samedi 29 juin 2019

Au jardin...

ou le bonheur simple


Je ne pensais pas, en dressant la liste des choses que je voulais faire cet été et en y incluant entre autres le désir d'écrire un blog à partir de photos de mon jardin, que je me retrouverais aussi souvent devant mon ordi. Faut croire qu'au fond de moi germait depuis un bout de temps l'envie de reprendre la plume. Je dois dire aussi que mon jardin représente une source d'inspiration constante. En fait, travailler à créer un milieu apaisant dans un monde qui l'est de moins en moins touche profondément mon âme. Cela me permet de continuer d'avoir foi dans la vie et de poursuivre ma route.

La nature n'a de cesse de m'émerveiller et de m'apprendre des tas de choses importantes. Parmi elles se situe la conscience. La vraie. Celle qui permet de s'arrêter... enfin. Par exemple, sortir le matin sur le balcon pour ramasser mon journal n'est pas une activité banale. J'en profite pour humer l'air, sentir les nouveaux parfums que l'été ajoute tous les jours. Souvent je sors en pyjama et j'écarte les bras pour accueillir le soleil sur ma peau et embrasser sa chaleur. Quand je marche, je stoppe parfois juste pour écouter le bruit du vent dans les arbres ou le son d'un oiseau qui ne m'est pas familier. S'il fait chaud, comme ces derniers jours, je sens la sueur dégouliner doucement dans mon dos. J'ouvre tout grand les yeux pour ne rien manquer du spectacle, pour apprécier pleinement la chance que j'ai d'avoir la santé et l'énergie pour réaliser une activité qui recharge mes batteries à tout coup.


Au fil des années qui passent, la nature m'apprend notamment à me faire confiance. D'un terrain où il n'y avait à peu près rien à part quelques conifères et un patio en ciment craqué dans son milieu, j'ai réussi à force d'essais et d'erreurs à créer mon petit coin de paradis. Mais, pour y arriver, j'ai dû faire preuve de courage et de patience. Parce que mes modestes succès me donnaient l'envie de poursuivre ma passion horticole, je me suis mise à lire sur le sujet, à prêter attention aux signes que les plantes m'envoyaient pour me dire si elles allaient bien ou non, à m'arrêter, oui encore m'arrêter, pour contempler tous les jardins qui me tombaient dans l'oeil et à apprendre. J'ai découvert que j'avais de l'imagination et que je pouvais faire preuve de créativité. Je remarque maintenant que j'ose davantage quitte à faire les mauvais choix et à ne pas obtenir le résultat désiré. J'accepte aussi que mes idées ne plaisent pas nécessairement à tous mes visiteurs. Qu'importe. C'est mon jardin et je l'aime.


Tout doucement, mes plantes et moi nous sommes retrouvées avec une véritable ménagerie. J'ai toujours aimé les oiseaux. J'ai donc installé une mangeoire. En m'intéressant à la chose ornithologique, je me suis rendue compte que, si je voulais attirer différentes espèces, je devais avoir une nourriture plus diversifiée. C'est l'Homme qui s'occupe de remplir les cinq mangeoires que nous avons maintenant sur le terrain. Grâce à lui, je peux admirer mes amis ailés été comme hiver. Quel plaisir nous avons en ce moment de les observer en prenant notre café dans la balançoire le matin! Puis, j'ai pensé que ce serait agréable d'avoir un bassin d'eau. Je ne voulais pas de poissons cependant parce que je trouvais ça trop compliqué. J'avais déjà eu un aquarium et je perdais systématiquement les pauvres bêtes que j'y mettais. Mais, mais, la nature avait d'autres plans pour moi. Et j'ai eu des poissons dans mon étang. Là encore, les leçons ont été difficiles, particulièrement ce printemps où j'ai dû recueillir vingt-cinq cadavres, poissons et grenouilles confondus. Je me demande encore comment j'ai réussi à sortir mes pauvres espiègles de leur cercueil de glace. Mon beau Barnabé que j'avais depuis je ne sais combien d'années et tous les autres, même les bébés sont morts. J'avais décidé que je n'en voulais plus. C'est trop dur de les perdre. Mais, mais, la nature avait d'autres plans pour moi. Et mon amie N. m'a donné quatre mousquetaires qui font ma joie. Je dois faire confiance et croire que j'ai joué de malchance. L'hiver prochain, tout ira bien.

Je termine ce blog justement en me laissant bercer par le son de la fontaine dans la cour. Je m'endors tous les soirs avec la musique de l'eau. Et je rends grâce.

jeudi 27 juin 2019

Au jardin...

ou Prière de ne pas envoyer de fleurs!


Cela fait deux fois maintenant cet été que j'accomplis ce geste spontané répété si souvent par la petite fille que j'étais : cueillir des fleurs sauvages pour en faire des bouquets. J'ai pu apprendre tôt l'art floral étant donné que j'ai eu la chance de grandir au Saguenay dans une maison dont la cour arrière donnait sur un grand champ et un petit boisé. Le bonheur! C'est là qu'on allait jouer aux explorateurs en pensant dur comme fer que nous étions pour nous perdre si nous nous rendions jusqu'à la grosse roche. Elle nous semblait si loin de tout, perdue au milieu d'une végétation abondante et hétéroclite, entourée de cailloux et d'un peu d'eau dépendant du moment de l'année. Elle était à la fois notre repère, notre point de rencontre, notre bien le plus précieux. Parfois on se battait même contre les gars pour la garder juste pour nous.

Le champ... Le boisé... C'étaient de magnifiques terrains de jeux. Des endroits où on pouvait se réfugier entre autres quand on avait de la peine et qu'on se sentait totalement incompris par nos parents! Ça arrive quand on est ado de vouloir fuir très loin. Je me rappelle que je me faisais des plans pour partir de la maison. Je les dessinais sur des feuilles, un peu comme une carte au trésor, avec des directives à
suivre : 1. Je sors par en arrière. 2. Je traverse le champ. 3. Je me dirige ensuite vers la fameuse roche. 4. Je n'oublie pas d'apporter une pomme pour me sustenter. (Dix minutes, ce peut être assez long pour mourir de faim, surtout quand on a 12 ans.) 5. En tout cas, j'arrive à la roche. 6. Je m'assois dessus. 7. Et là je ne sais plus quoi faire. Je mange ma pomme en réfléchissant. Je ne sais pas trop où je devrais aller. Je ne suis même pas certaine que maman et/ou papa m'ont vue sortir de la maison. Je vais être bien avancée si je suis obligée de passer la nuit sur la roche. Bon, ben, c'est pas si pire que ça les règlements de la maison. J'y retourne avant que le souper ne soit servi.

Mais là "je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître" comme le chantait ce cher Charles Aznavour. Oui, un temps où on pouvait, enfant, prendre la clé des champs sans qu'aucun danger ne nous guette vraiment. En fait, le danger qui m'horripile le plus maintenant et qui m'empêche de pleinement profiter du simple plaisir de couper des fleurs sauvages, c'est le réchauffement climatique. Oui, oui, le réchauffement climatique qui fait en sorte que nous voilà obligés de nous méfier de toute bibitte qui s'approche de nous. Dans ce temps insouciant dont je vous parle, imaginez-vous qu'on pouvait ramasser des fleurs, mais aussi cueillir de petites fraises des champs, des bleuets et des framboises sauvages sans autre souci que de chasser les mouches ou les maringouins qui nous tournaient autour. Si, par malheur, nous étions piqués, eh bien nous en étions quitte pour un petit rond rouge sur la peau, une très légère enflure dans certains cas et une envie irrésistible de nous gratter à l'endroit de la piqûre. Je me souviens justement d'une de mes fameuses balades dans le champ à la recherche des fleurs mauves des trèfles, mes préférées. Je commençais à avoir une belle gerbe dans la main quand, soudainement, ayoye, vive douleur sur mon pouce! Je lâche tout. Je viens d'être piquée par une abeille aussi désireuse que moi de profiter des fleurs mauves. Mon doigt enfle à vue d'oeil. Je cours vers la maison. Je suis seule pour faire exprès mais, mais, j'ai suivi des cours de l'Ambulance Saint-Jean et je me rappelle qu'on y parlait de mettre du lait sur une piqûre d'insecte. Ce que je fais et l'enflure disparaît presque immédiatement. Voilà. Pas d'antibiotique à prendre. Pas d'insecte à retirer de ma peau en suivant une technique bien spécifique pour ne pas l'écraser. J'ai eu plus de peur que de mal et je me promets simplement de faire plus attention à l'avenir en coupant mes fameuses fleurs.

Où est passé ce temps bienheureux qui nous permettait de nous promener en forêt sans avoir à demeurer dans les sentiers? Sans avoir à nous habiller comme en hiver en rentrant nos chandails dans nos pantalons et en mettant nos bas par-dessus nos pantalons? Sans être tenu de nous vaporiser de produits chimiques puants? Hypocondriaque finie comme je le suis, je ne veux même pas exaucer le voeu le plus cher de l'Homme cet été et faire un pique-nique... à moins qu'il accepte de casser la croûte sur le trottoir en face de la maison! J'en suis rendue à craindre de me promener dans mon magnifique jardin au cas où je rencontrerais la tique maléfique ou le maringouin empoisonneur. Riez tant que vous voulez mais, l'année dernière, j'ai été piquée dans ma cour par un insecte non identifié (probablement une araignée nouvellement vénéneuse à cause du réchauffement climatique) et j'ai dû prendre des antibiotiques. Devrais-je dans les années à venir me limiter à du gazon ras et à des sentiers de roches?

Triste époque que la nôtre qui transforme un plaisir innocent en expérience hautement dangereuse. C'est pourquoi j'ai cueilli mes fleurs sur le bord du sentier asphalté du Rapibus en prenant bien soin de m'assurer qu'aucune bibitte suspecte ne tentait de me jouer un vilain tour. Heureusement je dois avouer que la beauté du spectacle offert par ma fenêtre de cuisine exquisement embellie par les fleurs ramassées a dépassé, et de loin, la peur viscérale d'être en train de m'offrir mon dernier bouquet.



jeudi 20 juin 2019

Au jardin...

ou de la difficulté d'exprimer ce qui est





Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. Éblouie par mon jardin, je veux photographier l'objet de mon admiration. Je me précipite sur ma caméra et j'essaie d'immortaliser ce qui a retenu mon attention. Dans le cas ci-dessus, en allant rendre une dernière visite à mon oasis de paix avant que la lumière ne se cache définitivement, je suis restée sidérée devant les gouttes d'eau que la pluie avait laissées sur les feuilles de l'iris versicolore. C'était tellement beau ces petits points brillants sur le fond vert. On aurait dit des diamants. Mais je ne suis pas une photographe professionnelle et je ne maîtrise même pas toutes les fonctions de ma caméra. Alors, j'ai droit à une photo surexposée qui ne rend pas du tout justice à l'extraordinaire spectacle qui s'est offert à moi.

D'un côté, je m'interroge sur mon besoin de fixer sur pellicule ce que je peux tout simplement me contenter d'admirer. Spontanément, je dirais que j'ai envie de partager la beauté de la nature, une beauté qui se retrouve partout autour de nous et qu'on ne voit pas assez. Une image ne vaut certes pas mille mots devant mes difficultés techniques. Qu'importe, je persiste et clic!


Vous voyez, ici, je voulais vous faire admirer Rodolphe le merle qui se pavanait dans le paillis. J'ai même voulu tenter l'effet spécial en utilisant le dossier de la chaise pour les besoins de la cause. Là encore, le résultat n'est en rien comparable au plaisir que j'ai éprouvé à voir Rodolphe s'ébattre dans le paillis fraîchement répandu. Les merles sont tellement amusants à regarder. Ils adorent entre autres venir se laver dans le bain d'oiseau. Vous allez me dire que c'est là l'utilité de ladite chose. Oui, mais eux, ils se baignent littéralement. Ils se couchent dans le récipient et ils battent des ailes et ils s'aspergent pendant de longues minutes. On peut sentir à quel point ils apprécient faire trempette.

Je me rends compte finalement que l'important demeure que je continue d'être à l'affût de toutes ces scènes de bonheur que mon jardin m'offre tous les jours. C'est un bonheur que je savoure encore plus pleinement cette année après la perte de mon magnifique érable à la suite de la tornade de l'été dernier. J'ai été en deuil de cet arbre pendant des mois. Durant l'hiver, il m'arrivait d'avoir de la difficulté à m'endormir en pensant au jardin dévasté : mes magnifiques vivaces piétinées, mes plates-bandes couvertes de bran de scie, les trous dans la pelouse, un véritable champ de bataille. J'ai tellement pleuré. J'ai cru ne jamais pouvoir passer de l'ombre à la lumière. Mais c'était sans compter sur la force de la nature et sa capacité de se régénérer. Quand le printemps est arrivé, j'ai commencé doucement à nettoyer les dégâts. J'y allais avec moult précautions pour ne pas écraser malencontreusement une plante cherchant à reprendre vie. Chaque fois que je découvrais la pointe d'une tige, je versais une larme. Elles sont toutes, toutes revenues : les hostas vieilles de vingt ans et les nouvelles que j'avais transplantées avant le grand désastre, la délicate fougère pas pareille comme les autres, l'asclépiade qui m'avait tant éblouie par sa floraison, les brunneras qui avaient été écrasées, les échinacées, les astilbes, les campanules, elles sont toutes là et elles m'émeuvent jusqu'au fond de l'âme. Impossible de dire avec des mots, de montrer avec des photos l'incomparable beauté de la nature qui m'entoure. Mais je veux tenter cet été en faisant appel à mes pauvres moyens de photographe amateur et à mon toujours grand plaisir d'exercer ma plume de vous entraîner dans mon jardin et dans le plaisir sublime d'être présent au moment qui est. Laissons-nous envoûter par les parfums des fleurs, réchauffer par les rayons du soleil sur notre peau, bercer par le bruit apaisant de la pluie qui tombe. "Que c'est beau, c'est beau la vie", comme disait Jean Ferrat.