mardi 30 novembre 2010

Les mots interdits

Ouais, il pleuvait ce soir en sortant du bureau. J'ai décidé de ne pas marcher. De toute façon, je me sentais encore pleine de l'énergie de mon cours de yoga du midi. J'en ai donc profité pour cuisiner. Me semblait que c'était un temps pour ça. J'avais trouvé une recette de carrés aux framboises et aux pommes sur la Toile. Je confirme que les étoiles accordées en guise d'appréciation étaient toutes méritées. Ils sont absolument délicieux.

Comme beaucoup de gens, cuisiner me réconforte. Vous auriez dû respirer l'odeur du gâteau dans le four. C'était exquis. Le bonheur par les voies olfactives. Et comme il y avait des pommes dans la recette, ça sentait l'automne, les jours plus froids et l'envie de s'enfermer dans la maison comme dans un cocon. J'ai presque réussi à me réchauffer complètement l'intérieur. C'est que, depuis ce matin, j'ai le coeur un peu gros.

Je vous explique. La Fille poursuit toujours son périple à l'extérieur du pays et, par le fait même, à l'extérieur de nos vies. Je vous résume le trajet suivi par cette voyageuse devant l'éternel jusqu'à maintenant, soit depuis trois mois : Paris, Milan, Bologne, Padoue, Venise, Beychevelle (pour les vendanges), Bordeaux, Toulouse, Carcassonne, Sète, Marseille, Toulon, Ajaccio et Bastia (Corse), Livourne, Pise, Rome, Naples, Amalfi, Palerme, Catane, et, ce matin, Tunis. Je suis contente. Elle m'apprenait dans son courriel qu'elle s'était bien rendue et que son cyberhôte (traduction de couchsurfer selon ce que je viens d'apprendre) était super sympathique. Elle me demandait de lui envoyer des nouvelles.

Pendant que j'écrivais mes petits riens quotidiens qui, je crois, lui permettent de garder un lien avec nous, je retenais des mots et des phrases. Encore une fois, j'ai gardé en moi l'envie de lui dire à quel point je m'ennuie d'elle, à quel point me manquent sa folie, son amour fou de la nouveauté, son désir de tout apprendre, de tout voir, de tout expérimenter. Je n'ai pas dit que je me languis de son absolue liberté de faire ce que bon lui semble, de ses délires créatifs, de sa gourmandise qui la pousse parfois à regretter d'avoir trop mangé avant de bien sûr recommencer, de son énergie inépuisable qui la pousse à en prendre trop et à ne rien céder, de sa détermination, malgré ses multiples occupations, à garder contact avec tous ses amis quitte à se priver de sommeil, de sa touchante naïveté dans sa façon de vouloir régler certaines situations ou d'aborder certains problèmes. Non, je ne peux pas écrire ça. Je ne veux pas qu'elle culpabilise, si tant est qu'elle serait capable de le faire, parce que sa mère a le coeur en morceaux.

Alors, en tapant encore une fois ces mots "Je pense à toi. Surtout profite bien de ton voyage. Prends soin de toi.", j'ai pleuré en dedans. J'ai presque réussi à me faire croire que je n'avais pas le droit d'être triste, que je ne pouvais pas trouver ça difficile qu'elle ne soit pas là pour Noël. Après tout, qu'est-ce que Noël? Une journée comme les autres. Cette année, en tout cas, ce sera une journée comme les autres. Il va me manquer un morceau. Une partie de moi que l'Homme et moi sommes allés chercher à l'autre bout du monde il y aura vingt ans le 18 décembre prochain. Une merveilleuse petite fille de treize mois, apeurée, qui me scrutait de ses grands yeux. Quel chemin parcouru! Quand je songe qu'elle se prépare à retourner, toute seule, dans son pays pour y reprendre contact avec ses racines, j'en ai le souffle coupé.

Heureusement, il me reste le Fils, mon autre cadeau du ciel, arrivé celui-là le 12 décembre 1987. Le Sage. Le Raisonnable. Le Patient. Le Doux. Celui qui console mon coeur de mère lorsqu'il déborde. Celui qui me répète : "Ne pleure pas. La Fille vient juste de partir. Tu vas te faire de la peine pour rien, trop longtemps." J'imagine que je n'ai pas le choix. À cause de lui, Noël ne sera pas une journée comme les autres. Et, en attendant que notre quatuor infernal soit de nouveau au complet, je vais simplement continuer de terminer mes courriels à la Fille par ces mots "Je t'aime, maman XXXXX".

lundi 29 novembre 2010

Le meilleur est à la fin

Il est 16 h 15. Pour une fois, je suis assise dans le wagon à bestiaux. Je suis fatiguée. C'est pourquoi je ne tiens plus en place à l'idée que je vais bientôt pouvoir arpenter mes trottoirs chéris et respirer à fond l'oxygène qui me fait toujours cruellement défaut à la fin de la journée. Mais en attendant de pouvoir m'évader, je dois me taper la presque heure de trajet de retour et surtout supporter l'odeur répugnante de mon voisin de banc. Dans son cas, l'eau de Cologne et la lotion après-rasage du matin sont choses du passé, si passé il y a eu. Il trempe maintenant dans un curieux mélange de popcorn et de croustilles au fromage, je dirais genre Doritos. C'est vraiment indigeste.

S'il n'y avait que ça. Je suis également entourée de bonnes femmes qui tiennent à tout prix à ce que l'ensemble du bétail partage leur foin quotidien. C'est d'un intérêt nul et d'un ennui mortel. Qu'en ai-je à foutre moi que l'une voit ses enfants une semaine sur deux, que l'autre se tape tous les tournois de hockey de son fils avec le manque de sommeil et de temps libre que cela suppose, qu'une troisième reçoive un appel de son chum lui annonçant qu'il ne peut aller chercher le bambin à la garderie et que cela la mette tellement en rogne que nous devons ensuite faire les frais d'une conversation qui relève du domaine privé?

Je ferme les yeux. Je crois que je vais arriver à sommeiller un peu. Mal m'en prend. Le chauffeur prend un tournant trop brusquement et je me ramasse pratiquement dans l'allée. Heureusement, j'ai le réflexe d'agripper le poteau en face de moi. J'ai sauvé la face et mon derrière!

Enfin, je débarque. Je me dépêche de m'occuper des chattes qui attendent impatiemment derrière la porte l'arrivée de la main qui les nourrit. Me voilà sur le trottoir. Il ne fait pas froid. C'est merveilleux... ou presque. Je constate, à mon grand désarroi, que c'est déjà le retour de la marche d'hiver. L'entraînement prend alors un tout autre sens, particulièrement sur des trottoirs souvent mal nettoyés et par le fait même glissants. C'est le cas ce soir. Je me raidis pas mal au début parce que j'ai peur de tomber. L'analogie peut paraître ridicule mais les conditions climatiques nécessitent un ajustement semblable à celui de la conduite d'une voiture en hiver. Je ralentis donc le pas afin de mieux évaluer la situation. Il y a de la glace noire par endroits. Je devrai donc redoubler de prudence. C'est plate parce que cela veut dire aussi que je ne pourrai pas marcher aussi rapidement qu'à l'habitude. Bon, rien ne sert de se lamenter, il faut partir à pied.

La glace n'a finalement pas été le seul obstacle que j'ai dû affronter. Il y a eu aussi tous les automobilistes furieux d'être pris dans le trafic à cause des travaux toujours en cours sur le boulevard. Pour se dépêtrer du bouchon, certains ont décidé d'emprunter les rues secondaires de mon parcours mais à une vitesse... Je les entendais arriver même en étant branchée sur mon métal. C'est vous dire à quel point ils avaient la pédale au fond et la rage au coeur. Et j'ai aussi suffoqué à plusieurs reprises grâce aux extraordinaires poêles à bois si respectueux de l'environnement et de l'air pur. Entre vous et moi, il faisait 1 degré. Est-ce que cela nécessitait vraiment l'allumage d'un bûcher digne de Jeanne d'Arc? Je ne crois pas.

Je termine avec deux anecdotes qui ont eu le mérite de ramener vers le haut l'étirement des commissures de mes lèvres. Espérons qu'elles auront le même résultat sur les vôtres. Je commence donc avec mon collègue Pompon Brodeur à qui je racontais mes récentes aventures concernant l'hibernation de mes barracudas. Je lui mentionnais que j'allais installer le bulleur cette semaine et je me demandais si mes poissons seraient intrigués par ce nouveau dispositif. Nous nous sommes alors mis à déconner sur ce que peuvent bien faire les poissons dans le fond du bassin pendant les temps froids et nous avons pensé que nous pourrions installer une caméra pour mieux les espionner. Nous venions de créer un concept inédit de télé-réalité : Occupoisson Double!

Et l'autre histoire vient de l'Homme qui m'a permis de vous en parler. C'est qu'il m'a révélé ce soir que la victoire des Alouettes de Montréal au Championnat de la Coupe Grey dépendait en partie de son lui-même. Je n'ai pas suivi la partie mais l'Homme, si. Et il semble qu'à un moment donné nos oiseaux battaient dangereusement de l'aile. C'est là que l'Homme a eu l'idée de s'emparer de sa revue sur le Frère/Saint André et d'invoquer le portier nouvellement promu afin qu'il favorise l'équipe de sa province natale. Il paraît que l'Homme fournissait à mesure les instructions que le Frère/Saint coopératif s'empressait d'exécuter. Il a ainsi neutralisé le quart arrière adverse et fait perdre du terrain à l'équipe honnie. Vous connaissez la suite. Les Alouettes ont gagné. Ça parle au diable!

vendredi 26 novembre 2010

Gare au garage

J'ai vécu une première aujourd'hui : je suis allée au garage avec la voiture. Je suis consciente que c'est ma situation de femme avec homme qui m'avait évité à ce jour d'entrer dans ce lieu masculin par excellence. Tout comme Canadian Tire, le garage fait partie des endroits qui ne m'attirent pas. Je trouve qu'ils puent. Dès que tu y pénètres, tu es assailli par des odeurs de caoutchouc et d'essence. Je n'avais donc pas plus envie de vivre cette expérience que d'effectuer un saut en bungee au-dessus d'un marécage habité par des crocodiles aux mâchoires béantes prêtes à m'avaler. Mais je n'avais pas le choix. Il fallait mettre les pneus d'hiver. J'étais en congé et l'Homme travaillait.

Heureusement, je n'ai pas eu à m'expliquer avec le garagiste. L'Homme avait déjà tout organisé, pris le rendez-vous et négocié le prix. J'avais seulement à laisser la voiture devant la porte. Même ça, je ne trouvais pas ça évident. "Où, exactement, dois-je la mettre? Il y a deux garages au bout de la rue. C'est lequel celui où tu vas toujours?", que j'interroge l'Homme avec insistance. Il m'explique pour la énième fois ce que je dois faire. "Alors, si j'ai bien compris, je laisse la voiture et je m'en vais. C'est simple. J'aime ça.", que je continue un peu rassurée. "Non, tu dois aussi laisser les clés. S'il n'y a personne qui est arrivée, tu peux les déposer dans le trou percé dans la porte pour laisser passer les gaz d'échappement quand les mécaniciens travaillent sur les voitures.", que l'Homme me répond patiemment. "Je savais que ce serait compliqué. Un trou? Où ça un trou? Est-ce que c'est gros? Et où les clés vont-elles tomber?", que je commence à paniquer. L'Homme semble regretter de m'avoir embarquée dans cette galère : "Écoute, c'est facile. Tu es capable de le faire. J'ai confiance en toi. Et cesse de faire toute une histoire avec ça." Je sens bien que son ton n'admet plus de réplique. Je soupire et je me résigne.

Je laisse d'abord l'Homme au travail et me dirige ensuite vers le maudit garage. Évidemment, à cette heure-là, il n'y a pas mécano qui vive. Je stationne la voiture devant la porte comme l'Homme me l'a répété à n'en plus finir. Je sors de l'auto à la recherche du fameux trou. L'Homme a dit qu'il se trouvait en bas, à droite de la porte. Je vois une ouverture d'un diamètre correspondant à celui d'un tuyau d'échappement. J'imagine que c'est là. Je me penche pour y déposer les clés. Impossible de les faire pénétrer à l'intérieur. C'est bloqué. Les clés pendent sur le bord, à peine accrochées à ce semblant de trou. Tant pis que je me dis. Je vire les talons et me sauve presque à la maison.

Mon calvaire n'est pas fini. Je dois maintenant attendre l'appel du garagiste pour aller récupérer la voiture. Misère. Là encore, les instructions de l'Homme n'avaient pas été très claires. "Tu entres, tu paies et tu pars.", m'avait-il énoncé, exaspéré. Quand je dois me présenter pour exécuter dans l'ordre les trois étapes décrétées par l'Homme, je me trouve tout de suite devant une impasse. Il y a deux bureaux. Lequel est le bon? J'entends des bruits en provenance du garage mais je n'ai pas envie d'y entrer. Je choisis une porte et je pénètre. Personne. C'est un bureau de garage comme je l'imagine. Laid. Gris. Plein de poussière. Et ça pue. Il n'y a pas de sonnette pour annoncer notre présence. J'attends. Rien ne se passe. Je sors en espérant croiser un autre client. Peine perdue. Je rentre de nouveau. Sans succès. Je crois bien que je n'aurai pas le choix. Je soupire, sort, et, à reculons, je me dirige vers l'autre porte, celle qui semble mener au garage lui-même.

Là, il y a mécano qui vive. Il est derrière un comptoir brun, laid, et qui pue. "Bonjour, je viens chercher la voiture de l'Homme", que je lui déclare le plus gentiment possible afin de le mettre de mon bord. Je ne veux surtout pas qu'il me pose la moindre question sur l'auto. Je ne connais rien sur ses entrailles et je ne veux pas avoir l'air d'une imbécile, même si j'en suis une. Je me répète : Tu entres, tu paies, tu sors. Je suis entrée. Je suis rendue à la deuxième étape. "Combien vous dois-je mon brave? L'Homme m'a dit 50 $. Les voici.", que je dis rapidement en déposant les billets sur le comptoir, brun, laid, et qui pue. "Est-ce que vous voulez une facture?", que le mécano me demande. Bon, l'Homme ne m'a rien dit à ce sujet. Vite, je dois trouver une réponse : "Euh! qu'est-ce que l'Homme fait habituellement?" Je suis impressionnée ici par mon autonomie de femme libérée. La réponse du mécano finit de m'achever : "Ça dépend." Ça dépend? Que dois-je en déduire? Y a-t-il des tractations que j'ignore entre l'Homme et son mécano? Aurais-je dû remettre les billets dans une enveloppe brune? C'est ça. Le fait que j'aie ainsi déposé l'argent crûment sur le comptoir a dû l'indisposer. Je récupère les billets subrepticement et les glisse sous le comptoir en regardant le plafond, l'air de rien. Le mécano me fait un clin d'oeil et me remet les clés. Je tourne la tête vers l'arrière de la cour et je lui dis : "Elle est là?". Il opine du bonnet.

Je contourne la bâtisse et me dirige vers l'auto. J'ouvre le coffre arrière. Ils sont là. Les pneus dans leur sac de plastique. Et dans les sacs, la marchandise, intacte. Ouf! Le mécano est honnête. Il a laissé les graines de tournesol que les écureuils qui squattent notre garage y ont accumulées tout l'hiver dernier.
_______________________________
Notes touristiques : Je suis à Montréal pour la fin de semaine. C'est pas évident de taper un blog sur l'ordi portable du Fils. Je suis contente. J'ai réussi avant que la pile n'ait plus de jus.

jeudi 25 novembre 2010

Comme des ongles sur un tableau

Je n'ai qu'un sujet en tête depuis le début de la journée. Je n'ai donc pas le choix de vous en parler sinon je vais rester frustrée. Les irritants. Voilà, c'est dit. Je commence par les petits. Tenez, par exemple, en marchant pour me rendre au bureau ce matin, qu'est-ce que j'entends? Le sifflement que laisse échapper un gars pendant qu'il décharge un camion. Il n'y a rien qui m'énerve plus que d'entendre un gars siffler. C'est quoi le problème? C'est que le sifflement ne rime à rien la majorité du temps. Ce n'est pas la reproduction affreuse d'une ritournelle quelconque. Ce n'est pas un signal donné pour annoncer un danger imminent. Ce n'est pas non plus l'imitation du joli chant d'un oiseau. Non! C'est juste un bruit insignifiant qui ne veut rien dire. Bon, je le concède. Dans certains cas exceptionnels, je crois que cela peut être interprété comme un signe de joie de vivre. Pour le siffleur. Certainement pas pour celui qui subit cet horrible bruit qui combine l'utilisation des lèvres, de la langue et des dents. J'hypothèse que la jalousie explique en partie mon aversion pour ce comportement puisque je n'ai jamais vraiment réussi à apprendre à siffler. Sans doute parce que je savais trop bien que c'était une compétence qui ne me servirait aucunement. Je dois avouer, par contre, pour clore ce paragraphe avant qu'il devienne lui aussi un irritant, que je porte une certaine admiration à ceux qui sont capables de siffler très fort avec leurs doigts dans la bouche. Alors, là, chapeau. Maintenant, allez siffler plus loin.

Hier, dans le wagon à bestiaux, j'ai eu à subir un autre irritant, soit celui du gars qui joue avec la monnaie dans sa poche. Pendant une heure, j'ai dû l'entendre tripoter ses cennes sans arrêt. J'avais juste envie de les lui faire avaler une par une en espérant, en prime, qu'il s'étouffe. Tout cela m'a fait penser à l'irritant des irritants pour l'Ami, c'est-à-dire l'accordéon musette. L'Ami prétend que, si on le forçait à écouter cet instrument même pour une courte période de temps, il serait prêt à avouer n'importe quoi... y compris des crimes qu'il n'a pas commis.

Il y a d'autres choses qui m'irritent. Ainsi, je suis toujours enragée d'avoir mal aux pieds, ou au cou, ou aux jambes, alouette. J'ai beau faire de l'exercice, voir le physio et prendre du repos quand ça fait trop mal, rien ne semble y faire. J'imagine que c'est l'âge... un autre irritant.

Ron... Ron... Ron... Ron... Ron... Ron...Zzzz... Zzzzz... Zzzz...

Mais que font ces onomatopées en plein milieu de mon discours? Elles illustrent que j'ai dû interrompre mon écriture pour ma nuit de sommeil. Je dormais littéralement sur mon clavier. Quelques heures de repos ont-elle réussi à calmer mon irritation? Non.

Je poursuis donc sur ma lancée en vous parlant de mon bulleur, appareil censé permettre à mes barracudas de survivre à l'hiver en leur fournissant l'oxygène dont ils ont besoin et, surtout, en empêchant l'eau de geler complètement. Nous en avons acheté un. Nous lisons les instructions pour nous apercevoir qu'il nous manque un morceau, une sorte de valve pour éviter le reflux d'eau. Nous remisons le tout dans la boîte. Nous appelons le magasin pour commander la pièce manquante. Nous devons attendre environ deux semaines. Entre-temps, je me tape le nettoyage du filtre de la pompe actuelle tous les jours. Il fait froid. J'ai les mains gelées. Mais je ne veux pas que mes barracudas chéris se transforment en poissons HighLiner. Depuis quelques jours, il se forme de la glace à la surface du bassin. J'ajoute donc à mes tâches celle de briseuse d'eau gelée. J'ai les doigts tellement engourdis que je songe sérieusement à l'amputation. Pas grave. Les barracudas bougent toujours. Qu'apprends-je à la suite d'un message laissé sur ma boîte vocale? La pièce ne se fait plus. Belle affaire! Je panique. L'Homme reste de glace (avouez que c'est une image qui fait corps avec mon sujet!): "Cesse de t'énerver. Le médecin va être obligé de doubler encore une fois ta dose de médicaments pour ton hypertension. Nous allons trouver une solution." Selon moi, cependant, il ne fait rien. Je décide alors d'effectuer une recherche sur la Toile. Bénie soit-elle cette autoroute de l'information sur laquelle s'entrecroisent des avenues menant à des banlieues pas trop recommandables et des chemins conduisant à de hauts lieux du savoir! Je trouve finalement un site où l'on explique de long en large la façon d'installer un bulleur. Je constate ainsi que, si je pose la pompe à un niveau plus élevé que le bassin, je n'ai pas nécessairement besoin d'une valve. Selon le Fils, à qui j'ai exposé avec enthousiasme mes découvertes, c'est un principe de physique évident que j'aurais dû, d'après ce que j'ai déduit de son ton moqueur, connaître depuis longtemps. C'est pas de ma faute. J'en ai pas fait de cours de physique, ni au secondaire, ni au cégep. Je ne m'en portais pas plus mal d'ailleurs jusqu'à ce que je me lance dans l'hibernation de barracudas. Conclusion : va falloir installer le bulleur au plus vite parce que, ce matin (n'oubliez pas que nous sommes maintenant vendredi étant donné que j'ai dormi entre les paragraphes de cette chronique), la glace était revenue dans la partie profonde où toute ma faune piscivore s'est réfugiée.

Je termine, car il faut bien que je mette un point final à mon éruption, avec l'irritant qui a le plus alimenté ma frustration, soit le fait que je ne suis pas toujours en mesure d'écrire au moment où l'inspiration jaillit. Je portais cette chronique et son sujet depuis le début de la journée d'hier (donc jeudi, car nous sommes maintenant vendredi). J'avais plein d'idées qui me venaient. J'vous dis que des irritants, j'en voyais partout. J'ai été marché après le travail. Comme d'habitude, l'exercice a contribué à stimuler mes neurones. J'avais pratiquement écrit l'entièreté de ma chronique dans ma tête quand je suis arrivée à la maison. Impossible, pourtant, de me jeter sur le clavier. Fallait préparer le souper, puis faire la vaisselle, et un peu de lavage parce que nous allons à Montréal en fin de semaine, commencer les bagages et écouter les délires de Marc Labrèche dans 3600 secondes d'extase. Bref, à 22 h, j'étais prête à écrire... et trop fatiguée pour le faire. Ça m'enrage. Mon texte est bon, mais il était pas mal mieux dans ma tête.

Morale de cette chronique : Si de ton inspiration tu fais fi, c'est adieu que tu lui dis!

mardi 23 novembre 2010

Des nouvelles... si on veut

Court blog sur le mode télégraphique

Revu - Stop - Le petit chat gris d'hier soir. Trop triste encore de l'entendre miauler. Trop dur de le voir se promener entre mes jambes. De toute évidence, il est abandonné. Faudra encore que je fasse quelque chose pour venir en aide à la faune en péril dans mon quartier peuplé d'irresponsables.

Relaxé, vraiment - Stop - À mon cours de yoga donné ce midi par un nouveau prof. C'était tout en douceur. Une façon de bouger qui nous amène dans les postures sans que notre corps proteste d'aucune façon. Une atmosphère de plénitude et d'équilibre que l'on veut emprisonner à l'intérieur de soi pour toujours.

Rué dans les brancards - Stop - Après avoir pris connaissance d'un courriel envoyé par nos dirigeants syndicaux pour nous convaincre de ratifier l'entente de cul qu'ils ont conclue avec l'employeur. J'ai envoyé en représailles mes commentaires vindicatifs aux soi-disant représentants de nos intérêts (mon oeil!). Je n'ai évidemment reçu aucune réponse mais je vais m'assurer d'aller voter NON haut et fort demain midi.

Marché encore avec As I Lay - Stop - Mais j'ai changé de toune. J'avais moins d'énergie qu'hier à dépenser. Il faisait beau. J'ai contourné de peine et de misère le véritable champ de bataille qu'est notre rue devenue depuis plus d'un mois à cause du remplacement du système d'aqueduc. Ce soir, en plus des clôtures, pépines, immenses blocs de ciment, innombrables tuyaux pour l'alimentation d'eau qui serpentent un peu partout, se sont ajoutés des camions qui déversaient du sable ou de la terre ou je ne sais trop quoi dans le trou immense et béant qui ne semble pas vouloir se refermer.

Procrastiné sans fin - Stop - Pour la préparation de ma liste d'épicerie. Tellement que je m'endors là et que je n'arriverai sans doute pas à la faire comme prévu. Dire que je m'impatiente et m'énerve parce que je dois prendre le temps d'écrire sur une feuille la liste des articles à acheter pour remplir mon frigo à ras bords pendant que trop de monde sur la planète crève de faim. Ferme-toi, la Marcheuse, et fais ce que dois.

lundi 22 novembre 2010

Thérapie Métal

Ce soir, je suis allée marcher ce qui me restait de tout croche en-dedans de moi. J'avais réussi hier après-midi à enlever le poing qui m'entrait dans la poitrine. Je ne sentais plus physiquement l'abîme, cet immense vide qui m'habite parfois et qui semble creuser un trou béant dans mes entrailles. En parcourant mes trottoirs, j'avais réussi à comprendre, après les larmes versées, que je portais encore en moi le chagrin de mon adolescence. Dès que je l'ai reconnu, j'ai commencé à me sentir un peu mieux. Il me restait à faire le grand ménage.

Le pire, c'est que j'ai presque décidé de ne pas chausser les espadrilles de la Marcheuse. Il ne faisait pas très beau. Mon voyage debout dans le wagon à bestiaux avait presque eu raison de ma motivation. Et, évidemment, il faisait déjà noir. Heureusement, j'ai croisé l'Homme en arrivant à la maison. Il soupait avant de repartir travailler pour la soirée. En espérant qu'il me fournisse une excuse, je lui ai carrément posé la question : "Donne-moi une bonne raison pour laquelle je ne devrais pas aller marcher." Il m'a répondu aussi carrément : "Je n'en vois aucune." J'ai enfilé mes vêtements de fille des rues et je suis sortie.

Je me suis branchée sur As I Lay Dying. Je suis revenue au CD que je ne cessais d'écouter avant d'aller les entendre en concert avec le Fils. J'avais un bon pas. J'avais de l'énergie à dépenser. Je ne voyais pratiquement rien à cause de la bruine dans mes lunettes et, pourtant, je ne m'appelle pas Ginette (blague pour initiés de ma génération). En tout cas, l'expérience aidant, j'ai senti tout de suite que j'allais me donner à fond.

Les premières chansons ont joué. J'avais le rythme de mes bons jours. Puis, les premières notes de la toune The Blinding of False Light résonnent dans mes oreilles. Et les mots... I see now... I see through the veil of expectation. I see now... I see that conformity is betrayal. Je suis envoûtée. La musique vibre dans ma tête. Je suis dans ma bulle. Tellement que je dois faire attention à ne pas fermer les yeux parce que je veux me centrer sur la voix du chanteur qui crie ce que je sens... Unless followed by transformation, it is pointless to be given sight. Without the hope of our reaction, we overlook the purpose of our eyes. Et là, tout fait un à l'intérieur de moi. Je suis connectée au métal qui explose et le métal, par sa puissance, balaie les vieilles interférences du passé. Je me sens forte soudainement. Je me sens capable d'affronter les fantômes... I see now... I see that conformity is betrayal. With empty eyes I looked ahead, with clarity I now look back.

Je ne sais pas si un observateur extérieur pourrait remarquer un changement dans ma démarche quand je suis ainsi en pleine thérapie métal. Moi je sais que j'accélère beaucoup le pas, que je bouge davantage les bras et que, des fois, je crie fort les paroles, comme ce soir. C'est également toute mon attitude intérieure qui se transforme à mesure que j'intègre les décibels de la batterie, des guitares et des voix. Moi aussi j'existe. Moi aussi je veux être totalement moi... I admit my failure. Opacity has dulled my senses. Conformity controlled by lifeless vices. But now it ends.. But now it ends... But now it ends... C'est le bout où j'ai chanté vraiment fort en tendant mon corps et mes bras en avant. Finalement, ça se peut qu'un observateur extérieur puisse noter l'étrangeté de mon comportement d'athlète des rues. Pas grave... But now it ends, not with defeat but determination... We are freed...

J'ai dû écouter la toune cinq ou six fois. Je voulais que le message entre. Et qu'il s'imprime. Pour enlever la bruine de mes lunettes même si je m'appelle pas Ginette.
____________________
Notes félines : Vous savez comme la nature a horreur du vide... surtout près de mes bols de nourriture pour chats de dehors. J'ai donc fait la connaissance ce soir d'un tout petit chat gris, très affectueux, qui miaulait à fendre l'âme tant il avait l'air de ne pas savoir ce qu'il faisait là. J'espère qu'il ne s'agissait pour lui que d'un égarement temporaire.

dimanche 21 novembre 2010

Coup de poing

Avis : Ce texte pourrait choquer. Tant pis.

Hier après-midi, j'ai fait quelque chose de vraiment le fun. Quelque chose qui m'a aussi bouleversée. Je vais essayer de vous expliquer.

J'ai passé deux heures dans le sous-sol du Pusher à écouter de la musique métal. Un pur délice! J'en suis ressortie avec une nouvelle marchandise choisie, pour la première fois, en collaboration. Le Pusher, il est tellement cool. J'avais été acheté six bières, un sac de chips au jalapeno (c'est sa sorte) et des crottes de fromage (sur lesquelles j'ai manqué m'étouffer pour de bon... mourir bleue sur des notes de métal, y a pire!). Assise sur son divan à l'écouter me parler de chacun des groupes qu'il me faisait jouer, à me faire remarquer les changements de rythme, à s'extasier sur les performances vocales de certains des chanteurs, je n'avais plus 55 ans... 15 ou 16 tout au plus.

J'aurais tellement voulu savoir à cet âge-là que le musique un peu fuckée de mon temps ne comportait pas plus de danger que les ritournelles de Robert Demontigny ou de Michel Louvain. J'aurais voulu savoir que les jeunes qui aimaient cette musique n'étaient pas tous des drogués, des maniaques sexuels, des drop-out finis, des bums. J'aurais voulu faire confiance à des gars qui ressemblent au Pusher avec de longs cheveux jusqu'au milieu du dos, une barbichette à la Viking, un perçage vous ne saurez pas où et un tatouage sur la jambe. Mais non. Comme bien d'autres jeunes de mon époque, j'ai été élevée dans la peur. Et pour ceux et celles d'entre nous qui étaient le moindrement impressionnables, les effets, pervers, ont été désastreux.

Tous les préjugés véhiculés contre ce qui allait à l'encontre de l'ordre établi, de la religion surtout, faisaient que mes congénères et moi passions à côté de nos vies. Quand je pense à certains partys où je ne suis pas allée uniquement dans la crainte qu'il y ait un semblant de fumée suspecte! Quand je pense au nombre de verres refusés juste au cas où je commencerais à être feeling et à avoir du fun! Le fun... c'était défendu. Parce qu'avec le fun, venait la perte de contrôle. Avec le fun, venait le péché. Et il fallait rester pure... je ne sais plus trop pourquoi... ah! oui, pour les bondieuseries.

Et les gars. Et mon côté rebelle. Je l'ai toujours eu, même à cette époque. Mais comme je l'ai refoulé. Comme je l'ai nié. Comme je me suis fait croire qu'il n'avait pas besoin d'exister. Je sais que c'est dur à imaginer mais, du dehors, j'avais l'air d'une fille pas déniaisée. Vous avez pas idée, par contre, comme ça bouillonnait en-dedans. J'écrivais des poèmes... osés. Voyez plutôt ces vers rédigés en 1972 (j'avais dix-sept ans et le cul brûlant de toute évidence) :

J'aime qu'on m'aime
mais personne ne m'aime
J'aime qu'on me caresse
mais aucun n'a assez de tendresse
Pour répondre à mes désirs,
pour répondre à mon plaisir

Je désespérais de satisfaire mes hormones. Entourée d'une couche de graisse que je m'étais fabriquée pour mieux éloigner les quelques rares représentants masculins qui auraient pu être tentés de découvrir ma vraie nature, je m'étonnais de ne pas avoir de chum. Me restait l'écriture. Et mes pulsions :

Quand pourras-tu te rassasier
De mon corps qui ne demande qu'à te satisfaire
Quand pourras-tu me désirer
Sans craindre les représailles qu'on a l'habitude de faire

Étonnamment, au cégep, un gars que je considérais comme vraiment cool, m'invitait régulièrement à aller le rejoindre avec ses amis pour prendre une bière dans une brasserie du coin. Qu'est-ce que je trouvais cool en lui? Son air nonchalant. Sa façon de répondre aux profs. Son attitude de je-m'en-foutisme assumé. Son sourire narquois qui semblait saisir en moi ce que moi-même je me refusais de voir. Bref, je n'ai jamais répondu à ses invitations. Trop peur que la boisson nous enivre et nous entraîne dans la débauche la plus sordide. J'exagère à peine. 

Quelques années plus tard, à l'université, qui c'est qui frappe à la porte de ma chambre à la résidence étudiante? Mon gars cool. Il s'intéresse encore à moi. Étrange, mais pas désagréable du tout car je le trouve encore cool. Un soir, on se donne rendez-vous à la discothèque. On danse. Enfin, c'est un slow. Il me colle pas mal. Et là, me semble que je sens quelque chose de dur qui s'appuie contre mon pelvis. Ayoye! Qu'est-ce qui me revient en mémoire? Pas mes vers cochons et mes hormones au plafond. Non. Le message de ma mère : "Avec les gars, faut toujours s'assurer de ne pas se rendre au point de non retour." Ce fameux point, qui était peut-être le point G finalement, je n'avais pas la moindre idée de l'endroit où il se situait. Je sais seulement que ma mère m'avait répété à des milliers de reprises qu'une fois rendu à ce point, plus moyen de faire comprendre au gars qu'on ne voulait pas aller plus loin. On devenait automatiquement entraîné dans la spirale du désir. Et là, on sait bien ce qui arrivait. On devenait enceinte et on accouchait d'un bébé qu'on élèverait toute seule parce que le gars avait depuis longtemps foutu le camp heureux de s'être rassasié sans responsabilité. Alors, j'ai fait la seule chose que je savais faire : rester pure. Je l'ai donc flanqué là, sur la piste de danse. Sans aucune explication. Je n'ai plus jamais entendu parler de lui.

Faut dire à ma décharge de fille stuck up que, dans le temps, la pilule commençait tout juste à entrer dans les moeurs. Et, justement en parlant de moeurs, il était alors bien vu de dire et de  penser que si une fille demandait à prendre la pilule, c'est qu'elle prévoyait mener une vie de dévergondée et s'envoyer en l'air avec tout ce qui bougeait. Fallait avoir une tête solide, libre de toute interférence, pour s'aventurer sur cette voie. Je ne l'avais pas.

C'est ça qui me trotte dans la tête depuis hier. Il y a les regrets, bien sûr, qui ne servent cependant à rien. Plus important, il y a maintenant la révélation que le côté obscur n'est pas nécessairement celui que l'on croyait. Reste à savoir comment on vit la révélation à partir du moment où elle nous est jetée en pleine face.

vendredi 19 novembre 2010

Simplicité involontaire

Je reviens de chez le coiffeur. Ça m'a fait du bien. Nouvelle couleur. Jasette avec les habituées. Ça m'a surtout remonté le moral. Ouais, parce qu'à 9 h ce matin, j'avais décidé que mon intellect était fort limité et cela m'avait foutu la déprime. Qu'avais-je déjà vécu si tôt dans la journée pour ainsi faire sombrer le navire de ma confiance en moi? J'avais d'abord lu la chronique de Josée Blanchette dans Le Devoir qui traitait du livre écrit par le chef Philippe Laloux, intitulé Le Bonheur de cuire. Je n'en revenais pas du vocabulaire utilisé pour décrire les saveurs, les arômes, les épices, les textures, bref, je me sentais comme une parfaite nouille dans cette casserole raffinée de l'art de bien manger et, surtout, de l'art des fourneaux exprimé de façon aussi dithyrambique. Et que dire des mets suggérés aux papilles des lecteurs et relevés par l'épicurienne chroniqueuse dans trois autres livres de recettes sur lesquels elle dissertait : chappatis au caviar de cannelle et de caloupilé, sabayon de molée en curry, espuma gelé au curry de mangue, cassoulet de haricots borlotti frais, schnitzel d'aubergines au sumac. Snobisme de gens nantis et repus? Peut-être. En tout cas, je ne savais plus trop quoi penser après ma lecture pour le plein bénéfice de laquelle j'aurais eu besoin d'ouvrir un ou deux dictionnaires. Pourtant, le sujet m'intéressait car j'aime cuisiner. Mais, je vous l'ai déjà dit, faut que ce soit simple. C'est tout moi ça. Simple. De là à ce que mon cerveau associe simple à faible d'esprit, il n'y avait qu'un pas que j'ai évidemment allégrement franchi.

Ensuite, j'ai eu une conversation avec l'Ami au sujet d'un concert de musique classique auquel il avait assisté la veille et dont il m'a abondamment fait la critique. Me voilà une fois de plus confrontée aux limites de mon intellect. J'aime bien la musique classique. Pas autant que le métal, c'est évident. Cela n'empêche que je suis toujours heureuse d'accompagner l'Homme au Centre national des Arts. Bien que je puisse me laisser emporter par une oeuvre, je suis cependant incapable d'entendre les fausses notes (à moins qu'elles soient totalement criardes), de relever les passages joués trop vite ou pas assez, tout comme je ne me rends pas nécessairement compte que le soliste n'est pas à son meilleur ce soir-là et qu'il précipite son jeu. Non, moi l'inculte, je profite seulement de mon plaisir d'être là et j'écoute et je prends ce qui fait mon affaire. Mais j'aimerais bien, à l'instar de l'Ami, être en mesure de décortiquer davantage mon plaisir ou mon déplaisir. Hélas! Pour moi, tout est question de feeling. Avouez que ça fait simple, non?

Et, finalement, j'ai eu aussi à admettre que la révision d'une thèse de maîtrise avec ce que cela comportait de détails sur le mode d'emploi de la chose ne serait sans doute pas un travail que je voudrai me taper. Ça aussi, ça a été dur pour mon ego. Je voudrais, à ma retraite, faire de la pige. J'avais là une occasion de tenter une première expérience. La tâche me rebute. Je n'ai pas envie d'uniformiser, de formater, de procéder à des renvois de notes. Je suis devenue découragée en constatant mon manque d'enthousiasme, d'ambition, de désir de m'accomplir en améliorant le travail d'un autre.

Puis, j'en suis venue à la conclusion suivante : j'ai l'âme d'une artiste. Je sens les choses. Je ne les explique pas. Je les vis. Je ne les décortique pas. Je ne veux même pas vraiment les comprendre. Je veux juste le feeling dans mes tripes. Expérimenter à fond. En pleine conscience. C'est simple, non?

mercredi 17 novembre 2010

Des plumes font leur Devoir

Je voudrais vous parler du numéro d'aujourd'hui du journal Le Devoir. Pour souligner l'ouverture du Salon du livre de Montréal, il a été rédigé par trente-trois écrivains. Le résultat est fort intéressant. Je ne pensais pas "lire" une grosse différence puisque la qualité d'écriture des journalistes de ce quotidien se situe déjà, selon moi, à un niveau bien supérieur à celui que l'on retrouve notamment dans les canards de PKP. Mais j'ai quand même noté un petit quelque chose dans la façon dont les écrivains manient la plume. Bien qu'ils commentent l'actualité, ils ne le font pas comme les journalistes. L'information est là, les faits sont exposés, la nouvelle est présentée, mais avec disons... plus de panache. Je crois que c'est ça.

Je trouve notamment que leurs premières phrases sont plus percutantes. Prenez Robert Soulières qui traite d'une exposition d'oeuvres d'art consacrée au jeu vidéo Assassin's Creed. Il débute ainsi : "Écrire le mot "assassin" en anglais ou en français, c'est déjà un exploit en soi, surtout pour les enfants de la réforme : asaçin, assasaint ou hasassceint? Enfin, je vous épargne les multiples appellations incontrôlées pour vous parler d'une exposition d'oeuvres d'art liées au troisième opus de la série Assassin's Creed produite par Ubisoft-Montréal." Avouez que c'est joliment tourné.

Voici un autre exemple, fourni cette fois par Jean-Claude Germain qui discute de l'échangeur Turcot : "Au Québec, un viaduc peut vous tomber inopinément sur la caboche. C'est arrivé! D'ailleurs, on s'y préparait depuis longtemps. Dans ma jeunesse, chaque fois qu'une voiture s'approchait d'un pont qui enjambait une route, on s'empressait de demander aux enfants de baisser la tête et de ne la relever qu'une fois la zone dangereuse franchie." C'est rafraîchissant. Ça se lit comme on entre dans une histoire. Et ce n'est pas étonnant. Après tout, n'est-ce pas ce que les écrivains font tous les jours... raconter des histoires?

Je retiens plus particulièrement le commentaire de Christian Nadeau, intitulé Harper, les écrivains et le monde, où il déplore le fait que notre premier ministre n'a, de toute évidence, jamais suivi les conseils de lecture de Yann Martel. Cela lui aurait permis, à lui et à ses acolytes, d'avoir une vision un peu plus large du monde. Comme le fait très justement remarquer M. Nadeau en citant moult ouvrages rédigés par des écrivains de différents pays, rien ne vaut de prendre connaissance d'une situation à partir des propos des acteurs se trouvant directement sur le terrain. Cela évite de porter des jugements trop rapides ou mal étayés ou encore de prendre des décisions sans vraiment comprendre toutes les facettes d'une problématique. Rien n'est aussi noir et blanc que notre gouvernement veut souvent nous le laisser croire. Conclusion de M. Nadeau : "Des idées et des valeurs, les conservateurs n'en manquent pas. Ce qui leur manque, c'est d'être confrontés à celles des autres." Et j'ajouterais que c'est aussi d'être prêts à les remettre en question et même, ô horreur pour ces biens-pensants, à les changer quand elles n'ont plus de sens.

Je termine ce trop long message sur "l'éclat" de Wajdi Mouawad à propos des "estis d'intellectuels" où il nous enjoint entre autres de nous libérer de la dictature du bruit, celle qui nous fait dire en entrant dans une librairie : "Wow! Tous ces livres que je n'ai pas encore lus!" Et voilà le vent de panique qui nous emporte dans une course effrénée à l'assimilation du plus grand nombre de bouquins possible dans le but pas toujours conscient de pouvoir nous apposer enfin l'étiquette d'intellectuel! L'important ici n'est pas le nombre de livres qu'on lit, mais la conscience qu'on met dans l'acte de lire.

La conscience... faut jamais la perdre de vue si on ne veut pas perdre LA vue.

mardi 16 novembre 2010

Des chats sans les hommes

Je voudrais bien vous parler des quelques humains qui m'ont fait chier aujourd'hui mais à quoi bon? Ils ne valent pas les mots que je devrais utiliser. Je me tourne donc vers les chats, ces merveilleuses bêtes qui acceptent parfois de nous faire partager leur quotidien.

En marchant, ce soir, j'en ai justement rencontré un. Il ressemblait à Mignonne, noir comme du charbon avec une petite tache blanche dans le cou. Mais il n'avait pas ses yeux. J'ai bien sûr un parti pris pour les immenses prunelles vertes de mon bébé-chat-devenu-gros. Alors, ce chat. Il était au bas des escaliers que je venais de grimper et de descendre un peu plus péniblement qu'à l'habitude. Il était assis et il m'observait. Je suis certaine qu'il trouvait que je dépensais de l'énergie bien inutilement. C'est drôle, je n'imagine justement pas un chat sur un tapis roulant. Bref, ce chat. Je n'ai pas pu résister à lui parler : "Salut le beau minet. Qu'est-ce que tu fais là tout seul?" (Il faut lire ici ce monologue avec l'intonation féline que je possède maintenant très bien. Il y a un accent tonique sur "minet" et un autre sur "seul". Ne pas oublier non plus d'adopter un ton empathique qui invite à la confidence.) J'ai dû bien formuler mon message car il m'a répondu. C'est encourageant. Je poursuis donc la conversation : "Est-ce que tu es perdu? Est-ce que je peux te flatter?"  Il s'est approché. Il a reculé. Il s'est avancé de nouveau. J'ai tendu doucement la main (tout doit être fait en douceur avec les minets) et j'ai tenté une amorce de caresse sur le dessus de la tête. Il a aimé ça. Après, c'était gagné. Je l'ai gratté sous le menton, derrière les oreilles, sur le dos. On s'est salué et on a pris chacun notre bord.

J'aime le comportement des chats. Ils vivent dans leur monde mais dans nos affaires. Des fois, je les trouve bizarres et ça me les rend encore plus sympathiques. Prenez Mignonne, par exemple. Vous savez que nous avons eu une souris dans la cuisine il y a environ deux mois. Eh! bien, je crois que ma chatte n'a pas encore compris que la représentante de la gent trotte-menu avait quitté les lieux pour de bon. Non, tous les soirs, elle se poste aux aguets, devant les armoires de cuisine, et elle attend. Pas Godot. Plutôt la minuscule souris grise qui avait l'habitude de se promener sur le comptoir. Mignonne prend son rôle au sérieux. Elle ne bronche pas. Elle est installée pratiquement au milieu de la cuisine. Il faut la contourner pour atteindre l'évier, ou le lave-vaisselle, ou les armoires. Pas grave. La chasseresse continue de fixer je-ne-sais-trop-quoi devant elle. En tout cas, elle n'abandonne pas la partie. Et si elle voyait ce que nous, nous ne voyons pas?

Et la Reine-Marguerite? Elle est étrange, elle aussi. Je viens justement de l'apercevoir sur mon lit, lovée littéralement sur mon pantalon que j'ai abandonné là avant de me changer pour aller marcher. C'est son dada à elle. Même s'il y a toujours une couverture en laine au pied du lit pour mes deux minettes, la Reine-Marguerite préfère, et de loin, se rouler en boule et ronronner sur mes vêtements toutes les fois qu'elle le peut. Une autre de ses marottes? Si j'ouvre un tiroir et qu'elle se trouve dans les parages, elle va immanquablement s'y glisser pour dormir.

J'aime les chats. Malgré leur nature indépendante et leur caractère pas toujours facile, ils savent donner l'heure juste. Si je ronronne, tu es mon ami. Si je suis toutes griffes dehors, gare à toi!
___________________________
Notes pédestres : Toujours la noirceur. Mais il faisait un temps magnifique. Sous une partie de lune, je me suis branchée sur les vieilles tounes de In Flames, une des premières livraisons du Pusher. C'est encore le plaisir d'écouter du bon métal!

lundi 15 novembre 2010

Tout est dans la tête

Ça m'enrage. Le temps froid est revenu et, avec lui, les fumeurs qui sortent dehors assouvir leur passion en étant pratiquement déshabillés. Pourquoi cela me dérange-t-il? Tout simplement parce qu'ils ne semblent jamais attraper leur coup de mort même s'ils vont piétiner les trottoirs en petits talons hauts, ou en chemise avec le col grand ouvert, ou en robe courte à ras les fesses, ou emmitouflés d'un beau châle... avec des trous. Ce n'est pas que je leur souhaite de devenir "consomption", comme on disait dans le temps. Non, c'est la jalousie qui m'étreint car moi je serais branchée à un soluté si je faisais la moitié moins que ça.

Je vous donne un exemple. Je porte un chapeau tout l'hiver. C'est quétaine, mais c'est chaud. Là où je me distingue des fumeurs, c'est que si j'ai le malheur de sortir sans mettre mon couvre-chef ou encore si je l'enlève trop tôt au printemps, je suis faite. Immanquablement, j'attrape un rhume. Même chose si je ne me couvre pas bien le cou. Dès que je sens un courant d'air, bingo! Je viens de gagner un mal de gorge carabiné. Me semble que c'est pas juste. Je fais attention à me garder au chaud, à m'habiller en fonction de la température, et je ne peux me permettre aucun écart. Les accros à la nicotine, eux, sortent plusieurs fois par jour, sous toutes les conditions météorologiques, et ils ne semblent pas s'en porter plus mal. Si je fais exception de la toux chronique qui semble être une constante dans leur population, je ne détecte aucun visage bleui par le froid, ni d'engelures fatidiques qui les empêchent de tenir leur cigarette.

Je me souviens que ma mère aussi protestait contre cette injustice de la vie à l'égard des prudents et des sensés. Ainsi, elle s'assurait toujours que nous portions des vêtements chauds pour sortir l'hiver. Elle n'hésitait pas à serrer un foulard par-ci (elle avait d'ailleurs développé une technique d'enrubannage assez complexe qui consistait à placer le centre du foulard sur notre front, à le croiser en arrière de notre tête et à le faire passer ensuite autour de notre cou pour l'y nouer solidement), ou à ajouter une paire de mitaines par-là. Et, au printemps, il n'était pas question d'abandonner notre "canadienne" avant que la température ait atteint un degré qui satisfasse le baromètre maternel. Pendant ce temps, de l'autre côté du spectre, il y avait tous les amis de la rue qui passaient l'hiver avec la guédille au nez, le manteau ouvert à tous vents, les mains nues rougies par le froid. Devinez qui était malade? Ouais, nous. Au grand dam de notre mère qui n'y comprenait rien. J'imagine que l'on ne devait pas être en mesure de se fabriquer des anticorps sous nos nombreuses couches de vêtements.

Alors que faire? Je ne vois pas trop. Et je n'ai surtout pas envie d'essayer de me promener à moitié habillée pour tenter le sort. Me reste la jalousie. C'est pas beau, mais c'est tout ce que je peux opposer à une aberration contre laquelle je ne peux rien.

Et la tête? Qu'est-ce qu'elle vient faire dans ce message? C'est surtout à cause de mes barracudas. Vous savez qu'ils ne sont pas morts. Pour le moment, ils survivent très bien dans leur bassin. En fin de semaine, j'ai un peu décoré les abords de leur habitat pour les mettre dans l'esprit des Fêtes qui s'en viennent. J'ai donc placé un petit renne au nez rouge près de l'eau. C'est mignon. Les poissons aussi aimaient ça. Vous auriez dû les voir s'énerver et s'approcher du nouveau venu pour l'examiner plus attentivement. J'ai raconté ça à mon collègue Pompon Brodeur en lui disant : "Ils sont tellement curieux et taquins, ça n'a pas de bon sens." Ce à quoi il m'a répondu : "Sais-tu c'est quoi la durée maximale d'attention d'un poisson? Six secondes. Alors, peux-tu imaginer qu'ils ont le capacité de constater qu'il y a un cervidé sur le bord du bassin? Le temps qu'ils s'en rendent compte, ils ont tout oublié!" J'ai trouvé ça drôle. Puis, je me suis demandée si nous n'avions pas, dans notre cerveau, une partie aquatique encore en activité. Cela expliquerait notre inattention maladive à l'égard des agissements de nos politiciens qui sont de toute façon probablement atteints, eux aussi. Pensez-y six secondes : "Nos soldats vont revenir en 2011." "Nos soldats vont poursuivre leur mission jusqu'en 2014."

samedi 13 novembre 2010

Femmes libérées... c'est pour quand?

C'est rare que je m'insurge contre ma situation de femme. Et pour cause. Je suis chanceuse. J'ai été élevée par une mère qui ne croyait pas à l'asservissement pour ses filles, mais bien à leur total épanouissement. Elle ne cessait d'ailleurs de nous répéter que nous devions étudier pour ne pas dépendre d'un homme : "Si vous avez une bonne profession qui vous permet de bien gagner votre vie, vous ne serez jamais prise au dépourvu." Et elle était pleinement appuyée par mon père à cet égard.

Puis un jour, j'ai rencontré l'Homme. Justement sur le campus de l'université où nous faisions tous les deux nos études. Eh! bien, je suis tombée pile car l'Homme, bien qu'il cède de temps à autre aux penchants de son sexe, est lui aussi un tenant de l'indépendance. Il est donc tout sauf contrôlant. Je l'adore pour ça. Jamais de questions du genre : "Où étais-tu? Avec qui? Pendant combien de temps tu vas être partie? Pourquoi t'as changé ta couleur de cheveux sans m'en parler? Quand est-ce que le repas va être prêt? Où sont mes pantalons? Est-ce que tu as repassé ma chemise?" Mais je n'ai pas toujours réalisé à quel point c'était merveilleux d'être une personne à part entière. Une personne libre de prendre ses propres décisions. Une personne respectée pour ce qu'elle est. Une personne acceptée comme elle est. Je ne le réalisais pas parce que je croyais que c'était comme ça que le monde fonctionnait partout. Ah! la naïveté de la jeunesse dorée. En entrant de plain-pied dans la vie adulte, j'ai bien vite déchanté en constatant que mon sort était loin d'être partagé par toutes les femmes et que, même les batailles gagnées, devaient souvent être reprises. Rien ne semble en effet jamais acquis dans l'égalité homme-femme.

Aujourd'hui, en dépouillant les journaux, deux articles m'ont renvoyé en pleine face la triste situation encore vécue par une trop grande majorité de femmes. Tout d'abord, il y a eu La Presse qui a fait sa une avec la photo d'une jeune femme haïtienne complètement défigurée par un compagnon violent qui lui a lancé de l'acide de batterie de voiture dans le visage. Elle est maintenant aveugle et porte des cicatrices affreuses. Comme si ce n'était pas suffisant, son bourreau est venu la visiter à sa sortie de l'hôpital et il en a profité pour la violer et la mettre enceinte. Révoltant? Et comment. C'est cette détresse qui constitue malheureusement le quotidien d'un grand nombre de femmes en Haïti que le journaliste dénonçait. Mais les Haïtiennes qui vivent ces situations sont seules pour se débattre. Avec un pays en déroute où les catastrophes ne cessent de s'accumuler, croyez-vous qu'il reste des ressources pour aider les femmes?

L'autre nouvelle, rapportée par Le Devoir, est plus inquiétante car plus proche de nous. La Cour suprême de la Colombie-Britannique doit se prononcer sous peu sur la légalité de la polygamie au Canada. On se demande si, en criminalisant cette pratique suivie par différentes religions, on ne va pas à l'encontre de la fameuse Charte des droits et libertés. Évidemment, la liberté des femmes, advenant que l'on permette la polygamie, en prendrait pour son rhume. D'aucuns diront qu'elles ont choisi de vivre ainsi. Peut-être. Est-ce un choix éclairé? Et pleinement assumé dans tous les cas? Permettez-moi d'en douter.

Savez-vous aussi ce qui me dérange dans tout ce dossier? C'est la situation des enfants. La malédiction qui leur échoit lorsqu'ils sont plongés dans des milieux où la femme n'a pas le droit d'exister à part entière. Voilà qu'ils deviennent les témoins forcés d'actes de violence horribles, qu'ils sont obligés d'entendre des paroles blessantes, des paroles qui tuent. Et comment peuvent-ils se bâtir un avenir, penser à faire des études quand ils se battent tous les jours pour trouver de la nourriture, pour se protéger des adultes censés les protéger, pour garder un semblant de confiance en eux-mêmes ou dans la société? Je sais, c'est un peu bête de ma part, mais je n'avais jamais réalisé à quel point la liberté des femmes est intimement liée à la liberté de grandir des enfants.

Aujoud'hui, je me suis plainte au Fils du fait que je n'avais pas cessé de cuisiner depuis le matin et j'ai même osé ajouter : "J'aimerais donc ça être un homme pour avoir seulement à m'asseoir et manger!" Dans un autre univers que le mien, j'aurais reçu une claque. Le Fils est plutôt venu m'aider à faire la vaisselle.
______________________________
Notes pédestres : Maudit qui fait noir de bonne heure. Hier, il était à peine 16 h 30 et j'ai dû marcher en faisant bien attention où je mettais les pieds. J'avais oublié à quel point notre quartier est mal éclairé. C'était un peu déprimant. Heureusement, y avait déjà des lumières de Noël. Mais, à bien y penser, était-ce vraiment moins déprimant que la noirceur?

vendredi 12 novembre 2010

Au-delà du réel

Je pense que les gens sont capables de lire dans mes pensées. Bon, je vous vois sourire et vous moquer de moi. Vous croyez sans doute que j'ai respiré un peu trop de l'hélium de Vanessa. Que non! Je ne vous en parlerais pas si je n'avais pas noté le phénomène deux fois plutôt qu'une aujourd'hui.

Je vous raconte. Je me dirigeais vers l'arrêt d'autobus en fin de journée. Devant moi, un jeune couple enlacé comme cela se produit seulement au début d'une relation. Moi, derrière, je me dépêchais car je ne voulais pas rater mon wagon à bestiaux. Comme nous arrivions près de la porte qui mène au quai d'embarquement, je me passe la réflexion suivante (je précise ici que je parlais à mon moi-même,  pas à haute voix) : "Bon, c'est bien beau l'amour, mais j'trouve qu'ils ne marchent pas vite. Et puis, ils prennent toute la place. À cause de ça, je ne peux pas vraiment les doubler. Je devrai donc ralentir le pas et patienter jusqu'à ce que les tourtereaux, ne pouvant se laisser d'une plume, traversent finalement la porte." Ça m'énervait. Je comprenais qu'ils se sentaient seuls au monde. En même temps, je trouvais qu'ils aurait dû se rendre compte que les gens ont hâte de retourner chez eux et qu'ils ne veulent pas rater leur autobus. Juste au moment où je me préparais à prendre mon mal en patience et à trottiner derrière eux, le jeune homme laisse la taille de sa compagne. Il jette un coup d'oeil par-dessus son épaule, me voit, et s'efface pour que je puisse passer la porte avant eux. Je n'en revenais pas. C'est comme s'il avait entendu mon discours intérieur précisément au moment où je le prononçais. J'étais presque gênée lorsque je suis arrivée à leur hauteur. Me semble que le gars me regardait avec l'air de dire : "Allez la vieille baderne. T'es-tu contente là? Tu vas pouvoir le prendre ton cher autobus!"

Je me suis dit que j'avais imaginé tout ça. Que c'était seulement un hasard. Jusqu'à ce que... un peu plus tard, dans l'autobus cette fois, je commence à remarquer le manège de la jeune femme assise devant moi. Elle avait des cheveux bouclés que je trouvais personnellement laids. Ce qui me tapait vraiment sur les nerfs, c'est qu'elle enroulait une mèche autour de son doigt et qu'elle tournait la mèche en question, et la retournait, et la roulait encore comme pour essayer d'augmenter ou d'améliorer le volume de ses boucles. Comme à l'habitude, nous étions tassés les uns sur les autres et j'avais son maudit derrière de tête dans ma face. Et son doigt qui reprenait une autre mèche et qui recommençait à tourner sans fin. Je n'en pouvais plus. En-dedans, j'explosais : "Tes cheveux sont monstrueux. Tu auras beau prendre une mèche après l'autre pour tenter de faire semblant d'avoir l'air d'avoir des boucles, ça marche pas. Tes cheveux, ils retombent tout croches dans ton dos!" Et là, je l'ai vu. Le gars assis en biais de moi. Au même instant, j'vous jure, où je me passais ces paroles pas gentilles dans la tête, il m'a regardée. Et j'ai eu la nette impression qu'il avait lu dans mes pensées. Ses yeux me fixaient comme si j'étais la personne la plus méchante qu'il ait jamais rencontrée. Une fois de plus, malaise. Tellement que je n'osais plus regarder la fille aux boucles. J'avais juste hâte que les deux débarquent. Et moi aussi.

Peut-être que la soeur Psy aurait une explication. J'imagine que j'ai juste utilisé ces personnes pour refléter ma culpabilité d'être aussi intolérante envers les autres. C'est plate. Je préférerais plutôt être dotée de pouvoirs paranormaux. Me semble que dans mon cas, ça se peut!

jeudi 11 novembre 2010

La vie (ou la mort) au bureau - Le meurtre prémédité

(quatrième épisode du feuilleton clérical le plus populaire sur la Grande Toile - voir les épisodes précédents publiés les 6, 12 et 21 octobre)

Diantre qu'elle haïssait Vanessa! Celle qui devait l'aider à supporter l'ennui du quotidien au bureau, lui éviter les obligations cléricales insignifiantes, lui permettre de s'évader pour faire vraiment ce qui l'intéressait, bref, ce sosie gonflable de son soi-même était en train de devenir sa pire ennemie.

Son immobilisme, qui aurait dû la restreindre à un rôle de tâcheron, ne cessait de lui occasionner du travail en supplément. Non, mais, se serait-elle jamais portée volontaire pour organiser le party de Noël sans la collaboration tacite de cette insignifiante marionnette en latex? Et aurait-elle jamais imaginé gagner le concours du plus beau costume à l'Halloween? Juste l'idée de participer à cette activité censée favoriser l'esprit d'équipe lui donnait des haut-le-coeur. C'était encore une fois grâce, ou plutôt à cause de cette stupide Vanessa, qu'elle avait remporté ce prix ridicule. Mais parlons-en justement de ce fameux concours et de l'amoncellement de bonbons qui en constituait le premier prix! Ne voulant pas gaspiller et cédant au fameux dicton qui veut que l'oisiveté mène inévitablement à la gourmandise, elle avait pris plus de dix livres en deux semaines. Elle ne pouvait même plus entrer dans le costume de poupée gonflable qu'elle avait finalement réussi à dénicher et qu'elle devait, si vous vous en souvenez bien, porter à la fête de Noël.

Il fallait mettre un terme à cette aventure abracadabrante avant que cela atteigne un point de non retour. Aussi, depuis quelque temps, elle se creusait en vain les méninges pour trouver une façon de se débarrasser de la désormais trop encombrante Vanessa. Ce n'était pas une tâche si facile que ça pouvait sembler de prime abord. C'est que Vanessa lui ressemblait beaucoup, du moins par sa taille. Elle mesurait quand même un peu plus de cinq pieds. Elle faisait aussi dans le pas trop léger puisqu'elle pesait environ soixante livres. Enfin, elle prenait pas mal de place depuis qu'elle n'entrait plus dans sa boîte. Eh! oui, comme sa propriétaire avait perdu le truc-machin qui permettait de la dégonfler, elle avait dû élaborer un stratagème pour rendre Vanessa le moins visible possible. Elle l'accotait donc sur le porte-manteau en la camouflant sous ses vêtements le jour, et l'assoyait à son bureau le soir.

Dans son ardent désir d'éliminer la poupée non grata, elle avait tenté diverses manoeuvres pour arriver à ses fins. Elle avait notamment songé à simplement mettre Vanessa dans la poubelle qui se trouvait en face de la petite cuisine de l'étage. Un matin, très tôt, elle avait réussi à la soulever et à la traîner jusqu'au contenant qui lui servirait de cercueil. Après avoir ouvert l'immense couvercle, elle avait plongé la poupée tête première dans les déchets. Hélas! elle eut beau pousser, peser, écraser, tapocher, rien n'y fit. Vanessa avait toujours un morceau de son anatomie qui s'obstinait à empêcher le couvercle de fermer. De guerre lasse, elle ramena la victime dans son cubicule.

Une autre fois, elle pensa à jeter Vanessa dans le chantier de construction situé de l'autre côté de l'immeuble. Ce serait parfait puisque les ouvriers faisaient exploser des charges plusieurs fois par jour à différents endroits du terrain. Un soir très tard, elle sortit discrètement du bâtiment en compagnie de Vanessa qu'elle avait installée sur une chaise pour mieux la transporter à l'endroit de son dernier repos. Du haut du onzième étage, elle avait cependant mal évalué la hauteur de la clôture qui ceinturait le chantier. Impossible de seulement soulever la poupée et de la lancer de l'autre côté. Elle décida alors de grimper sur la chaise, de hisser péniblement Vanessa jusqu'à elle et de la faire passer par-dessus la barrière. Hélas! elle eut beau tirer, s'agripper, frapper, menacer, sacrer, rien n'y fit. Vanessa restait pliée en deux en haut des madriers et refusait de collaborer à son exécution. Elle n'eut pas le choix que de la ramener et de la laisser, comme à l'habitude, assise sur sa chaise en face de l'ordinateur.

Ce matin, elle avait trouvé. Elle avait apporté de la maison un long couteau à la lame acérée. "C'est le cas de le dire, ma vieille, aujourd'hui tu te fais trouer la peau", marmonnait-elle en sortant de l'ascenseur. "Eh! félicitations pour ta prime au rendement. C'est bien mérité.", lui claironna un collègue en l'apercevant. "Qu'est-ce que tu racontes? De quoi parles-tu?", l'interrogea-t-elle. "Ah! ben, c'est vrai, tu n'as évidemment pas encore vu le courriel envoyé par le patron. Il a décidé de récompenser celui d'entre nous qui a démontré le plus de professionnalisme et de dévouement dans son travail. C'est sûr qu'avec toutes les heures supplémentaires que tu as faites le soir au cours des dernières semaines, on n'avait aucune chance. En tout cas, d'après ce qu'il a écrit dans son message, le patron semble très impressionné par ta capacité de concentration. Il dit que tu passais des heures devant l'ordi sans même prendre le temps de te lever pour faire une pause. Coudonc, c'est presque pas humain ça!"

mardi 9 novembre 2010

Incroyable mais vrai

Si quelqu'un m'avait dit que j'aurais cet après-midi un entraînement aussi formidable, je lui aurais montré le doigt (le vilain, évidemment) ou je lui aurais lancé un "Va te faire foutre!" retentissant. Pourquoi? Pour la simple raison que j'avais pris congé aujourd'hui pour un rendez-vous chez le Doc et un autre chez le Physio. Dans les deux cas, j'avais obtenu des résultats très médiocres : une tension artérielle quand même assez élevée et une séance de taponnage de vertèbres qui m'avait laissée en morceaux. J'avais l'impression qu'un rouleau compresseur m'était passé dessus!

Bref, je ne savais pas si je trouverais le courage et l'énergie pour arpenter les trottoirs. Je tergiversais. Je procrastinais. Il y avait un soleil resplendissant dehors et je savais qu'il ne faisait pas froid parce que j'étais déjà allée prendre l'air pour les raisons invoquées au paragraphe précédent. J'ai finalement pris mes espadrilles à deux mains et j'ai décidé de me lancer en me disant que l'important c'était de participer. En fait, j'avais prévu une marche de santé qui ne nécessiterait pas d'efforts surhumains de mon moi magané.

Je me branche comme les derniers jours sur "All That Remains", je respire un bon coup et, de façon toute naturelle mais étonnante compte tenu de mon état physique, je choisis un rythme assez rapide. Pour une fois, j'étais habillée exactement comme il convenait. J'avais juste assez chaud et pas vraiment froid. Je pouvais aussi sentir les rayons du soleil à travers mes vêtements. Avouez que c'est un cadeau en plein mois de novembre! J'entame donc mon parcours avec, au fond de moi, la conviction que ça ne durera pas et, qu'au prochain coin de rue, je recommencerai à avoir mal partout en retrouvant mon chemin de Damas.

Que non! Tout, tout était d'une facilité déconcertante. Je marchais pratiquement sans douleur. Je sentais mes pieds parfaitement ajustés à mes chaussures. Aucun pli énervant dans les bas, aucune miette, brindille ou autre cochonnerie qui m'agace parfois et qui fait en sorte que je suis obligée d'arrêter pour secouer mon espadrille. En plein hiver, quand ça m'arrive, je rage... mais pas aujourd'hui. Et l'inflammation sur le côté du pied gauche était à peine perceptible. Rien en tout cas pour nuire à mon plaisir de pratiquer mon activité physique préférée.

Vous allez rire mais je trouvais que même les écouteurs, que j'enlève des fois pour les remettre en place et les réinstaller à répétition, semblaient se fondre à mes oreilles. C'est comme si je n'en n'avais pas et que la musique était simplement dans ma tête. Je me sentais tellement légère. J'ai eu un plaisir fou. Et j'attribue aux facteurs suivants mon état de grâce :
  1. Avoir un Physio qui sait peser sur les bons vertèbres.
  2. Avoir un besoin viscéral de la marche pour assurer mon bien-être physique et mental, d'où le numéro 3.
  3. Être incapable de résister à une belle journée ensoleillée.
  4. Écouter du métal favorise indubitablement l'adoption d'un rythme rapide, surtout dans les escaliers.
  5. Suivre un cours de yoga d'une heure et demie la veille d'un entraînement, ça prépare au succès.
  6. Pratiquer une respiration guérissante, ça marche.
  7. Remercier Dieu et tous les autres d'être simplement en vie pour apprécier le moment présent.
________________________
Notes félines : À tous ceuzécelles qui trouvent que l'obésité de la Reine-Marguerite n'a pas de limite, sachez que, selon les savants calculs que j'ai effectués aujourd'hui, soit pesée avec l'obèse et pesée sans l'obèse, cette Raminagrobis féminine a perdu 2 livres depuis un an. À bon entendeur, salut!

dimanche 7 novembre 2010

Entre deux élans

Est-ce l'entraînement? Après tout, ça fait deux jours de suite que j'arpente les trottoirs avec bonheur et vivacité. Ou est-ce la faute de cette grosse cucurbitacée de citrouille qui m'a entraînée dans une véritable frénésie culinaire résultant en la concoction d'une soupe, de deux douzaines et quelque de biscuits et de deux pains? J'opte pour le premier point d'interrogation. J'ai les jambes mortes, les cuisses encore en traction et la face gelée. Mais je me sens vraiment, vraiment bien.

C'est comme si j'avais atteint un niveau de relaxation genre zen. Je sais qu'il y a encore des affaires qui devraient m'énerver mais je m'en fous. C'est comme si j'avais bu une bière La Vache Folle ou plusieurs coupes de vin. Tenez, à la fin de mon parcours, j'ai fait un arrêt au supermarché pour acheter de la salade, des bananes et un pot de betteraves. On dirait le Petit Chaperon Rouge et son panier, trouvez pas? Me manque que les galettes et le petit pot de beurre pour Mère-Grand. Bref, je m'installe en ligne à la caisse rapide. Y'a plein de monde et la pauvre caissière est seule pour s'occuper du service soi-disant rapide et du comptoir de courtoisie. Vous savez, les billets de loto et les caisses de bière.

Mais moi je ne suis pas pressée. J'ai gardé mes écouteurs et je suis dans ma bulle All That Remains. J'attends tranquillement. La chanson est drôlement bonne. Et je n'ai envie de parler à personne de toute façon. "Aye! sa ti du bon sens! Y'appelle ça la caisse rapide!", que j'entends subitement mon voisin d'en arrière me crier par la tête. Faut dire qu'il n'était plus derrière moi mais plutôt accoté sur le rack des chips à côté de moi. Un peu plus et je ne l'entendais pas. De fait, je ne crois pas que je l'aurais entendu. Si j'ai dû reconnaître sa présence, c'est qu'il était dans ma face. Je n'ai pas enlevé mes écouteurs. Je me suis contentée d'acquiescer poliment en esquissant un semblant de sourire. Je ne me sentais pas dans une humeur pour chialer. Je pense que je l'ai assez fait ces derniers jours. Et puis, je n'ai plus l'énergie pour ça. J'ai juste envie de vivre le calme en dedans.

On va dire que je prends le temps de recharger mes batteries. Je ne peux pas vous laisser, cependant, sans lancer une salve en direction de ma cible favorite. Les munitions me sont fournies cette fois par la journaliste Rima Elkouri du journal La Presse : "Le sentiment d'impuissance, alimenté par le désenchantement (ou est-ce le contraire), pousse bon nombre de citoyens au décrochage politique. Le bien-être personnel devient la seule chose qui compte. Le reste est vu comme la météo, en moins intéressant. Il pleut, c'est fort dommage. Mais qu'est-ce qu'on peut bien y faire?". Tout, mes chers amis, tout. Pour cela, il faut rester éveillé, continuer à poser inlassablement les mêmes questions, demander des comptes, exiger des résultats et, surtout, détacher notre regard de notre foutu nombril.

À méditer, en gardant notre calme.

samedi 6 novembre 2010

Un lourd silence

Avouez que c'est pas tous les jours qu'on trouve le nom de son grand-père à la une d'un journal. C'est pourtant ce qui m'est arrivé ce matin en lisant Le Devoir. Je vous rassure tout de suite. Je n'ai pas appris qu'il était mêlé à de vieux scandales mettant en cause pédophilie ou homicide non élucidé. Non. Il figurait plutôt dans un article de la journaliste Isabelle Paré qui traitait de culture et de censure où on dressait en fait un portrait de l'aide accordée par les gouvernements à la culture à partir du début des années 1920. On y expliquait notamment comment l'aide a d'abord été versée par un État censeur qui s'est transformé graduellement en État encenseur.

Voici donc le contexte. L'année : 1929. "L'ombre des robes noires plane toujours sur le Québec. Une loi vient d'être votée pour soumettre à la censure toutes les affiches de cinéma, divertissement jugé encore douteux par le clergé. Au pays du Ouimetoscope, le gouvernement Taschereau récidive pourtant un an plus tard pour étendre sa censure à toutes les images liées aux "vues animées" imprimées dans les journaux. Je suggère, lance Aldéric Blain, député de Dorion, que la loi s'étende aussi aux revues, rapporte alors Le Devoir."

Aldéric, c'est mon grand-père maternel. Je savais qu'il avait été député. D'abord défait aux élections fédérales de 1925, il a été élu en 1927 comme député du gouvernement du Québec dans la circonscription de Montréal-Dorion. Dois-je vous préciser qu'il exerçait sous la bannière conservatrice? Son intervention du paragraphe précédent ne laisse aucun doute en tout cas sur les valeurs qu'il défendait. J'aurais bien aimé le connaître. Malheureusement, il est mort à l'âge de 56 ans bien avant ma naissance. Je sais de lui seulement ce que maman nous en racontait. Je viens d'en apprendre un tout petit peu plus ce matin.

C'est drôle parce que moi, sa petite-fille, j'ai justement visionné un film sur la censure hier soir en compagnie de l'Ami. J'avais envie de vous en parler mais je ne savais pas trop comment amener le sujet. Merci Aldéric. Grâce à toi, c'est maintenant chose faite. Alors, plus un documentaire qu'un film, Howl décrit le début de la carrière du poète américain Allen Ginsberg dont le long poème en prose intitulé Howl, écrit en 1955, a entraîné son éditeur dans un procès pour obscénité. Cette oeuvre est considérée comme l'une des plus importantes de la Beat Generation, au même titre notamment que le roman On The Road de Jack Kerouac. Obscène? Peut-être. Fallait-il cependant essayer de censurer sa publication et, pour ce faire, tenter de prouver que les mots utilisés par Ginsberg, parce qu'ils étaient considérés comme trop crus, n'étaient pas nécessaires? C'est ce que l'avocat de la poursuite a tenté de faire lors du procès comme le rapporte le film. Parfois, c'en était presque risible. Demander à des experts en littérature de justifier le mérite de l'oeuvre ou d'expliquer certains passages plus "dérangeants" semble relever de la pure fiction. Et pourtant...

Même si le juge a finalement décrété que l'oeuvre de Ginsberg pouvait être diffusée, je suis sortie du cinéma avec un goût amer dans la bouche. C'était beau d'entendre le magistrat parler de la différence entre les individus et de l'importance d'avoir accès à une multitude de points de vue, d'idées et d'opinions. Et lorsqu'on comprend qu'entendre ne veut pas nécessairement dire approuver, me semble qu'on ne devrait jamais songer à la censure. Se mesurer à des concepts nouveaux, ça ouvre l'esprit à la réflexion. Ça permet d'entrevoir autre chose que nos préjugés et nos visions toutes faites. Lentement, un chemin se fraie. C'est celui de la liberté de pensée, de la liberté de décider pour soi. C'est sûr que ce doit être mauditement plus facile de gérer une armée de robots qui pensent tous de la même façon. Dès qu'il y en a un qui ose sortir des rangs, il se fait tout de suite repérer et ramener au bon sens commun. Vous trouvez que j'exagère? Informez-vous. Posez-vous des questions sur les décisions prises en ce moment par un certain gouvernement de droite relativement aux organismes d'aide humanitaire qu'il soutient ou non selon que ces derniers distribuent des bibles ou encouragent l'utilisation du condom. Sur les organismes culturels qui reçoivent ou non du financement selon qu'ils font la promotion de notre beau pays ou traitent de thèmes trop embarrassants. Sur les regroupements de femmes qui se retrouvent avec des budgets coupés parce qu'elles revendiquent leurs droits en faisant trop de bruit. Sur les nombreux groupes communautaires qui tentent désespérément d'avoir de minuscules budgets pour donner des services à des gens défavorisés, des laissés-pour-compte considérés comme persona non grata. Sur l'accès renié à l'information, sur la difficulté d'obtenir des documents qui jetteraient entre autres un éclairage sur le recours à la torture, sur la conclusion d'accords pas toujours négociés selon les règles, sur des renseignements scientifiques qui viennent contredire ce que l'on tente de nous faire croire au sujet des changements climatiques, des sables bitumineux ou des gaz à effet de serre.

Parfois, il faut des mots crus pour dénoncer, pour réveiller les consciences. Tant qu'à prendre le risque de sortir des rangs et avant de se faire remettre à sa place, aussi bien oser au max. Je vous laisse avec le début du poème de Ginsberg et vous invite à en lire plus sur ce grand cri de liberté :

I saw the best minds of my generation destroyed by
madness, starving hysterical naked,
dragging themselves through the negro streets at dawn
looking for an angry fix,
angelheaded hipsters burning for the ancient heavenly
connection to the starry dynamo in the machinery of night, ...
_____________________
Notes pédestres : J'ai eu droit à mes premiers flocons de neige cet après-midi et, avec la musique du groupe All That Remains dans les oreilles, j'en ai apprécié uniquement la beauté. Au diable le froid!

vendredi 5 novembre 2010

Des trottoirs et des hommes

C'est dur à croire mais je n'ai pas fini de déverser mon fiel. Ce soir, je crache donc sur cette société dont l'indifférence n'a d'égal que son nombrilisme. Et ils dégagent tous deux une odeur nauséabonde de plus en plus insupportable. Qu'est-ce donc que cette soi-disant vie organisée entre êtres humains qui ne s'offusque même pas de voir certains de ses membres dans la rue? Moi ça me tord les boyaux quand on me tend la main. Parce que moi je ne sais pas ce que c'est que d'avoir froid, d'avoir faim ou, pire encore, d'être seul. Mais je peux fort bien l'imaginer, par exemple, et ça me rend malade de faire partie d'un système qui tolère l'intolérable.

J'entends déjà des voix s'élever pour me lancer que ces gens ont choisi d'être là, qu'ils ne veulent pas travailler, qu'ils préfèrent se laisser vivre, ou boire, ou se droguer. Peut-être que c'est vrai pour certains d'entre eux, mais ça n'excuse d'aucune façon notre je-m'en-foutisme si à la mode. Et que dire alors de notre regard d'aveugle de privilégié tellement bien développé qu'il arrive à voir sans voir. Non, mais, n'est-ce pas un beau progrès ça, mesdames et messieurs? Y a vraiment de quoi être fier! Désormais, on peut magasiner tout en contournant habilement sur le trottoir les personnes qui nous demandent de l'argent pour manger. Et si on accepte de leur jeter un oeil, la réponse fuse, toute prête : "Désolé, mais je n'ai rien pour vous. C'est que je dois me dépêcher pour aller chercher le rosbif que je vais servir ce soir sans compter l'arrêt que je dois faire ensuite à la SAQ pour acheter la bonne bouteille de rouge que je vais m'envoyer derrière la cravate." Et l'on continue son petit bonhomme de chemin. Zut! en voilà un autre un peu plus loin. Il est habillé en guenilles. Il fait froid et il n'a pratiquement rien sur le dos sauf un genre de poncho sale. C'est vraiment pas drôle. Bon, c'est bien beau ça mais on ne peut pas se mettre en retard et quitter les magasins sans avoir acheté une énième paire de pantalons. Au diable ceux qui gèlent!

J'étais au centre-ville d'Ottawa aujourd'hui. J'y ai revu sur le trottoir un homme assez jeune avec qui j'avais brièvement conversé il y a quelques semaines. Il avait surtout retenu mon attention parce qu'il était accompagné d'un chien et d'un chat, sa famille comme il dit. Il se cherche en ce moment un endroit où demeurer pendant l'hiver. C'est pas facile parce que les refuges n'acceptent pas les animaux de compagnie des itinérants. On peut les comprendre. En même temps, pour ces gens, ces animaux sont souvent les seuls êtres vivants qui leur démontrent de l'affection. Et pour la plupart ils en prennent vraiment bien soin préférant souvent se priver de nourriture pour que leurs compagnons à quatre pattes puissent manger à leur faim. J'ai fait ma petite part. Mais après, quand je suis entrée dans le Centre Rideau, c'est drôle, j'avais pu envie de grand-chose. Je trouvais qu'il y avait un caractère proprement indécent à cette abondance de marchandises exposées un peu partout. De toute façon, y avait même pas ce que je cherchais : un abri pour une famille de trois...

jeudi 4 novembre 2010

Zone de turbulence

Bon, ben, faut que je vous parle de rien parce qu'il ne m'arrive rien. Voyons un peu quelles sont les anecdotes qui ont meublé mon plate quotidien des dernières 48 heures? Tiens, pourquoi pas des aventures à bord de l'autobus? Ce matin, j'ai eu le grand plaisir de partager (j'utilise ici ce mot dans son sens le plus large) mon banc avec une grosse lectrice qui prenait toute la place. Elle avait ouvert son gros livre et l'avais mis en équilibre sur un gros sac. Ses bras étaient déployés de chaque côté du livre pour bien tenir les pages immobiles. C'était de toute beauté de voir ça. Pendant ce temps, j'essayais de ne pas glisser sur le plancher toutes les fois que l'autobus freinait un peu brusquement ou prenait un virage trop abruptement. Une bonne grosse demi-heure de plaisir en perspective! Laissez-moi vous dire que j'en ai eu pour mon argent, soit pour les 92 $ que la Société de transport de l'Outaouais ose me demander chaque mois pour me faire chier chaque jour. En tout cas, moi qui peux être une avide lectrice, j'ai eu ce matin envie de faire une Jacques Demers féminine de mon moi-même et de proscrire la lecture à bord des autobus. Je vous le dis, si je ne m'étais pas retenue, je l'aurais frappée à l'aide de son gros livre.

Il faut dire que j'avais encore bien incrusté dans ma mémoire corporelle mon voyage de retour de la veille au soir dans un de ces charmants wagons à bestiaux. J'avais laissé passer devant mon nez trois de ces merveilleux véhicules chargés d'êtres humains désireux, j'en suis certaine, de retourner à leur foyer dans autre chose qu'une étable ambulante. Mais comme je devais retrouver l'Homme à une heure dite, à un moment donné, je n'ai pas eu d'autre choix que de me joindre au troupeau. Encore une fois, j'ai été obligée de m'accrocher à un poteau. Je me sentais tellement misérable que j'avais envie de pleurer. Je n'en peux plus de rester debout pendant un trajet d'une heure, en promiscuité totale avec des étrangers, à respirer leurs lotions après-rasage, leurs shampoings floraux et leurs parfums puants de chez Avon. Si ce n'était que ça. Je dois aussi supporter la musique qui sort de leurs écouteurs. Je sais, je sais, ça m'est déjà arrivé à moi aussi de me laisser emporter par mon enthousiasme métal. C'est la soeur Psy qui l'a dit. Il paraît que l'Homme et elle ont enduré le son de mes écouteurs pendant le trajet vers Wildwood cet été. Eh! bien, ils auraient dû me le dire. J'aurais baissé le son. Mais dans l'autobus, même s'il y a des affiches qui invitent les gens à faire preuve de considération envers leurs voisins quand ils se branchent à des écouteurs, il n'y a rien à dire. Rien à faire. Faut endurer, c'est tout. Un jour, je vais en étrangler un. Avec ses écouteurs.

Je ne sais pas ce que j'ai. J'ai la patience à zéro. Mais j'ai l'agressivité au max. Je n'arrive pas à totalement comprendre ce qui m'arrive. J'en veux au monde entier et à personne en particulier. Je suis notamment enragée de voir des gens prendre leur retraite avec leur santé en moins. Surtout quand ce sont des gens que je connais. Toutes ces années à bosser en aspirant chaque jour un peu plus à la liberté de son temps. Et voilà que ce temps dont nous devions profiter est désormais compté? Serré. Et les projets qu'on voulait réaliser? Envolés. Et on garde le sourire et le courage parce qu'on est une force de la nature et une source d'inspiration. Moi je veux juste sortir de là avec ma santé physique. Pour ma santé mentale, je crois que c'est moins sûr. En attendant, longue et heureuse vie de retraité à toi J-G.

mardi 2 novembre 2010

Bête comme mes pieds

Je vous écris gelée. En fait, j'ai les deux pieds sur la glace. Blessures d'athlète obligent. Je ne veux pas l'admettre. Je ne veux pas ralentir. Mais j'ai une inflammation sur le côté du pied gauche et une autre sous la plante du pied droit. Je déteste. Et je ne me soigne pas. Je n'y pense jamais. Une fois les espadrilles enlevées, une fois mon corps immobilisé, je ne sens presque plus rien. Jusqu'à ma prochaine sortie sur les trottoirs. Ou, je vais l'avouer, lorsque je me lève de ma chaise au bureau après m'être trop longtemps prélassée dans la position assise. J'ai l'air d'une baderne.

En parlant de vieille chose justement, vous auriez dû me voir cet après-midi. Je croyais que j'allais mieux. Pourtant, la douleur ressentie en enfilant ma chaussure aurait dû déclencher en moi une quelconque inquiétude. Que non! J'ai marché mais j'ai fini en boitant. Et comme j'ai mal aux deux pieds, je ne savais plus trop sur quel pied claudiquer. Si j'avais eu mon cell avec moi, je crois bien que j'aurais appelé l'Homme pour qu'il vienne mettre un terme à ce parcours du combattant, parcours que j'ai à peine raccourci, bien évidemment. Je voulais en profiter. Il faisait beau soleil. D'ailleurs, j'étais habillée un peu trop chaudement. Et puis, j'avais manqué le cours de yoga. Fallait tout de même que je me nettoie le cerveau!

Elle est finie la complainte du phoque en Alaska. Je poursuis en vrac. Hier soir, en me dirigeant vers la maison après être descendue de l'autobus, j'ai fait la rencontre du chien d'un voisin nouvellement emménagé. C'est le pendant de Mignonne. Je vous raconte. Je passe d'abord devant sans vraiment le voir. Puis j'entends un minuscule "Wouf". Je me retourne et je l'aperçois. Un petit chien blanc adorable qui, en voyant qu'il avait réussi à capter mon attention, se couche sur le côté et m'offre son bedon à flatter. Pareil comme Mignonne! Je n'ai pas pu résister. Sa propriétaire m'a dit que c'était son numéro de charme. Ça a marché avec moi en tout cas. Je suis littéralement tombée en amour avec cette bête. 

En parlant de bête, j'ai lavé Mignonne ce soir. Me semblait que j'avais encore vu une puce. Et comme j'ai décidé de traiter mes félines avec des huiles essentielles plutôt qu'avec des produits chimiques, je me suis mise à douter de l'efficacité du traitement. Ne pouvant me résoudre à changer mon approche en médecine douce, j'ai cru qu'un bain avec un peu de shampoing ne pouvait pas faire de tort. Premier hic : comme je n'avais pas de shampoing anti-puces, j'ai utilisé le shampoing à la banane de l'Homme (hum! me semble que cette suite de mots prête à confusion mais je sais qu'en vous concentrant, vous pouvez suivre mon idée). Alors, je ne sais pas si mon intervention sera efficace. Deuxième hic : ça ne me tentait pas vraiment de mouiller Mignonne complètement. J'ai donc opté pour un demi lavage, soit du milieu du corps jusqu'à la queue (encore des mots que je regrette déjà). Si les puces ont pris la poudre d'escampette, il y a fort à parier qu'elles se trouvent toutes sur la tête de Mignonne en ce moment. Dire que je viens de lui donner un gros baiser entre les deux oreilles pour me faire pardonner. Eh! c'est quoi ça, sur le clavier?

lundi 1 novembre 2010

Quand le rêve devient réalité

Je l'avais finalement devant moi. L'experte des ressources humaines. Celle qui détient la clé de mon cubicule de fonctionnaire. L'entretien n'a pas été long. Je n'avais pas plus de questions à poser que lors de mon contact téléphonique. Et elle n'avait pas grand-chose à me dire finalement, sauf qu'il y a plus de papiers à remplir pour sortir que pour entrer. Elle a pitonné trois fois sur son ordi "pour me sortir les chiffres". Des chiffres? Quels chiffres? Et pourquoi faire? J'ai déjà coupé le cordon. Je suis à moitié partie et ce ne sont pas des chiffres qui me feront changer d'avis.

Bon, bien, il paraît qu'il faut quand même parler chiffres pour sortir de prison. Faut même parler d'années de service. C'est la durée de la sentence en fait. Dans mon cas, je croyais qu'en me rendant au 11 juillet, date de mon premier jour d'emprisonnement, j'aurais cumulé 34 longues années derrière un bureau. Il semble que non. J'ai oublié de déduire ces journées où je me suis révoltée et où je suis allée dans la rue pour protester de mon pauvre sort.

Les journées de grève. Je suis sortie sur les trottoirs toutes les fois que le syndicat l'a demandé. J'ai porté des pancartes. J'ai scandé des slogans. J'ai tenté d'empêcher les gens d'entrer. Et j'ai été évidemment privée de paie. Mais je ne regrette absolument rien. Si c'était à refaire, je serais encore dehors avec mes compagnons et compagnes d'infortune. Je suis solidaire jusqu'au bout. C'est pas sans raison que j'ai baptisé mon bassin l'Étang Michel-Chartrand. Vous voyez le lien?

Mais la solidarité a un prix. Et je le paie maintenant. Si je veux avoir une pension calculée pour 34 années de sévices (oups! lapsus volontaire), je dois travailler jusqu'au 21 août! Pas question. Le 23 juin, c'est ma dernière offre. Après, je pars en vacances prolongées.

Et comme tout se tient dans ma vie (enfin, j'essaie que ça se tienne), je fais ici le lien avec un concours organisé par le journal Le Devoir auquel j'ai participé aujourd'hui (ben oui, j'ai eu le temps!). Alors voilà. Il fallait voter pour LA chanson québécoise la plus intimement, physiquement, intrinsèquement nôtre. J'ai choisi Un air d'été de Pierre Bertrand et j'ai envoyé le texte qui suit pour expliquer mon coup de coeur :

"Je ne peux lier cette chanson à aucun fait particulier de ma vie, ni à aucun endroit où je l'aurais entendue pour la première fois. Ce que je sais, par contre, ou plutôt ce que je sens, c'est que chaque fois que je l'entends, je fonds. Peu importe où je me trouve, j'ai un sourire qui se colle dans ma face. Dès les premières notes, je ferme les yeux et je suis partie. Je rêve de mes vacances, passées et à venir. Mais, surtout, je me sens tellement bien en dedans. C'est comme si les paroles prenaient vie : "Un air d'été, tout léger, tout léger, tout léger..." Et me voilà moi aussi toute légère, prête à partir, prête à recommencer : "Prière de ne pas déranger, je suis en vacances." Merci Pierre pour ce bonheur instantané à tout coup assuré!"

Faites l'exercice pour le plaisir ou rendez vous sur le site du Devoir pour participer. Ou encore laissez un commentaire à la suite de ce message. Vous allez vite constater que ce n'est pas si facile que ça de trouver une seule chanson marquante. Mais c'est sûr que si j'avais à voter pour la musique qui me fait vraiment vibrer, celle qui m'a réveillée de ma torpeur, celle qui continue d'alimenter mon âme, j'aurais crié : METAL!!!!