vendredi 1 juin 2012

Où est ma plume pour écrire des mots?

Ah! si seulement je savais comment décrire ce que mes yeux voient et ce que mon âme sent. Je voudrais tellement que les images et les émotions se fondent en un magnifique instantané écrit. Hélas, lorsque mes mains se posent sur le clavier pour tenter modestement de décrire la vie qui m'entoure, je me retrouve trop souvent démunie. Les mots, je les connais. C'est la façon de les agencer pour éventuellement les transposer en un tout harmonieux qui me fait défaut.

Alors, quelles scènes ont tant frappé ma rétine et mon coeur pour que je veuille à ce point vous en entretenir? C'est un salmigondis d'hommes et de bêtes. Je commence par vous parler de l'homme à deux pattes uniquement parce qu'il est arrivé le premier dans ma réalité. J'étais à l'urgence hier soir. Pas pour moi, ne vous inquiétez pas. J'accompagnais quelqu'un dans sa longue attente. Et là, ce sont les regards qui m'ont bouleversée. Celui d'une vieille dame, entre autres. Sans doute accompagnée par ce qui semblait être sa fille, elle était assise dans un fauteuil roulant et tentait maladroitement de se protéger de l'air froid jeté par le système de climatisation en s'enveloppant d'une doudou bleue. Ses yeux jetaient une belle lumière douce sur le brouhaha qui l'entourait. Je ne pouvais pas dire qu'ils étaient joyeux, mais plutôt qu'ils reflétaient une résignation sage. Des fois, ils se fermaient pour se reposer un peu des néons aveuglants. Et quand ils se rouvraient, ils laissaient transparaître une certaine surprise en reprenant conscience des environs. Je ne me lassais pas de les contempler. Pour moi, ils constituaient des témoins éloquents de la place, ou plutôt de l'absence de place, que nous faisons aux personnes âgées dans notre société. Vous êtes vieux. Et malade de surcroît. Peu nous importe. Vous attendrez de très longues heures, comme tout le monde, avant d'être vu par un médecin. Vous n'êtes pas confortable dans votre chaise à roulettes? Vous ne pouvez pas manger parce que vous êtes tenu de rester dans la salle pour ne pas manquer votre tour quand on daignera enfin vous appeler? Que dalle! Voilà sans doute l'origine de la résignation que je lisais dans ces yeux qui me troublaient tant.

Pendant ce temps, dans la rangée de sièges en face de moi, c'est un regard éteint qui promenait sa noirceur. Je ne saurais dire si la personne était aveugle. Je sais seulement qu'elle devait utiliser une canne pour se déplacer. C'était quand même pathétique de la voir péniblement tâtonner son chemin jusqu'au poste de triage accompagnée de l'indifférence ambiante. Un peu plus loin, se trouvait un couple d'un certain âge, pour ne pas dire d'un âge certain. La dame se trouvait aussi dans un fameux siège mobile. Encore là, même pauvre résignation. N'avons-nous donc rien de mieux à nous offrir comme humanité? À la radio de Radio-Canada cet après-midi, on discutait justement d'un livre audacieux écrit par le visionnaire Jeremy Rifkin qui propose une solution fort simple pour vivre ensemble : l'empathie sociale. Il paraît que ce n'est pas une utopie et que "l'émergence d'une conscience biosphérique et ses conséquences sur notre manière d'appréhender différemment la société, l'économie ou l'environnement, sera probablement un changement d'avenir aussi gigantesque et profond que lorsque les philosophes des Lumières ont renversé la conscience fondée sur la foi par le canon de la raison." À suivre donc. À espérer surtout.

Heureusement, tout semble plus simple du côté de mes amis les bêtes. Ce matin, en me rendant à pied retrouver un ami pour le petit déjeuner, j'avais décidé de mettre en pratique l'un des principes recommandés par l'auteur Christophe André dans son livre Méditer, jour après jour, soit "rien que". Alors je ne faisais rien que marcher. Et rien que regarder. Je me suis arrêtée pour flatter le gentil chien que j'avais rencontré l'autre jour. Un autre dont les yeux me chavirent. Je ne sais pas pourquoi mais j'éprouve toujours de la difficulté à le quitter. Je lui parle et il m'écoute. Vraiment. Je suis certaine qu'il me comprend. En tout cas, j'ai continué de rien que marcher et de rien que regarder, et je me suis retrouvée en face de l'immeuble du Centre des archives, plus précisément devant le point d'eau qui l'entoure. Qu'est-ce que j'aperçois? Un grand héron! Je ne fais ni une ni deux et je traverse la rue pour le contempler de plus près. Quelle majesté! Et quelle habileté! En quelques minutes, il s'est enfilé quatre poissons rouges derrière la cravate. On ne peut imaginer déjeuner plus frais, n'est-ce pas? En même temps, j'étais drôlement contente de la distance qui le séparait de mes espiègles!

En poursuivant ma route, j'ai croisé deux marmottes qui mâchouillaient du vert et des mamans canes couvant leurs bébés nichés autour d'elles. Je me suis arrêtée encore une fois. Pour admirer. Pour rendre grâce. Pour apprécier. Et puis tant pis si je n'arrive pas à restituer sur papier ce que je vis et ce que je vois. Au moins, les images et les émotions sont gravées pour toujours dans mes neurones. C'est juste que mon empathie naturelle voudrait tellement les partager, vous comprenez?

1 commentaire:

  1. Oui je comprends ! Et je suis émerveillée par votre naïveté, votre spontanéité et votre sincérité!

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