jeudi 28 juin 2012

Pleure, Irma, pleure

Comme je voudrais ne plus jamais avoir à jouer au Petit Prince. Finalement, je déteste ce rôle. Je hais la responsabilité qu'il impose. Vous aurez compris que je parle ici de Mini Mignon (eh! oui, c'était un minet du sexe fort!). Alors, voilà, je vous expose la situation.

Je les ai dorlotés, lui et maman Irma, pendant près de deux semaines. Tous les matins, au chant du coq, j'étais dans la cuisine en train de nettoyer les bols de nourriture et de changer l'eau afin d'apporter leur pitance à mes deux protégés. Tous les soirs, après mes journées de bénévolat ou pendant la préparation du souper, je m'attelais d'abord à remplir la panse de mes bêtes à poils. Deux fois par jour, donc, je me suis appliquée à apprivoiser les fauves. Installée sur un petit banc, je tentais de les attirer pour leur apprendre que certains humains sont quand même gentils. Comme vous le savez, j'avais pas mal bien réussi à remplir ma mission d'ambassadrice de notre race.

Mais petit chaton a grandi. Et maman a commencé à s'absenter de plus en plus souvent et pour des périodes de plus en plus longues. Je suis devenue inquiète pour la sécurité de Mini Mignon surtout que la famille de ratons avait fait une razzia un de ces soirs dans les plats de garnottes que j'avais malencontreusement oublié de rentrer dans la maison. Heureusement, le lendemain matin, mon petit protégé était sain et sauf. N'empêche.

En plus, je trouvais que je l'avais rendu vulnérable en le privant de sa méfiance instinctive envers les humains. Je n'avais plus maintenant qu'à m'approcher de l'ouverture dans la clôture et à déclamer en langage félin : "Petit chou, où es-tu? Viens voir maman." Et il arrivait de suite n'hésitant plus à traverser dans ma cour pour se faire flatter. Il était maintenant presque toujours seul. Maman Irma le laissant à lui-même une grande partie de la journée, je me faisais un devoir de jouer beaucoup avec lui pour lui changer les idées et éviter par la même occasion qu'il ne détruise complètement les feuilles de mes hostas qu'il adorait mordiller et déchirer avec ses griffes.

Finalement, il y a eu une journée où il est tombé pas mal de pluie. J'ai bien constaté que son abri semblait assez étanche puisqu'il n'était pas tout mouillé lorsqu'il est venu manger. Par contre, j'avais le coeur brisé à l'idée de le laisser tout seul dehors pendant la nuit. J'avais vraiment peur qu'il lui arrive quelque chose. Lundi soir, je l'ai pris pour le rentrer dans la maison. Il a passé la nuit dans le portique du salon. Il a été formidable. Il a joué avec moi, il a mangé, il est allé dans sa litière et il s'est couché sur la couverture que je lui avais installée dans un coin. Il ne s'est pas laissé intimider non plus par les sifflements et les miaulements peu engageants de Maxi Mignonne et de la Reine-Marguerite qui sont toutes deux venues l'examiner de l'autre côté de la porte-fenêtre.

Mardi matin, l'Homme était en congé. Pendant que j'étais partie bénévoler, il s'est occupé d'amener Mini Mignon à la SPCA. Je préférais vraiment ne pas être là lorsqu'il quitterait la maison. Apparemment, Mini Mignon a été chaudement accueilli par les responsables du refuge qui prévoient qu'il se trouvera un foyer très rapidement. J'étais triste parce que j'aurais aussi aimé que maman Irma fasse partie du voyage. C'est que je tiens absolument à la sortir de l'errance. Bien évidemment, elle ne s'est jamais montrée le bout du nez la journée en question.

Elle est revenue seulement hier. Elle voulait manger. J'ai sorti la nourriture et j'ai essayé de la caresser. Elle s'est reculée et a carrément refusé que je l'approche. Je sentais bien qu'elle était fâchée. J'avais beau utiliser mon langage chat, je n'arrivais plus à la convaincre que j'étais une "gentille humaine". À un moment donné, elle m'a fixée droit dans les yeux et s'est dirigée vers le garage. Je savais trop bien ce qu'elle cherchait : Mini Mignon. Je suis rapidement allée au sous-sol récupérer le jouet en tissu avec lequel son bébé s'était tant amusé. Je ne l'avais pas encore lavé. J'étais certaine qu'elle y retrouverait l'odeur de son petit. Je suis allée m'asseoir sur le banc. Elle était là. De l'autre côté de la clôture. Elle sentait un peu partout. Après un bout de temps, elle s'est couchée et m'a regardée. Je lui ai parlé. Je lui ai montré le jouet pour la convaincre de traverser la clôture. J'ai pleuré parce que je me sentais comme le pire des monstres. Et si par malheur Mini Mignon n'était pas prêt à être adopté? Et si je l'avais enlevé trop vite à sa maman? J'ai essayé encore de me réconcilier avec maman Irma et, enfin, le miracle s'est produit. Elle est venue me retrouver et, lorsque je lui ai tendu le jouet, elle s'est couchée dessus, s'est frottée contre lui, l'a léché et l'a serré entre ses pattes. À ce moment-là, j'ai pu aussi la toucher, la flatter et pleurer avec elle. J'avais l'impression qu'elle faisait son deuil, qu'elle comprenait ce qui était arrivé. Au bout de quelques minutes, elle est repartie en empruntant le trou que l'Homme avait accepté de faire pour me permettre de jouer au Petit Prince. Un rôle sacré devenu un sacré rôle!

lundi 18 juin 2012

Que faisiez-vous au temps chaud?

Je ne chante pas à tout venant, ne vous en déplaise. Non, je transporte plutôt des sacs de paillis et, chargée comme un baudet, je les déverse ensuite dans les plates-bandes. En même temps, je nettoie et débroussaille car, vous l'imaginez bien, les travaux ayant permis de sauver le géant ont laissé des traces. Branches, petites et plus grosses, feuilles mortes en grappes ou éparpillées un peu partout, sciures de bois cachées sous les vivaces, toutes témoignent de l'ampleur des dégâts. D'ailleurs, force m'est malheureusement de constater que certaines plantes ne retrouveront pas leur vigueur et leur belle allure cet été. Les dommages collatéraux ont été trop importants pour qu'elles récupèrent aussi rapidement. M'enfin. Fallait bien casser les oeufs pour avoir l'omelette!

Je ne fredonne pas non plus sous la canicule, et vous en êtes sans doute fort aise. Non, je ne cesse de laver et de remplacer le filtre de la pompe du bassin des espiègles. J'ai un problème de prolifération d'algues. Du moins, c'est ce que je crois. Je n'en finis donc pas de rincer l'éponge qui permet d'éclaircir l'eau. Je le fais quatre ou cinq fois par jour. Je n'en peux plus de m'agenouiller sur les pierres qui longent l'étang pour récupérer la pompe gluante, retirer le filtre dégoulinant de restants marins, le rincer et le remettre en place. En plus, me voilà avec des poissons qui se prennent pour le chien de Pavlov. Parfaitement. Comme j'ai pris l'habitude au début de la saison de leur donner un peu de nourriture chaque fois que je repartais la pompe, et le jet d'eau par le fait même, je me retrouve maintenant avec un banc de poissons énervés agitant frénétiquement la nageoire caudale dès que je reviens avec la pompe dûment lavée. Un peu plus et je pourrais leur apprendre à sauter comme des dauphins pour attraper leurs granules!

Je pourrais danser, cependant, pour exprimer ma joie devant mes succès félins. Oui, oui. J'ai réussi, comme je vous le disais dans mon dernier message, à prendre Mini Mignonne. Et je renouvelle dorénavant l'exploit deux ou trois fois par jour. Je lui ai montré comment s'y prendre pour passer au travers de l'ouverture découpée par l'Homme dans la clôture et je peux la nourrir directement sur mon terrain. Je me suis même installée un petit banc pour m'asseoir plus confortablement pendant que je joue avec elle ou que je la nourris en mettant la pâtée directement sur mes doigts. Allez, je ne vous fais pas languir plus longtemps et je vous montre son minois croqué par le Fils :



Mais je ne suis pas fière uniquement d'avoir pu apprivoiser Mini Mignonne. Non. Aujourd'hui, j'ai aussi réalisé un autre rêve, soit celui de caresser maman Irma. Depuis trois ans que je la nourris et que je m'occupe de ses petits, j'essaie vainement de l'amadouer pour enfin pouvoir la flatter. Je pensais avoir gagné sa confiance au début du printemps mais cela n'a duré que le temps d'une caresse rapide sur le dos. Je crois que je l'avais simplement surprise car elle ne s'était plus laissée approcher. Jusqu'à ce soir. Pendant que je m'amusais avec bébé, je me suis aperçue que maman était jalouse. Elle voulait manger dans le même plat. Elle voulait traverser de l'autre côté de la clôture. Et, surtout, elle voulait aussi se faire caresser. Vous auriez dû la voir en train de se frotter sur moi. Il aurait fallu que je m'occupe seulement d'elle! Je ne sais pas ce qui s'est passé. Peut-être qu'elle s'est habituée à mon odeur que j'ai répandu abondamment sur Mini Mignonne. Ou, encore, elle s'est enfin rendue compte que j'aime les chats! Peu importe, c'est une grande victoire car je pourrais éventuellement la prendre pour la confier en adoption. Je voudrais tellement qu'elle ne passe pas un autre hiver à l'extérieur, ni qu'elle accouche une autre fois. Une histoire à suivre.

Je vous laisse avec une autre photo de Mini Mignonne. Elle est adorable et elle a besoin d'un foyer. À qui la chance?

jeudi 14 juin 2012

Je l'ai prise!

Finalement, je n'étais pas victime d'une hallucination. Et je ne m'étais pas laissée berner par un bête mirage. Mini Mignonne existe bel et bien. Elle est toute noire avec de petits yeux bleus et elle est absolument adorable la nouvelle rejetonne d'Irma Vep.

Mais vous savez ce qui est vraiment extraordinaire? C'est que j'ai réussi à la prendre dans mes mains ce soir! Oui, oui. Une miniature boule de duvet. C'est un exploit qu'il n'est pas donné à tout le monde d'accomplir que celui d'être capable d'attraper un chaton sauvage. Heureusement que bibi commence à avoir de l'expérience. Je sais notamment que si je n'arrive pas tout de suite à faire ami-ami avec le félin dans son plus jeune âge, je suis aussi bien d'oublier la possibilité de l'approcher un jour afin de lui trouver un foyer d'adoption.

J'avais donc repéré hier l'endroit où mère et bébé se terraient, c'est-à-dire tout au fond de la cour de mon voisin sous une structure de bois quelconque. J'ai commencé par apporter les bols de nourriture le plus près possible de leur cachette. Première complication : l'entrée de leur abri se trouve derrière un pan de clôture que l'Homme a installé pour empêcher nos propres félins de quitter la cour lorsqu'on leur permet de se dégourdir les papattes à l'air libre. Impossible pour moi de glisser ma main pour toucher quoi ou qui que ce soit. Je fais le tour du garage pour examiner la sortie de la cachette. Deuxième complication : elle se trouve chez le voisin, soit de l'autre côté d'une clôture grillagée. Je suis certaine ici que ma description est aussi claire que de l'eau de roche... hum! C'est pas grave si vous n'arrivez pas à vous fabriquer une image mentale de la configuration des lieux. Vous allez tout de même être en mesure de suivre.

La pause d'arpentage étant terminée, je reprends le fil de mon récit où je l'avais laissé tomber. Du côté de la sortie, je pouvais passer mes doigts au travers du grillage et ainsi peut-être espérer caresser Mini Mignonne. Cette éventualité semblait d'ailleurs être en mesure de se réaliser puisque j'avais arraché une tige poilue d'une de mes graminées dans le but de jouer avec bébé et ainsi de la mettre en confiance. Le manège fonctionnait très bien. J'avais réussi à capter son attention. J'ouvre une parenthèse ici pour préciser que j'avais déjà vainement utilisé ce truc pour tenter d'apprivoiser d'autres rejetons d'Irma. Fin de la parenthèse. Je constate que Mini Mignonne ou M et M est suffisamment intéressée pour que je me risque à y toucher. C'est sûr que maman Irma n'est pas nécessairement contente et elle le fait entendre en grondant un peu. Comme ses protestations ne sont pas véhémentes, je continue mes tentatives d'approche et je réussis à effleurer le duvet de M et M. Je suis toute énervée. Je me rends compte cependant qu'il faut que je coupe des mailles de la clôture si je veux avoir une ouverture pour prendre le petit chat. J'ai besoin de l'Homme.

Ah! l'Homme et mes aventures félines! Il ne veut pas les partager et pourtant il s'y trouve toujours mêlé. "Comment ça briser la clôture? Tu n'y penses pas. C'est ridicule. Je refuse de t'aider", qu'il répond d'abord à ma demande insistante d'aller chercher des cisailles. Il me les apporte de guerre lasse mais refuse toujours d'obtempérer. Qu'à cela ne tienne, je le ferai moi-même! C'est inutile. Je n'ai pas la force qu'il faut. Je reste assise par terre et je continue à amuser M et M qui commence à avoir de moins en moins peur. Je sais que c'est ma chance et que je ne dois pas la manquer. J'insiste encore auprès de l'Homme en ne sachant plus quel argument invoquer pour lui démontrer que c'est une excellente idée de saboter une clôture uniquement pour avoir le bonheur de flatter un bébé chat.

Parce qu'il m'aime et surtout parce qu'il sait que je ne céderai pas, il s'empare des cisailles et coupe les mailles pour me permettre d'avoir l'accès souhaité. Maman Irma semble se ranger du côté de l'Homme et n'apprécie pas l'intrusion. Elle gronde un peu mais pas suffisamment pour que j'arrête de jouer avec M et M qui s'aventure près de l'ouverture nouvellement créée. C'est là que doucement je l'ai saisie dans mes mains. Elle tremblait un peu mais elle n'a pas cherché à me griffer ni à se débattre. Je l'ai flattée et je l'ai rapidement remise près de sa maman. Je me sens comme le Petit Prince sauf que mon renard à moi, c'est un bébé chat!

mardi 12 juin 2012

De choses et d'autres

Ne plus avoir de temps à soi et être à la retraite sont, dans mon cas, maintenant devenues des expressions interchangeables, des synonymes quoi! Je savais que cela pouvait m'arriver parce que tout le monde m'avait prévenue. Et j'assume parce que c'est évidemment de ma faute. Nul n'a le droit maintenant que je suis libre de m'imposer quoi que ce soit en ce qui concerne ma façon de remplir mes journées, sauf bibi bien évidemment. C'est donc moi qui me suis concoctée un programme d'activités hebdomadaires où le bénévolat occupe dorénavant trois jours pleins. Eh! oui, je n'ai pas su résister à prendre une nouvelle responsabilité à la Soupière. Résultat : j'y consacre une autre demi-journée pigée dans ce qui me restait d'heures oisives. Mais je ne me plains pas. Loin de là. Je n'ai jamais été aussi heureuse. Et j'avais grandement besoin de me sentir à nouveau utile.

Une fois ceci établi, vous comprenez mieux la raison pour laquelle je me fais rare sur le blog. À mon grand désarroi, dois-je tout de même préciser. Mais je n'y peux rien. Une fois mes journées terminées, je suis complètement vannée. Mes yeux se ferment sur les images que je voudrais partager et mes neurones bloquent sur les mots que je voudrais utiliser. Ce soir, j'ai un petit regain d'énergie et j'en profite donc pour vous donner un bulletin de nouvelles.

La santé du géant, ça vous intéresse? La chirurgie s'est avérée un franc succès. Mais c'est bien vrai qu'il est dorénavant handicapé. On dirait qu'il a littéralement un bras en moins. C'est triste. D'un autre côté, il est toujours debout et il continue de protéger notre cour avec les branches qui lui restent. Les oiseaux et les écureuils ne semblent pas trop traumatisés par la nouvelle apparence de leur ami et ils ont vite repris leur train-train habituel.

Et Rita la ratonne et ses rejetons? Sans doute déménagés depuis que le propriétaire du cabanon où ils logeaient a découvert les squatteurs masqués. Je ne suis pas au courant des mesures d'évacuation prises contre les intrus mais j'ai entendu scies et marteaux s'activer en fin de semaine. Et mes plats de nourriture ne semblent plus être vidés par les bêtes qui lavent. J'espère seulement que la mère et les petits ont eu la possibilité de se relocaliser.

Les espiègles et le groupe des G semblent faire bon ménage quoique... J'ai surpris l'autre jour un poisson taquin tentant d'attraper une granule de nourriture qui flottait près d'une grenouille en lui bottant allégrement le derrière. La pauvre n'a pas apprécié du tout. Je ne comprends pas trop l'attitude des espiègles puisque les batraciens sont tout à fait mignons. Vous auriez dû voir Gertrude hier blottie contre une des feuilles de la laitue d'eau. Elle avait les yeux fermés et elle se laissait doucement flotter. C'était à croquer!

Enfin, une nouvelle choc concernant Irma Vep. Je crois qu'elle a eu des bébés. En fait, j'en ai entraperçu un, ce soir, le long du garage. Je ne peux encore jurer de rien mais je commence à avoir de l'expérience. Tout d'abord, Irma s'est absentée pendant un petit moment, à tel point que je m'inquiétais pour elle. Et là, sa façon de quémander de la bouffe depuis son retour est différente. Quand je sors avec le plat, elle ne tient plus en place. Elle se promène du garage au balcon et ne semble pas savoir où elle veut manger. Finalement, aujourd'hui, elle est venue carrément miauler sous la fenêtre pour obtenir sa pitance. Comme elle semble tout de même préférer manger près du garage, c'est là que j'ai laissé son plat. Elle s'est jetée sur le thon que je ne suis pas censée lui donner parce que, selon l'Homme, il faut le garder pour les lunchs. Mais je n'avais rien d'autre et j'ai choisi de faire à la guerre comme à la guerre. Comme Irma prenait une bouchée à la fois et ne cessait de partir vers le garage pour se rendre au bout du passage qui mène à une ouverture sous la galerie du voisin, j'ai décidé de la suivre discrètement. C'est là que je l'ai vu. Un mini Mignonne, donc tout noir. Il me semble en avoir vu un autre mais là, je n'oserais me prononcer avec certitude. C'est une histoire à suivre et ça tombe bien car je cogne des clous. À + tard, fidèles lecteurs!

lundi 4 juin 2012

Au gré de mes errances

J'ai beaucoup marché aujourd'hui. Et j'ai beaucoup essayé encore une fois de pratiquer le "rien que" dont je vous parlais dans mon dernier message. Vous savez quoi? Christophe André, l'auteur de Méditer, jour après jour, a absolument raison quand il affirme que le "rien que" est suprêmement difficile! Nous voulons constamment faire plus d'une chose à la fois et, par le fait même, nous ne vivons rien. En tout cas, moi je sais que la tête ne m'arrête pas souvent. Pendant quelques millisecondes, j'arrivais à me concentrer uniquement sur mes pas, puis sur ce que je voyais autour de moi. Millisecondes, j'ai dit. Pas plus que ça. Le reste du temps, je vagabondais dans ma tête.

Sur le bord d'un boisé où broutaient mamans marmottes et petits marmottons, j'ai soudainement pris conscience que je souhaitais intérieurement avoir la chance? le bonheur? le privilège? de découvrir aux détours du chemin un minet abandonné. Je ne sais trop c'est quoi cette obsession de vouloir à tout prix sauver l'humanité féline. En plus, je l'ai déjà fait. Est-ce que Mignonne n'a pas été rescapée des affres de l'errance grâce à moi? Elle ne se terrait pas dans un boisé mais elle se cachait dans mes arbustes. Me semble que c'est pareil, non? Bon, j'ai pris une pause d'une milliseconde pour aller caresser ma douce Mignonne installée à sa place habituelle dans mon lit.

Je reprends donc le cours de mon chemin. Qui d'autre est-ce que j'ai vu? Oui, mon gentil ami chien. Aujourd'hui, il aboyait au travers des hautes mauvaises herbes qui entourent son minuscule territoire. Je ne sais trop ce qui l'excitait ainsi. Je sais seulement qu'en entendant ma voix, même si je me trouvais encore loin, il a cessé tout de suite. Il a remué la queue et il m'a accueilli avec un grand sourire. Oui, oui, un sourire. J'aime ce chien. Je l'ai déjà dit. En m'éloignant après avoir piqué une bonne jasette, je me demandais s'il recevait de bons soins. Il est toujours dehors. Au bout de sa chaîne. Qui n'est pas très longue. Comme je me retournais pour le saluer une dernière fois, j'ai aperçu une voiture blanche qui stationnait devant la maison de mon ami quadrupède. Une jeune femme en est sortie et elle a lancé un joyeux "Salut mon chéri" en direction de mon animal soi-disant maltraité. J'ai souri. Je suis maintenant rassurée. Et je comprends mieux pourquoi il réagit aussi bien à mes douces paroles. C'est son pain quotidien.

Avez-vous déjà acheté un livre parce que vous aimiez son titre? Moi oui. Le dernier en lice : Au beau milieu, la fin de Denise Boucher. Je me suis dit que ça ne pouvait pas ne pas être bon. J'avais raison. C'est une histoire toute simple sur la vieillesse. Sur les choses qu'on sait et qu'on ne dit pas sur cette lente dégradation, cette plus ou moins longue descente aux enfers. Pas de cachette ici. Les petits et gros bobos sont étalés. Plus important encore, l'auteure n'hésite pas à aborder les frustrations qui viennent avec cet état de vie. Les renonciations. Les abandons. Avec l'humour nécessaire pour qu'on puisse mieux digérer la pilule. Une phrase, comme ça, lancée par le personnage principal qui tente de se payer tant bien que mal quelques gâteries et qui pourrait tout aussi bien parler de moi : "Je n'ai pas le budget voulu, mais j'ai toujours vécu au-dessus de mes moyens." Ouf! Je ne suis plus toute seule. Et ces vers tirés du poème Le pont Mirabeau d'Apollinaire : Vienne la nuit sonne l'heure, Les jours s'en vont je demeure." Ça donne envie de lire le tout. C'est ce que j'ai fait. "Rien que" découvrir.
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Notes fauniques : Le voisin d'en arrière s'est rendu compte ce soir que Rita la ratonne avait déménagé dans son cabanon. Je l'ai entendu proférer des menaces. Je m'inquiète sérieusement pour la petite famille. Et je bénis le ciel que mon magnifique géant puisse encore de ses branches me cacher la suite.

vendredi 1 juin 2012

Où est ma plume pour écrire des mots?

Ah! si seulement je savais comment décrire ce que mes yeux voient et ce que mon âme sent. Je voudrais tellement que les images et les émotions se fondent en un magnifique instantané écrit. Hélas, lorsque mes mains se posent sur le clavier pour tenter modestement de décrire la vie qui m'entoure, je me retrouve trop souvent démunie. Les mots, je les connais. C'est la façon de les agencer pour éventuellement les transposer en un tout harmonieux qui me fait défaut.

Alors, quelles scènes ont tant frappé ma rétine et mon coeur pour que je veuille à ce point vous en entretenir? C'est un salmigondis d'hommes et de bêtes. Je commence par vous parler de l'homme à deux pattes uniquement parce qu'il est arrivé le premier dans ma réalité. J'étais à l'urgence hier soir. Pas pour moi, ne vous inquiétez pas. J'accompagnais quelqu'un dans sa longue attente. Et là, ce sont les regards qui m'ont bouleversée. Celui d'une vieille dame, entre autres. Sans doute accompagnée par ce qui semblait être sa fille, elle était assise dans un fauteuil roulant et tentait maladroitement de se protéger de l'air froid jeté par le système de climatisation en s'enveloppant d'une doudou bleue. Ses yeux jetaient une belle lumière douce sur le brouhaha qui l'entourait. Je ne pouvais pas dire qu'ils étaient joyeux, mais plutôt qu'ils reflétaient une résignation sage. Des fois, ils se fermaient pour se reposer un peu des néons aveuglants. Et quand ils se rouvraient, ils laissaient transparaître une certaine surprise en reprenant conscience des environs. Je ne me lassais pas de les contempler. Pour moi, ils constituaient des témoins éloquents de la place, ou plutôt de l'absence de place, que nous faisons aux personnes âgées dans notre société. Vous êtes vieux. Et malade de surcroît. Peu nous importe. Vous attendrez de très longues heures, comme tout le monde, avant d'être vu par un médecin. Vous n'êtes pas confortable dans votre chaise à roulettes? Vous ne pouvez pas manger parce que vous êtes tenu de rester dans la salle pour ne pas manquer votre tour quand on daignera enfin vous appeler? Que dalle! Voilà sans doute l'origine de la résignation que je lisais dans ces yeux qui me troublaient tant.

Pendant ce temps, dans la rangée de sièges en face de moi, c'est un regard éteint qui promenait sa noirceur. Je ne saurais dire si la personne était aveugle. Je sais seulement qu'elle devait utiliser une canne pour se déplacer. C'était quand même pathétique de la voir péniblement tâtonner son chemin jusqu'au poste de triage accompagnée de l'indifférence ambiante. Un peu plus loin, se trouvait un couple d'un certain âge, pour ne pas dire d'un âge certain. La dame se trouvait aussi dans un fameux siège mobile. Encore là, même pauvre résignation. N'avons-nous donc rien de mieux à nous offrir comme humanité? À la radio de Radio-Canada cet après-midi, on discutait justement d'un livre audacieux écrit par le visionnaire Jeremy Rifkin qui propose une solution fort simple pour vivre ensemble : l'empathie sociale. Il paraît que ce n'est pas une utopie et que "l'émergence d'une conscience biosphérique et ses conséquences sur notre manière d'appréhender différemment la société, l'économie ou l'environnement, sera probablement un changement d'avenir aussi gigantesque et profond que lorsque les philosophes des Lumières ont renversé la conscience fondée sur la foi par le canon de la raison." À suivre donc. À espérer surtout.

Heureusement, tout semble plus simple du côté de mes amis les bêtes. Ce matin, en me rendant à pied retrouver un ami pour le petit déjeuner, j'avais décidé de mettre en pratique l'un des principes recommandés par l'auteur Christophe André dans son livre Méditer, jour après jour, soit "rien que". Alors je ne faisais rien que marcher. Et rien que regarder. Je me suis arrêtée pour flatter le gentil chien que j'avais rencontré l'autre jour. Un autre dont les yeux me chavirent. Je ne sais pas pourquoi mais j'éprouve toujours de la difficulté à le quitter. Je lui parle et il m'écoute. Vraiment. Je suis certaine qu'il me comprend. En tout cas, j'ai continué de rien que marcher et de rien que regarder, et je me suis retrouvée en face de l'immeuble du Centre des archives, plus précisément devant le point d'eau qui l'entoure. Qu'est-ce que j'aperçois? Un grand héron! Je ne fais ni une ni deux et je traverse la rue pour le contempler de plus près. Quelle majesté! Et quelle habileté! En quelques minutes, il s'est enfilé quatre poissons rouges derrière la cravate. On ne peut imaginer déjeuner plus frais, n'est-ce pas? En même temps, j'étais drôlement contente de la distance qui le séparait de mes espiègles!

En poursuivant ma route, j'ai croisé deux marmottes qui mâchouillaient du vert et des mamans canes couvant leurs bébés nichés autour d'elles. Je me suis arrêtée encore une fois. Pour admirer. Pour rendre grâce. Pour apprécier. Et puis tant pis si je n'arrive pas à restituer sur papier ce que je vis et ce que je vois. Au moins, les images et les émotions sont gravées pour toujours dans mes neurones. C'est juste que mon empathie naturelle voudrait tellement les partager, vous comprenez?