

Comme toute bonne retraitée qui se respecte, je manque tout simplement de temps. Entre les activités bénévoles, les tâches ménagères, les fleurs, les espiègles et les félins, il ne reste plus beaucoup d'heures à consacrer pour mon clavier. Et, pour ne pas vous le cacher, lorsque la journée tire à sa fin, je suis souvent trop fatiguée pour écrire.

Mais voilà que s'achève la belle saison. Je prends la résolution, et ce avant le premier de l'an, de me faire plus présente sur la Grande Toile. Et parlant justement de la belle saison, je constate avec un effroi non dissimulé que les signes de la froidure à venir se multiplient. Je passe rapidement sur le cas des commerçants qui nous accueillent avec leurs abondants artefacts halloweeniens et noëlliens. Impossible de passer tout droit sous peine de s'empêtrer dans les guirlandes ou de foncer dans ces monstres gonflés qui ne le restent d'ailleurs jamais longtemps. Quoi de plus triste, à mon avis, que ces minables baudruches jonchant les parterres en tentant de se faire passer pour un chat noir supposément redoutable ou un père Noël apparemment affable! Et que dire du bruit de la soufflerie qui peine à leur donner un semblant de vie. Soupir.

C'est en continuant d'arpenter mes trottoirs chéris que j'ai commencé à noter les signes du temps qui change. Vous savez que, pas plus tard qu'hier, j'ai aperçu un sapin de Noël dans une fenêtre de salon. J'espère de tout coeur qu'il s'agissait là d'une imitation du roi de la forêt sinon je ne donne pas cher de sa verdure quand minuit sonnera... dans presque deux mois d'ici!! Et, bien sûr, mes poumons doivent maintenant composer avec l'odeur de la fumée dégagée par les fameux poêles à bois. Fini l'air pur. C'est le retour de la boucane. Toussotement.

Mais je ne suis pas en reste non plus. Premier signe pour moi que la neige approche : l'installation du bulleur pour mes espiègles. Le voici ce dispositif qui permet à ma faune piscivore de traverser les tempêtes hivernales sans crainte de manquer d'air :


Et puis, deuxième signe, l'Homme a sorti la cabane pour les félins. Pour le moment, c'est Irma qui y a élu domicile étant donné qu'elle s'est autoproclamée reine de la cour. Pourquoi suis-je entourée de félines adeptes de la monarchie? Je n'en sais trop rien mais ce que je peux vous dire, par contre, c'est que la Reine-Marguerite et la Reine-Irma protègent jalousement leur royaume respectif. Je vous présente donc le château d'Irma :


Enfin, je ne sais pas quelle mouche m'a piquée aujourd'hui mais j'ai nettoyé le garde-manger afin de libérer une tablette pour y ranger la vaisselle de Noël. Cela m'inquiète un peu d'être aussi à l'avance. Je suis plutôt dernière minute même si ma nature profonde voudrait le contraire. Ce n'est pas de ma faute si je veux faire toutes les activités bénévoles qui se passent avant Noël et, en même temps, cuisiner beignes, tourtières et autres nourritures grasses de la saison. En tout cas, la place est faite :


Je vous laisse avec cette photo de la Reine-Irma dans son royaume d'automne en train de faire sa toilette :


Elle tire la langue l'air de nous dire, comme un politicien connu nous l'a maintes fois affirmé : "Je suis prête!"

mercredi 29 mai 2013

Ma meilleure évaluation de rendement

J'ai travaillé trente-quatre ans comme fonctionnaire. Je n'ai jamais occupé de poste de gestion. Je ne suis donc à peu près jamais repartie à la maison en pensant aux dossiers sur lesquels j'avais planché pendant la journée. Faut dire que je n'ai jamais voulu grimper les échelons non plus. J'aimais trop ma liberté que je retrouvais chaque soir avec un immense plaisir dès que je mettais les pieds en dehors de l'édifice.

Au cours des années, je dirais qu'il m'est arrivé à deux ou trois reprises seulement de penser que je pouvais vraiment faire une différence. Toutes les fois que je me laissais prendre au jeu, j'en sortais plus amère et déçue. J'en suis venue à la conclusion que la machine servait avant tout à broyer la créativité, le professionnalisme, les idées neuves et le goût de changer les choses. J'ai arrêté de croire aux fausses promesses et aux belles paroles creuses. Je suis devenue une fonctionnaire juste assez cynique pour être encore capable de faire preuve de retenue devant les patrons.

Heureusement, j'ai eu droit à une deuxième vie. Depuis que je suis à la retraite, je fais une différence. Je le sais. Je le vois. Je me suis trouvée une mission. Je veux briser les inégalités. Je veux soulager la pauvreté et la misère. Je veux nourrir les corps et les âmes.

Contrairement au temps où j'étais sur le marché du travail, je repars presque tous les jours à la maison avec en tête une parole, une image, une personne. Moi qui ai tellement écrit sur mes états d'âme (et qui le fais encore parfois), je ne prends plus que rarement le clavier pour m'exprimer à ce sujet. Et pour cause. Je suis tellement remplie d'émotions, de rires, de larmes, de succès et d'échecs quand je reviens de bénévoler que je n'éprouve que l'envie de me reposer et de retrouver mes forces pour la prochaine journée. J'ai vécu au boutte de 9 à 5. Faut que j'arrête pour souffler un peu.

Moi qui détestais faire des heures supplémentaires au bureau, je suis toujours prête à m'ajouter des tâches en sus. Placer les tables pour le souper-spaghetti? Pourquoi pas. Vendre des soupes et des hot-dogs à Bal de neige? Pourquoi pas. Ranger la banque alimentaire pour savoir quoi donner dans les dépannages? Pourquoi pas. Je bénévole quatre jours par semaine à la Soupière de l'Amitié. C'est ma nouvelle famille. Elle est dysfonctionnelle à souhait et c'est la raison pour laquelle je m'y sens si bien. Tout le monde pète sa coche à un moment donné. Pas grave. On se réconcilie vite. On pleure. On rit. Des fois, on se retrouve à attendre Godot. Littéralement.

Dans mon ancienne vie, ça prenait des mois pour faire accepter un nouveau projet. Fallait demander l'opinion de tout le monde. Et, bien évidemment, tout le monde en avait une. À la fin, tu ne reconnaissais plus ton projet. De toute façon, il n'était plus le tien. La machine l'avait mis à sa main. Quand elle l'avait modelé, c'était bon signe au moins. Ça voulait dire que quelque chose allait se passer. Mais la plupart du temps, il ne se passait rien. C'est comme ces innombrables commissions que les gouvernements de tout acabit ne cessent de mettre sur pied pour soi-disant régler des problèmes importants. Elles accouchent de recommandations fort intelligentes qui se retrouvent toutes à la même place : sur les tablettes!!

C'est pas nécessairement le même processus dans ma nouvelle vie. Je ne dis pas que tous les projets se réalisent. Loin de là. Quand on parle de projets qui coûtent des sous, laissez-moi vous dire qu'il faut travailler fort pour aboutir là où on veut. Par contre, c'est possible de mettre sur pied des projets plus modestes. C'est ce qui est arrivé avec le Petit Marché. Je trouvais que nous avions des surplus de fruits et de légumes que nous perdions parfois faute d'avoir pu tous les utiliser dans la cuisine ou dans les dépannages. J'avais aussi des denrées dans la Banque alimentaire que je pouvais plus difficilement passer comme des légumineuses, des sardines, des sauces et vinaigrettes bizarroïdes, des tonnes de biscuits salés et sucrés. J'en ai parlé aux responsables de la Soupière qui ont appuyé très rapidement mon idée de les offrir à notre clientèle une fois par semaine, soit le vendredi. Le Petit Marché était né. Je reçois de 35 à 40 personnes par semaine. Je trouve ça formidable car, en plus de les aider de façon régulière, je peux les connaître davantage. J'ai le temps de jaser avec eux, de leur proposer des recettes, de leur offrir la possibilité de goûter des fruits ou des légumes qu'ils ne connaissent pas et, surtout, de leur permettre de se rendre à la fin du mois avec, peut-être, quelques sous de plus dans les poches.

Ce soir, en me rendant à la pharmacie près de chez moi, j'ai croisé une dame que je vois fréquemment à la Soupière. Nous avons fantasmé ensemble sur la possibilité de gagner la loterie. Vous savez c'était quoi ses rêves à elle? Payer ses dettes et remplir son frigo. J'en ai profité pour lui parler du Petit Marché et je l'ai invitée à venir me voir vendredi. C'est alors qu'elle m'a dit : "J'te r'garde aller, toé, pis t'es ben correct." Je lui ai dit merci, j'ai ajouté que je les aimais tous et toutes, et je suis repartie le coeur léger, léger. Là le doute n'est plus permis : je fais une bonne job!

lundi 6 mai 2013

Sauvée par le métal

J'ouvre les yeux. Elle est là. Déjà. Elle me regarde. Ou plutôt elle entre en moi et je sais que ma journée vient de mal commencer. J'ai le coeur qui se serre. Je sens un immense poids sur ma poitrine. Le découragement m'envahit. Mon ennemie ne me lâche pas et pourquoi diable le ferait-elle? Je suis une proie tellement facile. Nul besoin pour elle de déployer des trésors d'imagination pour m'embarquer dans ses délires les plus abracadabrants puisqu'il lui suffit d'exercer une légère pression sur ma gorge pour que je cesse de fonctionner normalement. Parfois même elle joue à s'emparer de mon esprit et elle m'envoie alors des messages à une vitesse si affolante que je ne sais plus où donner de la tête.

En ce beau lundi matin ensoleillé, elle a choisi de me couper la respiration. Il est encore tôt. À peine six heures. J'essaie bien de me rendormir mais je n'y arrive pas. Je suis prise dans les filets de l'anxiété. Elle m'occupe pas mal trop ces temps-ci ne me laissant que peu de répit pour retrouver mes moyens. Évidemment c'est sa force de s'installer, de s'incruster, de coller à la peau du monde! Au bout d'un moment, je me rends à l'évidence que je ne retrouverai pas le sommeil. J'ai le choix : je reste là à sentir la bête prendre toute la place en moi ou je me secoue et me précipite sur mes trottoirs chéris. Justement une amie me disait hier qu'elle était tombée sur un poste de radio qui faisait jouer du métal et qu'elle avait pensé à moi en faisant sa vaisselle et son ménage sur les rythmes endiablés des headbangers. Ça fait une mèche que je n'ai pas marché en écoutant ma musique préférée. Me semble que cela me ferait le plus grand bien de marteler mon désarroi en me faisant brasser les tripes! C'est décidé, je sors prendre l'air.

Je dois maintenant prendre le temps de choisir judicieusement mon remède. J'opte pour le groupe Times of Grace. Ça fait déjà un bout que le Pusher de métal me l'a fait découvrir mais les vieux classiques, ça ne se démode pas. Après la première chanson, je sais que je ne me suis pas trompée. J'entends les paroles dont j'ai besoin et j'entre dans ma bulle. Le rythme rapide me permet de dépenser dès le début de mon parcours la mauvaise énergie qui m'habite. Je me donne à fond. Je grimpe et descends les escaliers une dizaine de fois. J'ai tellement l'air déterminée qu'un monsieur décide même de grimper dans l'herbe plutôt que de se frotter à moi dans les marches. Tant pis! Je demeure totalement concentrée sur la musique. Je me permets un petit jogging sur la pente de l'église. Je sens l'étau qui se relâche. Finalement, le miracle arrive comme toujours quand j'écoute du métal.

J'ai expliqué plusieurs fois dans ce blog l'extraordinaire richesse de cette musique qui me touche toute entière. Elle vient chercher en moi la rage, la révolte, le désespoir, mais elle ranime surtout ma petite flamme de rebelle, cette lumière qui ne veut pas mourir et que j'oublie trop souvent d'alimenter parce que je cesse de croire qu'elle est là. J'ai pleuré quand je suis arrivée à la dernière chanson. Aujourd'hui, c'est comme si elle avait été écrite pour moi. Lisez ou écoutez :

Fall from Grace

At the end of your rope
Hanging by a thread
He'd give anything for this to just go away
This grip is only so strong

I try to hold on tightly
But it's all slipping through my fingers
And I feel a moment, aspirations betray
Eyes that once beamed with hope now only stare in remorse

Even through this pain
I will feel again
Even through these tears
I will love again
Even through this pain
I will feel again
Even through these tears
I will love again

There will be no pity
There will be no sorrow
For today these hands may tremble
But this heart will never give in

Even through this pain
I will feel again
Even through these tears
I will love again
Even through this pain
I will feel again
Even through these tears
I will love again

And I will not fall
Fall from grace
And I will not fall

I will feel again
You're at the end of your rope
I will love again

Vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=N8gi2eQMLJU

J'ai terminé ma marche les bras ouverts pour accueillir la vie. Me semble que c'est là que j'ai laissé échapper la boule noire. Va te faire foutre, je ne tomberai pas!

lundi 22 avril 2013

Gambade urbaine

Quelqu'un dans le monde Facebook ce matin demandait : Levez la main ceuzécelles qui seraient plutôt allés gambader dans les champs aujourd'hui." Je n'ai pas pu résister. J'ai répondu : "Moi je vais y aller parce qu'un autre bonheur de la retraite, c'est le "gambadage" perpétuel!"

J'ai donc tenu promesse et, après avoir devisé gaiement autour de délicieux plats marocains en compagnie de deux amies qui doivent toujours gagner cette garce de vie et assister à des réunions à 13 h 30, j'ai entrepris une gambade touristique non pas à travers champs, mais bien en direction du ROC. J'ai décidé de traverser la frontière en empruntant le pont du Portage et d'en profiter pour lire les différents panneaux semés par les bons offices de la Commission de la capitale nationale à l'intention des visiteurs de notre beau pays. J'ai totalement savouré d'avoir le temps de me prêter à ce jeu sous un soleil absolument radieux.

Dès l'entrée du pont, je suis frappée par l'agitation de la rivière. J'avais complètement oublié que nous étions en pleine période de crues des eaux. Le panneau m'indique d'ailleurs que cet endroit était autrefois un lieu de portage et que justement, au printemps, les voyageurs désireux de s'aventurer sur les flots devaient le faire un peu plus bas s'ils ne voulaient pas prendre un bain impromptu. Voici donc les images de mon début de gambade :








Depuis les années que j'habite la région, j'avais évidemment déjà remarqué ce bâtiment en ruines sur l'île Victoria mais je n'avais toutefois aucune idée de ce à quoi il servait. J'ai remédié à mon ignorance et je vous présente l'usine de carbure Willson. Cette dernière est directement associée à l'Ottawa Carbide Company, qui a construit l'usine sur l'île entre 1899 et 1900. Le bâtiment se distingue aussi par son association directe à Thomas Leopold Willson, inventeur d'un procédé de fabrication de carbure de calcium et de gaz d'acétylène et fondateur de l'Ottawa Carbide Company. Il a été déclaré personne d'importance historique nationale par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada :



Après j'ai poursuivi ma petite bonne femme de chemin jusqu'à la colline parlementaire. Je voulais aller saluer les chats. Avouez que je vous ai fait peur là! Vous pensiez que j'allais en profiter pour dire bonjour au grand timonier. Pas du tout. Je le laisse mener sa barque tout seul. Quoique. J'aurais bien aimé aujourd'hui lui proposer d'essayer les eaux tumultueuses de la rivière des Outaouais. Mais revenons aux chats. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que le sanctuaire des félins n'existe plus! Il ne reste qu'une pauvre pancarte qui annonce que les chats ont été adoptés par les bénévoles qui s'en occupaient. La mignonne construction en bois qui les abritait depuis des années a été complètement démantelée. Même le banc où on pouvait s'asseoir pour prendre et caresser les chats les moins peureux a disparu. C'est drôle mais je me suis sentie flouée. Encore une fois. Décidément, cette colline devient de moins en moins hospitalière. J'ai tout de même pris une photo du pont que je venais de traverser pour vous donner une idée de la distance parcourue :



J'ai terminé ma randonnée au château Laurier. J'ai joué à la grosse madame en prenant place dans un des fauteuils de l'entrée principale. J'étais tout près du salon de thé et je pouvais voir les serveurs apporter les plateaux de sandwichs pas de croûte! J'entendais aussi le piano. C'était pas mal beau. Comme un autre monde. Tellement différent de celui où je barbote maintenant. Je me suis dit que bien enfoncée dans mon fauteuil à oreilles, je pouvais presque oublier le monsieur autochtone qui mendiait à la porte et qui m'avait pratiquement tiré une larme. Maudit que je suis sensible!De toute façon, il fallait que je reparte. Je devais prendre mon autobus. C'est drôle parce que là j'ai refait tout mon parcours, mais en sens inverse.

J'ai finalement terminé ma gambade urbaine bien peinarde dans ma cour en compagnie de mes poissons chéris. J'ai pris une photo de Rodolphe, comme l'a baptisé l'Homme, en train de chercher son air. J'ai peur de le perdre malgré mes beaux efforts pour le sauver. Je me suis sentie un peu cruelle de l'immortaliser ainsi sur pellicule. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Ce n'est pourtant pas mon genre de profiter du malheur des autres. Je voudrais juste qu'il continue à s'amuser avec ses frères et soeurs espiègles. Décidément, la vie nous rattrape toujours, même lorsqu'on gambade.


samedi 30 mars 2013

Vendredi Saint

Ça s'est passé hier et je vous en parle aujourd'hui. Une expérience que je pensais banale, voire simplement amusante, me rentre soudainement dans le corps. J'aurais dû pourtant m'en douter. Rien n'est jamais aussi anodin qu'il ne paraît dans le monde du bénévolat. Je m'explique.

Pour souligner la fête de Pâques et se faire un peu pardonner d'être fermée lundi, la Soupière avait organisé un brunch hier matin. Cela se passait plus tôt qu'à l'habitude. Les gens étaient conviés pour 9 h. Au menu : une omelette, des patates, du bacon et des saucisses, des crêpes avec du bon sirop d'érable. Mais ce n'était pas tout. Nous donnions aussi des souliers. Des souliers qui nous avaient été offerts gratuitement par un marchand du coin. Il s'agissait de belles chaussures d'homme. Vous savez, ce genre de souliers qu'on met pour aller aux noces. Un seul modèle. Trente paires étaient disponibles. Nous avions annoncé l'activité pendant la semaine : premier arrivé, premier servi.

Pour l'occasion, j'avais été promue au rang de vendeuse en compagnie d'une autre bénévole. Je me réjouissais de mon rôle car, lorsque j'étais jeune, "jouer au magasin" faisait partie de mes occupations préférées. À l'heure dite, nous ouvrons nos portes. Il y a déjà une file. Notre premier client s'installe sur une chaise et nous annonce sa pointure. Nous avions déjà placé nos boîtes par ordre de grandeur. De vraies professionnelles. "Ça va être facile et rapide", que je me disais. "Un 10 et demi, vous dites? Oui, nous avons ça. Vous devez enlever votre soulier pour l'essayer cependant. Oui, il faut l'essayer même si vous connaissez votre grandeur. Pourquoi? Parce qu'il s'agit de souliers propres, qu'ils sont un peu étroits et qu'ils n'offrent pas la même "tenue de route" que des espadrilles.", déclamais-je du ton assuré de celle qui sait de quoi elle parle. Du baratin de vendeuse, quoi! Notre client porte de gros bas de laine. J'ai beau essayé de lui expliquer qu'il doit en tenir compte pour évaluer son confort, rien n'y fait. Selon lui, tout est tiguidou. À lacets donnés, je décide de ne pas regarder la semelle. Je le fais signer pour confirmer qu'il a bien pris possession de ses chaussures et nous passons au client suivant.

Les hommes défilent, les uns après les autres. Après pas très longtemps, ma compagne d'infortune et moi commençons à manquer d'air. Nous décidons de garder la porte ouverte. Disons que ça sent les p'tits pieds! Faut dire que la majorité portent deux paires de bas l'une par dessus l'autre. Avec deux bas, on arrive presque à cacher les trous et les bouts qui manquent. C'est plus chaud aussi. Nous continuons notre bon travail. Bientôt, nous sommes en peine de clients car il ne reste que les très petites ou les très grandes pointures. Qu'à cela ne tienne, les femmes s'en mêlent. Elles aussi veulent des souliers neufs. J'ai beau leur répéter qu'il s'agit de modèles pour hommes, elles n'en démordent pas : "C'est très mode de porter des chaussures d'hommes", m'assure l'une d'entre elles tout en m'obstinant qu'un 6 pour homme, c'est pareil qu'un 6 pour femme. De guerre lasse, je lui propose d'essayer un 5 et demi. Ce qu'elle fait. "C'est trop grand", qu'elle me dit, le ton un peu dépité. Moi je ne suis pas trop étonnée. Je n'en suis pas pour autant au bout de mes peines. "C'est pas un 5 et demi qu'il me faut, c'est un 6", qu'elle ne cesse de me répéter. Ma patience de vendeuse improvisée commence à s'user. Je n'arrive pas à lui faire comprendre que le 6 sera assurément trop grand pour elle. Davantage pour lui prouver qu'elle a tort et que moi j'ai raison, je lui passe un 6. "C'est parfait", qu'elle me dit sans rire. "Je savais que c'était un 6 qu'il me fallait. Je les veux". N'ayant plus d'arguments à invoquer, je la laisse partir avec ses souliers soi-disant "parfaits".

Je repensais à tout ça ce matin en faisant la vaisselle. Je revoyais certains d'entre eux tenter désespérément d'insérer leur pied dans une chaussure trop petite ou de marcher sans perdre une chaussure décidément trop grande. Je me rappelais surtout la forte odeur qui se dégageait parfois des pieds déchaussés. Et là, j'ai réalisé soudainement que j'avais tout faux. Je m'étais attardée sur les bas et leur fort parfum en oubliant complètement les souliers qui les recouvraient. N'était-ce pas là l'important dans tout cet exercice? Toutes ces chaussures usées, déformées, abîmées, décolorées qui leur permettaient de continuer à avancer malgré les épreuves, en dépit de la maladie et des injustices, envers et contre tous les obstacles qui se dressent trop souvent devant eux. Voilà que je comprenais mieux l'importance qu'ils accordaient à se dénicher une bonne paire de souliers, celle qui leur ferait un beau pied, celle qui leur donnerait le droit de se faufiler sur un plancher de danse, et même, oui même celle qui leur donnerait le bon ton lors des funérailles d'un être aimé.

Alors, finalement, qu'importe le fait que j'ai peut-être "vendu" des souliers trop petits ou trop grands si j'ai au moins réussi à redonner à quelqu'un le goût de continuer à marcher.

vendredi 15 mars 2013

Le vaste néant maternel

Il aura fallu une femme, bien entendu, pour que je puisse enfin accoler des mots au malaise qui me tripatouille les entrailles depuis quelques semaines. En fait, l'expression a été traduite de l'anglais par la journaliste Isabelle Paré qui nous raconte l'histoire de Sharon Hapton, une maman Albertaine férue de potages réconfortants, qui a décidé d'assouvir son nurture void en cuisinant des bouillons pour réchauffer les âmes blessées. Je vous invite vivement à lire l'article Une soupe vraiment populaire dans l'édition d'aujourd'hui du journal Le Devoir pour en apprendre davantage sur cette idée pleine de bon sens qui vise à combler un vide intérieur en remplissant des estomacs.

Mais permettez-moi un instant de revenir à mon propre néant, celui qui explique en partie mon silence et mon manque d'inspiration devant l'écran blanc. Disons que même avant d'avoir lu l'article de ce matin, j'avais déjà une bonne idée de la provenance de mon mal-être. J'étais simplement découragée de constater que ce sentiment continuait de m'habiter bien après le départ de mes deux oisillons. Faut croire que j'avais sous-estimé la puissance du vaste néant maternel. Bref, je vous résume rapidement comment je me percevais. Vous allez constater que les images sont, hum, probablement exagérées mais assurément exacerbées par mon tourbillon émotionnel.

Tout d'abord, j'avais l'impression d'avoir été vidée de mon contenu. C'est sans doute la raison pour laquelle je m'imaginais être un poisson hors de l'eau frétillant inutilement pour tenter de retrouver son habitat aquatique. Pour vous dire la vérité, je n'avais plus l'énergie, ni le goût de même tenter de me remettre dans le bassin. Je voulais simplement être vidée de mes entrailles une fois pour toutes afin de pouvoir goûter la paix d'esprit "méternelle", si tant est qu'elle existe bien évidemment. Ensuite, je me suis blessée au dos. Un disque déplacé. Je me suis retrouvée au repos forcé pour deux semaines. Une période qui m'a fait plonger au coeur du trou noir.

Je ne pouvais plus bénévoler. J'avais perdu subitement la mission que je m'étais trouvée lorsque j'ai pris ma retraite. J'étais pour un temps confinée à la maison, prise entre mes quatre murs de ménagère non accomplie. J'ai été aspirée par le fameux néant. J'ai paniqué en me voyant peut-être obligée d'abandonner pour de bon mes activités de bénévolat. "Qu'est-ce qui me restera si je ne peux plus m'occuper de la banque alimentaire, du service de dépannage, du brunch des aînés?", me répétais-je sans cesse, assise oisivement dans le fauteuil de mon salon en compagnie de mes deux félines fort heureuses, elles, de profiter de ma présence. Contrairement à plusieurs femmes de mon entourage, mes petits ont fait leur nid à une distance respectable du nid maternel. Impensable pour moi donc de les inviter à prendre un café ou un repas, impossible d'aller leur porter de la nourriture pour soulager leur quotidien de travailleur et d'étudiante. Je dois me contenter du téléphone. Et là, justement, que je vous parle de mes dernières peines de mère vidée de son contenu. L'Homme et moi avons décidé de faire un test pour mesurer le degré d'ennui de notre progéniture.

Je vous précise ici que l'Homme, quoique à un degré moindre, est aussi atteint du syndrome du néant maternel. C'était inévitable. Il a toujours, et il est encore, un véritable papa poule. Bref, nous avons opté pour le silence téléphonique. De toute façon, c'est toujours nous qui communiquons avec le Fils et la Fille pour nous enquérir de leurs projets et tenter ainsi, du mieux que nous pouvons, de continuer à partager un peu de leur quotidien. Hier, ça faisait une semaine que nous étions sans nouvelles. Pendant cette période, je ne sais combien de fois nous avons dû, chacun notre tour, encourager l'autre à ne pas s'emparer du combiné. Je sais, c'est pathétique. Plus encore que vous ne le croyez puisque l'Homme a même ironisé ce commentaire : "J'imagine que lorsque les voisins vont leur demander de venir voir ce qui se passe à cause de l'odeur nauséabonde qui émane de la maison, ils vont bien être obligés de venir au moins nous identifier." Fin de la citation. Plus pathétique que ça, tu te retrouves avec la camisole de force.

Hier, donc, je n'ai pas pu résister. Je revenais de la Soupière où une gentille maman m'avait confié pour quelques minutes sa petite fille d'un an et demi pour lui permettre d'aller porter dans sa voiture les sacs d'épicerie que j'avais préparés pour elle. Il n'en fallait pas plus pour que les souvenirs reviennent à la vitesse de l'éclair. Ah! l'odeur unique des têtes de petits bébés, leurs grands yeux qui te fouillent l'âme, leurs menottes qui veulent tout attraper et, surtout, cet abandon envers les adultes dont ils dépendent totalement. J'ai appelé à l'appart du Fils et de la Fille sachant pertinemment qu'ils n'étaient probablement pas encore arrivés. J'ai laissé un message mi-culpabilisant du genre : "Bon, ben, ça fait une semaine que nous ne nous sommes pas parlés. Nous aurions aimé que vous ayez eu envie de prendre de nos nouvelles. Je vous embrasse quand même." J'aurais voulu ne pas le dire comme ça. Alors, je me reprends : "Je comprends que vous soyez occupés et emportés par le tourbillon de vos activités de jeunes adultes. Je suis fière de constater que vous menez vos vies de façon autonome. Ça veut dire que votre père et moi avons fait une bonne job. C'est pourquoi je ne vous demande pas de téléphoner tous les jours. Cependant, je tiens à garder un lien régulier avec vous car j'ai peur que nous perdions contact. Je ne veux surtout pas qu'on en arrive à se parler seulement quand il y a une fête ou un événement important. Je veux encore faire partie de votre vie au quotidien parce que je vous aime et que toutes les activités de bénévolat au monde n'arriveront jamais à combler le vaste néant maternel qui m'habite. Il me faut aussi un peu d'amour filial."

Je ne sais pas si c'est mieux dit. Pour moi, au moins, c'est plus clair.

samedi 9 février 2013

Bleu et Blanc

J'ai farnienté longuement hier et puis, finalement, vers la fin de l'après-midi, j'ai décidé de prendre mon courage à deux mains et mes espadrilles à deux pieds pour affronter la neige qui tombait en rafales depuis le début de la journée. C'était pas si mal une fois dehors. Les trottoirs n'étaient évidemment pas encore déblayés. Cela n'en rendait l'exercice qu'un peu plus exigeant et, par conséquent, satisfaisait mon âme d'athlète en puissance. J'avais mis la caméra dans ma poche pensant pouvoir immortaliser les éléments déchaînés. Mission plutôt ardue, comme vous pourrez le constater dans les deux clichés qui suivent :



Aujourd'hui, c'était tout autre chose. Le soleil était revenu. Et le magnifique ciel bleu. De la fenêtre de ma chambre, j'avais déjà un avant-goût de ce qui m'attendait :


La maison était un peu ensevelie. J'ai laissé à l'Homme le soin de la déterrer :


Moi j'ai repris le cours de mes trottoirs. Cette fois, toujours au moyen de la caméra, j'avais l'intention de vous faire découvrir l'éclat du bleu du ciel et la virginité du blanc de la neige. Une idée toute simple de prime abord qui s'est avérée plus difficile à réaliser que je ne le pensais. Qu'importe. Pendant que je marchais et que je cherchais un moyen de vous faire béer d'admiration devant l'extraordinaire beauté du firmament, j'ai plutôt été séduite par les arbres. Comme je m'extasie autant devant ceux qui se déshabillent pendant l'hiver que devant les autres qui gardent leur verdure, en voici des deux espèces :



Et que penser de cet arbrisseau qui, je l'espère, va pouvoir traverser la saison froide sans y laisser sa peau :


Allez, tant qu'à y être, une photo pour la postérité :


Ma marche a été longue. Pratiquement deux heures. Faut dire que j'ai pris le temps d'échanger quelques mots avec une gentille dame qui déambulait en ayant l'air d'apprécier autant que moi le froid pas trop froid de cette journée ensoleillée. "L'air est bon, n'est-ce pas?", lui ai-je lancé en arrivant à sa hauteur. "Oui, c'est vraiment agréable d'être à l'extérieur aujourd'hui.", m'a-t-elle répondu en souriant. "Le ciel est d'un bleu saisissant, n'est-il pas?" ai-je poursuivi. "Absolument. C'est ça le drame. Quand on est jeune, souvent, on ne s'arrête pas à ces choses-là. Par contre, quand on vieillit, on prend davantage le temps de les savourer." J'ai opiné du bonnet en me disant toutefois que la contemplation ne constitue pas nécessairement l'apanage des têtes blanches. Il me semble dans mon cas que je pâmoisonne devant les beautés de la nature depuis un temps immémorial. C'est vous dire.

J'ai aussi rencontré un peu plus loin dans mon parcours une sympathique vieille dame prénommée Huguette. Comme c'était quand même glissant par endroit et que nous allions dans la même direction, elle a pris mon bras et nous avons déambulé en devisant gaiement. J'ai appris qu'elle avait 82 ans, qu'elle était veuve, qu'elle habitait la même rue que moi et que ce n'était vraiment pas drôle de vieillir. Nous nous sommes promis de nous revoir. Je l'ai laissée devant la pharmacie. Moi j'ai opté pour le marchand de vin.

Alors, pour le bleu, cela a plus ou moins bien fonctionné. Vous pouvez quand même en apercevoir des bribes au travers des branches. Par contre, pour le blanc, je pense avoir mieux réussi :


Quand une marcheuse urbaine voit son ombre, est-ce que ça veut dire qu'elle est sortie de la noirceur?

samedi 2 février 2013

Divers d'hiver en quelques clics

Je ne peux tout de même pas m'insurger continuellement. Quand j'en ai assez de lire les journaux pour me tenir au courant des trop bêtes décisions de nos politiciens, je sors dehors prendre l'air! Aujourd'hui, il faisait, disons, moyennement froid. Avouez que c'est là une façon très scientifique de mesurer le facteur éolien. En tout cas, cela fait moins peur que les moins 30 degrés annoncés parfois lorsqu'on ajoute la force du vent. J'aime mieux rien savoir finalement!

Je suis donc sortie au début de l'après-midi avec mon joujou de caméra dans la poche. Première constatation : la douce neige qui tombe recouvre en même temps la traître glace des trottoirs. Je pense être assez brave pour marcher sans crampons. Après avoir manqué tomber juste en sortant de l'entrée, je retourne à la maison me transformer en vieille dame peureuse. Et voici les chaussures cloutées :


Je suis d'abord frappée par la pâle lueur du soleil. N'empêche, il est là. Le voyez-vous au travers des branches de mon majestueux érable?


Et c'est parti! Je me rends compte rapidement, cependant, que je ne peux pas me fier totalement aux crampons. À cause de la neige qui s'accumule sous mes espadrilles, il m'arrive quand même de perdre pied. Mais je ne me laisse pas arrêter pour autant et je poursuis ma petite bonnefemme de chemin. Évidemment que je me retrouve au cimetière. Cette fois, je déniche les anges sans vraiment les chercher. J'aime bien celui-ci perché sur sa pierre tombale :


Mais mon coup de coeur, c'est incontestablement celui-là. C'est son attitude de total recueillement qui m'a attirée. À un point tel d'ailleurs que je me suis presque moi-même mise à genoux pour le photographier. J'aurais pu et j'aurais dû. Un peu d'humilité dans la neige n'a jamais fait de tort à personne. À ce propos, il me semble que je vous ai déjà raconté qu'enfant, je m'étais agenouillée dans l'immense banc de neige qui masquait pratiquement le devant de la maison familiale pour rendre grâce à l'incroyable beauté de la nature. Je me souviens que j'étais tellement émerveillée devant les flocons de neige qui virevoltaient doucement autour de moi et tellement envoûtée par le silence qui régnait que je n'ai pas vu d'autre geste à poser que de me mettre à genoux pour remercier le Ciel d'avoir la chance incroyable de profiter de ce moment de pur abandon devant ce trop bref aperçu du Paradis. Bon, assez d'épanchements. À vous d'admirer ou pas :


Et un dernier clic avant de quitter, toujours pour tenter de capter le timide soleil :


Étonnamment, mon attention s'est portée plus loin sur l'alignement des choses. Je mets ce soudain intérêt pour les rangées bien droites sur le compte de ma difficulté à garder mon équilibre tout au long de mon parcours. Voici donc un cliché significatif que j'appellerai doctement "Alignement 1" :


Et voici pour terminer, je vous le donne en mille, "Alignement 2" :


C'est la Fille qui va bien se bidonner devant mes talents de photographe amateur. Pas grave. Je ne pensais pas aimer autant mon cadeau de fête. Merci encore, cher Fils et chère Fille, pour cette merveilleuse idée qui me permet d'exercer autrement ma créativité!

vendredi 1 février 2013

Pourquoi?

Pourquoi je me bats? Pour m'insurger contre ça...

La une du journal Le Devoir ce matin m'a frappée de plein fouet : Les fonctionnaires ont des quotas de prestations à couper. Pour ceux et celles qui suivent l'actualité, vous savez que la réforme de l'assurance-emploi du gouvernement Harper, entrée en vigueur le 6 janvier et présentée comme de simples "clarifications", rend plus difficile le processus de contestation pour les chômeurs refusés. Découlant de sa bonne volonté hypocrite de soi-disant créer des emplois pour tout le monde et non d'offrir de l'assurance-emploi pour tout le monde, le gouvernement demande en plus aux fonctionnaires chargés de livrer le programme de faire tout leur possible pour ne pas verser d'argent aux travailleurs. Un fonctionnaire révèle : "Le problème, c'est que le système met beaucoup de pression pour qu'on coupe les gens, qu'on trouve une faille dans leur déclaration. Tout le travail est organisé comme ça, on se félicite d'avoir coupé un tel, on se relance d'un bureau à l'autre en disant : "mais tu aurais pu l'avoir là-dessus aussi!", on est poussés à être agressifs dans nos questions, à coincer les gens". Le même fonctionnaire indique qu'il y a "certainement des fraudeurs dans le système, mais actuellement, c'est comme si on considérait tout le monde comme un fraudeur potentiel". Tout simplement édifiant.

Il semble malheureusement que cette course contre la fraude, qui étonnamment frappe davantage nos élus lorsqu'il s'agit de coincer de pauvres gens plutôt que de riches copains pourvoyeurs de fonds électoraux, touche aussi notre gouvernement provincial. Ainsi, cette semaine, j'ai été appelée entre autres à dépanner deux mamans qui, parce qu'elles avaient omis de remplir un sondage ou un formulaire quelconque de l'aide sociale, ont été privées de leurs allocations familiales. Considérant le montant déjà ridicule qu'elles reçoivent par mois, vous comprendrez aisément qu'une telle mesure creuse un immense trou dans leur budget. (Vous me permettrez ici un aparté à l'intention des fonctionnaires concepteurs de politiques diverses et autres destinées aux personnes recevant de l'aide sociale - beaucoup d'entre elles n'ont pas de téléphone, elles peuvent donc difficilement joindre les services dont elles ont besoin; presque toutes n'ont pas d'ordinateur ni d'accès à Internet, elles ne peuvent donc pas produire de déclaration en ligne et encore moins recevoir des courriels. Me semble que ces éléments de la vie réelle pourraient être considérés quand vient le temps d'émettre de nouvelles directives.) Dois-je vous préciser que ce n'est pas la première fois depuis un an que j'entends raconter ce genre d'histoires? Faut dire que c'est tellement facile d'enlever leur argent aux personnes démunies : suffit d'envoyer une petite commande dans le système informatique et vlan dans les flancs, voilà un fonctionnaire content d'avoir fait sa job! J'applaudis... à la bêtise.

Et je me bats aussi contre le mépris des grosses compagnies envers leurs travailleurs.

Lu également dans Le Devoir d'aujourd'hui que Best Buy a fermé quatre grands magasins au Québec, sans avis préalable à ses employés. "Ceux-ci, qui s'étaient présentés au travail comme à l'habitude, se sont heurtés à des agents de sécurité et des portes closes. Les appels téléphoniques aux succursales fermées étaient automatiquement redirigés vers les succursales les plus proches et les coordonnées de celles-ci avaient déjà été retirées du site Web de l'entreprise, jeudi matin." Ironie, ironie, un député néodémocrate qui se dit de tout coeur avec ces travailleurs invite les agents de Service Canada à traiter leur demande d'assurance-emploi rapidement. La boucle est bouclée.

Alors, pourquoi est-ce que je continue à me battre?

Parce que je demeure convaincue que nous pouvons, chacun à notre manière, faire une différence pour que notre monde soit meilleur. Parce qu'avec plein de personnes au grand coeur, j'ai bénévolé ce soir avec l'Homme pour aider à l'organisation du premier souper-bénéfice de la Soupière. J'y ai encore une fois côtoyé des gens extraordinaires qui n'ont ménagé ni temps, ni énergie pour assurer le succès de cette merveilleuse initiative. C'est pour ça que je continue. Parce que je sais que je ne suis pas seule à croire qu'on peut changer les choses. Heureusement d'ailleurs, car je trouve souvent que la roche à bouger ressemble davantage à une montagne. Pas grave. Je continue à avancer avec la foi du pèlerin.

mardi 29 janvier 2013

L'art de la retraite

Je n'ai jamais été aussi riche que depuis que je suis à la retraite. Je n'ai jamais autant vécu dans le luxe que depuis que j'ai cessé de travailler. Cela vous étonne? Mais peut-être pas si vous avez seulement une fois déploré le manque de temps qui marque vos vies. Car voilà bien le grand luxe de la retraite : le temps. Il vous appartient totalement et vous l'occupez comme bon vous semble.

Ainsi, aujourd'hui, j'ai décidé d'écrire mon blog à 16 h. Oui. En plein après-midi. Et j'aurais pu commencer plus tôt si je n'avais pas d'abord pris le temps de nourrir les chats de dehors et de dedans, et de me préparer une tisane que je déguste en ce moment en vous vantant mon bien-être. Je me suis même amusée à prendre quelques images histoire de vous mettre en contexte. Pour me plonger dans la zénitude, j'adore contempler ma cour par la fenêtre de la cuisine. Le paysage change au gré des saisons et je ne me lasse pas d'admirer ce tableau vivant :


Bon, j'admets que je ne gagnerai pas un concours de photographie avec ce cliché. Je voulais simplement vous donner une idée de mon environnement. Même chose avec la photo suivante qui vous montre mon endroit préféré dans toute la maison et j'ai nommé la place de droite sur la causeuse du salon. De là, je peux à la fois épier ce qui se passe dans le voisinage, caresser la Reine-Marguerite le plus souvent affalée dans son trône situé à un bras de mon siège et poser ma tasse de tisane ou de café sur le rebord de la fenêtre pendant que je lis mon journal ou que je vous blogue un petit quelque chose :


Des fois, la Reine-Marguerite s'extirpe de son confort douillet pour venir ronronner sur mes genoux. C'est ce qu'elle voulait faire au moment où j'ai immortalisé son déplacement sur pellicule.


Hélas pour elle, j'ai choisi le clavier plutôt que son épaisse fourrure. Ne vous en faites pas. Dépitée, elle est tout de suite retournée se vautrer dans son panier où elle roucoule dans sa couverture en polar.

Alors, c'est ça mon bonheur tout simple de retraitée. Je savoure du mieux que je peux le temps qui passe. J'apprécie particulièrement l'absence de stress inutile. Hier, par exemple, quand je suis allée au yoga et que j'observais les travailleurs dans l'autobus, puis les fonctionnaires dans la foire alimentaire où je m'étais réfugiée pour siroter mon café peinarde avant de retrouver ma gang de yogis, je n'arrêtais pas de me répéter à quel point j'étais chanceuse de ne pas avoir à me dépêcher pour assister à une réunion ou pour remettre un projet quelconque. Non. Moi, tout ce que j'avais sur le programme, c'était d'aller m'étirer longuement en écoutant mes comparses jaser notamment de leurs projets de voyage. La belle vie, quoi! Et quand je suis sortie de mon cours, il neigeait à plein ciel. Finalement, les quelque 15 à 20 centimètres annoncés allaient tomber. Pas grave. J'ai pris mon autobus à midi. Comme j'étais bien loin de l'heure de pointe, j'avais une place assise. C'est sûr que ce n'était pas un express. Qu'à cela ne tienne. Marcher une quinzaine de minutes pour me rendre à la maison m'a tout simplement oxygénée et requinquée. J'ai passé le reste de l'après-midi à farnienter devant la télé. La vraie misère, quoi!

Vous savez par ailleurs que je ne passe pas tant d'heures que ça à la maison. Je bénévole régulièrement, mais là aussi c'est le plaisir parce que j'ai choisi ce que j'avais envie de faire. Quand je pars le matin, je n'ai jamais à me dépêcher pour ne pas rater l'autobus. Et qu'importe si j'arrive à 8 h 15, 8 h 30 ou 9 h, je n'ai pas de patron! Tous les jours, quand je marche pour me rendre à la Soupière, je profite de ma promenade pour observer les oiseaux, regarder le ciel et les nuages, m'arrêter pour respirer l'air frais, jaser avec le brigadier au coin de la rue, saluer les enfants qui se rendent à l'école. Je rends grâce en même temps pour la chance que j'ai d'avoir suffisamment de sous pour ne pas être obligée de travailler et, surtout, d'avoir la santé pour me permettre de bénévoler à mon goût.

Pour le moment, la seule chose que je déplore, c'est le prix à payer pour jouir d'un tel luxe. Paraît qu'il faut avoir l'âge! Je l'ai, ça c'est sûr. Encore là, je ne peux pas vraiment me plaindre puisque j'ai commencé à en profiter beaucoup plus rapidement que d'autres. Il ne me reste donc qu'une seule chose à faire : vous lever ma tasse de tisane!!

dimanche 27 janvier 2013

Heureusement qu'y a le soleil!

Quoi de neuf? Pas grand-chose. Je deuille encore une fois. Après avoir vivement regretté le départ de la soeur Psy qui était venue passer quelques jours à la maison la semaine dernière, voilà que je viens de dire au revoir au Fils qui était arrivé vendredi soir.

Vous allez me dire que je retourne inlassablement dans mes vieux sillons, et vous aurez bien raison. Je ne le cache pas. C'est vraiment extrêmement difficile pour moi de vivre pleinement le moment présent. J'y travaille fort, je peux vous l'assurer. Les résultats ne sont toutefois pas à la hauteur de mes attentes. Pas encore. Ça ne veut pas dire que je n'y arriverai jamais. Je persiste à croire que je peux adoucir cette mélancolie et cette tristesse qui m'habitent souvent. Aujourd'hui, pire encore, j'avais plutôt l'impression d'être une "mer" desséchée. Un vieux pruneau, quoi! Alors, une fois de plus, j'ai enfilé mes chaussures de marche et je suis allée m'aérer l'esprit.

C'était une magnifique journée d'hiver. Et le soleil brillait dans un ciel bleu sans nuage. Comme les jours précédents, je devais quand même faire très attention aux trottoirs à cause de la glace mais je dois dire que les abrasifs étaient efficaces. N'empêche. Je déteste être obligée de me garder le nez au ras des pâquerettes. Cela m'empêche d'admirer le paysage. La dernière fois où j'ai ainsi joué à la curieuse, j'ai glissé et j'ai retrouvé mon orgueil épars autour de moi. Je m'en suis sortie indemne, heureusement.

Mais voici une première photo que j'ai prise au fond du cimetière. Oui, vous avez bien lu. Quand je file un mauvais coton, je vais souvent me réfugier parmi les morts, histoire de me rappeler que je suis vivante. Voyez comme j'ai eu raison :


Pendant que je contemplais la forêt, j'ai entendu de petits coups répétés que j'ai mis tout d'abord sur le compte d'un bricoleur du dimanche. Cela m'étonnait un peu tout de même étant donné le froid mais quand on a le marteau qui démange (là il me semble que ce bout de phrase pourrait être mal interprété), rien ne nous arrête. Je me suis donc approchée des arbres pour constater rapidement qu'il s'agissait plutôt de l'oeuvre d'un pic mineur. J'ai réussi à l'immortaliser mais saurez-vous le repérer?


Et puis, autre coup de foudre pour la tranquille beauté de la nature. Pas un souffle de vent, ou si peu. Pas un bruit, à part le toc toc de mon sympathique bricoleur ailé. À ce propos, je dois dire qu'il n'y allait pas de bec mort puisque les copeaux de bois virevoltaient autour de moi.


Je voulais absolument photographier un ange. J'ai cherché et j'en ai finalement trouvé un petit installé à côté d'une plante artificiellement verte :


Un dernier coup d'oeil sur ce paisible et absolument pas morbide endroit :


Un souvenir en terminant. J'ai eu un oncle prêtre des Missions-Étrangères que j'aimais vraiment beaucoup. Il est décédé un mois de janvier. Une fois son service funéraire terminé, parents, amis et confrères se sont retrouvés autour de sa tombe dans le cimetière de Pont-Viau. Et là, sous les flocons d'une neige qui tombait tout doucement comme pour nous consoler en nous enveloppant de son manteau blanc, ses confrères ont chanté a cappella. C'était simple, apaisant, ressuscitant. Je n'ai jamais oublié cette image. Pour moi, c'était un hymne à la vie qui continuait... mais autrement.

mardi 15 janvier 2013

Savoureux, n'est-il-pas?

Bon, je ne sais pas trop par où commencer ce message dans lequel je veux partager de nouveau avec vous mon quotidien de bénévole acharnée. Mon dilemme, en fait, c'est que je n'arrive pas à décider si je vous parle d'abord du beau ou du laid côté de l'arc-en-ciel.

Allez, trève de tergiversations. Je me lance avec, disons pour rester politiquement correcte, le bizarre côté des choses. Certains se souviendront sûrement que j'ai déjà parlé dans ce blog des denrées parfois invraisemblables que nous recevons de l'organisme chargé d'approvisionner notre service de dépannage toutes les deux semaines. C'était justement jour de réception de la commande ce matin. Quelle surprise (qui n'en n'est plus vraiment une, dois-je avouer) de constater encore une fois que nous ne disposerons d'aucun fruit ou légume frais jusqu'à la la prochaine livraison! Il est vrai, par ailleurs, que nous pourrons remplacer ces aliments pas vraiment nécessaires à une bonne alimentation par des frites congelées. Et pas n'importe lesquelles. Non. Des frites santé faites avec des patates douces. Un instant que je consulte le Guide alimentaire canadien. Il doit bien y avoir dans cette bible du choix judicieux un endroit où l'on explique qu'un plat de frites de patates douces peut remplacer avantageusement une portion de brocoli. Rapidement comme ça, je ne trouve pas le tableau d'équivalences, mais ce n'est pas parce que je ne le trouve pas qu'il n'est pas là quelque part dans la tête d'individus bien-pensants satisfaits de la façon dont ils nourrissent les démunis. Comme si l'ironie n'était pas suffisante, les frites sont emballées dans des sacs beaucoup trop gros pour que nous puissions les offrir à des gens seuls ou même à des familles de deux ou trois personnes.

Laissons-là ce groupe alimentaire négligeable et passons plutôt à des choses plus sérieuses : j'ai nommé la protection de nos enfants contre les vilains rayons du soleil. Nous ne serons assurément pas pris au dépourvu lorsque reviendra le temps chaud puisque nous sommes déjà équipés de plusieurs caisses de crème solaire pour les tout-petits. Et le produit n'est pas expiré pour une fois. Je vous le concède, la crème solaire ne figure pas non plus dans le Guide alimentaire. N'empêche qu'il est toujours essentiel d'avoir une belle peau!

Une dernière anecdote pour en terminer avec l'incongruité qui meuble dorénavant mon quotidien. Sur la table des choses hétéroclites que j'offre chaque semaine à nos bénéficiaires, j'ai trouvé aujourd'hui une boîte de gaufrettes produites par nos cousins français qui recommandent de les savourer en dégustant un délicieux verre de champagne! Rien de moins. J'espère seulement que la personne qui les a prises dispose du nectar approprié dans son cellier.

Décourageant, vous trouvez? Savoureux plutôt. Oui, savoureux de déconcertante naïveté et d'incroyable ignorance.

Et le beau côté promis? Vendredi dernier, à la fin de la journée, un jeune homme est venu livrer une vingtaine de boîtes remplies de denrées non périssables...utiles et utilisables. Comme je lui demandais la raison pour laquelle il avait choisi notre organisme pour exercer sa générosité, il m'a répondu qu'enfant, il venait avec son école y faire du bénévolat pendant les fêtes. Depuis, il vient tous les ans garnir la banque alimentaire. Et, ce matin, mon coiffeur au grand coeur m'a remis tout près de 40 $ pour notre programme Bébé au sec. Ce montant, ajouté à celui que nous avions déjà mis de côté, permettra à la responsable d'acheter des couches dans les grandeurs que nous avons rarement et qui sont évidemment les plus en demande.

Savoureuse peut être la vie quand la lampe reste allumée.

mercredi 9 janvier 2013

Du trou noir à l'apothéose en une seconde et quart

Vous connaissez les montagnes russes? Les rares fois où je suis grimpée dans ce manège, j'ai toujours détesté cette sensation de sentir mon coeur vouloir me sortir par la bouche dans les descentes vertigineuses qui suivent invariablement les lentes ascensions vers les sommets des rails. Je peux vous affirmer que, sur le plan émotif, il n'est guère plus agréable de se sentir triste au point de vouloir tout abandonner pour ensuite être transportée de joie et se retrouver prête à déplacer des montagnes.

Pourtant c'est ce que je vis toutes les semaines en m'occupant du dépannage alimentaire. Aujourd'hui, c'était particulièrement difficile. J'ai senti le contrecoup du temps des fêtes me rentrer dedans à plein. Nous, qui avons eu la chance de vivre de beaux moments entourés de nos familles et de nos amis, oublions trop facilement que d'autres n'ont pas vécu la même chose. J'ai dû rapidement mettre de côté les images de mes rencontres animées et sympathiques pour entrer de plain-pied dans la réalité.

Il y a d'abord eu cet homme qui, pour expliquer la raison pour laquelle il avait besoin d'aide, m'a tout simplement avoué très franchement qu'il avait recommencé à consommer de l'alcool à Noël parce qu'il ne pouvait pas accepter de se retrouver seul sans ses enfants. Et pourtant, me disait-il, il n'avait pas touché à la boisson depuis des mois. Mais là, la pression des réjouissances qui s'en venaient est venue à bout de sa résistance. Je ne peux qu'imaginer à quel point cela doit être douloureux de supporter tout le tralala qui entoure cette période festive quand on sait qu'on va devoir passer à travers ces journées-là tout seul dans son coin. Hélas! D'autres m'ont aussi fait part de leur désarroi de n'avoir pas été visité et de ne même pas avoir pu se payer une bonne bouffe pour l'occasion.

Et, quand je croyais avoir atteint le fond du baril avec un nombre impressionnant de demandes de dépannage qui nécessitera que je prépare une trentaine de sacs demain, voilà que je me fais accoster dans la salle à manger par un monsieur que j'ai dépanné l'année dernière. Son histoire m'a bouleversée. Je vous la résume. Le propriétaire de l'appartement où il habitait a vendu la propriété sans le lui dire lui laissant simplement deux semaines pour se trouver un autre logement. Passé ce délai, il n'avait toujours rien trouvé. Pas de problème pour le propriétaire qui a jeté toutes ses affaires à la rue. C'est ce qu'il a constaté en revenant de son travail ce soir-là. Évidemment, la presque totalité de ses biens avaient été volés lorsqu'il est arrivé. "Il me restait deux verres, quatre assiettes, aucun vêtement pour moi et mes deux enfants. J'ai dû renvoyer les enfants à leur mère, je suis demeuré chez des amis et j'ai même couché dehors avant de me dénicher un autre appartement. Cela m'a pris deux mois. Je suis tellement découragé. Je ne travaille pas en ce moment. Ce n'est pas moi ça," a-t-il continué en pleurant à chaudes larmes et en se pointant du doigt. "J'ai honte. Je suis sale. Je n'ai rien à me mettre sur le dos. L'autre jour, j'avais 12 $ et je suis allé à l'Armée du Salut avec les enfants. J'ai pu acheter pas mal de vêtements pour eux. Mais rien pour moi. Alors je porte toujours le même chandail. J'avais de belles chemises, des pantalons propres, mais on m'a tout pris." Il pleurait tellement que je l'ai amené avec moi dans le bureau pour lui permettre de se ressaisir. Je n'ai aucune formation pour faire face à ce genre de situation. J'avais moi-même toute la misère du monde à ne pas pleurer avec lui. Je l'ai simplement serré dans mes bras. Comme il me parlait avec fierté de ses enfants et de leurs grandes qualités de coeur, j'ai saisi l'occasion pour lui rappeler que sa débrouillardise, sa ténacité et son courage étaient des exemples pour eux et qu'il était responsable en grande partie de leur réussite. Il semblait aller un peu mieux quand il est parti.

Je suis retournée dans la banque alimentaire pour commencer à préparer mes sacs pour demain. Je commençais à avoir ma journée dans le corps et dans l'âme! Soudain, qui vois-je entrer? Deux anges. En fait, il s'agissait plutôt d'un frère et d'une soeur qui avaient reçu de leurs parents à Noël une carte-cadeau d'épicerie qu'ils devaient dépenser pour venir en aide aux démunis. Ils apportaient de la viande. Denrée très rare dans mon environnement de bénévole attitrée au dépannage. Je leur ai fait visiter les lieux et expliqué notre mission. Ils étaient très intéressés, suffisamment en tout cas pour me dire qu'ils allaient garder contact et nous rappeler pour s'enquérir de nos besoins. Tout d'un coup, je me retrouvais au sommet des rails. J'ai senti mon coeur faiblir.

"Les prestations d'aide sociale ont beau avoir été haussées de 2,48 % pour 2013, la situation des plus démunis ne cesse de se détériorer, estime le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Cette indexation est bien inférieure à l'augmentation des prix des produits et services de base pour 2013, signale l'organisme."

"On reçoit des appels de gens qui n'ont plus accès aux banques alimentaires parce que celles-ci ne fournissent pas. Certains nous disent que ça fait plusieurs jours qu'ils jeûnent.(...)"


Le Devoir, le mercredi 9 janvier 2013

mardi 8 janvier 2013

Monsieur Bricole

Je récidive en-dedans de 24 heures. Zola, sors de ce corps!

Autant vous l'avouer tout de suite, c'est la faute de la Nièce littéraire si je remets ça ce soir. Dans un commentaire fort pertinent formulé à la suite de mes divagations d'hier, elle me rappelle que j'avais promis des images dans un message précédent où je mentionnais notamment les talents de bricoleur de l'Homme. Il y était question en fait de la crèche de Noël et de l'abri nucléaire pour les chats, deux créations exclusives de l'Homme.

Pendant les fêtes, j'ai mis sur Facebook une photo du village où trône la crèche, mais je vous en offre une autre qui est, selon moi, mieux réussie :


La construction de cette rustique habitation remonte à plus de trente ans, donc aux débuts de notre mariage. Nous n'avions évidemment pas encore de décorations de saison et nous cherchions un moyen de nous joindre aux festivités sans qu'il nous en coûte un sou autant que possible étant donné notre manque de liquidités. C'est sans doute là que j'ai entendu pour la première fois cette étonnante phrase que l'Homme m'a ensuite répétée ad nauseam au cours des années : "Une crèche? Je peux t'en faire une en bois." Car pour l'Homme, tout, mais alors tout, peut être fabriqué en bois. Parlez-en à la Fille qui s'est retrouvée un jour pour l'un de ses projets avec un instrument de musique fort inusité baptisé le harpiphone, ou encore au Fils qui a travaillé toute une nuit avec son père, là encore dans le cadre d'une activité scolaire, afin que des engrenages s'imbriquent les uns dans les autres. Laissez-moi vous dire que des engrenages en bois, c'est pas facile à mater! Du moins, c'est la conclusion à laquelle j'en suis arrivée en contemplant les mines épuisées des bricoleurs en herbe le lendemain matin.

Par contre, la crèche, je le concède, c'est en soi plus logique qu'elle soit bâtie en bois. Je n'ai donc pas tiqué quand l'Homme a décidé un beau matin de partir dans les champs avoisinants pour ramasser des branches avec lesquelles il a ensuite fabriqué le chalet divin. Le résultat m'a un peu surprise à cause des dimensions finales de l'oeuvre. J'avais rêvé d'une habitation disons, plus modeste. Faut dire que je ne savais pas encore à cette époque que l'Homme, quand il sort ses outils, il ne connaît plus ses limites. Inutile donc de vous dire que mon village n'est pas construit à l'échelle. En fait, aucune proportion n'est respectée. Mais ça ne me dérange pas puisque ça le rend unique.

Passons maintenant à la plus récente création de l'Homme, soit un abri où les bébés chats d'Irma pourraient se réfugier pendant l'hiver. Encore une fois, il n'était pas question pour moi de penser à acheter quoi que ce soit qui aurait pu répondre à ce besoin. Absolument et totalement non, car l'Homme avait encore une fois décrété qu'il allait sortir marteau et scie pour en construire un, je vous le donne en mille, en bois! Il a profité d'une visite rendue à ma soeur pour entreprendre son projet. C'est qu'il aime mieux travailler quand je ne suis pas là pour lui mettre de la pression comme il dit. Il m'a donc accompagnée à l'autobus en me vantant les mérites du futur refuge : "Tu vas voir comme ça va être chaud. Aucune goutte de pluie, aucun flocon de neige ne pourra s'infiltrer dans l'abri. Tes chats vont être au paradis."

Quand j'appelais le soir pour prendre de ses nouvelles, il m'informait de l'avancement des travaux : "J'ai utilisé des panneaux isolants pour les murs et le plancher. J'ai mis du bois par-dessus. J'ai décidé finalement de tout recouvrir avec des restes de bardeaux. Ça va être imperméable au boutte!" Bien sûr, il a été un peu contrarié quand je lui ai demandé de prévoir deux sorties. C'est qu'il avait déjà eu tout le mal du monde à percer un trou dans ses murs à triple épaisseur! "Pourquoi deux?", me lança-t-il, exaspéré et visiblement tanné de bricoler. "Parce que, selon les recherches que j'ai effectuées, les chats ne se sentiront pas en sécurité s'ils ne peuvent pas prendre la poudre d'escampette dans le cas où un intrus indésirable venait à cogner à leur porte," que je lui ai répondu le plus calmement que je le pouvais. J'ai même osé ajouter (j'aime vivre dangereusement) : "Et n'oublie pas de ne pas faire le trou trop près du sol si tu ne veux pas que la neige entre. Par contre, ne le prévois pas trop haut si tu veux que les chats puissent circuler aisément. Ah! oui, il faut aussi que tu installes quelque chose pour couvrir les deux ouvertures. Pense à quelque chose de souple pour que les chats puissent entrer et sortir sans problème." Là, sa vraie nature d'amant des bêtes est revenue à la surface : "Les maudits chats, c'est donc bien compliqué! Ils devront se contenter de ce que je vais leur offrir et s'ils ne sont pas satisfaits ces messieursdames, ils n'auront qu'à geler dehors."

Il a tout de même terminé l'abri nucléaire. J'ai été de nouveau étonnée des dimensions finales. J'avais rêvé d'une maison disons, plus carrée. Je dois cependant admettre qu'elle est effectivement très étanche. Encore une fois, une image vaut mille mots :


Je sais. C'est, comment dire, surprenant, pas trop élégant, mais je peux vous assurer que, jusqu'à maintenant, les croquettes sont restées au sec et les félins aussi.

lundi 7 janvier 2013

Et c'est reparti!

Eh! oui, nous voilà embarqués dans une autre année! Avez-vous vraiment vécu la dernière? Je vous le souhaite ardemment car, de mon côté, je n'ai rien vu, ou si peu. Faut dire qu'à mon âge, le temps file à une vitesse vertigineuse. C'est sans doute la raison pour laquelle je digère si mal la période des fêtes. Me semble qu'après avoir brièvement triomphé de deux ou trois tempêtes de neige, planté quelque dizaines de fleurs, ramassé je ne sais combien de sacs de feuilles mortes, voilà que je me retrouve encore une fois en train d'installer mon petit village, de cuisiner des beignes et, surtout, de me remémorer tous les Noëls passés. Et là, immanquablement, la nostalgie s'empare de moi. Ce n'est pas beau la nostalgie. Et ce n'est pas sain. J'ai déjà pensé que vouloir revivre dans ma tête les bons moments vécus en famille, ça mettait du baume à l'âme. Absolument pas. Ça me rend seulement infiniment triste, particulièrement après avoir eu la chance de fêter entourée de l'Homme, du Fils et de la Fille, de ma famille et de mes amis. Vous ne comprenez pas mon désarroi? C'est que la maison est grande et silencieuse après qu'ont résonné les rires des retrouvailles. Pour moi, une maison c'est fait pour être remplie, et là, elle est uniquement remplie de souvenirs. Ça parle pas fort un souvenir. Ça ne bouge pas trop non plus. Et ça vous reste en travers de la gorge quand il a été agréable.

Alors, fallait que je me secoue. Ça m'a pris trois jours. Peut-être même un peu plus puisque je ne suis pas capable de vous en parler sans verser encore quelques larmes. Enfin, bref, pour me sortir de ma léthargie - provoquée également par le fait que je m'étais littéralement transformée en patate télévisuelle à cause que le Fils nous avait montré comment personnaliser le choix de nos chaînes pendant sa visite de saison - j'ai décidé de reprendre en main mes trottoirs. La première journée, il faisait beau soleil. Une parfaite journée d'hiver, une journée où on pourrait rester dehors pendant des heures tellement l'air est vivifiant, la lumière, resplendissante et le soleil, chaleureux. Seule ombre au tableau : j'étrennais de nouvelles orthèses. Maudit que ça fait matante de dire ça! N'empêche que j'ai dû effectuer mon parcours avec des douleurs assez prononcées dans les hanches et la jambe droite. Là, j'étais prête à creuser moi-même mon trou dans le cimetière où je suis arrêtée pour me prouver que j'étais toujours en vie et non pas en état de décrépitude avancée. Qu'importe. Je suis quand même revenue à la maison dans de meilleures dispositions. La brume commençait à se lever.

Ma deuxième sortie s'est passée sous un paysage féérique. De gros flocons blancs tombaient doucement sur le sol. Le silence m'a complètement enveloppée. Je me suis arrêtée plusieurs fois juste pour l'écouter. C'était savoureux. Et j'avais aussi moins mal aux pieds. Aujourd'hui, le soleil était de nouveau de la partie. La température était plus froide mais elle ne faisait que revigorer davantage la marcheuse en quête de sens. Pour tout vous dire, c'est en côtoyant encore la mort que j'ai réussi à raccrocher. Ce n'était pas au cimetière cette fois mais plutôt dans une église où l'on célébrait des funérailles, celles d'une maman de dix enfants. Une phrase m'est restée : "On cherche toute sa vie un sens à son passage ici-bas jusqu'à ce que l'on comprenne que tout se résume à l'amour. Quand on part, on emporte rien. Seul reste l'amour qu'on a donné."

Comme ça tombe bien. Je recommence justement demain à bénévoler. Je laisse derrière moi la maison et les souvenirs, la nostalgie de mes enfants devenus grands. Et je pars vers les autres pour leur donner tout l'amour que j'ai encore à offrir.